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Le tutorat de Little Princess (séance 14)

 



                Peut-être était-ce l’appréhension de revoir Thomas qui fut à l’origine de mon cauchemar dans la nuit de mardi à mercredi. Peut-être aussi que mes récits envahissent mon inconscient sans, évidemment, que je m’en aperçoive.

 

                Je suis assise dans le bureau de mon Directeur de Licence. A côté de moi, Thomas. En face de moi, le bureau et mon Directeur de Licence assis derrière.

Plein de questions auraient pu me submerger : « Comment m’étais-je retrouvée là ? Qu’est-ce que Thomas faisait là ? Où était ma famille ? ». Mais non. Bizarrement, je savais parfaitement bien que Thomas était mon tuteur et qu’il me surveillait de A à Z, qu’il était responsable de moi.

                Bref, mon Directeur de Licence commença :

-          Monsieur Legendre (Pourquoi ? Je suis certaine que ce n’est pas du tout le nom de famille de Thomas !), je vous ai convoqué aujourd’hui pour parler de Lucie. En effet, Lucie a dépassé les bornes et je voulais vous informer que j’ai convoqué un conseil de discipline à son encontre.

J’avais déjà vécu cette « convocation » en conseil de discipline, mais aucun de mes proches n’était impliqué, et encore moins Thomas !

A cette annonce, Thomas me fit le regard noir qu’il me fait en général lorsqu’il est furax. Il me montra ses genoux en m’ordonnant : « Viens ici ! ». Bouche bée, je ne répondis pas, ne bougeai pas. Il n’allait quand même pas me punir devant mon DL, si ?! « Viens ici, Lucie ! Je ne le répèterai pas ! ».

 

11h30. Mon réveil sonne, me sortant de ce terrible cauchemar. Seulement, la réalité me secoua tout autant : dans une heure, je dois prendre la route pour aller chez Thomas, nous avons quelques comptes à régler.

 

 

                Pour une fois, je sonne au lieu de frapper à la porte. Il vient m’ouvrir. Je passe au pipi-room puis nous discutons de façon détendue pendant plusieurs minutes ; la réouverture des concerts et la finale de Koh-Lanta sont nos principaux sujets de conversation.

 

-          Bon, Lucie, nous allons maintenant passer au bilan, si tu es d’accord ?

Je déteste lorsqu’il me pose la question. Je n’ai pas le choix d’être d’accord ou pas ! Je suis là pour ça ! Et puis, rien que le fait d’avoir fait le trajet montre mon consentement (légèrement masochiste) à me prendre une misère considérable parce que je suis incapable de m’auto-frustrer. Bref.

-          Oui.

-          Ok, très bien. Alors allons-y.

 

Ma licence est terminée. Depuis novembre, j’ai un tutorat extrêmement strict, comme je n’ai jamais eu. Thomas est sans nul doute le plus déterminé, strict et intransigeant des tuteurs/tutrices que j’ai eus jusqu’à présent. Résultat : ma moyenne générale pour ce semestre passé avec Thomas est de 16,75/20, chose qui n’était jamais arrivée. Thomas a la capacité de pouvoir me recevoir régulièrement (et donc de remettre les choses d’équerre presqu’immédiatement), ce qui n’est pas négligeable.

Thomas m’a forcée à travailler plus que d’habitude, bien que j’aie également pris énormément de temps de relâchement. Cette moyenne de 16,75 aurait clairement pu être encore plus élevée, si j’avais utilisé la totalité de la capacité de mon « super-cerveau ». Nous aurions presque pu fixer le barème des notes à 17/20 au lieu de 15/20. Mais 15, c’était déjà très bien !

                Thomas me félicite pour mes notes. Sur les vingt-quatre notes récoltées durant le semestre, seules quatre sont en-dessous de 15/20. Je le remercie pour son investissement.

 

                Pour le reste du bilan, tout laisse à désirer. Depuis la fin de ma licence (le 22 mai), je ne fiche plus rien. Je me couche à pas d’heure, je fais grasse mat’ sur grasse mat’, je passe ma journée à regarder des séries en jouant aux Sims… Je ne me bouge que de 16h à 19h pour aller faire du baby-sitting, quatre jours par semaine, jusqu’au 6 juillet. D’ailleurs, mardi, parce que j’avais la flemme de bouger, j’ai inventé un gros mensonge à la maman des enfants pour justifier mon indisponibilité à garder ses rejetons. Tout ça parce que j’avais la flemme. Bilan ?

-          Mon médicament est pris de façon plus qu’aléatoire

-          Le couvre-feu n’est quasiment jamais respecté

-          Mon régime alimentaire passe à la trappe

-          Le sport est aux abonnés absents

-          Le stage intensif d’anglais que je dois effectuer durant l’été est réduit à néant.

 

Forcément, ça n’allait pas.

 

-          Lucie, je vais te demander de te lever et d’aller allumer la lumière.

Je pris le parti d’obéir tout de suite pour voir si c’était effectivement « moins pire », comme l’avait annoncé Thomas à plusieurs reprises.

-          Enlève ton sous-vêtement et va au coin.

Thomas dut se dire qu’il y avait anguille sous roche : puisque j’avais opté pour la coopération aujourd’hui, j’obéis sans broncher.

-          Retourne-toi, Lucie.

J’obéis, me retrouvant face à Thomas.

-          Bien. On va parler de tes notes. Bien que je sois satisfait de ton travail, il y a quatre notes en-dessous de 15/20, soit onze points. Tu peux me rappeler le barème ?

-          Quarante coups de ceinture par point en-dessous de 15.

-          Ça fait combien ?

Je calcule vite fait mais me refuse à dire le chiffre. Je me fais tout de même violence et annonce :

-          Quatre-cent-quarante.

-          C’est ça.

Là, je me dis clairement que je ne vais pas survivre. Personne ne survit à ça. C’est juste inhumain. Thomas reprend :

-          Puisque tu as vraiment eu d’excellents résultats, au lieu de prendre quarante coups par point, je te donnerai quarante coups par matière où tu as eu une note en-dessous de 15/20. Il y en a quatre. Je vais donc te demander de t’allonger, Lucie.

 

Douche froide. L’injustice m’envahit et je suis au bord des larmes. Même si j’ai pris plusieurs moments de relâchement, j’ai travaillé ! Plus que d’habitude ! Toutes ces heures de travail, d’acharnement, de prises de tête sur la tournure des titres des parties et sous-parties d’un exposé, sur l’interprétation des sujets, sur la relecture pour améliorer la syntaxe… Toutes ces heures à m’arracher les cheveux sur les devoirs de science de la grammaire, de littérature française, de CHIMIE (je précise au passage que j’ai réussi à atteindre 16/20 de moyenne en chimie ! Le graal !). Tout cela pour rien. Que je travaille ou pas, la sentence est la même : je reçois une bonne fessée. J’étais condamnée à cent-soixante coups de ceinture, même après tous les efforts fournis.

 

Je m’allongeai sur la méridienne et commençai à compter et encaisser les coups. Avec ce sentiment d’injustice, j’avais vraiment du mal à supporter la douleur. Je me demandais d’ailleurs pourquoi je devais la supporter alors que je n’avais rien fait de mal, si ce n’est ne pas atteindre le barème fixé pour quatre notes sur vingt-cinq. Thomas me disait qu’il était satisfait, voire très satisfait de mon travail, mais à croire les coups de ceinture qu’il me donnait, je ne le croyais pas. En plus de l’injustice, je me sentais trahie : s’il était satisfait, pourquoi me punissait-il quand même ?!

 

Je compte le quatre-vingtième coup et fonds en larmes. Ça y est, je craque. Je m’assois sur la méridienne et dis à Thomas :

-          Pourquoi est-ce que tu me punis quand même alors que j’ai tout fait pour te rapporter de bonnes notes ?

-          Parce qu’il y avait un barème en place, Lucie. Et selon ce barème, j’aurais dû te donner quatre-cent-quarante coups de ceinture !

-          Oui ben là, clairement, je n’aurais pas survécu alors ça ne sert à rien…

-          Je sais, et c’est aussi pour te montrer que je suis satisfait que j’ai réduit le barème à la note plutôt qu’au point.

-          Mais si tu es satisfait, pourquoi est-ce que tu me punis quand même ?

-          Parce que je te l’ai dit, Lucie, il y a un barème !

-          Oui mais clairement, là, j’ai l’impression que j’ai travaillé pour rien, que j’ai fais des efforts pour rien. Quoiqu’il arrive, que je travaille ou pas, je suis punie. Donc autant que je ne travaille pas…

-          Lucie, je le répète, je suis très satisfait de ton travail ! Nous sommes vraiment sur un barème d’excellence, là ! C’est l’excellence que je te demande et tu as réussi à l’atteindre ! C’est vraiment super ! Ce que je souhaite, c’est qu’à travers le barème, ça te motive à aller encore plus loin !

-          Mais c’est tout le contraire qui est en train de se produire ! Ça me démotive totalement ! Je trouve cela hyper injuste ! Comme je te l’ai dit, que je travaille ou pas, je suis quand même punie ! Donc clairement, autant que je ne travaille pas, ça me facilitera la vie !

Thomas réfléchit quelques secondes puis dit :

-          Si je trouve une autre option, je ne veux pas que tu te dises à la rentrée : « La dernière fois, je n’ai pas été punie alors autant ne rien faire ! »

-          Non, je ne me dirai pas ça.

-          Je l’espère ! Je veux que tu saches que…

-          …Tu appliqueras le barème quoiqu’il arrive, oui, j’ai bien compris. Seulement, là, je trouve cela injuste et j’ai même plus envie de continuer.

-          Bon, écoute. Ce que je ne veux absolument pas, c’est que ça te démotive. Donc je te propose quelque chose : tu as déjà pris la moitié, je réserve l’autre moitié en sursis pour la rentrée. Si jamais tu ne travailles pas à la rentrée…

-          Oui, oui, j’ai compris.

-          On fait comme ça, alors ?

-          D’accord.

-          Très bien, dis-moi quand tu seras calmée.

-          C’est bon, je le suis, dis-je en séchant mes larmes.

-          Très bien.

Thomas et moi soufflâmes quelques secondes, puis Thomas reprit :

-          Nous allons passer au couvre-feu. Tu te souviens qu’il était triplé ?

-          Oui.

-          Je t’épargne les lignes. Mets-toi debout face à l’ordinateur et dis-moi la première phrase.

-          Je m’excuse de ne pas avoir respecté le couvre-feu le 15 avril.

 

Il y eut une vingtaine de dates… fois trois. Cette séquence se révéla un véritable bras de fer entre Thomas et moi. Ma volonté de coopérer avait disparu d’un coup, laissant place à la « Lucie rebelle » que je suis en permanence.

A force de mettre mes mains pour me protéger, Thomas me prévint une unique fois :

-          Si tu remets encore une fois ta main, tu passes allongée sur la méridienne !

-          Oh nan, sérieux… priai-je.

Même si les fessées debout étaient très douloureuses, elles valaient mieux que celles que je recevrais allongées sur la méridienne.

Au fond de moi, je me posai quand même la question : « Va-t-il le faire ou pas ? ». En général, il n’y a pas qu’une seule menace, il y en a plusieurs. Allait-il se répéter ou directement passer à l’acte ?

Je remis ma main, Thomas m’attrapa et m’allongea sur la méridienne. Bon, ok, il ne rigolait vraiment pas !

                A partir de là, les fessées se révélèrent plus douloureuses, plus compliqué à supporter ; d’autant plus qu’il était beaucoup plus aisé pour Thomas de me bloquer les deux mains afin que je ne puisse pas me protéger !

 

                Toutes les fessées tombèrent, y compris celles pour les « putain », les « mais c’est bon, là ! » et toutes les autres formes d’insolence qui s’étaient manifestées. Plus je continuais, plus Thomas sévissait. Après la dernière fessée supplémentaire pour insolence, je me dis qu’il était vraiment temps de me calmer si je voulais pouvoir m’asseoir dans ma voiture pour rentrer chez moi. Il fallait que j’admette que Thomas ne lâcherait rien, ni aujourd’hui, ni jamais. Je perdrais, quoiqu’il arrive, et les fessées s’avèreraient de plus en plus salées.

 

-          Au coin, mains sur la tête !

J’allai au coin… sans les mains sur la tête. Cela me valut une bonne fessée au coin, chose que je déteste plus que tout. Je me tins ensuite correctement.

 

-          Viens ici, Lucie.

J’obéis.

-          On va parler de l’anglais. Va t’allonger sur la méridienne.

Je m’exécutais à reculons, en soupirant.

-          Rappelle-moi ce qui a été fait en anglais, m’ordonna Thomas.

-          Rien, répondis-je. Rien du tout.

Et la fessée commença à tomber. Elle était costaude et difficile à encaisser. Thomas alternait entre main et planche ; mais il n’y a pas à dire, c’était sa main qui me faisait le plus souffrir.

-          Arrête ! le priai-je. Stop ! Stop !

-          Tu l’as fait, ton anglais, ou pas ?!

-          Non…

-          Alors pourquoi j’arrêterais ?!

Effectivement, il n’avait pas tort. Mais cette fessée devenait insupportable. Vraiment. Heureusement, elle ne dura pas longtemps.

 

                Thomas me renvoya au coin. Je me mis pas mes mains sur la tête. Je repris une fessée sur la méridienne. Il me renvoya de nouveau au coin. Je tins les mains sur la tête quelques minutes… puis les baissais. Thomas me fila de nouveau une fessée, au coin. J’en avais plus que marre. « JE N’AI PAS ENVIE DE METTRE MES MAINS SUR LA TÊTE ! » avais-je envie de lui hurler. Mais puisqu’il ne cédait pas, je n’avais pas le choix.

 

-          Viens ici, Lucie.

J’obéis.

-          Que vas-tu faire pour l’anglais ?

-          Je vais chercher un prof et commencer les séances du programme.

-          Quand ?

-          Demain.

-          Je compte sur toi, Lucie. Vraiment. Comme pour le reste ! Le médicament, le couvre-feu, etc… C’est important !

Thomas me prit dans ses bras et me répéta qu’il comptait sur moi. Cela me donna envie de le rendre fier ; j’espérais juste que cette envie ne soit pas éphémère !

 

                Il me fallut deux heures pour rentrer chez moi. Vive les bouchons parisiens !

                Après avoir mangé avec un lance-pierre, je filai au théâtre. Ma troupe et moi répétons pour notre prochain spectacle, début juillet. Pendant le tout premier exercice, la relaxation, j’avais bien du mal à tenir en place avec mes fesses endolories !

                En rentrant à la maison le soir, je pensai à l’éprouvante séance d’aujourd’hui et me dis qu’il allait vraiment falloir que j’anéantisse cette semi-léthargie que j’avais inaugurée il y a deux semaines. Heureusement, grâce à Thomas, j’étais motivée à l’abolir !

 

A suivre…

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  Dimanche 15 octobre 1950        Neuf heures : maman vient me réveiller. Le dimanche, nous allons à la messe qui débute à dix heures et demie. Du coup, maman nous lève relativement tôt pour pouvoir vérifier que tout le monde est bien apprêté pour le Seigneur.          A la messe, nous nous consacrons entièrement au Seigneur. Victor et Gus font partie des enfants de chœur qui servent la messe aux côtés du père Antoine (qui n’est autre que le grand frère de papa), ils se doivent d’être irréprochables !        L’église est le seul endroit où j’arrive à me tenir sage longtemps car j’aime beaucoup chanter. Cependant, je n’aime vraiment pas la sortie de messe. Mes parents et grands-parents ont toujours des tas de gens avec qui discuter et moi, ça m’ennuie beaucoup ! Victor et Nono proposèrent alors de nous ramener à la maison pour que les adultes puissent continuer à discuter tranquillement ; papa accepta.          Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous effectuâmes les mêmes

Un joli fantôme du passé (Chapitre 19)

  -           Quoi ?! s’exclama Manon. Depuis quand tu as une petite copine ?! -           Cela fait plusieurs mois maintenant, répondit papa. Peut-être cinq ou six. Je voulais être sûr que cela fonctionne. Il est maintenant temps de vous la présenter. -           Cinq ou six mois, et tu ne nous en parles que maintenant ?! s’offusqua mon frère. -           Je vous signale qu’avant d’être votre père, je suis un homme qui a le droit à sa vie privée ! milita papa. -           Non ! protesta Manon. Non et non ! C’est ton tout premier job d’être notre père ! Tu nous as toujours dit que tes enfants passaient avant tout ! -           C’est le cas, se défendit papa. Cela ne veut pas dire que je dois tout vous dire ! -           Bien sûr que si ! insista Romain. -           Ah oui ?! rétorqua papa. Et vous me dîtes tout, vous ?! Un silence suivit. Mon frère finit par le briser : -           Ce n’est pas pareil ! Il y a des trucs qu’on ne te dit pas pour te protéger ! -