Ce chapitre a été écrit par Marie, une fan du blog. Malgré mes quelques commentaires et réécritures, elle a fait un excellent travail ! Bravo à elle !
Mardi 17
septembre 2019.
Lorsque
Monsieur Éric toqua à la porte pour nous réveiller, j’étais très motivée pour
me lever (ce qui est très rare !). Aujourd’hui sera une belle
journée : d’abord parce que le mardi reste la meilleure journée de la semaine
grâce à Madame Kelly, la prof la plus adorable du Pensionnat ; ensuite
parce que j’ai réfléchi à un plan pour me venger de Monsieur Jean et de
Monsieur Nicolas. Ce sera discret (enfin autant que faire se peut), rapide et
efficace. Je sais bien que lorsque nous nous ferons attraper la punition sera
salée ; mais je ne supporte pas l’idée de laisser croire à nos professeurs
qu’ils ont tout le pouvoir (même si ce n’est peut-être pas tout à fait faux).
Pour mener à
bien mon plan, il me faudrait l’aide de mes amies. Je vais tout faire pour les
convaincre de me suivre, j’ai déjà des arguments dignes d’une véritable
conquête en tête.
Mathilde
et moi nous préparons en discutant de la fameuse rédaction d’anglais à rendre
tout à l’heure. Nous espérons avoir de bonnes notes pour bien démarrer l’année.
Vu la colère du Directeur hier soir à cause de cette fichue rédaction, j’avais
intérêt à l’avoir réussie !
Monsieur Éric
nous attendait dans le salon, prêt à rejoindre le réfectoire. Il semblait moins
en colère contre moi et nous salua de bonne humeur.
Je
trépignais d’impatience, j’avais hâte d’être à la cantine et de pouvoir
partager mes idées avec mes amies. Je suivis Monsieur Éric et Mathilde puis
nous allâmes nous asseoir à nos places respectives et habituelles. Naomy et Lou
nous rejoignîmes très vite. Une fois attablées, après avoir demandé aux filles
si elles avaient passé une bonne nuit, je me lançai dans mes explications en
faisant attention aux oreilles indiscrètes qui pouvaient traîner :
- Les filles,
écoutez-moi : j’ai eu une idée ! Une super idée pour se venger de
Monsieur Jean et de Monsieur Nicolas, chuchotais-je d’une voix légèrement
surexcitée.
- Clémence…
m’interrompit Mathilde.
- Attends,
attends, cela ne craint presque rien ! Il suffit de bien s’organiser et de
suivre le plan ! repris-je d’un air plus calme. Il faut trouver leurs
cartables. On prend tous les documents dont ils ont besoin pour faire cours
aujourd’hui et comme ça quand ils se retrouveront en classe avec nous, ils ne
pourront plus rien faire du tout ! Eux qui parlent toujours de rigueur et
de sérieux, voilà qui devrait les calmer un peu ! On leur prend toutes
leurs affaires et on s’en débarrasse !
- Comment s’y
prendrait-on pour accéder à leurs cartables sans se faire attraper ? me
questionna Naomy. C’est du suicide !
- Absolument
pas ! repris-je. Grâce aux emplois du temps affichés dans le bureau de
Monsieur Éric, je sais qu’ils n’ont pas cours le mardi matin. Leurs cartables
se trouvent très certainement dans leurs casiers. Tout ce que nous avons à
faire, c’est nous rendre en salle des profs à la fin de la récréation, quand
plus aucun prof n’y est ! Deux d’entre nous feront le guet devant la
porte, les deux autres vident les cartables : le tour sera joué !
- A la fin de
la récré, on doit être en cours de littérature anglaise ! rappela Lou. Je
ne pense pas qu’être en retard soit une bonne idée !
- C’est Madame
Kelly, elle est gentille comme tout ! rétorquai-je. Elle nous grondera
peut-être un peu mais si on lui explique, je suis quasi-sûre que cela passera !
On lui dira qu’on a eu un problème aux toilettes ou un truc de ce genre !
- Et si les
cartables ne sont pas dans les casiers, Clémence ? interrogea Mathilde d’un
air réprobateur.
- Alors on
prendra tout ce qu’il y a dans leurs casiers et on dessinera des trucs dedans,
ce sera moins bien mais ce sera toujours ça !
- Je pense que
tu dois être dingue, complètement dingue, Clem ! se lamenta Mathilde. Ou
masochiste…
- Et si on se
fait choper ?! Autant colorer nos fesses en violet tout de suite !
avança Lou.
- Les filles,
ce que les profs ont fait hier était injuste et excessif ! protestai-je.
Vous vous rendez compte de tout ce qu’on a reçu juste pour des devoirs pas
faits ?!
- Et pour avoir
été inattentives à la sortie… ajouta Naomy.
- Justement,
s’ils ont été aussi sévères pour si peu alors imagine un peu si… s’inquiéta
Mathilde.
- Il faut leur
faire comprendre que nous aussi, on a du répondant ! plaidai-je. On ne se
laissera pas faire !
Mes amies étaient
très sceptiques, je le voyais bien. Je sais que Mathilde n’a plus envie de se
faire remarquer depuis les récents évènements qui l’ont conduite à se retrouver
un paquet de fois avec les fesses écarlates. Je sais aussi que Naomy et Lou
craignent et redoutent les sanctions ! Cependant, ma soif de vengeance était-elle
que je m’étais mise bille en tête de les convaincre !
- Mathilde,
lançai-je d’une voix adoucie, j’ai toujours été là pour toi.
- Clémence, contesta-t-elle,
on est censées être ici pour préparer notre bac et l’avoir cette fois ! Et
toi tu proposes d’empêcher nos profs de faire cours ! C’est vraiment une
très mauvaise idée.
Son
raisonnement se tenait bien… je réfléchis quelques secondes avant de répondre :
- On va les
empêcher de faire cours seulement une journée ! Ce n’est quand même pas UNE
journée qui va décider de notre réussite ou de notre échec à l’examen !
- Et en retour,
on va prendre UNE fessée qui va nous faire passer l’envie de faire ce genre de
choses, poursuivit Mathilde.
Malgré mon
insistance, elle n’accepta pas de participer et me continuer de me conseiller
de renoncer à mon projet. Un peu déçue, je décidai de me tourner vers Naomy et
Lou, qui se laisseraient peut-être plus facilement convaincre :
- Naomy, Lou,
vous nous êtes redevables à cause de la semaine dernière…
Elles
échangèrent un long regard dans lequel je perçus leur hésitation. Elles
finissent toutes les deux par me donner leur accord d’un signe de la tête,
youpi !
Il ne restait
donc plus que Mathilde, qui, malgré la décision de Naomy et Lou de
m’accompagner, refusa de changer d’avis. Campée sur ses positions, elle tenta
de nous faire renoncer en avançant plein d’arguments : le fait que
Monsieur Éric était sur notre dos depuis plusieurs jours, la raclée de la
veille avec Monsieur Matthieu et sa promesse de sanction à la prochaine
incartade, la sévérité de Monsieur Nicolas et de Monsieur Jean… Je vis bien que
l’évocation de nos futurs ennuis par Mathilde faisait de l’effet à Lou et Naomy
mais elles acceptèrent quand même de me suivre.
Les
deux premières heures de cours nous parurent très longues mais je m’efforçais
de me concentrer sur le cours de Madame Kelly et de participer ; d’abord
pour ne pas me faire remarquer en tant que future perturbatrice, ensuite pour
persévérer dans mes efforts en anglais. Madame Kelly est tellement agréable,
douce et gentille que c’est un plaisir de travailler avec elle !
Quand
enfin arriva la récréation, nous nous réunîmes les filles et moi dans un coin
de la cour pour revoir une dernière fois notre plan. Mathilde, refermée comme
une huître, révisait une leçon de français sans nous écouter (même si je suis
presque sûre qu’une de ses oreilles au moins est concentrée sur notre
dialogue).
- Ni vu, ni
connu. Cela va très bien se passer ! dis-je à la fin de notre révision pour
rassurer mes amies.
- J’espère pour
vous… murmura Mathilde.
Ah ! Je
savais bien qu’elle nous écoutait !
- Mais oui,
c’est certain ! ajoutai-je. Mathilde, ça va aller ! Ne t’inquiète pas !
On n’est pas en train de dire qu’on va mettre le feu au Pensionnat, non plus !
Quelques
minutes plus tard, c’est l’heure de reprendre les cours. Mathilde se dirigea
lentement vers la salle de classe, tandis Naomy, Lou et moi restâmes cachées. J’étais
un peu déçue que Mathilde s’en aille mais je ne voulais pas la forcer.
Dès que nous n’aperçûmes plus aucune élève dans la cour, nous nous précipitâmes vers la salle des professeurs. Alors que nous étions à l’entrée du couloir, je sentis une main me tapoter l’épaule. M’imaginant que c’était déjà une surveillante, je sursautai de frayeur et me retournai prudemment. En réalité, c’était Mathilde !
- C’est bon, je viens avec vous, annonça-t-elle.
Mon
visage s’éclaira et je la serrai quelques secondes dans mes bras. Je sais que
ce n’est pas facile pour elle de laisser de côté sa peur des punitions !
Je l’entraînai avec moi dans la salle des professeurs alors que Naomy et Lou avaient
levé leurs pouces en l’air pour encourager Mathilde.
Notre
plan se déroula à merveille, comme sur des roulettes ! Les filles tinrent
leurs rôles à la perfection et quelques minutes plus tard, nous avions terminé.
Après avoir complètement détruit les cours de nos professeurs en les déchirant
puis en les jetant dans les poubelles à l’entrée de l’établissement, nous courûmes
dans le silencieux couloir pour retourner au plus vite en cours de littérature
anglaise.
Nous avions
déjà dix minutes de retard et même si Madame Kelly est tolérante, j’ai
conscience que nous aurons des ennuis. Je n’avais pas prévu que l’exécution de mon
plan prendrait autant de temps ! Dans mon esprit, nous n’aurions que cinq minutes
maximum de retard. Dommage que tout ne fonctionne pas toujours aussi bien que
dans mon esprit !
Je
toquai à la porte et entrai la première dans la salle de classe. Je me sentis
coupable : c’était ma faute si mes amies risquaient (déjà) une punition.
Madame
Kelly nous adressa un regard interrogateur, visiblement surprise par notre
retard. Il est vrai que nous sommes discrètes en classe avec elle. Même si elle
doit être au courant que Mathilde et moi sommes de vraies perturbatrices, je
n’avais encore jamais fait de vagues avec elle et c’était la même chose pour
mes amies.
- Madame, nous
sommes vraiment désolées de notre retard, dis-je. Mathilde avait très mal au
ventre et nous avons attendu qu’elle aille mieux pour revenir, on n’avait pas
vu qu’il était déjà…
- Mademoiselle
Mathilde, vous vous sentez mieux ? s’inquiéta Madame Kelly. C’est vrai que
je vous trouve un peu pâle.
Mathilde n’a
jamais su cacher ses émotions. Elle hocha maintenant la tête machinalement.
- Tant mieux !
conclut la prof d’anglais. Je suis désolée mesdemoiselles mais je suis obligée
de faire un rapport à Monsieur Matthieu. C’est le règlement, il faut que vous
le respectiez.
- Oh non
Madame, s’il vous plaît ! supplia Lou.
- Mademoiselle
Lou, soyez déjà satisfaite que je ne vous punisse pas moi-même ! répliqua Madame
Kelly. Allez vous asseoir et faites-vous oublier. Même chose pour les autres.
Mince
alors ! Monsieur Matthieu allait me tuer, c’est sûr ! Il m’a ordonné
de me faire oublier pas plus tard qu’hier ! J’essayais de me consoler en
pensant que cela me donnerait une nouvelle occasion de le voir… mais il est sûr
qu’il ne nous loupera pas !
Je tapotai
l’épaule de Mathilde pour la rassurer et adressai un regard désolé à Naomy et
Lou en m’asseyant. Les filles ne paraissaient pas en colère mais plutôt
anxieuses.
Madame
Kelly poursuivit le cours comme si rien ne s’était passé. Il était désormais
encore plus difficile de rester attentive : je ne cessais de penser à la
réaction de Monsieur Matthieu quand il apprendrait que nous étions quatre
élèves à être en retard pour un supposé mal de ventre, puis quand Messieurs
Jean et Nicolas découvriraient l’état de leurs casiers et de leurs cartables.
J’espérais que le côté marrant de notre dernière bêtise prendrait le pas sur le
fait que nous risquions une grosse punition !
A
midi, enfin, nous pûmes sortir de la classe et rejoindre le réfectoire. Je
guettais immédiatement nos professeurs mais aucun des deux intéressés n’était
là. Pas de chance, moi qui voulais à tout prix assister à leurs déconvenues !
Peut-être préféraient-ils ne pas croiser d’élèves, soit parce qu’ils se sentaient
un peu humiliés, soit parce qu’ils étaient trop en colère. J’espérais que la première
option serait validée. Il se pouvait aussi que mes professeurs ne soient encore
au courant de rien…
Une
fois que nous fûmes toutes installées, Monsieur le Directeur fit son entrée
dans le réfectoire, et je compris immédiatement que notre bêtise avait été
découverte.
Je n’avais jamais
vu le Dirlo autant en colère. De la fumée aurait pu sortir de ses oreilles !
Un silence de
mort planait maintenant dans la grande pièce.
Monsieur Éric
monta sur l’estrade et déclara, furieux :
- Mesdemoiselles,
je viens d’apprendre que Monsieur Jean et Monsieur Nicolas ont retrouvé leurs
casiers dilapidés et dégradés ! Leurs affaires ont été volées et des
esprits très malins se sont amusés à dessiner dans leurs casiers ! Je ne pensais
pas que des jeunes adultes comme vous pouvaient manquer autant de maturité et
de jugeote ! Nous sommes évidemment tous très en colère ! Le
comportement de l’une ou de plusieurs d’entre vous impacte tout le Pensionnat !
Nous ne savons pas encore qui sont les coupables mais vous pouvez compter sur
nous pour les trouver, et vite ! Elles ne seront pas déçues du voyage, je vous
le garantis !
J’évitai à
tout prix de croiser le regard de l’une de mes voisines, préférant garder les
yeux rivés sur mon assiette, comme tout le monde. Cette fois, je compris que si
mon idée m’avait permis de m’amuser pendant quelques minutes, les conséquences
qui suivraient n’auraient rien de plaisant… encore une fois, je n’en avais fait
qu’à ma tête alors que je savais très bien que cela finirait mal ! Je suis
trop impulsive et cette fois, j’avais emmené mes amies avec moi…
- Je préfère
d’abord vous faire confiance, poursuit Monsieur Éric. Une ou plusieurs d’entre
vous ont fait une grosse bêtise et nous allons leur faire perdre le goût de
recommencer ! Avant d’employer la méthode forte, je vous pose la question
directement : qui est coupable ?!
On aurait pu
entendre les mouches voler tant la pièce était devenue silencieuse. Plus
personne ne bougeait, j’avais même l’impression que plus personne ne respirait.
- Bien, reprit
Monsieur Éric sur un ton plus ferme. Comme vous voulez ! Je laisse aux
coupables jusqu’à ce soir, dix-huit heures, pour venir m’avouer leur bêtise
dans mon bureau et recevoir la bonne fessée qu’elles méritent ! À partir
de dix-huit heures, Monsieur Lionel, Monsieur Matthieu et moi-même commenceront
à vous corriger chacune votre tour, jusqu’à ce que les coupables se dénoncent
ou soient dénoncées ! Vous avez les cartes en main !
J’entendis
quelques filles gémir à l’annonce du Directeur et je me sentis encore plus mal.
La culpabilité devait se lire sur mon visage, le Directeur devait déjà savoir
que je faisais partie des responsables. Pourtant, je restai silencieuse.
- Sur ce, bon
appétit mesdemoiselles ! conclut Monsieur Éric sur le même ton que s’il
avait annoncé le lancement d’une guerre.
Monsieur Éric
quitta immédiatement le réfectoire et alors que nous commençâmes à manger,
toutes les filles se mirent à parler en même temps :
- Tu as entendu
ce qu’il a dit ?
- C’est
dégueulasse, on n’a rien fait !
- C’est
injuste !
- Tu crois que
c’est qui ?
- Je ne sais
pas mais il faut leur dire d’aller se dénoncer !
Les voix
s’embrouillaient dans ma tête. Je me sentais personnellement coupable :
après tout, c’était mon idée ! Mathilde, déjà un peu pâle tout à l’heure,
était maintenant livide et refusait de toucher à son assiette.
- Il faudrait
qu’on soit un peu plus naturelles sinon tout le monde va piger que c’est
nous ! s’exclama Lou.
Je hochai la
tête et commençai à manger. Alors que j’allais demander aux filles de ne pas
aborder le sujet qui fâche avant d’être à l’abri des oreilles indiscrètes, le
brouhaha autour de nous s’interrompit quelques secondes. Sentant une présence
derrière moi, je me tournai en redressant la tête et tombai nez à nez avec Monsieur
Matthieu.
- Mesdemoiselles,
bonjour ! Je viens de parler avec Madame Kelly qui m’a appris que vous
aviez toutes les quatre eu dix minutes de retard en cours ce matin parce que
Mademoiselle Mathilde aurait eu mal au ventre ! J’espère que cela va mieux,
Mademoiselle, mais je vous rappelle que le Pensionnat a une très bonne
infirmerie pour vous accueillir en cas de pépin. Vous n’y avez pas pensé ?
Mathilde se
liquéfia sur place avant de dodeliner très vite de la tête.
- C’est bien
dommage pour vous, reprit le SG sur un ton de plus en plus furieux. Et vous,
Mesdemoiselles Lou, Clémence et Naomy : êtes-vous médecins ?
Infirmières ?
- Euh… non Monsieur,
répondîmes-nous les yeux rivés vers le sol.
- Alors je ne
vois pas bien en quoi vous pouviez aider Mademoiselle Mathilde ! rétorqua
Monsieur Matthieu. Votre histoire ne justifie aucunement un retard de dix
minutes en cours de littérature anglaise ! Je vous attends toutes les
quatre dans mon bureau à dix-sept heures trente précises. Ne soyez pas en
retard, cela aggraverait votre cas ! Bonne fin d’appétit, mesdemoiselles !
Oh là, là… La
situation allait de mal en pis ! Je piquai rageusement ma fourchette dans
mon assiette de gratin. Monsieur Matthieu ne m’avait adressé qu’un seul regard
furieux et rien d’autre. La période de la clémence était donc bien terminée.
Lou
ravala difficilement sa salive et essaya d’avaler quelque chose mais rien ne
passait, comme pour nous toutes. Maintenant au moins, nous avions une bonne
raison pour paraître discrètes et silencieuses. N’importe qui craignait une
rencontre avec Monsieur Matthieu. J’aperçus même quelques regards compatissants
de certaines de mes camarades de classe, ce qui me fit davantage culpabiliser.
Une
fois le moment du repas terminé (il avait été difficile de venir à bout de nos
assiettes), je ne pus rester très longtemps avec les filles dans la cour car je
devais rejoindre mon professeur de piano. Je pris seulement le temps de
rassurer Mathilde, Lou et Naomy.
- Les filles,
ça va aller.
- Euh, tu
crois ? demanda ironiquement Lou. Déjà que Monsieur Matthieu va nous
défoncer…
- On est mal de
chez mal, moi je vous le dis !
- C’était mon
idée et s’ils n’ont pas changé d’avis d’ici ce soir, je suis prête à assumer ma
connerie, dis-je d’un ton anxieux mais somme toute déterminé.
- Non, pas
question ! refusa Lou.
- C’était
peut-être ton idée, mais on s’est laissé convaincre, on était quatre à agir,
s’il faut assumer on sera quatre aussi ! affirma Naomy.
J’étais agréablement
surprise de la réaction des filles. Naomy et Lou n’ont jamais fait preuve de
solidarité. Elles sont gentilles, ce sont des bonnes copines mais de là à faire
bloc derrière moi… j’avais quelques doutes ! Je gardais cependant mes
idées pour moi, ne voulant pas envenimer la situation déjà suffisamment grave.
- Je ne te
laisse pas, Clémence, ajoute Mathilde en pressant ma main.
Je souris,
rassurée de ne pas être toute seule. Je pourrai toujours compter sur Mathilde !
- Merci.
Écoutez, proposai-je. Pour l’instant on se tait, on laisse couler et on
décidera quoi faire après le rendez-vous chez Monsieur Matthieu. Cela vous
va ?
- Oui, très
bien ! accepta Naomy. Laissons-nous au moins voir ce que peut faire
Monsieur Nicolas pendant deux heures de cours sans notes, sans cahier, sans
rien ! Rien que pour cela, ça aura valu le coup !
- C’est
clair ! confirma Lou, l’air déjà plus enthousiaste.
Ayant un peu
plus de baume au cœur, je quittai mes copines pour me diriger vers la salle de
piano.
Je
sus avant d’entrer dans la pièce que les deux heures de piano seraient
difficiles. Malgré mes efforts pour penser à autre chose, mon cerveau n’était
concentré que sur notre rendez-vous avec Monsieur Matthieu et les conséquences
de notre bêtise de ce matin. Je ne regrettais toujours pas mon acte ni mon idée
mais je m’en voulais d’avoir impliqué mes amies. Elles seront sûrement bientôt
punies et ce sera davantage ma faute que la leur. Ces pensées tournaient en
boucle dans ma tête et m’empêchaient de suivre les conseils de mon professeur qui
me reprit à plusieurs reprises sur ma posture, mes fausses notes et mes erreurs
de temps.
- Clémence,
qu’est-ce qu’il t’arrive aujourd’hui ? me gronda Monsieur Alexandre. Cela
fait déjà deux fois que je te demande de ne pas enchaîner tes accords aussi
vite ! Ne devance pas le rythme de la mélodie !
- Euh… oui…
désolée Monsieur, dis-je machinalement.
- Tu n’as pas
l’air bien, continua Monsieur Alexandre. Je ne sais pas ce qui se passe mais je
t’ai déjà dit qu’ici, on ne pensait qu’au piano ! Les problèmes extérieurs
restent à l’extérieur ! C’est la dernière fois que je te demande de te
concentrer : la prochaine fois, je te donne une fessée !
J’avais à
peine écouté ce que Monsieur Alexandre venait de me dire mais le mot
« fessée » m’interpella et je me redressai immédiatement.
- Oui Monsieur,
répondis-je en me reprenant.
- Reprends
depuis le début, m’ordonna mon professeur.
Je parvins à
réussir plus ou moins mon morceau, le si complexe quatrième morceau de la liste
de Monsieur Alexandre. Cependant dès que nous passâmes au cinquième - que je
redoutais le plus -, j’enchaînai les petites erreurs en raison du niveau élevé
et de mes idées embrouillées. Je soupirai légèrement quand mon professeur me
demanda de recommencer le morceau du début parce que j’avais raté un accord.
Heureusement, Monsieur Alexandre n’entendit pas mon discret soupir d’agacement.
Quelques
instants plus tard, je recommençais à vouloir aller trop vite, peut-être pour être
débarrassée de ce morceau trop difficile. Je n’eus pas le temps de rectifier le
tir que Monsieur Alexandre m’avait déjà tirée de mon banc en m’attrapant par le
bras.
- Non, non
Monsieur ! Pas la fessée ! Je suis désolée ! suppliai-je à toute
vitesse.
- Cela suffit,
Clémence ! Je t’ai avertie plusieurs fois, maintenant je passe à l’acte !
Pose tes mains sur le banc immédiatement !
- Mais
Monsieur, je vous jure que…
- Mains sur le
banc ! Tout de suite ! me commanda Monsieur Alexandre.
J’obtempérai
en continuant de le supplier de changer d’avis mais rien n’y fit. Monsieur
Alexandre décida de relever ma jupe et commença à me claquer plusieurs fois les
fesses par-dessus ma culotte.
- Aïe ! Aïe !
Monsieur… je… dis-je en essayant d’esquiver les claques.
- Cesse de
bouger comme ça ! Tu la mérites amplement !
Mon
professeur continua à me donner d’énormes claques qui me faisaient gémir de
douleur et serrer les dents. Je pensais que ma culotte me permettrait de moins
ressentir la douleur mais ce n’était qu’une douce illusion. J’avais les larmes
aux yeux, prête à lâcher mes sanglots. Ce professeur était plein de surprises
et pour le coup, c’en était une bien mauvaise ! Je n’osais même pas
imaginer ce que j’allais prendre si jamais il lui venait l’envie de me déculotter.
Heureusement,
la fessée se révéla courte, quoique sacrément efficace ! Quand Monsieur
Alexandre m’ordonna de me redresser, j’essuyai discrètement mes yeux humides et
me retournai.
- Maintenant,
tu te rassois, tu te tiens droite, tu joues à la hauteur de ton talent !
me gronda le musicien. Si tu te trompes encore une fois et que je vois que tu
n’es pas concentrée, tu viendras sur mes genoux pour une fessée, et déculottée
cette fois !
Je hochais la
tête sans mot dire.
Par la suite,
je fus pleinement concentrée sur mes notes de musique, cherchant à ce que tout
soit parfait. Je craignais trop que Monsieur Alexandre ne mette ses menaces à
exécution : toutes mes pensées étaient fixées sur mon morceau. Mon prof me
félicita chaleureusement à la fin de la séance.
- Tu as très
bien travaillé ! Comme quoi quand tu te concentres, tu es vraiment très douée
Clémence ! se réjouit Monsieur Alexandre. Tu peux y aller, on se retrouve
demain. Et ne sois pas en retard !
Je hochais la
tête très vite, encore un peu gênée et surtout vexée de la scène qui avait eu
lieu.
Malheureusement,
mon cours de piano avait légèrement débordé sur l’horaire habituel et je ratais
une grande partie de la récréation. Je n’eus pas le temps de discuter avec les
filles avant d’entrer en classe. Tout ce que j’avais eu le temps d’apprendre,
c’est qu’aucune d’elles n’avait craché le morceau en mon absence. Ouf !
Monsieur
Nicolas était d’une humeur massacrante, dès son entrée dans notre classe. Avec
ses yeux en furie, il faisait vraiment très peur ! Il posa une sacoche sur
son bureau et nous fixa d’un regard mauvais.
- Bonjour
Mesdemoiselles ! Certaines d’entre vous au sein de cette école ont trouvé
très amusant de pénétrer dans la salle des professeurs et de voler mes affaires
de cours, ainsi que celles de Monsieur Jean ! Je pense qu’elles vont
amèrement le regretter ! Pour l’instant, leur comportement déplorable vous
impacte toutes, mesdemoiselles, car puisque je n’ai plus accès aux documents
que je voulais vous distribuer, j’ai décidé d’utiliser ces deux heures de cours
pour vous interroger ! Sortez toutes une feuille double, ordonna Monsieur
Nicolas sur un ton toujours aussi furieux. Vous avez deux heures pour répondre
au sujet suivant : « La conscience existe-t-elle ? ». Je
vais pouvoir voir qui travaille, qui apprend le cours et qui sait réfléchir sur
un sujet !
Un vent de
peur souffla dans la classe. Certaines filles, au dernier rang, ouvrirent
rapidement leurs cahiers, à la recherche de quelques informations sur les
derniers cours.
- Fermez immédiatement
vos cahiers ! cria Monsieur Nicolas. Je vous préviens : toutes celles
qui n’obtiendront pas au moins la moyenne à ce devoir recevront une fessée
mémorable devant toute la classe. Au travail !
Je serai sûrement
la première punie dès que Monsieur Nicolas rendra les copies ! Je n’avais
pas bien appris mes leçons, en tout cas pas assez suffisamment pour être
capable, seule, de répondre au sujet posé. C’était un exercice sacrément
difficile ! Monsieur Nicolas se vengeait, à sa manière, du tour qui lui
avait été joué ce matin. Malheureusement, cela venait sanctionner des personnes
qui n’étaient responsables de rien. Ma culpabilité augmenta.
Alors
que je tentais de réunir mes idées en philosophie, je me rendis compte que je
n’arriverais à rien : toutes mes pensées étaient concentrées sur
notre rendez-vous avec Monsieur Matthieu qui approchait, à la promesse de
Monsieur Éric de commencer une punition collective à dix-huit heures, sur ma
culpabilité et mes regrets. Mais dans quel pétrin m’étais-je encore fourrée ?!
Je
rendis une copie incertaine en philosophie, et en voyant les têtes de mes
amies, je savais que c’était la même chose pour elles. Mais nous avions plus
grave en tête : il était l’heure de rejoindre Monsieur Matthieu.
Nous
attendions toutes les quatre dans le couloir devant le bureau du Surveillant
Général. Je ne savais plus très bien quoi penser : d’un côté, j’avais très
peur car dans quelques dizaines de minutes, Monsieur Éric mettrait sa menace à
exécution et commencerait la punition collective. De plus, je pensais que
Monsieur Matthieu n’avait pas l’intention de nous louper (alors que j’avais déjà
mal aux fesses à cause mon professeur de piano !). Enfin, j’étais presqu’heureuse
de revoir Monsieur Matthieu, même si c’était pour une punition. Je ne devais
pas être normale…
Pas
le temps d’éclaircir mes pensées : Monsieur Matthieu ouvrit la porte et
nous ordonna d’entrer d’un simple geste de la main. Il ne m’accorda qu’un petit
regard empli de colère. En fait, j’avais l’impression qu’il était toujours en
colère contre moi, ce qui me fit de la peine. Il faut reconnaître que je ne
suis vraiment pas très sage en ce moment…
Monsieur
Matthieu s’appuya contre son bureau, croisa les bras et nous fixa séparément,
l’une après l’autre, pour bien nous faire comprendre que nous avions des
ennuis.
- Alors,
mesdemoiselles ! Vous êtes arrivées en retard de plus de dix minutes en
cours en donnant une justification des plus étranges ! Par conséquent,
vous n’étiez pas localisables pendant la fin de la récréation ! En plus
d’être arrivées en retard et de mériter une bonne correction pour cette raison,
je vous soupçonne d’être les responsables du carnage dans les casiers des
professeurs de ce matin ! Quelque chose à dire à ce sujet ? finit-il
par nous interroger d’un ton menaçant.
Nous
baissâmes la tête dans un bel ensemble. Je priais silencieusement pour
qu’aucune de mes amies ne lâche le morceau. Devant Monsieur Matthieu, ce serait
vraiment une très mauvaise idée !
- Non, bien sûr !
commenta le Surveillant général. Rien à dire ! Peut-être que vous serez un
peu plus bavardes après une bonne fessée ! Mademoiselle Naomy, venez ici !
Mon amie supplia
le SG de ne pas la punir et refusa de s’avancer. Dans un calme olympien,
Monsieur Matthieu fonça sur elle, lui administra cinq grandes claques – accompagnées
d’un : « Quand je vous demande quelque chose, vous obéissez ! »
- avant de la tirer jusqu’au fauteuil de son bureau. De là, il allongea mon
amie sur ses genoux. Naomy se retrouva immédiatement déculottée, signe que
Monsieur Matthieu était très en colère. Elle reçut une correction pendant cinq
minutes. Cinq minutes ! Cinq minutes, sans préchauffage, sur la peau nue.
Ce devait être interminable. Naomy gigotait et pleurait toutes les larmes de
son corps ce qui, à mon sens, était justifié.
Je serrais la
main de Mathilde et celle de Lou ; elles comprirent très bien le
message : il fallait tenir le coup et se taire.
Lorsque Naomy
fut envoyée au coin, elle était en larmes, les fesses écarlates, mais elle
n’avait rien dit. Ce fut au tour de Mathilde et si je craignais un peu qu’elle
craque (je connais sa peur des châtiments corporels), elle se montra néanmoins courageuse,
sanglotant très fort mais se murant dans le silence.
Il en alla de
même pour Lou, même si je sentis bien qu’elle était sur le point de tout
avouer. Alors qu’elle se dirigeait à son tour vers le coin, sanglotait
toujours. Je n’eus pas le temps de davantage la plaindre car Monsieur Matthieu
m’adressa un nouveau très mauvais regard en prononçant mon prénom et je savais
qu’il était temps pour moi de rejoindre ses genoux. Je m’avançai vers lui sans
oser lui adresser un coup d’œil suppliant car je savais bien que ce serait « non ».
« Non » à un peu d’indulgence, « non » à un dernier
traitement de faveur. Monsieur Matthieu m’allongea sur ses genoux et bloqua mes
jambes. Je le sentis remonter ma jupe et descendre ma culotte.
- Mademoiselle
Clémence, vous avez encore des ecchymoses à ce que je vois ! remarqua mon
Surveillant Général. Je ne sais pas combien de fois je vous ai déjà dit ça mais
il serait temps d’arrêter vos bêtises ! Ce n’est pas possible d’être aussi
têtue ! Il va falloir que vous finissiez par entendre raison sinon vous n’allez
cesser d’avoir mal aux fesses ! Vous craquerez avant nous, soyez-en
certaine !
Je sais. N’empêche
que pour l’instant, je n’étais pas près de céder sous ce régime autoritaire. Je
m’imaginais dans la peau d’une résistante sous le régime de Vichy !
Dès
les premières claques, je compris que Monsieur Matthieu ne prévoyait aucune
indulgence pour moi. Il m’assénait des claques puissantes qui venaient
recouvrir toute la peau déjà fragile de mes fesses. Je gémissais de douleur,
dépitée de me trouver dans cette situation douloureuse. J’eus l’impression que
la fessée durait de longues minutes, en tout cas c’était le message envoyé par
mon postérieur.
Enfin,
Monsieur Matthieu arrêta mais ne m’autorisa pas à me relever. Effrayée à l’idée
qu’il reprenne la fessée, je restai immobile, telle une statue, la vue
légèrement brouillée par les larmes.
- Mademoiselle
Clémence, me questionna-t-il, vous vous souvenez de notre dernière entrevue, pas
plus tard qu’hier ?
- Euh… non,
enfin oui, répondis-je sur un ton des plus hésitants. Vous aviez dit qu’il fallait
que je sois sage…
- D’ailleurs,
ça a bien fonctionné, vous vous retrouvez le lendemain sur mes genoux !
lança ironiquement Monsieur Matthieu. Vous souvenez-vous de ce que je vous ai
promis à la prochaine bêtise ?
Je pousse un
hoquet de détresse en repensant à notre conversation de la veille. Oh
non ! J’essaie tout de suite de me relever mais mon aimé me retient
fermement par la taille.
- Cinquante
coups de strap ! rappela-t-il. Parole donnée, parole tenue, Clémence !
Je le suppliai
immédiatement, sans même réfléchir à mes propos : je lui promis d’être
l’élève la plus obéissante du Pensionnat, d’obtenir les meilleurs résultats… Mais
rien n’y fit : Monsieur Matthieu m’ordonna de me relever et de m’appuyer
contre son bureau. Il s’empara de son instrument de malheur et le posa sur mes
fesses, prêt à l’abattre.
Monsieur
Matthieu devait être sacrément en colère car il frappa très fort mes fesses
avec le strap ; je dois mordre mes lèvres pour me taire. Les coups
s’enchaînèrent, mes fesses devaient être en train de virer au bleu ou au
violet, je n’en sais rien ; ce n’est sûrement pas joli à voir !
Mon SG prend
son temps, je pleure sans m’arrêter. Il me fait tellement mal qu’il me donne
l’impression de détruire mon épiderme. Je n’arrive pas à retenir mes sanglots
et je pleure à chaudes larmes, retenant mes cris avec beaucoup de peine.
Finalement, après une trentaine de coups, sans m’en rendre compte je
hurle :
- Monsieur,
pitié, arrêtez !
- Je vous avais
demandé de rester sage, Clémence. Je vous avais prévenu que je vous donnerais cinquante
coups de strap à la prochaine bêtise, oui ou non ?
- Oui,
Monsieur.
- Vous avez refait
une bêtise, oui ou non ?!
- Oui Monsieur.
- Alors je
continue.
Les vingt derniers
cours furent les plus insupportables. Je criais et pleurais tant que je le
pouvais. Après le dernier, je tombai à terre, n’en pouvant plus. Mon aimé avait
eu raison de mes fesses. J’étais complètement cuite. Alors que je pleurais à
chaudes larmes, genoux à terre, le SG s’approcha de moi et releva ma tête en
poussant son index contre le dessous de mon menton. Doucement, il me posa la
question :
- Clémence,
est-ce vous qui avez mis la pagaille dans les casiers de vos professeurs ?
Je n’avais
plus la force de lutter. Mes fesses étaient en feu. J’hochai la tête. Mes
larmes doublèrent.
- Vous avez agi
seule ? demanda-t-il.
- Oui, mentis-je.
Je tenais ma
chance : essayer de prendre la faute pour moi, ne pas accuser mes
complices, les laisser de côté et assumer toute seule les conséquences de mon idée.
- Vous voulez
peut-être que je reprenne la fessée, Clémence ?! me gronda Monsieur
Matthieu.
- Non !
suppliai-je. Monsieur, pourquoi…
- Parce que je
ne vous crois pas, Clémence ! m’interrompit-il. C’est impossible de faire
un carnage pareil seule ! De plus, cela n’explique pas pourquoi
mesdemoiselles Naomy, Lou et Mathilde sont arrivées également en retard ce
matin. Pourquoi seraient-elles arrivées en retard si elles n’étaient pas avec
vous ?
Je gardai les
lèvres scellées, mes larmes continuaient de couler. Je me sentais déjà
tellement coupable, ce serait pire si je devais donner le nom de mes amies !
Soudain,
j’entendis la voix de Mathilde s’élever.
- Non, elle
n’était pas toute seule, Monsieur, j’étais avec elle.
Je m’attendis
à ce que Naomy et Lou reconnaissent leur participation ; mais elles n’en
firent rien. Elles restèrent toutes les deux silencieuses, muettes comme des
carpes. Je fus choquée : il y avait quelques heures, elles avaient dit
qu’elles seraient solidaires ! Que du vent ! J’étais furieuse et je
devinai l’étonnement et la colère de Mathilde alors qu’elle avait pris sur elle
pour ne pas me laisser assumer seule.
- Mademoiselle
Naomy ? interrogea le SG. Mademoiselle Lou ? Il va falloir que vous
vous expliquiez ! Si mademoiselle Mathilde était bien avec mademoiselle
Clémence, cela signifie qu’elle n’était pas aux toilettes. Vous non plus !
Alors où étiez-vous à dix heures et demie, au lieu d’être en cours ?
La voix de
mon amoureux montait en octaves. Il semblait de plus en plus en colère au fur
et à mesure de ses paroles.
- Euh… ben
c’est-à-dire que… euh… hésita Naomy.
- En fait,
Monsieur, on… euh… bégaya Lou.
Quelles
traîtresses ! J’étais sûre que si Mathilde et moi n’étions pas dans le
bureau, les filles seraient en train de nous accuser pour sauver leurs
fesses ! Je n’en revenais pas. Visiblement, je fais confiance aux autres
trop facilement… J’étais terriblement déçue.
- Mesdemoiselles,
je vous laisse dix secondes pour me dire la vérité sinon je vous promets que
vous allez le regretter ! gronda Monsieur Matthieu. Faîtes-moi confiance !
Je le vis
tirer de son tiroir un martinet aux lanières bien épaisses et le poser sur le
bureau. Si les filles ne le voyaient pas (elles avaient les yeux rivés en
direction du mur et elles essayaient sûrement de se faire toutes petites),
elles comprenaient la menace voilée de notre surveillant. Finalement, Naomy
cracha le morceau et Lou la suivit.
Pour n’avoir
pas avoué tout de suite, elles prirent toutes les deux trente coups de martinet
tellement salés que j’étais presque contente d’avoir reçu le strap !
Elles pleuraient
énormément, tellement qu’elles en avaient des spasmes. Leurs fesses striées n’avaient
pas fières allures et j’en étais presque satisfaite ! Je pensai que
Monsieur Matthieu leur faisait payer le fait d’avoir voulu me laisser assumer
seule. Quelque part, cela me fit chaud au cœur : mon bien-aimé me vengeait,
cela confirmait que son cœur balançait pour moi.
Cependant, cela
ne changeait rien à mes yeux : Naomy et Lou se sont que des traîtresses,
rien que des traîtresses !
Monsieur
Matthieu, certainement encore davantage furieux, leur ordonna de retourner au coin.
Durant
quelques secondes, avant de me demander ce qui allait nous arriver, j’admirai
le courage de Mathilde et sa loyauté. Elle venait encore une fois de me prouver
que je pouvais compter sur elle. Ce Pensionnat nous en faisait voir de toutes
les couleurs (et nous l’y aidions bien !) mais j’avais gagné une amie, une
vraie !
En revanche,
je bouillonnais de colère contre Naomy et Lou. Sans l’intervention de Monsieur
Matthieu, elles auraient sûrement laissé Mathilde et moi payer pour notre
bêtise ! Même si c’était mon idée et que je me sentais très coupable,
elles avaient accepté de me suivre, je ne leur avais pas le couteau sous la
gorge !
Monsieur
Matthieu interrompit le cours de mes pensées en prenant à nouveau la parole.
- Bien. Je vais
appeler Monsieur le Directeur, il s’occupera de votre cas. Je pense que vous
allez vraiment approfondir le sens du mot « discipline » aujourd’hui,
mesdemoiselles !
Monsieur
Matthieu me laissa me relever, j’avais l’impression d’avoir les fesses
chauffées au fer rouge, et ce n’était certainement que le début !
- Je vous
interdis de toucher à vos fesses, ordonna Monsieur Matthieu. Rhabillez-vous,
toutes les quatre, pendant que j’appelle le Directeur.
La boule dans
le creux de mon estomac reprit le dessus : Monsieur Éric allait être tellement
furieux… je ne savais même pas ce que je pourrai lui dire pour justifier mon
acte. Maintenant que j’y repensais, le motif de la vengeance était bien maigre
face à l’ampleur de notre dérapage… !
De
toute façon, je n’eus pas l’occasion de me justifier, ni aucune d’entre nous.
Une
fois que nous fûmes dans son bureau, Monsieur Éric finit sa longue tirade de
remontrances et nous pleurions toutes les quatre. Je m’en voulais de plus en
plus, j’avais le cœur gros d’infliger cette situation à Mathilde. Le Directeur
parvenait à me faire encore plus culpabiliser, insistant sur le fait que nous
avions laissé le secret planer sur tout le Pensionnat et nos camarades appréhender
une éventuelle fessée injustifiée. Nous avions été lâches et le manque de
respect à l’égard de nos professeurs était à la fois inqualifiable et honteux.
Bref, nous étions dans de sales draps.
- Je ne vous
félicite vraiment pas, mesdemoiselles ! grondait le Dirlo. C’est un
comportement inacceptable ! Je me fiche complètement de ce qui s’est passé
dans le bureau de Monsieur Matthieu : vous avez toutes gagné une bonne fessée
! Vous allez la sentir passer, je vous le garantis ! De plus, vous reprendrez
cette même bonne fessée tous les soirs de la semaine ! Chacune ! J’ajoute
que vous êtes toutes les quatre en retenue demain après-midi pendant quatre
heures ! Vous rédigerez un devoir dans lequel vous expliquerez les raisons
de votre comportement, les conséquences qui s’en sont suivies et la leçon que
vous en tirez. C’est clair ?!
Nous hochâmes
toutes les quatre la tête. J’étais dégoûtée de prendre une nouvelle fessée mais
je savais que c’était mérité.
En fait, ma
colère contre Naomy et Lou atténuait l’appréhension de la fessée qu’allait
me donner le Directeur. Elles étaient de vraies poules mouillées !
Je serrais la
main de Mathilde, qui n’arrivait pas à s’arrêter de pleurer à l’idée que cela
retombait, encore. Cependant, avant d’appeler l’une de nous, Monsieur Éric
s’empara de son téléphone et composa un numéro :
- Bonjour
Nicolas, c’est bon j’ai le nom des coupables… Oui, exactement ! On s’en
doutait… Pouvez-vous venir dans mon bureau, s’il vous plaît ? Et dîtes à
Jean de venir également. Je vous attends pour commencer la punition.
Quoi ??
Monsieur Éric demandait aux deux pires professeurs d’assister à notre
punition ?! Non mais je rêve ! C’était trop injuste ! C’était
tout le contraire de ce que je cherchais : faire comprendre à nos profs
qu’ils n’avaient pas tous les pouvoirs !
Mathilde
secoua la tête, sûrement dégoûtée à l’idée que nos professeurs assistent à
notre punition. Je ne perdis pas mon temps à regarder la réaction de Naomy et
Lou – qui, au passage, pleuraient comme des madeleines -, j’essayais plutôt de
me calmer car entre ma colère contre les filles, les nouvelles sanctions
imposées par le Directeur, et la fessée publique qui nous attendaient, mes
envies de rébellion prendraient le dessus…peu importe mon énorme douleur aux
fesses !
Monsieur
Nicolas et Monsieur Jean nous rejoignirent dans le bureau du Directeur quelques
minutes plus tard. Comme l’avait fait sous-entendre Monsieur Éric, ils ne furent
pas surpris en nous voyant.
- Encore vous,
mademoiselle Clémence ! remarqua Monsieur Jean.
- A croire que
c’est toujours de vous que viennent les problèmes… provoqua Monsieur Nicolas.
N’étant pas
en position de faire la fière, surtout en présence du Directeur, je préférai me
taire et détourner le regard, même si j’avais envie de leur rentrer dedans.
- Et vous savez
vous faire bien accompagner, en plus ! ajouta Monsieur Nicolas.
- Mesdemoiselles
Mathilde, Lou et Naomy, vous n’avez pas fait le bon choix aujourd’hui ! commenta
Monsieur Jean.
Naomy et Lou
allaient certainement lancer quelque chose car je les vis du coin de l’oeil se
redresser ouvrir la bouche ; mais d’un simple regard, Monsieur Éric leur
intima le silence.
- J’ai fait
venir vos professeurs pour qu’ils assistent à la fessée que je vais donner à
chacune d’entre vous, annonça Monsieur Éric.
Sans blague.
On n’avait pas compris…
- Ici, on ne
plaisante pas avec le respect auquel a droit chaque professeur ! poursuivit
le Directeur. Nous allons vous le rappeler tout de suite ! Ensuite, vous
présenterez chacune vos excuses à vos professeurs !
Présenter des
excuses ?! Ah non jamais ! Pas question ! Je réfléchissais à
comment éviter de me rabaisser de la sorte, quand je vis Monsieur Éric sortir
de son tiroir un martinet. Je me renfrognai légèrement sur moi-même en
imaginant les dégâts que cet instrument viendrait rajouter à ma peau déjà
marquée. Bon… peut-être que j’allais devoir m’excuser, finalement…
Le
Directeur appela d’abord Naomy tandis que Monsieur Jean et Monsieur Nicolas
s’étaient installés sur deux chaises face au bureau. Ils avaient l’air très
satisfait, trop satisfait. Je les détestais !
Monsieur
Éric ordonna à Naomy de se déshabiller en-dessous de la taille et de prendre
appui contre son bureau. Là-dessus, malgré ses pleurs (pour lesquels je ne
ressentais aucune pitié, j’étais bien trop en colère !), il lui flanqua
une grosse fessée à la main longue de plusieurs minutes avant d’achever la
sanction par une quinzaine de coups de martinet. Naomy criait et suppliait le Directeur
d’arrêter. Elle ne faisait que répéter qu’elle regrettait, qu’elle ne
recommencerait jamais, que ce n’était pas son idée. En entendant ses paroles,
je regrettais encore plus d’avoir cru pouvoir compter sur elle.
Les deux
professeurs volés commentaient cette punition à coups de : « Ah, il
est bien temps de pleurer, maintenant ! » ou encore : « Voilà
ce qu’on récolte à faire des bêtises ! ». Ce duo de sadiques me
mettait hors de moi.
Finalement,
Naomy fut envoyée au coin, les fesses bien punies. Elle s’était ridiculisée
devant deux professeurs et je me jurai de ne pas en faire autant ! Autant
que faire se peut, je ne crierai pas de douleur comme elle. Je n’étais pas une
mauviette (enfin… j’essaierai de ne pas l’être) et il n’était pas question de
tomber dans la reddition totale face à Monsieur Jean et Monsieur Nicolas !
Comme
je le présumais, Monsieur Éric me garda pour la fin et sanctionna Lou puis
Mathilde. Lou se montra un peu plus résistante que Naomy mais après quelques
coups de martinet, elle ne put s’empêcher de crier qu’elle non plus n’était pas
à l’initiative de notre bêtise.
- Je l’ai bien
compris, Lou, mais cela ne change rien au fait que tu y as participé ! reprit
le Directeur. Donc tu es responsable et punie comme les autres !
Cela fit
cesser les tentatives de défense de Lou mais pas ses jérémiades.
- Ecoutez comme
le martinet la fait chanter ! lança Monsieur Jean à Monsieur Nicolas d’un
ton moqueur.
Ces deux-là,
je me jurai d’avoir leurs peaux !
Lou
n’arrêtait pas de pleurer lorsque Monsieur Éric la renvoya au coin.
Comme
je m’y attendais, Mathilde éclata à nouveau en sanglots dès que la main du Directeur
s’abattit sur ses fesses encore rouges par suite de la correction de Monsieur
Matthieu. Elle aussi lui demanda d’arrêter et promit d’être la nouvelle élève
modèle du Pensionnat mais mon amie ne me trahit pas et ne m’accusa pas d’être
la seule véritable coupable. Lorsqu’elle put se redresser et qu’elle passa
devant moi, je lui serrai brièvement la main et elle m’adressa un petit
sourire, un minuscule sourire même, malgré ses joues couvertes de larmes. Elle
non plus n’avait pas échappé aux remarques acerbes des profs de lettres et de
philosophie.
- Clémence !
appela Monsieur Éric sur un ton qui n’admettait aucune réplique.
Monsieur Éric
n’allait pas m’épargner, c’est certain. J’étais persuadée que nous reprendrions
un supplément, Mathilde et moi, dès ce soir. Cependant, je me dirigeais vers
lui sans protester et me promit de ne pas me comporter comme ces poules
mouillées de Naomy et Lou, surtout en présence de Monsieur Nicolas et de
Monsieur Éric, qui ne perdaient pas une miette du spectacle se déroulant sous
leurs yeux. Je me promis également qu’à la première remarque, je…
- Clémence,
dépêche-toi ! réitéra le Directeur.
Dès
que je fus installée et déshabillée, Monsieur Éric me flanqua plusieurs grosses
claques réparties sur toute la surface de mon fessier. Sur mes bleus et après
la correction au strap, cela me fit très mal tout de suite ; je ne tardais
pas à pleurer comme une madeleine à mon tour. Je me concentrais en me disant
que ce n’était qu’un mauvais moment à passer, que cela prendrait bientôt fin
mais ces pensées n’éloignaient pas la douleur. Seule ma colère à l’égard de
Naomy et de Lou, ainsi que la présence de mes professeurs, à quelques mètres de
là, m’empêchaient de supplier Monsieur Éric de cesser.
- On rigole
moins, Mademoiselle Clémence ? me demanda Monsieur Jean.
J’avais
vraiment envie de lui demander de fermer sa grande gueule. Je vous l’assure… !
Je retenais
le plus possible mes cris mais je gémissais à chaque claque reçue, et de plus
en plus fort à mesure que la punition avançait. Enfin, Monsieur Éric cessa. Je
savais cependant que le pire était à venir. Les larmes coulaient sur le bureau,
et je savais que même si je cachais le plus possible mon visage avec mes
cheveux, mes professeurs ne pouvaient pas les manquer.
Monsieur Éric
m’asséna ensuite, comme les autres, une quinzaine de coups de martinet que
j’accusai par des cris, voire des hurlements pour les derniers. Cette fois mes
fesses atteignaient certainement le point de non-retour. L’accumulation des
punitions de ces derniers jours avaient laissé des traces profondes et je
savais qu’il me faudrait du temps pour que ma peau retrouve son état normal. En
attendant, cela faisait affreusement mal ! J’avais l’impression d’avoir
les fesses complètement détruites. Quand Monsieur Éric posa enfin le martinet,
j’étais presque affalée sur son bureau et malgré son autorisation de me
relever, il me fallut du temps pour reprendre le contrôle de ma respiration. La
vue brouillée par les larmes, j’aperçus mon amie Mathilde et les deux autres se
rhabiller sur ordre du Directeur. Je fis de même (ouille, le contact du tissu
sur ma peau…!).
Alignées toutes les quatre face à nos
professeurs, Monsieur Éric nous demanda de leur présenter nos excuses. Lou, Naomy
et Mathilde obtempérèrent. Pour moi, ce fut toute autre chose…
- Clémence, je
ne t’entends pas ! me fit remarque le Directeur.
- …
- Tu trouves toujours
ça malin d’essayer de te venger de tes professeurs ?! reprit Monsieur Éric.
Tu as l’impression de prendre le dessus sur eux, maintenant ?!
Je secouais
la tête. Ah non, ça c’est clair que non…
- Dans ce cas, tu
n’as rien à dire à tes professeurs ?!
Monsieur Éric
me connaissait et savait très bien combien il me coûtait de reconnaître mes
torts dans une telle situation. Cependant, il avait raison : je n’étais
pas en position de faire entendre mon point de vue.
- Désolée,
lâchai-je à contrecœur.
- Oh, je pense
que tu peux faire beaucoup mieux que ça, Clémence ! commenta le Directeur.
Dépêche-toi parce que ma patience a des limites !
L’idée de
m’excuser devant Monsieur Nicolas et Monsieur Éric me collait d’ores et déjà
des boutons, mais je n’avais pas le choix.
- Je suis
désolée, Monsieur Jean, grommelai-je. Je suis désolée, Monsieur Nicolas.
Je n’avais pas
levé les yeux, restés fixés au sol. La situation était suffisamment humiliante
sans avoir besoin de croiser le regard satisfait de mes professeurs.
- Mademoiselle
Clémence, quand on présente ses excuses à quelqu’un, on le regarde dans les
yeux ! C’est la moindre des choses, me semble-t-il !
Je reconnus
la voix de Monsieur Nicolas. Son collègue approuva à son tour. Je les haïssais
vraiment.
- Clémence, nous
attendons ! gronda Monsieur Éric.
- …
- Bon, ça
suffit ! acta le Directeur.
Je pris
instantanément une dizaine de bonnes claques sur la jupe, ce qui me dissuada de
continuer à tenir tête.
Je me
redressai brièvement pour m’excuser à nouveau envers mes professeurs. Je leur
aurai bien fait ravaler leurs sourires narquois mais je savais bien que c’était
impossible pour le moment. Ils avaient remporté une bataille mais pas la guerre.
Enfin, pour le moment, j’avais perdu, je ne pouvais que le reconnaître, même
s’il m’en coûtait beaucoup.
- Bien !
reprit Monsieur le Directeur. Je ne veux plus entendre parler de vous quatre !
Je peux faire de votre vie ici un enfer sur terre si vous continuez à faire des
vôtres ! Je vous garantis que vous allez céder avant moi ! Je ne
laisserai absolument aucun répit à vos fesses et s’il faut vous punir cinq fois
par jour, je le ferai ! C’est clair ?!
- Oui Monsieur,
répondîmes-nous timidement.
- N’oubliez pas
que vous êtes en retenue demain après-midi, sous la surveillance de Monsieur
Matthieu ou de Monsieur Lionel ! Dès demain soir et jusqu’à lundi, vous
viendrez dans mon bureau tous les soirs après le dîner pour que je vous donne
votre bonne fessée quotidienne, histoire que vous n’oubliiez pas trop vite que
les bêtises n’amènent que des ennuis ! Maintenant, rejoignez vos chambres !
Il n’eut pas
besoin de le répéter : nous quittâmes vite le bureau et bien que Naomy
tenta de me parler, je lui tournai le dos dès que la porte fut fermée, entraînant
Mathilde avec moi. Je n’étais pas déçue de sortir. Je ne pouvais plus supporter
les regards supérieurs que Monsieur Jean et Monsieur Nicolas portaient sur
nous. Ils avaient eu le dernier mot et ils le savaient bien.
Nous
allâmes boire un peu dans notre salle de bains et en profitâmes pour nous
passer de l’eau sur le visage. Nos yeux étaient rouges d’avoir beaucoup pleuré
mais nous étions ensemble, au moins.
- Je suis
vraiment désolée, Mathilde…
- Je savais
bien que cela nous vaudrait les pires ennuis du monde. Enfin bon, ce n’est pas
grave, t’inquiète pas. Heureusement que je ne t’ai pas laissée y aller toute
seule ce matin parce qu’avec des deux pestes de Naomy et Lou, tu aurais été
dans de sales draps !
Critiquer
Naomy et Lou nous fit beaucoup de bien et nous rendit une partie de notre
sourire, même si je craignais les retrouvailles de ce soir avec Monsieur Éric…
je n’en parlai pas à Mathilde pour ne pas l’inquiéter davantage, même si elle
devait également appréhender.
Avant
d’aller manger, nous fîmes nos devoirs en salle d’étude. Je n’en oubliais
aucun, pas question de me faire encore attraper par le Directeur ! Pas ce
soir !
Le
repas fut très silencieux. La rumeur de notre aveu avait déjà fait le tour du Pensionnat.
Mes camarades étaient soulagées d’avoir échappé à une punition collective.
Quant à notre table, elle fut la plus réservée du réfectoire. Naomy et Lou
n’osaient pas nous regarder et je refusais, comme Mathilde, de leur adresser la
parole.
En
réalité, je fus presque soulagée de rejoindre l’appartement de Monsieur Éric.
Au moins, je n’aurai pas à revoir les filles avant demain ! La nuit porte
conseil, peut-être serai-je plus encline à leur pardonner leur caractère
froussard et leur manque de solidarité demain…
Monsieur
Éric nous ordonna de nous asseoir sur le canapé en face de lui, qui se tenait
sur sa chaise, et je craignis une minute qu’il veuille nous punir à nouveau. Heureusement,
il n’en fut rien !
Le
Directeur nous sermonna à nouveau, nous expliqua que notre mauvaise blague
était un geste irrespectueux et excessif. Il ne voulait plus que cela se
reproduise et nous aurait donc particulièrement à l’œil dans les jours à venir car
nous avions perdu sa confiance pour un bon moment. Nous hochâmes la tête.
- Maintenant
Mathilde, va te préparer à dormir. Clémence, tu restes ici, je voudrais te
parler.
Mathilde
rejoignit la salle de bains. Monsieur Éric m’adressa un regard encore un peu
accusateur mais semblait quand même plus calme que tout à l’heure.
- Clémence, je
sais que c’est difficile pour toi d’accepter le règlement de cette école. Tu es
trop impulsive et cela ne t’amène que des ennuis. Je veux vraiment que tu changes
ton comportement et que tu fasses des efforts. Ce n’est jamais un plaisir pour
nous de te punir, que ce soit moi, Monsieur Matthieu ou n’importe lequel de tes
professeurs.
Devinant la
réplique qui allait sortir de ma bouche, Monsieur Éric leva la main et précisa :
- Même pour Monsieur
Jean et Monsieur Nicolas. Ils sont très sévères, oui, mais grâce à eux tu
obtiendras de très bonnes notes à ton baccalauréat. Ils ne veulent que votre
réussite. Alors tu arrêtes tes bêtises. On est d’accords ?
Je hochai la
tête. Je pensais la leçon de morale terminée mais Monsieur Éric acheva son
petit discours par la menace suprême :
- Je préfère te
prévenir Clémence : tu as fait beaucoup trop de bêtises depuis la rentrée.
A la prochaine bêtise, je passerai un coup de fil à ton frère pour qu’il te remette
les idées en place. Son aide sera la bienvenue.
J’ouvris des
yeux ronds, me rappelant de l’avertissement de Côme après ma fugue avec
Mathilde. Côme ne plaisante vraiment pas avec moi : il serait capable de
me garder une heure complète sur ses genoux s’il le fallait !
- Bien.
Maintenant, à la douche et au lit.
Je m’approchai
de Monsieur Éric pour lui demander un câlin qu’il me fit. Son câlin me fit
beaucoup de bien, moi qui avais l’impression de l’avoir un peu déçu. Cela ne
m’empêchait pas de faire des bêtises, bien sûr, mais Monsieur Éric était une
personne importante pour moi.
- Allez, c’est
fini, maintenant, me rassura-t-il.
- Vous… vous ne
m’en voulez plus ? demandais-je, appréhendant sa réponse.
- Je ne t’en ai
jamais voulu, Clémence. Tu es une adolescente, tu fais des bêtises, tu testes
les limites. Mon rôle, c’est de te cadrer et c’est ce que je fais. C’est vrai
que tu dépasses les bornes constamment, cela me met régulièrement en colère
parce que j’aimerais que tu aies une scolarité sereine et de qualité. Donc non,
je ne t’en veux absolument pas même si tu es une sacrée tête de mule !
Mais cela ne m’empêchera pas de te donner une fessée demain, après-demain et
tous les autres jours de la semaine. Et cela ne m’empêchera pas non plus
d’appeler ton frère à la prochaine bêtise. C’est compris ?
- Oui Monsieur…
- Très bien.
Maintenant, va te préparer à dormir. Je viendrai vous dire bonne nuit.
Je hochai la
tête et me relevai pour rejoindre la salle de bains.
Après
une bonne douche réconfortante, je regagnai mon lit. Mathilde avait séché ses
larmes et m’adressa un petit sourire. Je lui présentai une nouvelle fois mes
excuses mais elle répondit qu’elle était autant responsable que moi.
Monsieur
Éric nous souhaita une bonne nuit.
En
me tournant et retournant dans mon lit pour chercher à m’endormir, je
réfléchissais aux remarques des affreux Monsieur Jean et Monsieur Nicolas
pendant que nous étions sous la main du Directeur. Cela ne passait pas. Vraiment
pas. Je les avais maintenant dans le collimateur. La vengeance est un plat qui
se mange froid et pour ma part, il allait sûrement se manger glacé. Même chose
pour Naomy et Lou.
Une
chose est sûre, je n’étais pas prête de déposer les armes !
A suivre…
Merci Marie. Il est super ce chapitre
RépondreSupprimerDéjà hâte de connaître la suite ��