Jeudi 17 octobre 2019.
Depuis mon réveil, une boule de stress et d’angoisse était bien présente dans mon ventre et pour cause : à 17h ce soir, je serai dans le bureau de mon directeur de licence avec Tom et Dana pour discuter de l’avertissement comportement inscrit sur mon bulletin. Jeanne ferait également partie du convoi, son avertissement travail étant intéressant pour le rendez-vous.
Jeanne et moi fûmes sages, discrètes et même quasi-inexistantes toute la journée.
Oui, je crains énormément Tom et Dana. Ils
nous font la misère à mes sœurs et moi depuis que nous sommes arrivées chez eux,
j’ai donc toutes les raisons du monde de les redouter. Cependant, j’avais quand
même l’impression qu’ils lâchaient un peu de lest ces derniers temps, comme les
professeurs qui sont des dragons en début d’année puis qui desserrent la vis au
fur et à mesure que l’année progresse et que les élèves s’assagissent.
Peut-être mes sœurs et moi nous assagissons-nous ces derniers temps ?
Jeanne et moi frappâmes à la porte du bureau de
Monsieur Cardon à 17h05.
-
Entrez ! dit-il.
J’ouvris la porte et pénétrai
dans la pièce suivie de ma sœur. Tom et Dana étaient déjà là.
-
Pardonnez notre retard, dis-je d’une voix mal
assurée. La prof de littérature comparée nous a lâchées en retard.
-
Aucun problème. Installez-vous, je vous prie.
Jeanne et moi prîmes place sur
les deux chaises placées au milieu de nos parents.
-
Bien, nous allons commencer : Monsieur et
Madame Johnson, je voulais vous voir afin de discuter des avertissements de vos
filles. En effet, cette université suit ses élèves de près et nous sommes tenus
à certains résultats que vos filles n’atteignent pas.
-
Je ne sais quels résultats vous attendez,
dit Tom. Marie a quand même 14,6/20 de moyenne…
-
Pardon Monsieur Johnson, je me suis mal exprimé,
reprit Monsieur Cardon en se raclant la gorge. Marie atteint nos exigences au
niveau de son travail scolaire, mais pas au niveau du comportement à tenir.
Pour Jeanne, c’est l’inverse.
-
Que proposez-vous ? demanda Dana.
-
Eh bien, vous êtes leurs parents, c’est donc à
vous de proposer une solution…
-
Vous êtes en train de dire que nous n’exerçons
pas correctement notre rôle de parents ?! s’emporta Dana.
Ouh là… Ce rendez-vous prenait
une tournure inattendue.
-
Non pas du tout, répliqua Monsieur Cardon qui
commençait à transpirer. Je dis juste que vous connaissez bien mieux vos filles
que moi et je…
-
Lorsque nos filles sont désobéissantes à la maison,
elles sont immédiatement recadrées ! précisa Tom.
-
Si elles sont « recadrées » comme vous
dîtes, pourquoi – sans vouloir vous offenser – la récidive montre-t-elle le
bout de son nez ?
Silence. Le directeur de
licence venait de mettre le doigt sur quelque chose.
-
Marie est très loin d’être une élève exemplaire
depuis la rentrée, effectuée il y a seulement un mois… Pour rappel, je vous
tends cette feuille récapitulative…
Cette feuille signait mon
arrêt de mort. Ou pas. J’avais été punie à chaque fois, je ne pensai donc pas
que mes parents en remettraient une couche. Je pris alors mon courage à deux
mains et lus :
Mlle
Marie Johnson (née Lebertier)
3
septembre 2019 : devoirs non faits en Littérature Française
amenant à un 0/20
4
septembre 2019 : s’endort en cours d’histoire, insolence à son
réveil puis donne le mauvais numéro de téléphone sur la fiche de renseignements
6
septembre 2019 : début de bagarre avec Cassandra Dubois
13
septembre 2019 : insolence en culture littéraire puis exclusion
du cours de chimie
15
septembre 2019 : corruption du technicien
informatique
17
septembre 2019 : insolence en cours d’histoire
23
septembre : 1/20 en littérature comparée
30
septembre 2019 : insolence en histoire, incident de la gifle
avec Mr Montaire Pascal
2
octobre 2019 : nouvelle corruption du technicien informatique
Bon, il est vrai que ce n’est
pas un petit palmarès, j’en conviens. Cependant, vu toutes les tannées que j’ai
reçues à la suite de toutes ces bêtises, je n’en gardais pas forcément un bon
souvenir…
-
Nous sommes conscients du comportement inapproprié
de notre fille, Monsieur Cardon. Dit Tom. Néanmoins, je vous assure que toutes
ses frasques ne sont pas restées impunies, loin de là. Ma femme et moi mettons
un point d’honneur à ne rien laisser passer à nos filles et nous continuerons
sur cette voie.
Monsieur
Cardon eut l’air convaincu, puis passa au cas de Jeanne et proposa une
éventuelle réorientation. De plus, il fixa un nouveau rendez-vous à mes parents
– pour le lundi suivant – afin d’être tenu au courant des éventuelles
discussions autour du travail de Jeanne et de mon comportement.
Lorsque le
rendez-vous toucha à sa fin, je fus on ne peut plus soulagée. Enfin !
Jeanne et moi rentrâmes à la
maison silencieusement, avec Tom et Dana.
Une fois rentrés, mes parents congédièrent Héloïse et
nous firent nous asseoir autour de la table de la salle à manger. Mes sœurs et
moi nous demandâmes bien ce qu’il se passait, nous étions très intriguées.
Jamais nos parents ne nous avaient réunies de cette façon.
-
Les filles, commença Tom, nous avons quelque
chose d’important à vous dire.
Je retins mon souffle, tout
comme mes sœurs.
-
Je vais changer de travail, annonça papa. Enfin,
pas de travail en lui-même, plutôt de lieu. Je vais changer de lieu de travail.
-
Et…tu vas travailler où ? demanda Ana.
-
Paris. Dans le XVIème arrondissement,
exactement. Il me sera impossible de faire les allers-retours d’ici à là-bas
tous les jours, surtout si je veux continuer à avoir une vie de famille. Ce qui
veut dire…
-
Que vous allez déménager, finis-je.
-
Exact, dit Tom. Nous allons déménager dans le
XVIème arrondissement de Paris. Et puisque mon travail me veut au plus tôt,
nous déménageons la semaine prochaine.
-
Mais…et nous ? demanda Jeanne.
-
Justement, dit Dana. Aller vivre à Paris vous
éloignera un petit peu de vos familles et le temps passé avec elles le week-end
sera plus court. Cependant, par ce déménagement, Tom et moi ne perdons pas notre
qualité de famille d’accueil alors… Nous vous laissons le choix. Vous pouvez
décider de nous suivre ou…de changer de famille.
-
De changer de famille ? demanda Jeanne.
-
Oui, affirma Tom. Si vous décidez de nous suivre,
vous changerez d’université : vous serez scolarisées dans une université
privée – c’est notre volonté à Dana et moi – et vous continuerez de vivre avec nous.
Il faut également vous dire que nous n’aurons pas forcément le confort et l’espace
que nous avons ici car nous passerons d’une maison avec jardin à un
appartement, si luxueux soit-il.
-
En revanche, si vous décidez de ne pas nous suivre,
continua Dana, vous serez affectées à une nouvelle famille d’accueil. Vous
resterez dans la même université et vous serez à proximité de vos familles.
-
Puisque nous devons malheureusement tout faire
dans l’urgence, reprit Tom, il faudrait que vous nous donniez une réponse ce
soir avant de vous coucher. La secrétaire départementale attend vos décisions
demain à la première heure, pour pouvoir vous affecter dès lundi dans vos
nouvelles familles.
-
Quoique vous décidiez, poursuivit Dana les larmes
aux yeux, sachez que vous êtes et resterez nos filles, et que si vous avez
besoin de quoique ce soit nous serons toujours là pour vous.
Nous étions
tous les six très émus en quittant la table. Mes sœurs et moi décidâmes de nous
réunir dans ma chambre pour parler de ce que voudrions faire. Rester ici ou
partir avec nos parents ? Sacré dilemme…
A suivre…
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