Mardi 7
avril 2021
Tous les enfants sont déposés et avant de me déposer moi-même
au boulot, je m’arrête à la pharmacie. Je fume une clope histoire de me
détendre, enfile mon masque puis entre dans cette fichue pharmacie. Je m’empare
d’un petit panier et prends ce dont j’ai besoin : des tétines pour les jumelles,
du gel douche, du Doliprane, des pastilles pour la gorge et…un test de
grossesse.
Avant-hier, en me demandant si j’étais enceinte, Alexandre m’a
mis le doute : j’ai un sacré retard de règles, moi qui d’habitude suis
réglée comme du papier à musique. J’ai également la nausée depuis mon réveil ce
matin, mais cette nausée pourrait s’expliquer par le stress que je ressens à l’idée
d’attendre un septième enfant.
Mes courses terminées, je refume une cigarette avant
d’entrer dans le cabinet. Je referme ensuite la porte derrière moi, salue les différents
patients déjà présents dans la salle d’attente puis filai aux toilettes.
Les deux minutes d’attente du résultat furent les
plus longues de ma vie. Cependant, le résultat fut très clair avant même la fin
de ces fameuses deux minutes. Je l’avais lu bien trop souvent pour savoir ce
que cela signifiait : positif. Selon ce test, j’étais enceinte.
Je fondis en larmes.
Ce n’était pas prévu du
tout. Alexandre et moi n’avions absolument pas prévu les choses comme ça.
Cependant, l’amour pour ce tout
petit être vint instantanément emplir mon cœur de maman.
Je me rhabillai, me lavai soigneusement
les mains, essuyai mes larmes et me repouponnai devant le miroir pour paraître
présentable durant mon passage retour dans la salle d’attente.
Je frappai à la porte d’Alexandre, qui était avec un
patient :
-
Oui ?
Sans jeter un œil à l’intérieur
du cabinet, j’entrouvris la porte et dis :
-
Je peux te parler quand tu auras fini avec ce patient,
s’il te plaît ?
-
Oui bien sûr, répondit mon mari.
Je fermai la porte et m’assis
à mon poste. Cependant, impossible de commencer à travailler : je n’avais
la tête qu’à cette nouvelle qui chamboulait tout. Il allait falloir transformer
le bureau en chambre d’enfant. Il faudrait également remettre en questions ma
reprise d’études : avec sept enfants, serait-il possible pour moi d’être
avocate ?
Je meurs d’envie de m’emparer de
mon téléphone et d’appeler ma mère et mes deux frères. Je pense également à ma
meilleure amie… Mais le premier au courant doit être Alexandre. Ensuite, les
enfants. Mon dernier accouchement remonte à treize mois. Je passerai sûrement
pour une poule pondeuse auprès des gens. Peu importe. Ma famille est tout pour
moi. J’aime déjà ce petit pois à l’intérieur de moi. Je l’aime déjà comme une
maman. Je l’aime déjà comme j’aime Alice, Noé, Björn, Simon, Capucine et
Emily-Rose. Je ferai n’importe quoi pour eux. Tant pis pour mon rêve d’avocate.
-
Je dois parler à ma femme, Madame Benhamou, dit
Alex. Je vous consulte juste après. Ce ne sera pas long.
Je n’avais même pas remarqué
que le patient sortait du cabinet, tellement j’étais happée par mes pensées.
Je m’engouffrai dans la pièce
et me retrouvai face à face avec mon mari.
-
Que se passe-t-il ? me demanda le médecin.
Il y a un problème ?
-
Je viens de faire un test de grossesse,
lâchai-je immédiatement. Il est positif.
-
D’accord, dit-il.
Il s’assit pour accuser la
nouvelle. Il marqua un court instant de silence puis dit :
-
Bébé numéro 7.
-
Bébé numéro 7, répétai-je.
La famille d’Alexandre est
très pieuse et mon mari est totalement contre l’avortement. Je suis contre
également, trouvant qu’un enfant est un vrai cadeau de l’univers.
-
Bon, eh bien… C’est parti pour une nouvelle
aventure ! dit-il.
-
Tu…tu n’es pas fâché ? Ou inquiet ? Ou…
-
Fâché pour quoi ? Nous n’avions qu’à faire
attention. Pour ce qui est de l’inquiétude, je suis père de famille ! Cela
signifie que je serai inquiet à vie ! Et si Dieu nous fait le formidable
cadeau d’un nouvel enfant, nous devons l’accepter et profiter du fait d’être
autant bénis.
-
Je croyais que tu en avais marre des couches et
des biberons et…
-
Certes. Mais il faut quand même accueillir ce
cadeau du ciel. Un nouveau mini-nous qui sera forcément aussi merveilleux que
les six premiers.
Il le prenait beaucoup mieux que
ce que je pensais.
-
D’accord, dis-je. Alors… C’est parti pour le
numéro 7.
-
C’est parti pour le numéro 7, répéta mon mari en
m’embrassant sur le front.
Plus
légère, je me mis au travail non sans faire de longues pauses pour jeter un œil
aux sites de futures maman et aux sites de prénoms. J’ai toujours rêvé d’avoir
une fille appelée « Héloïse », mais j’aime aussi beaucoup « Hermione »,
bien que ça renvoie à Harry Potter… Pour un garçon, les prénoms simples me
plaisent bien : Tom, Jean, Paul, Baptiste… Des prénoms courants qui ne demandent
pas d’effort de prononciation (Alexandre et moi avons compris notre douleur
avec notre fils Björn !). Cependant, les prénoms originaux sont très
intéressants… Nous verrons bien !
Avant la fin de la matinée, j’invitai mes parents et
mes frères à un apéro dînatoire vendredi soir, dans l’intention de leur
annoncer la nouvelle. J’invitai également ma belle-famille pour samedi soir.
Le repas du midi fut, comme tous les jours de la
semaine, l’occasion de nous retrouver en tête à tête Alex et moi. Nous parlâmes
de cette future naissance. Il me faudrait faire une prise de sang pour confirmer
le caractère positif du test, puis prendre rendez-vous chez un gynécologue. Heureusement,
grâce aux contacts d’Alexandre, je n’aurai pas à attendre très longtemps.
En rentrant à la maison avec ma marmaille, je les installai
tous dans le salon pour leur annoncer la nouvelle :
-
Les enfants, j’ai quelque chose d’important à
vous dire : papa et moi allons avoir un autre bébé.
Alice et Björn sautèrent de
joie, Simon, Capu et Mimi ne comprirent pas tellement ce que cela signifiait. Quant
à Noé, il s’exclama :
-
Encore ?!
-
Euh…oui, encore…répondis-je, décontenancée.
-
Mais vous allez en faire combien, des bébés ?!
-
Noé, pourquoi est-ce que cela te met en colère ?
m’informai-je en tentant de camoufler ma tristesse.
-
Parce que si vous faîtes plein de bébés, vous ne
vous occuperez plus de moi !
Un gros « tilt » se
déclencha dans ma tête. Noé se sentait délaissé, voilà pourquoi il devenait perturbateur :
mon fils avait besoin d’attention !
J’envoyai les autres au goûter
tandis que je restai seule avec Noé. Je tentai de lui expliquer qu’il devait
mettre des mots sur ce qu’il ressentait pour ne pas rester dans un état de
mal-être ; que son père et moi serions toujours là pour lui et qu’il
fallait qu’il nous parle. De plus, nous essayerons de passer plus de temps
seuls avec lui.
-
Dans ce cas, je veux bien que tu aies un autre
bébé, conclut-il.
Je le remerciai en tentant de
garder mon sérieux puis le fis rejoindre sa fratrie pour le goûter.
Au coucher, Alice me tendit un dessin qu’elle avait
réalisé pour le bébé.
-
Merci ma chérie, dis-je. On le mettra dans sa
chambre quand on la préparera, d’accord ?
-
D’accord, dit-elle.
Je regardai le dessin et vis qu’Alice
avait dessiné le bébé en petite fille.
-
Tu sais, ce sera peut-être un garçon, l’informai-je.
-
Non, ce sera une fille.
-
Ce n’est pas sûr, Alice…
-
Je te dis que ce sera une fille !
insista-t-elle.
Je l’embrassai en guise de
bonne nuit et sortis de sa chambre. Je n’étais absolument pas pressée d’être le
jour du diagnostic du sexe du bébé…
Alexandre et moi dinâmes puis nous installâmes dans
le canapé. Alexandre s’était servi un verre de vin, il m’avait versé du jus de
fruits.
-
Tu sais que j’ai quand même le droit à un verre
de vin par jour ? lui demandai-je.
-
Il est préférable que tu ne boives pas d’alcool.
Il va également falloir que tu arrêtes de fumer pour de bon.
-
Quoi ? Mais euh…
-
Le fœtus risque d’être accro à la nicotine !
Et il risque également d’être petit !
-
Eh bien, il sera jockey ! rétorquai-je,
boudeuse.
-
Thalysa, zéro alcool et zéro cigarette. Ce n’est
pas négociable.
-
Sinon tu vas encore me donner une fessée ?
-
Non.
-
Non ? Comment ça, non ?
-
On a convenu de ne pas en parler aux enfants. C’est
notre règle d’or. Tu en as un dans ton ventre, il peut nous entendre…
-
Alexandre, je suis enceinte de deux mois maximum,
lui rappelai-je. Le bébé n’entend encore rien, et il n’entendra rien avant
trois bons mois. Tu le sais tout comme moi !
-
Ça, c’est ce que la science dit ! Mais en
réalité, on ne sait pas…
-
Alex, s’il te plaît. On a trouvé un équilibre depuis
jeudi et je ne nous vois pas tout rechambouler. Et au pire, il ne s’en
souviendra même pas…
-
Mais s’il fait de l’hypnose une fois adulte, et
qu’il en a des bribes ? Et si ça le traumatise ?
-
Alex, tu vas beaucoup trop loin, là.
-
Attends, je rêve ou tu es en train de me
demander de continuer à te punir ?
-
Euh…oui. Avouai-je, gênée. Il y aurait un manque
dans notre couple…
-
Très bien alors. Mais je ne punirai plus sur mes
genoux.
-
D’accord…
-
Pour ne pas entacher la bonne nouvelle du jour,
nous ne règlerons pas nos comptes ce soir.
Je me surpris d’être un poil déçue.
-
Cependant, nous en parlerons demain soir. Et
durant les mois qui précèderont ton accouchement, si jamais je te vois fumer
une cigarette, boire une seule goutte d’alcool ou une seule goutte de café, je
te garantis que tu ne voudras pas recommencer. Compris ?
-
Compris, Monsieur, répondis-je.
-
Bien.
Nous lançâmes un film que nous
regardâmes dans les bras l’un de l’autre, rêvant à notre futur petit bout de
chou.
A suivre…
Oh! Un bel événement à venir, c'est top ça !
RépondreSupprimerC'est clair que ça remet en questions certaines choses.
Sans faire débat, j'ai arrêté la clope juste avant mon désir grossesse. Et ç'a été facile car c'était pour ce petit être qui allait grandir en moi. Une partie de nous dont je devais prendre soin dès le début. Depuis, arrêt total et jamais repris !
RépondreSupprimerElle va y arriver, j'en suis sûr :)