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Un joli fantôme du passé (Chapitre 24 - 2ème partie)

 



-          Je…je commence vraiment à avoir trop d’enfants.

La jeune fille ne répondit pas. Le silence continua. Kate se leva, avança vers la jeune fille et lui dit :

-          Entre et viens t’asseoir. Nous pourrons ainsi discuter calmement.

L’inconnue accepta. Nous ajoutâmes un couvert pour elle et attaquâmes le plat principal. Personne s’osait parler, sauf Kathleen :

-          Alors comme ça…Tu es la fille de Valentin ?

-          Oui, dit-elle.

-          Comment en es-tu sûre ?! aboya Romain, sortant de son mutisme.

La jeune fille se tourna vers mon père et lui dit :

-          Vous avez eu une histoire d’un soir avec une dénommée Céline Lemaître, un soir d’été 2002. Ce devait être en juillet. Vous l’avez rencontrée en boîte de nuit.

-          Je…J’ai effectivement couché avec une femme après une soirée en boîte de nuit… Mais j’ignore si c’était en 2001 et j’ignore si elle s’appelait Céline… avoua papa, penaud.

-          Génial ! s’écria ironiquement Romain. T’as combien de gosses qui vont débarquer, comme ça ?!

-          C’est la seule et unique fois où j’ai couché avec une femme en dehors de vos mères et de Kathleen, acta Valentin. Je vous le jure sur vos vies.

-          Eh mais attends, tiltai-je. J’ai été conçue en septembre 2001 ! Ça veut dire que tu as trompé ma mère ?!

Papa ne savait plus où se mettre. C’était bien fait pour lui !

-          Elle m’avait trompé un mois avant ! justifia Valentin, tel un gamin. J’ai voulu me venger !

-          Belle philosophie de couple ! ironisai-je. Tu m’étonnes que ça a planté !

Il y eut de nouveau un silence, puis Kathleen demanda à la jeune fille :

-          Comment t’appelles-tu ?

-          Judith, répondit-elle.

-          C’est ta maman qui t’a donné le nom de Valentin ? questionna ma belle-mère.

-          Ma génitrice, oui, répondit la jeune fille. J’ai réussi à la retrouver grâce à mon dossier et elle m’a dit qui était mon géniteur.

-          Ton dossier ? interrogea Kathleen.

-          Ma mère a accouché sous X, lâcha Judith. J’ai grandi en foyer.

Cette nana venait de lâcher une bombe. Papa avait les larmes aux yeux. Il avala sa salive et dit, en tentant d’être le plus posé possible :

-          Comment es-tu sûre que je suis ton père ?

-          J’en suis vraiment sûre, dit Judith en tendant un papier à papa.

-          C’est quoi ?! aboya Romain.

-          C’est…c’est un résultat de test ADN qui prouve que Judith est bien ma fille, expliqua Valentin.

-          Et comment t’as eu son ADN, d’abord ?! demanda Romain sur le même ton.

-          Je suis allée à une des conférences qu’il a donné à Paris, expliqua Judith. Et…

-          …c’est toi ! s’exclama papa. C’est toi la gamine qui m’a fait faire un test salivaire, prétextant que c’était pour la COVID ! Je me souviens, je m’étais dit que tu ressemblais beaucoup à mes filles !

-          Tiens donc ! commenta mon frère.

-          Aimerais-tu nous raconter ton parcours ? demanda gentiment Kathleen.

-          On n’a p’têtre pas envie d’l’entendre ! dit mon frère.

-          Romain, ça suffit ! gronda papa.

-          Eh bien, commença Judith, je suis née le 7 mai 2002 à l’hôpital Trousseau à Paris.

Punaise, je suis du 30 juillet 2002. Je n’en reviens pas.

-          Puisque ma génitrice a accouché sous X, continua Judith, j’ai été placée en foyer puis ballottée de famille d’accueil en famille d’accueil jusqu’à mes dix-huit ans. Le jour de ma majorité, j’ai été mise dehors et je devais désormais me débrouiller toute seule. J’ai dormi trois mois dans la rue, puis j’ai décidé de retrouver mes parents. J’ai très vite retrouvé ma génitrice - qui n'a pas voulu de moi -, puis j’ai pu retrouver mon géniteur. Là, j’ai su qu’il était parti vivre aux Etats-Unis alors j’ai trouvé un petit boulot pour gagner assez de sous afin de pouvoir me payer un billet d’avion et venir jusque dans ce pays. Je me suis rendue jusque dans la Silicon Valley et des passants dans la rue m’ont dit où vous habitiez. C’est alors que je suis arrivée et que j’ai sonné à la porte.

Waouh. Cette fille avait eu une vie encore plus merdique que la mienne et pourtant, je croyais cela impossible !

-          Tu es un sacré petit bout de femme, acta Kathleen.

Les larmes de Valentin coulaient sur ses joues. En tentant d’avoir une voix la moins tremblotante possible, il dit :

-          Si…si j’avais su que tu existais, je t’aurais reconnue dès la naissance et prise avec moi…

Judith se mit elle aussi à pleurer. Papa se leva et la prit dans ses bras. C’est à ce moment précis que Manon sortit de table et partit s’enfermer dans sa chambre. Romain bouillonnait de colère. Quant à Trent et moi, nous ne savions comment réagir. Pour ma part, un bout de moi était profondément jaloux de cette fille : je ne serais plus le centre d’attention de papa. Un autre bout de moi compatissait énormément : l’histoire de Judith est juste profondément triste. Enfin, un dernier bout de moi était content d’avoir une nouvelle sœur.

-          En une journée, tu es passée de trois à cinq enfants, dis-je à mon père. Puisque Kathleen et ses jumeaux vont emménager le mois prochain, ça fera sept enfants. On vivra à neuf dans cette maison. Ça va faire beaucoup, tu ne trouves pas ?

-          On s’organisera le temps de trouver une maison plus spacieuse, annonça papa.

Il regarda Judith et lui dit :

-          Nous allons refaire un test ADN par précaution, bien que je n’aie pas trop de doute. Tu as mes yeux et mon nez. Le temps que nous ayons les résultats du test, nous t’hébergerons. Si ce nouveau test s’avère effectivement positif, nous ferons les démarches pour que je puisse te reconnaître, et tu resteras évidemment vivre avec nous jusqu’à ce que tu souhaites devenir indépendante. Est-ce que cela te convient ?

Judith prit mon père dans ses bras, l’informant que c’était son rêve le plus cher.

 

            Nous finîmes le repas sans Manon, et avec un Romain extrêmement en colère. Papa m’avait demandé de prêter ma chambre à Judith, j’avais accepté à la seule condition qu’elle ne touche à rien. J’acceptai d’aller dormir avec Manon.

 

            Valentin et Kathleen devant parler ce qui s’était passé ce soir, nous les laissâmes tranquilles. Trent, Romain et moi montâmes dans la chambre de Manon pour essayer de prendre la température de l’ambiance.

-          On peut entrer ? demanda Romain.

-          Oui, oui ! dit Manon avec une pointe d’agacement.

Romain et moi allâmes nous poser aux côtés de notre grande sœur, sur son lit.

-          Bon, il faut qu’on fasse un point sur ce qu’il vient de se passer, annonçai-je.

-          Après Kathleen, voilà que papa nous amène une gamine ! râla Manon.

-          C’est normal qu’il ait trouvé l’amour avec Kathleen, dit Romain qui avait apparemment accepté cet événement. Et il ne savait pas qu’il avait une autre fille !

-          Oui enfin, s’il n’avait pas trompé ma mère…dis-je.

-          Oui bon, les hommes réfléchissent avec leur…

-          Eh ! protesta Romain en filant une tape sur le bras de Manon.

-          Ben quoi ? dit ma sœur. C’est pas vrai, p’têtre ?

-          Non, pas toujours ! se défendit notre frère.

-          Je confirme, dit Trent. Pas toujours !

-          Bref, qu’est-ce qu’on fait ? demanda Romain. Maintenant qu’elle est là…

-          On va devoir l’accepter, dis-je.

-          Hors de question ! s’écria Manon.

-          C’est votre sœur ! intervint Trent.

-          Notre sœur, le reprit Romain. Tu es le fils de papa, toi aussi, maintenant.

-          Oui… dit Trent, un peu gêné vis-à-vis de moi. C’est notre sœur. Elle n’y est pour rien. Elle n’a pas demandé à naître. Elle est l’enfant de Valentin au même titre que nous tous.

-          Trent a raison, dis-je.

-          Je sais, continua mon frère. C’est notamment pour cela que j’essaie de contenir ma colère. Je sais que Trent a raison. Seulement, je ne peux pas m’empêcher d’être en colère contre papa.

-          Mets-toi deux minutes à sa place, dit Trent. Il vient de découvrir qu’il a une fille qui a eu une vie misérable. Après ce qu’il a vécu avec Zoé, mets-toi deux secondes à sa place. Et toi aussi, Manon. Mettez-vous tous les deux à sa place pendant quelques instants.

Mon frère et ma sœur réfléchirent et je sentis qu’ils commençaient à s’adoucir.

-          Judith est dans ma chambre, dis-je. Ça vous va si on fait connaissance avec elle ?

-          Allez-y, je vous rejoins, dit ma sœur.

-          Manon…la reprit Romain.

-          C’est promis, j’arrive ! confirma l’interne en médecine. Je vais prendre une douche le temps d’accuser le coup, et j’arrive.

 

Romain, Trent et moi frappâmes à la porte de ma chambre.

-          Entrez ! dit Judith.

-          Salut, dis-je en ouvrant la porte.

-          Salut, répondit Judith.

-          Désolés pour l’accueil, poursuivit Trent. Nous avons été un peu…déboussolés par ton arrivée.

-          C’est tout à fait normal, je ne vous en veux pas.

Nous discutâmes beaucoup avec Judith. Nous nous présentâmes et lui parlâmes de nous, de papa et de notre vie de famille. Lorsque Manon nous rejoignit, elle s’intégra bien et participa activement à la conversation. Le courant passait bien avec Judith et j’en étais vraiment contente.

-          Je me ferai toute petite, vous verrez, dit Judith. Je ne suis pas dérangeante.

-          Tu n’as pas à te faire toute petite, la rassura Trent. Tu as juste à être toi-même. Notre sœur, et la fille de Valentin.

-          Je…je ne sais pas comment faire, avoua Judith.

-          Logique, dis-je. Tu auras juste à te laisser porter. Dans cette famille, on ne ment pas, on ne triche pas. On s’aime et c’est tout.

-          Oui enfin, y’a quand même une hiérarchie à respecter ! reprit Manon.

-          Une hiérarchie ? s’inquiéta Judith. C’est-à-dire ?

-          Papa est le chef de famille et tout le monde lui doit obéissance, dit ma sœur aînée. Rassure-toi, ce n’est pas la dictature ! Il y a du dialogue ! Mais lorsque papa dit quelque chose, on ne le conteste pas.

-          Ensuite, enchaîna mon frère, chaque enfant doit obéissance à son aîné et est responsable de son cadet. Donc Manon a autorité et responsabilité sur nous quatre, puis ensuite moi, puis Trent, puis toi…et Zoé doit obéissance à tout le monde puisqu’elle est la plus jeune.

-          Eh oui… me lamentai-je. A trois mois près, c’est quand même con !

Tout le monde ria, sans pour autant me consoler.

-          Et qu’est-ce qui se passe ici quand on désobéit ? demanda Judith, inquiète. J’ai vécu dans des familles d’accueil qui nous enfermaient dans le noir ou qui nous jetaient dehors si on faisait des bêtises.

Alors que Manon, Trent et moi entamions un silence des plus gênants, Romain répondit :

-          Non, il n’y a rien de tout cela ici. En revanche, tu peux te prendre un savon, une privation de sortie ou d’écrans, ou une fessée.

-          Euh…d’accord, dit Judith, interloquée. Donc si je fais une bêtise, je peux prendre une fessée de la part de papa ?

-          Oui, affirma Romain. De la part de papa, ou de la part de Manon, ou de Trent, ou de la mienne.

-          Ah ouais, s’étonna ma nouvelle sœur. Ça fait beaucoup de monde qui peut me tomber dessus, ça !

-          C’est clair que ça dissuade ! lui dis-je, sachant parfaitement de quoi je parle.

-          Le mieux est de se tenir à carreaux, dit Manon. Et de toujours dialoguer et dire la vérité.

-          D’accord, dit Judith.

Deux choses m’ébahissaient.

Premièrement, Judith n’avait pas l’air plus surprise que cela que des individus majeurs se prennent des fessées par leur père ou frère/sœur aîné(e). Je me souviens que j’en avais été vraiment choquée !

Deuxièmement, je n’avais jamais, ô grand jamais imaginé qu’en devenant mon frère adoptif, Trent puisse être amené à me flanquer une rouste. Cela me perturba énormément.

 

            Judith étant fatiguée par son long voyage (elle donnait d’ailleurs l’impression de ne pas avoir dormi depuis des lustres !), nous la laissâmes se reposer et descendîmes discuter avec papa. Kathleen et ses jumeaux étaient rentrés chez eux quelques minutes plus tôt ; nous étions donc enfin seuls.

-          Comment a réagi Kathleen ? se renseigna Trent.

-          Elle est merveilleuse, dit papa. Elle a très bien accepté la chose et a dit qu’« un enfant de plus ou de moins dans cette maison, cela ne changerait pas grand-chose ».

-          Et toi, comment te sens-tu ? m’inquiétai-je.

-          Je crois que je vais bien dormir cette nuit, avoua le PDG. Quelle nouvelle ! J’ai hâte d’apprendre à connaître Judith et j’ai hâte de vivre cette vie à neuf. Néanmoins, je vous préviens comme j’ai prévenu les jumeaux : avec sept enfants, Kathleen et moi allons vraiment devoir avoir une organisation militaire ! Vous allez devoir filer droit parce qu’il n’y aura pas de place pour les bêtises !

-          Eh bien, dit Manon, je sens que je vais être contente de n’être là que pendant les vacances !

Ma sœur avait bien de la chance !

 

            Au moment du coucher, j’étais déçue de devoir aller dormir avec Manon et non avec Trent ; si papa et Romain m’avait permise de dormir une nuit avec lui à l’occasion de son anniversaire, ils n’avaient pas encore accepté le fait que Trent et moi puissions être ensemble toutes les nuits. Il me faudrait donc beaucoup, beaucoup de patience.

 

            En essayant de m’endormir, je cogitais à l’arrivée de Judith dans la famille. Il est vrai qu’il n’allait pas falloir qu’elle prenne trop de place car je me sentirais vite délaissée ; par le passé, ma jalousie m’a fait faire des choses vraiment très moches. J’espérais de tout cœur que cela ne se reproduise pas.

 

A suivre…

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  Dimanche 15 octobre 1950        Neuf heures : maman vient me réveiller. Le dimanche, nous allons à la messe qui débute à dix heures et demie. Du coup, maman nous lève relativement tôt pour pouvoir vérifier que tout le monde est bien apprêté pour le Seigneur.          A la messe, nous nous consacrons entièrement au Seigneur. Victor et Gus font partie des enfants de chœur qui servent la messe aux côtés du père Antoine (qui n’est autre que le grand frère de papa), ils se doivent d’être irréprochables !        L’église est le seul endroit où j’arrive à me tenir sage longtemps car j’aime beaucoup chanter. Cependant, je n’aime vraiment pas la sortie de messe. Mes parents et grands-parents ont toujours des tas de gens avec qui discuter et moi, ça m’ennuie beaucoup ! Victor et Nono proposèrent alors de nous ramener à la maison pour que les adultes puissent continuer à discuter tranquillement ; papa accepta.          Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous effectuâmes les mêmes

Un joli fantôme du passé (Chapitre 19)

  -           Quoi ?! s’exclama Manon. Depuis quand tu as une petite copine ?! -           Cela fait plusieurs mois maintenant, répondit papa. Peut-être cinq ou six. Je voulais être sûr que cela fonctionne. Il est maintenant temps de vous la présenter. -           Cinq ou six mois, et tu ne nous en parles que maintenant ?! s’offusqua mon frère. -           Je vous signale qu’avant d’être votre père, je suis un homme qui a le droit à sa vie privée ! milita papa. -           Non ! protesta Manon. Non et non ! C’est ton tout premier job d’être notre père ! Tu nous as toujours dit que tes enfants passaient avant tout ! -           C’est le cas, se défendit papa. Cela ne veut pas dire que je dois tout vous dire ! -           Bien sûr que si ! insista Romain. -           Ah oui ?! rétorqua papa. Et vous me dîtes tout, vous ?! Un silence suivit. Mon frère finit par le briser : -           Ce n’est pas pareil ! Il y a des trucs qu’on ne te dit pas pour te protéger ! -