À la suite de notre mariage, Hugo et moi avons
beaucoup parlé à propos de mon tutorat. Nous avons partagé nos ressentis respectifs.
Il me disait :
-
Je t’avoue que ça ne me plaît pas trop que tu
rencontres d’autres inconnus. Je ne suis jamais tranquille quand tu pars seule
à la rencontre d’un gars que tu ne connais pas...
-
Ben oui mais il faut bien que je cherche…
-
Et Gabriel ? Il ne pourrait pas être ton
tuteur attitré ?
-
Si, peut-être… réfléchis-je.
-
Il l’a déjà été, il te connait par cœur…
-
Oui, c’est sûr.
-
Tu ne veux pas lui demander ? me proposa
mon mari.
-
Il fait déjà énormément pour nous. Je lui dois
beaucoup de choses ; lui ne me doit absolument rien ; et tu veux que
je lui demande encore un truc ? Et ce n’est pas n’importe quoi, c’est une
lourde responsabilité…
-
Eh bien je vais lui demander moi. Je vais l’appeler.
-
Fais comme tu veux, mon chéri.
Gabriel a accepté.
Je savais depuis plus de deux semaines que mon meilleur ami allait venir. J’essayais de fournir des efforts à mon niveau pour prendre la
plus petite raclée possible ; mais parfois, la flemme prenait le dessus. Je me disais : « Bon, tant pis, je vais prendre une fessée… »
et puis je me ressaisissais aussitôt : « Non, non ! Je ne veux
vraiment pas en prendre une ! » alors que je faisais l’effort de
prendre mon médicament ou de manger correctement. Mais d’autres fois, je
tentais de me donner des excuses à la con, du genre : « Il ne va pas
me punir pour ça, précisément… » ou encore « Il ne va pas pouvoir
tout punir… ». Je savais très bien dans ma tête que c’était totalement
faux mais il me fallait une excuse sur le champ pour pouvoir laisser aller ma
flemme.
Après un début de journée catastrophique, j’arrivai en
retard à la gare. Gabriel m’attendait déjà. Le pauvre… Je m’excusai platement pour
mes dix minutes de retard, il me dit qu’il n’y avait aucun problème. Je m’excusai néanmoins de nouveau puis nous partîmes boire un café en terrasse.
Après avoir bien discuté, nous mangeâmes au restaurant.
Là, encore, nous discutâmes beaucoup. Gabriel m’a énormément manqué. Je ne l’ai
pas vu depuis mon mariage, il y a trois semaines et demie. De plus, je suis à
fleur de peau en ce moment et la moindre petite émotion se transforme en
supplice ; le manque de Gabriel formait un trou béant dans mon cœur et chaque
respiration me demandait un effort colossal. Maintenant qu’il était là, ça
allait mieux, même si j’avais juste envie de le prendre dans mes bras et de rester
comme ça, blottie contre lui. Je prenais donc énormément sur moi pour ne pas
être trop tactile et le laisser respirer.
Hugo et moi avons cinq amis extrêmement proches :
Grégory, Maï-Lan, Louise, Déborah et Gabriel. Hugo et moi avons choisi de créer
une famille avec eux. Ils sont exceptionnels. Ils ne nous ont jamais déçus,
jamais abandonnés, jamais trahis… Ils ne nous apportent que bienveillance,
bonheur et amour. Des amis que tout le monde rêverait d’avoir, des amis que
tout le monde devrait avoir.
Après manger, Gabriel et moi allâmes nous balader dans
un grand parc, toujours en discutant de la vie, de son sens, de nos vies
respectives… Une vraie discussion entre HPI !
Sur le retour de notre balade au parc, nous croisâmes
mes beaux-parents qui commençaient justement la leur. Cela voulait dire que la
maison était vide.
Quelques minutes plus tard, Gabriel et moi étions donc
seuls à la maison. Je pris mon temps pour retarder au maximum l’inévitable échéance,
je pris ma collation de 16h, puis bus un peu de coca, puis troquai mes
chaussures contre mes chaussons, puis passai au pipi-room, puis me lavai les
mains… Et soudain, je n’avais plus rien d’autre à faire. Je me retrouvais face
à Gabriel et je n’avais plus d’excuses. Bizarrement, j’avais très envie d’aller
détendre le linge ou de passer la serpillère ; mais mon grand frère m’aurait
stoppée net pour m’en mettre une. Donc…mauvais plan.
Gabriel se mit à énumérer mes dernières frasques à l’aide
du tableau qu’il consultait sur son téléphone. Plus il regardait ce tableau,
plus je priais pour que mes beaux-parents rentrent vite. Très vite. Très, très
vite.
-
Aller, on monte ! me dit Gabriel et prenant
les devants pour que je le suive au premier étage.
-
Nan ! Mais c’est bon, j’vais t’expliquer !
-
Tu vas m’expliquer quoi ?
-
Ben pourquoi y'a du rouge dans le tableau…
-
Ah parce que tu as de bonnes raisons pour ça ?!
Monte, dépêche-toi !
Mes pieds n’ont jamais été
aussi lourds que pour aller à l’étage, dans notre chambre à Hugo et moi. Je
continuais d’essayer de gagner du temps, la première claque se rapprochant trop
vite. Bon sang, mais quand est-ce que mes beaux-parents rentreraient ?!
Ils n’aiment pas beaucoup marcher, ils ne devraient pas tarder !
-
Bon, on va commencer par les médicaments, annonça
Gabriel après s’être questionné sur l’item à punir en premier.
Ok, ça va faire mal. C’est ce
que je pense toujours. « Ok, ça va faire mal. Ça va vraiment, vraiment
faire mal. ». Je me retiens de pleurer. De plus, il n’y a pas loin de quatre
instruments redoutables planqués dans cette chambre. Quatre instruments pouvant
potentiellement tomber sur mes fesses si mon meilleur ami demande après eux. Je
suis dans un pétrin monstre. Cependant, je préfèrerais quand même avoir à faire
aux instruments plutôt qu’à la terrible main de mon frère.
Gabriel se leva du lit où il
était assis, me choppa par le poignet et me pencha sous son bras. Je lâchai la
première larme, avant même qu’il ne me touche. Je savais que ça allait faire
extrêmement mal.
-
Ce n’est pas de gaité de cœur que je le fais,
mais y’a un moment donné où il faut que tu arrêtes de faire n’importe quoi !
me réprimanda-t-il en remontant ma robe et en baissant ma culotte.
Lorsque la première claque
tomba, je me dis que j’étais dans un très sale pétrin. Les autres claques suivirent,
toutes se succédèrent, et je pleurais. J’attendais avec impatience que les premières
minutes de chauffe passent afin que les claques deviennent plus supportables,
et je priais pour que mes beaux-parents rentrent de leur promenade.
-
Arrête ! Arrête ! priai-je à Gabriel.
Soudain, il s’arrêta et me demanda :
-
Lucie, est-ce que depuis qu’on se connaît, il y
a déjà eu un seul moment où tu m’as demandé d’arrêter et où je t’ai écoutée ?
-
Non mais y’a un début à tout ! répondis-je
entre deux larmes.
-
Un peu d’humour ne fait pas de mal, dit-il. Mais
il n’y aura quand même pas de début pour ça.
Et il reprit. Impitoyable et
infatigable. Et mes beaux-parents ne rentraient pas. Et les claques étaient aussi
insupportables qu’au début. J’avais l’impression que mes fesses ne chauffaient
pas. A chaque fois que la main de Gabriel tombait sur mon derrière, j’avais
extrêmement mal. C’était cinglant au possible. Cette fessée commençait déjà à me rester en mémoire.
Après cette première salve sempiternelle, Gabriel s’arrêta.
Je vis qu’il avait la main pleine de sang. Je lui dis :
-
Tu t’es blessé !
-
Ce n’est pas moi qui suis blessé, me
répondit-il.
Je compris que c’était moi qui
saignais. Le minuscule bouton que j’avais sur la fesse droite avait rendu l’âme
avec la force des claques. Puisque je saignais abondamment, je crus un instant que
la fessée allait s’arrêter là. Mais non. Après le passage d’un mouchoir pour essuyer
tout ça (et me faire gagner du temps au passage… Mais bon sang, pourquoi faisaient-ils
une promenade aussi longue ?!), je me retrouvai en deux temps trois
mouvements sur les genoux de Gabriel. Les claques retombèrent, mes larmes
recoulèrent, mes fesses n’avaient toujours pas l’impression de chauffer
tellement j’avais mal, et mes beaux-parents ne rentraient toujours pas. Chaque claque
était tellement douloureuse que je m’accrochais à la couette de mon lit pour
mettre ma tête dedans et étouffer de potentiels cris. Cela faisait longtemps qu’une
fessée ne m’avait pas fait aussi mal. Est-ce parce que je suis à fleur de peau
en ce moment et que mon endurance se désagrège ?
-
C’est bon, c’est bon ! J’vais prendre mes
médicaments ! cédai-je, prête à tout pour qu’il arrête de frapper.
-
Tu me dis ça à chaque fois, Lucie ! Et à
chaque fois, je te punis pour la même chose ! Tu ne fais même pas d’effort,
même en sachant que je viens !
-
Si ! J’ai fait des efforts !
-
Ah bon ? Alors pourquoi il y a encore du rouge
dans le tableau ?!
-
Mais…
-
Tu préfères prendre une fessée plutôt que de
prendre tes médicaments !
Comment expliquer ce que je
ressentis à ce moment-là ? Gabriel utilise toujours les mots « branlée »,
« raclée »… Mais « fessée », c’est extrêmement rare. Qu’il
prononce cette phrase alors que j’étais en train de prendre une déculottée sur
ses genoux me fila la honte. Vraiment. Je fis « bonne figure » en
répondant :
-
Non ! Non ! Bien sûr que non !
-
Alors pourquoi tu continues à ne pas les prendre ?
Les claques reprirent et je
pleurai de plus belle. Elles avaient toutes la carrure des premières claques
insupportables reçues sur des fesses froides. J’étais persuadée que mes fesses
avaient un problème. C’était bizarre que cette fessée me semble aussi
insupportable. Ou alors, c’était le fait que Gabriel tape plus fort que d’habitude.
Ça pouvait être ça, aussi.
Lorsque Gabriel cessa de me punir et qu’il m’envoya me
tenir devant la porte pour faire une pause, ce fut enfin la délivrance : nous
entendîmes la porte s’ouvrir et mes beaux-parents rentrer. Je remerciai le
Seigneur je ne sais combien de fois. Le calvaire était terminé. Du moins, pour
aujourd’hui !
Gabriel paniqua que mes beaux-parents aient pu nous entendre.
Je le rassurai :
-
Ne t’inquiète pas, ils sont au courant.
Eux-mêmes pratiquent la discipline domestique ; et il arrivait à Hugo de
me flanquer une fessée à l’étage alors qu’ils étaient au rez-de-chaussée. Ils
entendaient tout. Ils le savent, ne t’en fais pas. On n’en parle pas
ouvertement, mais ils savent que j’ai un tuteur et ils ont de gros soupçons sur
le fait que ce soit toi.
D’ailleurs, je sais
pertinemment que si mes beaux-parents n’avaient pas eu ma nièce en garde ce
jour-là, ils auraient dit à Gabriel de pas se priver pour eux. J’en mets ma
main à couper.
Mais heureusement pour moi, ma nièce de cinq ans
était là et mon calvaire prit fin.
Néanmoins, je
sais que je ne perds rien pour attendre : dimanche, nous partons en
vacances chez Gabriel pour huit jours. Si je ne me tiens pas à carreaux d’ici
là, je pourrai facilement prendre au minimum une fessée par jour. Il va
vraiment falloir que je me tienne correctement. Je vais déjà recevoir ce que j’aurais
dû prendre sans le retour de mes beaux-parents alors… Mieux vaut ne pas en rajouter.
J’oubliai néanmoins très vite ce petit détail :
sur la route du restaurant du soir, j’appuyai sur l’accélérateur.
-
C’est limité à 110, Lucie ! me reprit Hugo
depuis son siège arrière.
-
Oui, oui… dis-je agacée.
-
T’es pas maligne de faire ça avec Gabriel à côté
de toi !
Lorsque Gabriel est présent,
Hugo se plaît toujours à me rappeler qu’une fessée n’est jamais loin. Je
déteste ça.
-
Oui ben de toute façon, je suis tranquille pour
une semaine, dis-je pour ne pas perdre la face.
-
Oui, enfin tu ne perds rien pour attendre !
me rétorqua Hugo. S’il faut que t’en prenne une tous les jours, t’en prendras
une tous les jours…
Gabriel ne disait rien mais
approuvait les dires d’Hugo. J’étais on ne peut plus mal à l’aise… et je ralentis.
En raccompagnant Gabriel à la gare, je crus qu’on
trempait mon cœur dans l’acide. Pourtant, seulement quelques jours nous
séparent de nos prochaines retrouvailles. J’eus du mal à le lâcher et le gardai
même dans mes bras jusqu’à l’arrivée de son train.
Hier soir, mon mari et moi discutâmes beaucoup,
notamment au sujet des médicaments.
-
Est-ce que tu veux que tous les matins, avant de
partir au travail, je te réveille et te donne ton médicament ? me proposa
mon prince charmant. Comme ça, tu peux te rendormir et ton médicament est pris.
-
Je n’ai pas envie de t’embêter… hésitai-je.
-
C’est moi qui te le propose, insista-t-il.
Vu la fessée que j’avais prise
quelques heures plus tôt, j’acceptai. Hors de question de reprendre une tannée
aussi cinglante et douloureuse.
Ce matin, en descendant prendre mon petit déjeuner, je
dis bonjour à ma belle-mère. Alors que nous étions seules dans la cuisine, elle
me réprimanda :
-
T’as encore fait des conneries, toi ! Si on
avait su, on aurait fait un plus grand tour, hier !
-
Euh, non ! dis-je, terriblement gênée et
honteuse. Vous êtes même rentrés un peu trop tard !
-
Oui enfin, d’après ce que j’ai compris, ça chauffera
pour toi la semaine prochaine…
-
Je préfère quand on en parle pas, tranchai-je sous
le rire amusé de ma belle-doche.
Je remontai dans ma chambre à
toute vitesse pour fuir.
Cependant, elle
a raison. La semaine prochaine, ça va chauffer pour moi. J'espère vraiment que mon endurance aura fait son comeback d'ici là...
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Exprimez-vous !