Ça y est, nous sommes arrivés
chez Gabriel pour nos vacances d’été. Nous sommes quatre : Hugo et moi,
mon petit frère et ma meilleure amie, Louise. J’étais sereine à l’idée de
passer dix jours avec quatre des cinq personnes qui comptent le plus pour moi
sur terre. J’étais persuadée que ce séjour allait être merveilleux, malgré le
fait que Gabriel ait des comptes à régler avec moi.
Effectivement, ce fut idyllique. Nous réussîmes même
à aller voir le groupe de Gabriel en concert. Nous partageâmes de merveilleux
moments ensemble, tous les cinq, pendant ces dix jours.
Mardi 23 août, veille de notre départ. Je me
réveillai aux alentours de dix heures et demi. Hugo ayant emmené mon frère en
courses, nous étions seuls dans la maison de Gabriel, mes meilleurs amis et moi.
Louise étant occupée, Gabriel et moi en profitâmes pour discuter de choses et
d’autres. Vers la fin de la discussion, il m’annonça :
-
Bon, il va falloir que je m’occupe de toi,
aussi.
-
Non, non, ça va aller.
-
Si, si. Je t’ai dit que je n’allais pas te lâcher.
Bon. Je n’avais plus que
quelques minutes de sursis.
La conversation terminée, je vais dans ma chambre
pour jeter un œil à mon téléphone. Gabriel arrive avec une paire de boucles
d’oreilles à la main :
-
Elles sont à toi, ces boucles d’oreilles ?
-
Euh, non…
-
Ça fait longtemps que je les ai. Elles ne
seraient pas à ta cousine, par hasard ?
Ma cousine nous avait
accompagnés en vacances chez Gabriel il y a déjà deux ans.
-
Ah si, peut-être !
-
Envoie-lui la photo pour lui demander.
-
Oui, je vais faire ça, dis-je en m’exécutant.
-
Et ensuite, je t’attends.
-
Oh non…
-
Si ! affirma mon frère de cœur en
s’éloignant.
Mon rythme cardiaque
s’accéléra d’un coup. Ce moment que j’avais redouté tout le séjour venait
d’arriver. Je n’avais vraiment pas envie d’y passer. Mais alors vraiment pas.
Je traînais dans ma chambre quand j’entendis Gab m’appeler fermement :
-
Lucie !
-
J’arrive ! Je m’habille ! répondis-je.
Bon, je n’avais plus le choix.
Je m’habillai le plus lentement du monde et marchai d’un pas lourd et réticent
jusqu’à Gabriel. Louise était dans sa chambre, ce n’était pas le moment
d’émettre de vives protestations ; bien qu’elle soit au courant de mon
tutorat, je ne voulais pas la mettre mal à l’aise.
Arrivée auprès de Gabriel, il m’annonça :
« Aller, on y va. »
Nous nous dirigeâmes vers sa dépendance, dans son
jardin, pièce insonorisée où nous ne pourrions pas être entendus. Mon meilleur
ami y entrepose son instrument de musique et bosse dessus pendant des heures.
C’était, je crois, l’un de seuls endroits chez Gabriel où je n’ai pas pris de
fessée. J’en ai déjà prise une dans la cuisine, dans la salle à manger, dans le
salon, dans la salle de bains, dans ma chambre, dans celle de Gabriel… Mais dans
la dépendance, jamais ! C’était une première – et j’espérai une
dernière !
En marchant jusqu’à la dépendance, je priais pour que
mon endurance soit revenue et que la tannée qui allait tomber ne me soit pas
aussi insupportable que la dernière chez mes beaux-parents.
Nous entrâmes donc dans la dépendance, moi à la suite
de Gabriel. Lorsque je vis qu’il consultait mon tableau sur son téléphone, je
me dis que j’étais particulièrement mal. L’item santé est catastrophique et
j’ai dû appeler plusieurs fois mon gastroentérologue durant le séjour tellement
j’étais dans un état compliqué. Gabriel était présent lors de mon coup de fil
avec mon médecin et a bien vu que je continuais de ne pas faire attention à ma
santé.
-
Bon, là, la santé, c’est catastrophique,
débuta-t-il. Les heures de coucher, les médicaments… C’est n’importe quoi. Les
heures de coucher, je passe dessus parce que ce sont les vacances, mais nous
sommes bien d’accords qu’à partir de demain soir, c’est terminé ?
-
Oui.
-
A partir de demain soir, les couchers à 1h du
mat’ et compagnie, c’est fini ! On est d’accords ?
-
Oui…
-
Bon. Les médicaments c’est pareil, c’est
catastrophique. Comment ça se fait ?
Je formulai des explications à
deux sesterces ne tenant pas vraiment la route.
-
Ça, c’est pareil. Au retour des vacances, c’est
vert partout ! On est d’accords ?
-
Oui, répondis-je pour éviter de le mettre trop
en colère.
J’étais tout de même décidée à
faire des efforts. De toute façon, c’est l’item conduite que Gabriel voulait
punir aujourd’hui.
-
Bon. Et pour la conduite ? Tu m’expliques ?
C’est quoi ce comportement ? C’est quoi ce tête-à-queue ?
-
Ben… Je roulais vite et il pleuvait…
-
Même quand je suis à côté de toi, tu t’en fous !
Tu accélères ! Et même la veille du mariage, tu as osé me doubler !
Je n’avais rien à répondre,
mis à part :
-
Ça ne sert à rien les limitations de vitesse !
J’aime pas quand ça avance pas…
-
Voilà, tu fais n’importe quoi et ensuite tu fais
des têtes-à-queues !
-
C’est bon, je n’en ai fait que deux en dix ans…
-
Comment ça, deux ?! Tu t’étais bien gardée
de me le dire que c’était ton deuxième !
Bon, il allait falloir que je
me taise. J’étais en train de m’enfoncer.
Le fait que Gab’ me fasse la morale
par rapport à la conduite m’horripilait. J’eus vraiment envie de lâcher un gros
tchip mais je me retins, me disant que je signerais mon arrêt de mort.
-
C’est bon, je vais ralentir, admis-je.
-
Qu’est-ce qu’il faut faire pour que tu le fasses
vraiment ?! me gronda-t-il.
-
Ben… J’sais pas…
-
Tu ne sais pas ? Ben moi j’ai une p’tite idée !
Ok, alerte rouge ! Ça ne
va pas tarder à tomber. Trouve un truc, Lucie…
-
Ben au pire, je réfléchis et je te redis !
lui lançai-je.
Gabriel réprima un rire suite
à ma réplique. Il reprit immédiatement son sérieux et me dit :
-
Nan, tu ne me redis pas, nan ! On va appliquer
mon idée, je pense que ça sera plus efficace !
Il s’approcha de moi et m’attrapa
par le poignet pour me pencher sous son bras. Je protestai mais me retrouvai
quand même déculottée à appréhender que la première claque tombe.
Bizarrement, je sentais quelque
chose de nouveau monter en moi. Quelque chose que je croyais totalement mort
avec Gabriel : j’avais envie de lui tenir tête.
Ces derniers temps, j’ai un petit regain d’insolence
avec tout le monde. Que ces personnes fassent partie de mon entourage ou pas, j’ai
tendance à envoyer paître le politiquement correct au profit du « je fais
ce que je veux » et « j’obtiens ce que je veux ». Mon entourage
proche l’a d’ailleurs détecté : ils me trouvent plus capricieuse qu’à la
normale. Résultat : moi qui tolérais l’autorité de certaines personnes
(dont Gabriel), j’avais envie de me rebeller. Allait-il falloir repasser par
une période de test avec mon meilleur ami ? Je ne l’espérais pas. Ni pour
lui, ni pour moi.
La première claque tomba, puis les suivantes. J’étais
heureuse d’avoir récupéré mon endurance ; néanmoins, cette fessée était très
douloureuse, comme toute fessée donnée par Gabriel. Et ça ne s’arrêtait pas. C’était
long. Les larmes me montaient aux yeux. La première larme menaçait de couler
incessamment sous peu.
-
Arrête, arrête !
-
Non, je n’arrête pas ! me répondit Gab’. Tu
vois, je fais comme toi, je ne t’écoute pas !
Je fis un effort colossal pour
ne pas le maudire à voix haute. Malgré l’amour incommensurable que je lui
porte, sur le coup, je lui aurais bien dit : « Enfoiré ! ».
Mon regain d’insolence m’y poussa d’ailleurs grandement ; heureusement que
mon instinct de survie l’en empêcha.
Cette longue fessée debout terminée, Gabriel s’assit
sur une chaise et me demanda de venir sur ses genoux. Impossible pour moi. Il
insista et voyant que je ne venais pas, il se leva et me cala sous son bras en
me grondant :
-
Je vais te faire comprendre les choses, moi !
Cette nouvelle salve debout
finit de m’achever : mes larmes inondèrent mes joues. Tout en me frottant
les fesses, je regardais Gabriel se rassoir sur la chaise et m’appeler à
nouveau. Je refusai, une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois.
-
C’est pas grave, on a le temps, dit-il.
Ouh là, il ne faut pas me dire
ça ! Si on a le temps, je peux me rhabiller et filer d’ici rapidos !
-
Oui enfin, on a le temps mais je n’ai pas la patience,
par contre ! se reprit-il. Alors dépêche-toi !
-
Nan…
-
Dépêche-toi Lucie parce que je te jure que ça va
mal aller !
-
Ça va déjà mal aller, pensai-je.
Je ne cédai pas, il dût venir
me chercher. Je ne sus pas s’il m’avait fait payer ma résistance ou non
(aurais-je reçu une fessée plus soft si j’avais obéi de suite ?) mais ce
que je peux vous dire, c’est que j’ai morflé. Allongée en travers de ses
genoux, je pleurais de honte et de douleur, en lui disant que j’allais rouler
plus lentement.
-
C’est bizarre, dit-il en stoppant la tannée
quelques secondes. Pourquoi j’ai du mal à te croire ?
-
Parce que je récidive… avouai-je.
-
Ça doit être ça, poursuivit-il en reprenant les
claques.
Punaise, j’en avais déjà
ras-le-bol. Je ne pouvais pas mettre ma main sans perdre l’équilibre alors j’agitai
les jambes pour tenter de mieux supporter la douleur – ce qui ne fonctionne absolument
pas.
-
Arrête s’il te plaît, putain !
-
Qu’est-ce que tu as dit ?!
-
Arrête s’il te plaît… répétai-je.
-
Putain, dit-il en accentuant les claques. Tu as
dit « putain ».
Cette fessée OTK me parut
durer une éternité. Lorsqu’elle s’arrêta, ce fut la délivrance. Je me relevai et
me rhabillai en soufflant un bon coup. Je voyais dans le regard de mon grand
frère de cœur que ça n’irait pas plus loin. Mes fesses n’avaient plus rien à
craindre pour aujourd’hui.
Bizarrement, je m’étais attendue à une séance comme
celles que j’ai pu vivre dans le dépôt d’Hugo. J’étais donc repentante vis-à-vis
de la conduite mais je crevais d’envie de tenir tête à Gabriel. Après lui avoir
fait un câlin, je lui avouai :
-
J’ai envie de te faire la guerre.
-
Tu as envie de me faire la guerre ? répéta-t-il
comme s’il avait mal entendu.
-
Oui, affirmai-je.
-
Et tu crois que tu peux gagner ? me demanda-t-il
avec un regard extrêmement autoritaire.
-
… Ne me force pas à avouer quelque chose comme
ça, s’il te plaît.
J’avais envie de lui répondre « oui »
tout en sachant que « non ». J’ignorais si Gabriel avait la force de
repartir en guerre contre moi pour réimposer son autorité. Et j’ignorais si j’avais
la force de me contrôler assez pour éviter cette nouvelle confrontation.
J’étais néanmoins convaincue d’une chose : j’étais
dans une mauvaise phase et Gabriel aurait du fil à retordre avec moi jusqu’à ce
que cette phase passe.
A suivre…
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