Je pris place dans le fauteuil
qui m’était attribué. Face à moi, une journaliste, son smartphone faisant
office de dictaphone posé à côté d’elle. Après que le photographe eut pris
quelques photos de moi pour illustrer l’article, la journaliste se lança :
-
Bonjour monsieur Forgeron.
-
Monsieur Forgeron c’était mon père, rétorquai-je
avec amusement. Appelez-moi Aurélien !
-
Bonjour Aurélien, reprit la journaliste. Je suis
Valentine Brun, journaliste chez ****** Magazine.
-
Enchanté, Valentine ! dis-je en m’efforçant
d’être aimable malgré le fait que je déteste autant les interviews que les
journalistes.
-
Cette interview ne durera pas longtemps,
m’assura-t-elle. Nous souhaitons vous dédier la une de notre prochain numéro
avec deux doubles pages vous étant entièrement consacrées.
Ma mère en sera ravie. Elle
qui collectionne tout ce qui sort sur moi…
-
Très bien alors ne perdons pas plus de temps,
dis-je.
J’avais déjà perdu assez de
temps avec Tessa ce matin. Elle l’a d’ailleurs bien payé.
Valentine débuta sa première
question :
-
A seulement trente ans, vous êtes l’éducateur à
la mode, à la tête d’une véritable fortune de plusieurs dizaines de millions
d’euros. Les gens s’arrachent vos livres et ils ne cessent de vous contacter
pour que vous veniez chez eux. Comment expliquez-vous ce succès ?
La question bateau par
laquelle tous les journalistes commencent. J’en ai ras-le-bol. Je répondis en
m’efforçant d’être agréable :
-
Eh bien, je pense que depuis plusieurs années,
avec les concepts d’éducation positive, de Montessori et de tout ce qui sort
sur « comment bien éduquer ses enfants sans gronder ni punir », on a
vu exploser le phénomène des enfants-rois. Les gens en ont eu marre. Lorsque je
suis arrivé en prônant le retour aux méthodes ancestrales qui ont parfaitement
fait leurs preuves jusqu’ici, j’ai donné un grand « ouf » de
soulagement à tous ceux qui ne s’en sortaient plus avec leurs rejetons.
-
Vous prônez le retour aux méthodes
ancestrales ? Y compris le bonnet d’âne à l’école et tout ce qui s’en
suit ?
-
Ma méthode, c’est la fessée. C’est de notoriété
publique et tout le monde le sait. En revanche, je condamne les gifles, qui
atteignent la tête et peuvent avoir des dégâts neurologiques ou auditifs. Je
condamne également tout ce qui ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant. Je le
précise d’ailleurs dans chacun de mes livres : cela ne sert à rien
d’humilier un enfant ou de lui faire du mal si ce n’est pas sa faute. A quoi
cela sert-il d’humilier un mauvais élève avec un bonnet d’âne ? La
solution est de l’aider à progresser en lui donnant un travail adapté à son
niveau.
-
Et qu’en est-il des élèves fainéants ?
-
Là, c’est tout autre chose. S’il s’avère, après
parfaite connaissance de l’enfant, qu’il est fainéant, il va falloir lui
apprendre à travailler.
-
Cela peut passer par la fessée ?
-
Oui.
-
Que dites-vous aux adultes qui se disent
traumatisés par les fessées qu’ils recevaient enfant ? Que dites-vous aux
spécialistes de l’enfance qui disent que la fessée rend les enfants violents et
leur enlève leur estime de soi ?
-
Me trouvez-vous violent, Valentine ?
-
Eh bien, je ne vous connais pas assez…
-
Je peux vous le dire : je ne suis
absolument pas violent. Je suis un adulte pacifique et calme. J’ai une parfaite
estime de moi-même et je n’ai aucunement été traumatisé par les fessées que
j’ai reçues étant enfant. Je me souviens de quelques-unes, oui. Mais ces
souvenirs n’ont rien de traumatisant. Ces fessées étaient toutes justifiées. Je
peux également vous assurer que parmi mes sept frères et sœurs, aucun n’a de
ces caractéristiques inventées par les pédopsychiatres.
- Vous pensez que ces conséquences ont été inventées par les pédopsychiatres ?
- Je le crois. Aujourd'hui, il faut mettre un mot sur tout. On ne dit plus d'un enfant qu'il est speed, on dit qu'il est hyperactif. On ne dit plus qu'il a une imagination débordante, on dit qu'il est hypersensible. On ne dit plus qu'il est autiste, on dit qu'il a un trouble du spectre autistique. On ne dit plus qu'il est particulièrement pénible, on dit qu'il est haut potentiel. Il faut arrêter avec tout cela. Trop, c'est trop. Il y a des enfants qui sont capables d'entendre raison avec une explication verbale, pour d'autres il faut une fessée. Point.
- Vous pensez que certains enfants n'ont pas de réels troubles ?
- Je ne dis pas cela. Je suis bien conscient que certains enfants ont de vrais handicaps et je trouve cela formidable qu'ils soient diagnostiqués et suivis pour cela. Cependant, je trouve que la société actuelle cherche des excuses aux enfants au lieu de les éduquer correctement. Si un enfant ne dit pas bonjour, ce n'est pas parce qu'il est timide : c'est parce qu'il est malpoli. Soit les parents l'acceptent et c'est tant pis pour eux, soit ils ne l'acceptent pas et alors ils se doivent de réagir et de faire comprendre à leur enfant qu'il doit être poli.
-
Certains disent que justement, puisque vous ne
savez passer que par la fessée, vous êtes donc violent…
Ça y est, j’étais agacé.
-
Je passe par la fessée en dernier recours.
Encore une fois, je l’explique très bien dans mes livres : il y a
plusieurs étapes avant de donner une fessée. On passe d’abord par le dialogue,
puis il y a menace, puis passage à l’acte. Cela peut être un passage au coin ou
une consigne. J’explique également dans mes livres que si la fessée tombe trop
souvent, alors elle n’a plus d’impact.
-
Vous écrivez également que si un enfant ne
craint pas la fessée, c’est qu’il n’en a pas reçu une assez sévère…
-
Exactement, j’ai écrit que si un enfant ne
craint pas la fessée, c’est ou bien qu’il n’en a pas reçu une assez sévère, ou
bien qu’il en reçoit trop souvent.
-
N’avez-vous pas l’impression d’encourager la
maltraitance ?
-
Je condamne fermement la maltraitance,
tranchai-je fermement sans parvenir à masquer mon mécontentement.
-
Mais n’avez-vous pas peur de
« former » des parents maltraitants avec ce genre de méthodes ?
-
La fessée est donnée aux enfants, adolescents et
jeunes adultes depuis des siècles, rappelai-je. Les gens n’ont pas attendu que
je sorte des livres pour redonner la fessée à leurs enfants. Certains n’ont jamais
arrêté. Je condamne fermement la maltraitance et n’en suis d’ailleurs pas
responsable. La religion musulmane est-elle responsable du djihadisme ?
Non. La religion chrétienne est-elle responsable du Ku Klux Klan ? Non. Je
prends des comparaisons un peu extrêmes exprès pour interpeller. Je donne ma
méthode, je sais qu’elle fonctionne, j’ai énormément de retours positifs et
j’ai aidé énormément de familles. Dans mes livres, je mets toujours en garde
contre la maltraitance et les abus. Je n’en suis aucunement responsable.
-
Vous avez un fils d’un an, Gabin. Votre femme,
Marine et vous attendez également un second enfant. Marine est-elle d’accord
pour que vous appliquiez votre méthode à vos propres enfants ?
-
Effectivement, elle l’est. Ma femme et moi
sommes conscients que nous devons donner l’exemple.
-
Êtes-vous actuellement en mission ?
-
Oui, je m’occupe actuellement d’une jeune fille.
La mission a débuté hier.
-
Quels sont vos prochains projets professionnels ?
-
Eh bien pour le moment, je vais me concentrer
sur les missions dont on me charge, et sur la formation des nouveaux éducateurs
qui entrent dans mon école. Après l’arrivée au monde de mon deuxième enfant, je
réfléchirai à l’écriture d’un nouveau livre.
-
Bien, je vous remercie de m’avoir accordé cette
interview, Aurélien.
-
Aucun problème.
Je montai
dans la voiture, agacé. J’avais toujours deux types de journalistes en face de
moi : ceux qui me prônent et ceux qui me défient. Valentine était plutôt
dans la deuxième catégorie. Heureusement que ça n’avait duré que dix minutes,
je n’aurais pas pu tenir plus longtemps.
J'adore vos récits, celui-ci en particulier. Je pensais que le bonus avec la journaliste aurait peut être une suite claquante pour cette journaliste car elle le mérite bien.
RépondreSupprimerContinuez surtout !!!!!!.
Merci beaucoup !! :)
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