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Un joli fantôme du passé (Chapitre 27)

 


Mardi 25 mai 2021

 

                Judith avait pris un coussin pour s’asseoir en cours, tellement Manon et Romain lui avaient amoché le derrière. Judith racontait à tout le monde qu’elle s’était fêlée le coccyx en tombant dans les escaliers : je rêvais de dévoiler la véritable raison de cette comédie. Néanmoins, si cette raison était valable pour Judith, elle était également valable pour sa fratrie ; je ne voulais pas que les lycéens sachent que la fessée nous pendait au nez à la maison. Même si j’étais persuadée que je n’étais pas la seule : rien que Meredith et June recevaient le même genre de tannée à chaque incartade.

 

                Lorsque nous sortîmes du cours de civilisation européenne pour nous rendre en cours de musique, nous découvrîmes dans les couloirs du lycée un horrible spectacle : les murs avaient été recouverts d’affiches. Sur ces affiches, une photo de Trent, Hermione, nos quatre amies et moi, recouverte d’une bande rouge avec marqué « BALANCES ». Chaque lycéen nous croisant se permettait de nous lancer :

-          Alors, ça va les balances ?

-          Ce n’est pas bien de balancer…

-          Alors comme ça, on cafte ?

Nous nous réfugiâmes dans un local de matériel, complètement paniqués. Quelques-uns d’entre nous fondirent en larmes, dont Hermione, Beverly et June.

-          Appelle Romain ! m’ordonna Trent.

Tremblante, j’hésitais à m’emparer de mon téléphone.

-          Appelle Romain, Honey ! Dis-lui qu’il rapplique tout de suite !

 

 

Notre grand frère s’amena au lycée en tenue de flic. Il venait de quitter exceptionnellement son service. Manon était là, elle aussi. Après avoir découvert ce que la bande de Judith avait manigancé contre nous, ils prirent quelques photos, prévinrent nos parents ainsi que ceux de mes amies et Romain attrapa le premier adulte qui passait dans le couloir :

-          Bonjour, je suis monsieur Duhamel. Je souhaite voir le principal du lycée immédiatement.

L’agent technique indiqua à Romain le bureau du principal et nous suivîmes mon frère et ma sœur.

 

 

                Une fois que tous les parents (sauf Valentin et Kathleen) furent arrivés, nous étions vraiment nombreux dans le bureau de monsieur Jenkins. De plus, je n’avais jamais vu Romain dans une telle colère. Le principal du lycée se ratatinait dans son fauteuil face à ce flic venu lui passer un savon.

-          C’est inadmissible, monsieur ! C’est inadmissible que des choses pareilles se déroulent dans votre établissement ! Nous payons une fortune pour pouvoir scolariser nos ados ici, et ils se font harceler !

-          Je… n’étais pas au courant, bégaya le principal.

-          C’est encore pire ! gronda Romain. Comment ne pouvez-vous pas être au courant de ce qui se passe dans VOTRE lycée, monsieur ?!

-          Qu’attendez-vous de moi, monsieur Duhamel ? demanda le principal, penaud.

-          Je veux que tous les élèves qui ont participé de près ou de loin à ce harcèlement soient punis ! TOUS ! Et je veux que vous renvoyiez ma sœur, Judith Duhamel, du lycée !

-          Vous voulez que je renvoie votre sœur ?!

-          Exactement !

-          Mais… Votre père est un de nos plus généreux donateurs et je…

-          Zoé, Trent et Hermione resteront ici, mais je veux que vous renvoyiez immédiatement Judith ! Nous allons lui trouver un établissement digne de son comportement !

-          Très bien, dans ce cas, votre sœur Judith est immédiatement renvoyée de ce lycée, annonça le principal.

-          Vous avez intérêt à punir CHAQUE gamin ayant participé à cet harcèlement, poursuivit Manon, sinon je peux vous assurer que mon père ne versera plus un seul centime pour ce lycée, hormis les frais de scolarité ! Plus un seul !

-          Je vais m’en occuper, mademoiselle Duhamel, assura le dirlo. Personne ne restera impuni.

-          Bien ! Vous aurez la visite de notre père dans l’après-midi, déclara Manon.

-          Et nous prenons nos enfants pour la journée, dit le père de Meredith. Ils ont eu assez d’émotions pour aujourd’hui.

-          Lorsqu’ils reviendront au lycée demain, nous voulons que tout soit impeccable ! insista la mère de Beverly.

-          Oui, bien… bien sûr, bégaya le principal.

 

Lorsque nous fûmes dans la voiture direction la maison, je demandai à mon frère :

-          Papa et Kathleen rentrent ?

-          Oui, ils ont pris la décision de rentrer avec ce qui vient de se passer. A l’heure qu’il est, ils doivent être à l’aéroport en train d’attendre leur avion.

D’un côté, je culpabilisais d’avoir gâché le voyage en amoureux de papa et Kathleen. D’un autre côté, j’étais impatiente de retrouver mon père.

 

                Arrivés à la maison, Hermione, Trent, Romain, Manon et moi nous posâmes dans le salon. Nous prîmes chacun un thé et discutâmes, Romain et Manon souhaitant s’assurer que nous allions bien.

-          Et Judith ? demandai-je. Puisqu’elle est renvoyée du lycée, il faut aller la chercher…

-          Je lui ai envoyé un message, dit Romain. Elle rentre à pied, ça la fera réfléchir.

-          Comment tu peux être sûr qu’elle va rentrer ? demandai-je.

-          Je lui ai dit que si elle voulait s’enfuir, elle avait intérêt à faire en sorte que je ne la retrouve jamais, m’expliqua Romain.

-          Tu lui as dit ça ? s’offusqua Trent.

-          Oui. Elle est allée trop loin, tant pis pour elle. Papa nous a demandé de lui faire vivre un enfer jusqu’à ce qu’elle arrête ses bêtises. Elle a décidé de continuer, tant pis.

-          De toute façon, papa l’aura inscrite en pension d’ici ce soir, annonça Manon.

J’aurais peut-être dû me sentir coupable mais je n’y parvenais pas. Judith m’en avait tellement fait baver depuis plusieurs mois, tout ce qui lui arrivait n’était que justice.

 

                Après le déjeuner, Romain reparti au travail, Judith fut consignée dans sa chambre, et Manon, Trent, Hermione et moi passâmes l’après-midi à faire des jeux de société. Cela me détendit beaucoup et me fit penser à autre chose.

 

 

                Telle une petite fille, je sautai dans les bras de mon père dès que je le vis. Je lui fis un tel câlin que j’en eus du mal à le lâcher.

-          Je suis là, mon bébé, me rassura Valentin. Je suis là, mon petit amour.

-          Tu m’as tellement manqué, papa ! m’exclamai-je dans ses bras.

-          Je suis là, mon bébé. Ma fille adorée !

Valentin prit ensuite Trent dans ses bras et le rassura également. Puis, ce moment de tendresse terminé, il prit son air de « papa en colère » et appela :

-          Judith ! Viens ici !

Ma sœur se pointa quelques secondes plus tard, les yeux rivés vers le sol. Pas une seule fois elle ne regarda mon père.

Une fois sa fille en face de lui, Valentin la choppa par le bras et lui colla cinq claques sur le derrière. Ces claques furent tellement fortes qu’elles déséquilibrèrent Judith. Je voyais que ma demi-sœur fournissait des efforts monumentaux pour ne pas pleurer.

-          T’es fière de toi ?! gronda Valentin.

-          Non, papa.

-          Tu harcèles tes frères et sœurs, tu harcèles leurs amis… Et en attendant, tes résultats scolaires sont catastrophiques, Judith ! Tu vois ce que tu as gagné avec ton comportement indigne ?! Non seulement tu es virée du lycée, mais en plus tu as perdu toute ma confiance ! Tu n’as rien à me dire là-dessus ?

Judith ne comprit pas.

-          Papa attend des excuses ! s’agaça Manon.

-          Je… Pardon pour… pour ce que j’ai fait, broda Judith.

-          Excuses non acceptées, dit Valentin. Ça viendra sûrement avec le temps mais pour le moment, je ne suis pas prêt à te pardonner. Va faire tes bagages.

-          Pourquoi ? s’inquiéta ma demi-sœur.

-          Parce que je t’ai inscrite en pension, tu dois y être pour 20h. Tu as donc vingt-cinq minutes pour faire tes bagages, pas une de plus.

-          Non, papa, je t’en prie… supplia Judith.

-          Depuis que tu es arrivée à la maison, tu fais n’importe quoi, Judith ! Il faut reprendre ton éducation à zéro ! Cela ne me dérangeait pas de le faire mais ton attitude portait préjudice à tes frères et sœurs et ça, c’est inadmissible ! Donc, tu pars en pension. Crois-moi qu’ils vont t’apprendre à filer droit ! Si tu ne te tiens pas à carreaux, en plus des bonnes fessées, tu vas connaître les gifles, les coups de règles et tout ce qui nécessitera que tu te comportes mieux.

-          Papa, s’il te plaît, ne m’envoie pas là-bas…

-          Il fallait y penser avant de te comporter ainsi ! Romain t’avait prévenue hier et pourtant tu ne l’as pas écouté ! Tu ne l’as pas pris au sérieux et tu as recouvert le lycée d’affiches immondes, continuant le harcèlement ! Donc stop !

-          Je vais changer, promis !

-          C’est parce que je t’aime que je t’envoie là-bas, précisa Valentin. Si je me fichais royalement de toi, je t’aurais laissée filer sur un mauvais chemin. Mais je veux le meilleur pour toi, Judith.

-          Alors donne-moi une autre chance, papa ! S’il te plaît…

-          Il te reste vingt-quatre minutes, Judith. Je te conseille de te dépêcher.

Pour la première fois depuis le début du harcèlement, j’avais réellement de la peine pour ma sœur.

 

                Avant de partir, papa dit à Judith :

-          Dis au revoir à ta fratrie et à ta belle-mère, tu ne les reverras pas avant les prochaines vacances scolaires.

Judith nous lança un regard rempli de larmes puis ferma la porte derrière elle.

 

                L’ambiance dans la maison fut bizarre, pesante. Nous étions tous un peu groggys, ayant du mal à réaliser ce qui venait de se passer. Jamais papa n’avait montré une telle froideur avec un de ses enfants. Et pourtant, sous cette froideur, nous avions tous pu voir que Valentin aimait profondément sa fille. Cela devait lui briser le cœur.

 

                Pendant le dîner, j’osai dire :

-          J’ai quand même de la peine pour Judith.

-          Elle n’a que ce qu’elle mérite, trancha Kathleen. Votre père a pris la bonne décision.

Je fixai Kathleen droit dans les yeux, réfléchis, puis tiltai. J’explosai :

-          C’est toi !! C’est toi qui as fait en sorte que papa envoie Judith en pension !!

-          Tu baisses d’un ton, Zoé ! me gronda ma belle-mère.

-          Je baisse d’un ton si je veux ! m’emportai-je. Papa a osé sacrifier un de ses enfants pour toi !! Tu te rends compte de ce que tu as fait ?!

-          Zoé, calme-toi, me chuchota Trent.

-          Nan, j’me calmerai pas ! En plus d’être une grosse vache, cette femme est une sorcière !!

-          Ça suffit ! me cria Kathleen. Je refuse que tu me parles sur ce ton, c’est clair ?!

-          J’te parle comme je veux, espèce de grosse p*te !

J’étais dans une colère noire, impossible à maîtriser.

-          Je sens que tu vas te retrouver en pension, toi aussi ! menaça Kathleen.

Je sortis de table et m’approchai de Kathleen. Arrivée à quelques centimètres de son visage, je lui lançai :

-          Ecoute-moi bien, espèce de grosse truie ! T’as peut-être réussi à faire dégager Judith, mais contrairement à elle, moi j’étais là avant toi ! Si tu me déclares la guerre, je te garantis que tu vas la perdre !

-          C’est ce qu’on va voir ! me lança-t-elle.

Ça y est, elle montrait son vrai visage. Ce visage que Manon, Romain et moi avions repéré dès le départ. Ce visage pour lequel nous avions tous les trois pris des roustes par papa car il refusait de le voir. Ce visage-là.

J’étais tellement en colère je ne pus me contrôler : ma main atterrit violemment sur la joue de Kathleen, éjectant ses lunettes de repos sur le sol.

                Aussitôt, les jumeaux me sautèrent dessus car j’avais touché leur mère. Puis, Romain, Manon et Trent vinrent me défendre. Cela se transforma en bagarre générale.

 

                Nous nous battîmes plusieurs minutes avant que Valentin rentre.

-          Qu’est-ce qui se passe, ici ?! gronda-t-il.

Nous nous stoppâmes tous. Kathleen prit la décision d’aller dormir à l’hôtel avec ses jumeaux sans rien expliquer à papa. Une fois qu’ils furent tous les trois sortis de la maison, Valentin vociféra :

-          Vous quatre ! Canapé ! Assis ! Explications ! Tout de suite !

Romain prit la parole, pensant qu’avec la colère toujours présente en moi il ne serait pas judicieux que j’explique la situation.

 

                Plus mon grand frère parlait, plus Valentin passait de « en colère » à « contrarié ». Manon prit ensuite le relais, puis Trent. Quant à moi, je restais silencieuse, des larmes de colère coulant sur mes joues.

-          Tu te rends compte, Valentin ? demanda Trent. Elle pense qu’elle est plus importante que nous ! Elle pense que tu vas nous sacrifier pour elle !

-          C’est peut-être son but, d’ailleurs ! poursuivit Manon. Qu’on dégage tous pour qu’il n’y ait plus que vous deux et les jumeaux !

Voyant que je pleurais abondamment, Valentin s’approcha de moi et me dit :

-          Zoé. Rien ni personne ne pourra nous séparer, je te le garantis. Personne. Ni Kathleen, ni quelqu’un d’autre. Et c’est pareil pour tous mes enfants. Personne ne pourra me séparer de vous.

-          Pourtant, tu viens de te séparer de Judith ! dis-je.

-          Ça n’a rien à voir ! Judith vous a fait vivre un véritable enfer ! La mettre en pension est une punition, non pas un abandon ! Nous avons bien parlé elle et moi dans la voiture. Elle sait que je ne l’abandonne pas. Je veux qu’elle réfléchisse à son comportement et qu’elle prenne en maturité. Mais je ne l’abandonne pas.

-          Oui mais c’est Kathleen qui t’a obligé à la mettre là-bas ! insistai-je. Vrai ou faux ?

-          Elle m’a mis un ultimatum, oui, avoua notre père.

-          Papa, il faut que tu rompes avec elle, dit Romain. Et il faut que tu le fasses maintenant. Elle est en train de détruire notre famille !

-          Je suis sûr qu’elle ne pensait pas à mal…

-          Papa ! gronda Manon. Regarde-nous ! Nous sommes là, devant toi ! Quatre de tes cinq enfants sont en train d’essayer de t’ouvrir les yeux ! Cette femme est diabolique !

-          Dès le début, elle a voulu virer Romain et Manon ! enchaînai-je. Et là, elle menace de me virer de la famille, moi aussi !

-          Je vais parler avec elle, annonça le PDG. Si la conversation que j’ai avec elle confirme vos dires, alors je mettrai un terme à cette relation.

Pour la première fois depuis longtemps, je vis mon père s’écrouler et fondre en larmes. Nous nous jetâmes tous les quatre sur lui et l’entourâmes le plus possible de tout notre amour.

-          Ça va aller, papa, rassura Romain. On est là. On sera toujours là pour toi.

 

Ce soir-là, nous installâmes plusieurs matelas par terre dans la chambre de papa et nous dormîmes tous les quatre avec lui (ce qui me donna l’occasion de dormir dans les bras de Trent…).

 

A suivre…

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  Dimanche 15 octobre 1950        Neuf heures : maman vient me réveiller. Le dimanche, nous allons à la messe qui débute à dix heures et demie. Du coup, maman nous lève relativement tôt pour pouvoir vérifier que tout le monde est bien apprêté pour le Seigneur.          A la messe, nous nous consacrons entièrement au Seigneur. Victor et Gus font partie des enfants de chœur qui servent la messe aux côtés du père Antoine (qui n’est autre que le grand frère de papa), ils se doivent d’être irréprochables !        L’église est le seul endroit où j’arrive à me tenir sage longtemps car j’aime beaucoup chanter. Cependant, je n’aime vraiment pas la sortie de messe. Mes parents et grands-parents ont toujours des tas de gens avec qui discuter et moi, ça m’ennuie beaucoup ! Victor et Nono proposèrent alors de nous ramener à la maison pour que les adultes puissent continuer à discuter tranquillement ; papa accepta.          Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous effectuâmes les mêmes

Un joli fantôme du passé (Chapitre 19)

  -           Quoi ?! s’exclama Manon. Depuis quand tu as une petite copine ?! -           Cela fait plusieurs mois maintenant, répondit papa. Peut-être cinq ou six. Je voulais être sûr que cela fonctionne. Il est maintenant temps de vous la présenter. -           Cinq ou six mois, et tu ne nous en parles que maintenant ?! s’offusqua mon frère. -           Je vous signale qu’avant d’être votre père, je suis un homme qui a le droit à sa vie privée ! milita papa. -           Non ! protesta Manon. Non et non ! C’est ton tout premier job d’être notre père ! Tu nous as toujours dit que tes enfants passaient avant tout ! -           C’est le cas, se défendit papa. Cela ne veut pas dire que je dois tout vous dire ! -           Bien sûr que si ! insista Romain. -           Ah oui ?! rétorqua papa. Et vous me dîtes tout, vous ?! Un silence suivit. Mon frère finit par le briser : -           Ce n’est pas pareil ! Il y a des trucs qu’on ne te dit pas pour te protéger ! -