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Non négociable ! (Mission 1 - Jour 4)

 


Jeudi 8 septembre 2022

 

                Le réveil fut violent. Je venais de passer une nuit épouvantable : après un cauchemar dans lequel ma femme avait disparu, je n’étais pas parvenu à me rendormir. Il n’allait pas falloir que Tessa me gonfle de trop aujourd’hui : la fatigue était au rendez-vous !

 

                Ce matin, je devais emmener l’adolescente voir une conseillère d’orientation qui lui ferait passer des tests de personnalité pour savoir quel métier lui conviendrait le mieux. Cette session prendrait deux heures, je prévis donc un bon bouquin pour m’aider à patienter.

 

                Je dus traîner Tessa jusqu’à l’immeuble dans lequel se trouvait le bureau de la conseillère d’orientation. Je l’avais déjà menacée une fois d’une fessée sans pour autant passer à l’action. Néanmoins, il n’allait pas falloir qu’elle pousse le bouchon trop loin…

 

                Nous nous assîmes dans la salle d’attente. Des gens qui patientaient pour un rendez-vous avec un autre professionnel me fixèrent avec insistance. L’une des cinq personnes présentes osa me demander :

-          Excusez-moi monsieur, vous ressemblez beaucoup à Aurélien Forgeron, le coach…

Je ris et répondis :

-          Oui, on me le dit souvent ! C’est peut-être parce que c’est moi !

-          Oh ! s’exclama la dame en même temps que les visages des quatre autres personnes s’illuminèrent. Je suis votre plus grande fan ! J’ai lu tous vos bouquins ! Ils sont d’ailleurs tous dédicacés ! J’ai assisté à votre conférence à Paris, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne ! Vous êtes vraiment merveilleux !

-          Je vous remercie, ça fait plaisir de se sentir soutenu, répondis-je.

-          Elle est en retard, ta pote ?! me lança Tessa, agacée par ma popularité alors qu’elle ne me voit que comme le gars qui lui colle des roustes à longueur de journée.

-          Non, elle n’est pas en retard, lui dis-je en tentant de faire abstraction des cinq regards braqués sur moi tels des projecteurs. Nous sommes arrivés un quart d’heure en avance, c’est tout.

-          A quoi ça sert ?! grommela l’adolescente. J’aurais pu dormir un quart d’heure de plus !

-          C’est de la politesse, l’informai-je. Prendre un peu d’avance pour aller à un rendez-vous permet de ne pas arriver en retard.

-          De toute façon je n’irai pas à ton rendez-vous de merde ! protesta Tessa en croisant les bras.

Je soupirai puis la prévins :

-          Tessa, tu vas y aller, que tu le veuilles ou non. Tu as déjà beaucoup de mal à t’asseoir, je pense que tu n’as vraiment pas envie de reprendre une fessée. De plus, si je t’entends redire un gros mot, tes fesses vont encore trinquer. Je me fiche totalement que nous soyons dans une salle d’attente remplie : si je dois te donner une fessée, je te la donnerai. Je pense que tu me connais assez, maintenant. Depuis lundi que tu prends des volées, tu sais que je ne plaisante pas avec toi. Donc soit tu obéis et tu vas à ce rendez-vous – et bien sûr tu es aimable avec la conseillère et tu fais ce qu’elle te demande – soit tu prends une déculottée sur mes genoux avant de devoir quand même m’obéir. Je pense que le choix est vite fait. Enfin, c’est à toi de voir.

Ma cliente accusa le fait de s’être fait menacer de la sorte devant des inconnus. Néanmoins, cela porta ses fruits : lorsque Virginie, la conseillère, l’appela, Tessa y alla sans broncher.

Avant que la professionnelle referme la porte de son bureau, je lançai un ultime avertissement à Tessa :

-          Sage et aimable, Tessa ! Si jamais Virginie me dit dans deux heures que tu n’as pas été correcte, je te jure que tu prends une fessée sur le champ ! Compris ?!

Tessa hocha la tête et la porte du bureau se referma.

                Je sortis mon bouquin de ma poche dans l’intention de lire un peu ; mais c’était sans compter sur mes cinq admirateurs qui me tinrent le crachoir jusqu’à ce qu’ils soient appelés tour à tour pour leurs rendez-vous. Ils furent néanmoins remplacés par d’autres fans. Au total : cinq autographes signés, huit photos prises, de nombreuses discussions et pas une seule ligne de lue.

Dans cette masse de gens qui a défilé, il y avait quand même des personnes auxquelles j’étais totalement indifférent : parfois, je préfère ça. Cela me donne l’impression de vivre une vie à peu près normale.

 

                Une demi-heure avant la fin du rendez-vous de Tessa, je reçus un appel. Je sortis de la salle d’attente et décrochai :

-          Allô ?

-          Bonjour Aurélien, c’est Véronique, la maman d’Erwann.

-          Ah oui ! Bonjour Véronique, comment allez-vous ?

-          Eh bien, pas très bien à vrai dire. Depuis six mois que vous êtes partis de chez nous, tout allait pour le mieux ! Mais depuis une semaine, Erwann ne veut plus aller en cours, il passe ses nuits à jouer à des jeux vidéo et ses journées à dormir.

-          Il s’est passé un événement ? me renseignai-je. C’est bizarre ce revirement de situation…

-          Il s’est pris un 0/20 en anglais et depuis, il a décidé de tout ficher en l’air. Il dit que l’école est une perte de temps et qu’il ferait mieux de reprendre sa vie d’avant.

-          Vous ou votre mari avez sévi ?

-          Non, on voulait votre avis, avant…

-          Véronique, vous auriez dû passer à l’action dès le premier jour où il a séché l’école ! Reprenez les choses en mains ! Rappelez-vous : c’est non-négociable ! Donc allez parler à votre fils en lui expliquant qu’il ne doit pas se démotiver, que la vie n’est pas un long fleuve tranquille et que ce n’est pas parce qu’il a un zéro qu’il doit tout arrêter. Il doit apprendre la persévérance. Si ça ne suffit pas, vous allez confisquer sa console de jeux, lui passer un savon très corsé et lui dire d’aller en cours illico presto ! Et s’il refuse, vous lui collez une bonne fessée ! Je vous ai appris à le maîtriser, vous pouvez le faire ! Si jamais ça ne fonctionne pas et que vous êtes au pied du mur, rappelez-moi, je me déplacerai. Mais je sais que vous êtes capable de reprendre les choses en mains, et votre mari aussi ! Alors allez-y ! S’il agit comme cela depuis une semaine, c’est parce que vous l’avez laissé faire dès le premier jour ! Ce n’est pas normal !

-          D’accord, je vais appliquer vos conseils, Aurélien. Merci !

-          Tenez-moi au courant. Bonne journée !

Je raccrochai et retournai dans la salle d’attente. J’ai l’habitude de ce genre de coup de fil : il arrive fréquemment que mes clients laissent passer du temps avant de retester à nouveau leurs parents ; ces derniers qui pensent que les règles sont acquises et qu’ils n’ont plus besoin de sévir se sentent alors désemparés.

 

                Je récupérai Tessa. Je demandai à Virginie :

-          Ça a été ?

-          Oui, parfait !

-          Alors ? Quel est le verdict ? m’impatientai-je.

-          Il y a plusieurs options, répondit Virginie devant le mutisme de Tessa. Le travail dans la petite enfance : animatrice en centre de loisirs, auxiliaire de crèche, auxiliaire de puériculture… Il y a aussi le commerce comme la boulangerie. Enfin, Tessa peut aussi se tourner vers des études de vétérinaire ou du moins d’assistante vétérinaire.

-          Qu’est-ce qui te tente là-dedans, Tessa ? lui demandai-je.

Elle me répondit par un haussement d’épaules.

-          D’accord, on va rentrer et en parler. Merci Virginie !

 

 

Rentrés chez ma cliente, Timothée me servit un café. Tout en le buvant, j’informai Tessa :

-          Il est bientôt midi. Je vais te laisser tranquille pour la journée. Je reviendrai lundi matin. Tessa, je veux que pour lundi, tu aies…

-          Tu me donnes des devoirs ?! s’offusqua-t-elle en me coupant la parole.

-          Exactement, actai-je. Et tu sais ce qui va t’arriver si tu ne les fais pas. Donc, je veux que pour lundi, tu réfléchisses aux propositions que Virginie t’a faites ou à d’autres possibilités si tu souhaites faire un autre métier. Je veux aussi que tu te sois renseignée sur les écoles où tu pourrais suivre une formation, ou sur les professionnels qui pourraient te prendre en stage ou en emploi fixe. Enfin, je veux que tu aies rédigé une lettre de motivation ainsi qu’un CV. On ira faire le tour des adresses que tu auras repérées lundi. C’est compris ?

-          Oui, Aurélien, répondit-elle nonchalamment.

-          Je récapitule : premièrement, tu te fixes sur une des propositions. Deuxièmement, tu te renseignes sur les moyens d’arriver à exercer de job. Troisièmement, tu rédiges une lettre de motivation et un CV. Demande à ton frère et/ou à tes parents de t’aider si tu galères. Je veux que tout soit prêt lundi. Relève au moins cinq entreprises ou écoles qui pourraient te prendre. On ira les voir lundi matin.

-          Ok…

Je demandai ensuite à Tessa de me regarder droit dans les yeux et lui dis :

-          Tessa, si jamais quand j’arrive lundi rien n’est fait, ça va très mal aller. Puisque nous devons passer la matinée à aller voir les adresses que tu auras trouvées, si tu n’as pas effectué ton travail de recherche, tu passeras la matinée à prendre une fessée. Tu entends ?! Je passerai la matinée à te botter les fesses !  C’est clair ?

-          Très clair, répondit-elle.

-          Parfait. Sur ce, je te laisse et te souhaite un bon week-end, productif et enthousiaste !

La nonchalance des adolescents me mettrait hors de moi si j’y faisais trop attention. Lorsque mes enfants seront adolescents, j’espère de tout cœur qu’ils ne se comporteront pas comme des attardés lobotomisés !

 

                Jeff et moi nous mangeâmes au restaurant, l’occasion de faire le point sur ma mission avec Tessa. J’informai mon manager que ça se passait carrément mieux que ce que j’espérais.

-          Tu dis ça tout le temps ! ria-t-il. Tu m’étonnes que ça se passe bien ! Personne n’a envie de prendre la fessée à longueur de temps donc…

-          Tu oublies Colin, dis-je gravement.

Mon agent s’arrêta instantanément de rire. Il me rassura :

-          Colin était un cas à part. Parmi la centaine de missions que tu as effectuées, c’est la seule qui a réellement merdé…

-          Je sais, mais je la garde quand même en tête. Je crains de retomber sur un client ou une cliente dans son genre.

Colin, un jeune garçon de 15 ans, avait une résistance à la douleur incroyable. Il se fichait royalement de passer des heures et des heures sur mes genoux. Je n’ai jamais pu en venir à bout. Un ami psychiatre pensait que ce jeune garçon était masochiste et que, forcément, ma méthode ne pouvait pas fonctionner. Cependant, même en admettant qu’on puisse aimer recevoir la fessée, la sévérité dont je peux faire preuve ferait craquer n’importe qui. N’importe qui, sauf Colin.

-          Au fait, Cyril Hanouna propose de faire une soirée spéciale pour ta centième mission, me lança Jeff.

-          C’est quand, ma centième mission ? demandai-je.

-          C’est celle juste après l’actuelle. Tessa est la quatre-vingt-dix-neuvième.

-          Ecoute, je sais que ça rapporterait gros de passer en prime time sur C8, surtout qu’il y a un nombre hallucinant de gens qui regardent cette émission. Mais franchement, Jeff. Je ne veux pas passer ma soirée avec une bande d’attardés et un mec qui pète plus haut que son cul alors qu’il a un QI comparable à celui d’une huître.

-          Peut-être, mais ce mec fait énormément d’audimat.

-          Je sais. Mais je m’en fous. Je ramène assez d’argent pour assurer une vie confortable à Marine et Gabin, c’est tout ce qui compte. Je n’ai pas envie de me trahir moi-même en allant dans ce genre d’émission à la con. Ce serait me rabaisser moi-même et j’ai trop d’amour propre pour ça. Je ne suis peut-être pas une grande star mondiale mais j’ai un minimum de respect pour moi-même. Donc non. Non, non et non.

-          Ok, je refuse alors. Et y’a TF1 pour Sept à Huit qui veulent faire un reportage sur toi.

Dilemme. Je sais que c’est une émission sérieuse qui ne déforme pas la réalité. Néanmoins, je n’ai encore jamais accepté que l’on tourne un reportage sur moi.

-          Je pourrais accepter, à condition qu’on ne me filme pas en mission. Qu’on ne me filme pas en train de donner une fessée ou quoique ce soit d’autre. En formation théorique, oui. En séance de dédicaces, ok. Je peux même ouvrir les portes de ma maison. Mais en mission, c’est mort. C’est beaucoup trop intime pour montrer ça sur grand écran.

-          D’accord, je vais leur dire.

-          Et je veux un droit de regard et de modification avant la diffusion.

-           Très bien, je vais transmettre.

Jeff passa à la mise au point de mon planning :

-          Dès que tu auras terminé avec Tessa, y’aura un changement de programme : tu repars en mission. Mais cette fois, c’est près de chez toi donc tu pourras rentrer tous les soirs.

-          Ouf ! Qui sera mon client ou ma cliente ?

-          Janice, 40 ans, mère de famille. Hyper procrastinatrice. Son mari gère tout, tout seul. Il n’en peut plus et il a contacté nos équipes.

-          Combien d’enfants y’a-t-il dans cette famille ?

-          Trois. Deux filles, un garçon. 9, 7 et 5 ans.

Il faut toujours que je me prépare à ce genre de mission : puisqu’il y a des enfants en jeu, je ne peux pas forcément donner la fessée sur le champ : parfois, celle-ci doit être différée. De plus, maintenant que je suis connu, les enfants savent pourquoi je viens : il faut que je remette la mère dans le droit chemin sans saper son autorité auprès de ses petiots.

-          Niveau médias, la semaine prochaine tu auras trois interviews : Radio Nouvelle-Aquitaine, NRJ et Le journal de l’Ouest.

-          Ça marche, dis-je.

 

Avant de rentrer à la maison pour un week-end des plus chargés, je me payai une après-midi au spa. Au programme : massage californien, jacuzzi, hammam et pierre chaude. Puis, je pris l’avion pour rentrer chez moi, parfaitement détendu et requinqué, prêt à passer un bon week-end.

 

Lorsque j’ouvris la porte de ma maison, Gabin me courut dans les bras. C’est la chose que j’aime le plus au monde : regarder la chair de ma chair me courir dans les bras et me faire le câlin qui s’en suit.

Après l’avoir serré contre moi et l’avoir embrassé sur le visage et dans le cou, en lui disant qu’il m’avait beaucoup manqué, je reposai mon fils à terre et allai embrasser ma femme.

-          Ça a été ta journée ? me demanda mon aimée.

-          Oui très bien ! répondis-je. Et toi ma choupinette ?

-          Je suis crevée, avoua-t-elle. Je sens que je ne vais pas faire long feu ce soir !

-          Oh, dis-je en accusant la déception. Moi qui pensais qu’on allait pouvoir passer un moment intime pour se retrouver toi et moi…

-          Pas ce soir, mon chéri ! Ton drapeau peut rester en berne…

-          Ce n’est rien, je suis quand même hyper content de te retrouver, informai-je Marine en l’embrassant.

-          ‘Abin, faim ! nous dit notre fils.

-          Oui, on va passer à table, mon cœur ! lui répondit sa mère.

Je mis la table et installai Gabin dans sa chaise haute.

 

                Pendant le dîner, ma femme lança un sujet de discussion plutôt délicat :

-          Aurél’, il va vraiment falloir qu’on discute prénom. Nous n’avons toujours pas choisi les prénoms de notre fille…

-          On a encore quatre mois pour se décider, je pense que nous ne sommes pas en retard.

-          Oui mais le temps passe vite. Y as-tu au moins réfléchi ?

-          Oui, un peu…

-          Juste un peu ? Aurél’, il faut qu’on s’y mette vraiment, là !

-          Bon, d’accord. Tu veux qu’on s’organise comment ?

-          Tu fais une liste de ton côté, je fais une liste du mien et on compare. On enlève les prénoms rédhibitoires pour l’un et pour l’autre, et puis on avise ensuite.

-          D’accord. C’est vraiment dommage, si ça avait été un garçon, le prénom était tout trouvé…

Elliot. Marine et moi adorons ce prénom. On avait hésité pour Gabin mais ma femme voulait rendre hommage à ma fratrie dans laquelle tous les prénoms masculins se terminent par « in ». Je n’avais pas pu lui refuser cette preuve d’amour.

Mon épouse me demanda :

-          Tu as en tête des prénoms de fille que tu aimes bien ? Qui te viennent là, instinctivement ?

-          Oui, j’adore Adèle. Je trouve ce prénom doux et magnifique. J’aime aussi beaucoup Elsa, mais ça fait trop « Reine des Neiges ». Après y’a Emilie, que je trouve très joli… Mais j’aimerais que notre pitchounette ait un prénom original. Tu penses à quoi, toi ?

-          Moi, j’aime bien Madeline, Rose, Brunehilde… J’aime bien les vieux prénoms.

-          Tu ne vas pas me sortir Henriette ou Huguette, j’espère ?!

Marine explosa de rire.

-          Non, bien sûr que non ! me rassura-t-elle. Mais effectivement, je pourrais te suivre sur Adèle. Il faut que je fasse des recherches sur l’étymologie, et sur le caractère des filles qui portent ce prénom. Et pour les autres prénoms ?

-          On ne se prend pas la tête, dis-je. Comme pour Gabin, on met les prénoms de nos parents. Enfin, de nos mères. Vu que pour Gabin, on a mis ton père en premier, cette fois-ci, on met ma mère en premier. Ça donnerait Adèle Bénédicte Catherine.

-          Je suis assez partante, dit Marine. On peut rester là-dessus pour le moment.

-          Ben tu vois qu’on a le temps ! lançai-je à ma moitié avant qu’elle me jette sa serviette à la figure.

 

Je donnai le bain à mon fils puis le couchai. Marine accepta de regarder un épisode d’une série (rien qu’un seul !) avant d’aller se coucher. J’allais mettre en route l’épisode 6 de la saison 8 de The Walking Dead lorsque mon téléphone portable sonna. Je le pris sur la table basse et regardai l’écran.

-          C’est qui ? me demanda Marine.

-          Lubin, lui répondis-je.

-          A ton avis, que veut-il à cette heure-ci ? Ce n’est pas son genre…

Inquiet, je décrochai.

-          Allô ?

-          Salut grand frère !

-          Salut Lulu, répondis-je. Tout va bien ? Ce n’est pas ton genre d’appeler à cette-heure-ci…

-          Ben nan, ça ne va pas trop. C’est pour ça que je t’appelle. J’ai essayé d’appeler Justin et Baudoin mais ils ne répondent pas…

-          Qu’est-ce qui se passe ? Tu m’fais peur… C’est maman ?

-          Nan… Enfin oui… Mais ne t’inquiète pas, rien de grave…

-          Lubin, dis-moi ce qui se passe !

-          Alana a encore déconné avec maman.

Lubin et Alana, les deux derniers de la fratrie, habitent encore chez ma mère. Alana, 20 ans, fait une espèce de crise d’adolescence tardive et en fait voir de toutes les couleurs à ma mère.

Dans notre famille, nos parents nous ont inculqué le droit d’aînesse depuis tout petits. Lorsque quelque chose ne va pas, c’est l’aîné qui prend en charge le problème, puis le second si l’aîné n’est pas disponible, et ainsi de suite ; d’où le fait que Lubin ait essayé d’appeler Justin et Baudoin avant moi.

-          Quand tu dis qu’elle a « déconné »… C’est-à-dire ? me renseignai-je. Raconte-moi ce qui s’est passé. Je veux tout savoir dans les moindres détails.

-          Comme la voiture d’Alana est au garage, elle a demandé à maman si elle pouvait lui prêter la sienne. Maman a refusé car elle devait aller au resto avec Gigi et Isa. Du coup, Alana a carrément pété un câble et elle a crevé les pneus de la voiture de maman pour être sûre qu’elle non plus ne bouge pas.

-          ELLE A FAIT QUOI ?! explosai-je. Je vais la tuer. JE VAIS LA TUER !!!

-          C’est pour ça que je t’appelle, ajouta Lubin. Elle a déconné grave.

-          Dis-moi que tu lui en as collé une ! ordonnai-je à Lubin.

-          Ah ça oui, c’est clair ! me confirma mon p’tit frère, ce qui me calma un peu. Et j’ai conduis moi-même maman à sa sortie au resto pour être sûr qu’elle y aille quand même !

-          Et comment elle se sentait, maman ?

-          Mal. Elle s’est mise à pleurer dans la voiture.

-          Putain… Dis bien à Alana que je vais la démonter !! Elle fait pleurer notre mère ! Elle se prend pour qui, sérieux ?!

-          C’est pour ça que je t’appelle Aurél’. Faut marquer le coup, ce week-end. Justin, Baudoin, les filles, toi et moi, faut vraiment qu'on lui mette un gros coup de pression ! Ça ne peut plus durer !

-          Ok, je vais en parler avec les autres. On va prendre les choses en mains. Elle va vite se calmer, je te le garantis !

-          Vu la rouste que je viens de lui mettre, elle est calmée, déjà ! m’informa mon p’tit frère. Mais toi-même tu sais que ça ne dure jamais plus de 48h…

-          On va faire en sorte de la calmer pour plus longtemps que ça ! dis-je.

-          Ben là, elle m’a supplié de ne pas vous appeler. Elle sait très bien que ça va barder ! Elle va avoir peur de vous voir demain !

-          Oui ben elle peut ! Elle peut avoir peur ! Toutes les semaines, elle nous sort une nouvelle connerie ! Y’en a ras-le-bol ! Qu’elle tremble, tiens ! Elle ne perd rien pour attendre !

-          Ok, Aurél’. Bon, j’te laisse. A demain.

-          A demain, Lulu. Bisous !

-          Bisous !

Je raccrochai. Marine était sur le cul. Elle n’en revenait pas de la méchanceté de ma sœur envers ma mère.

-          Lubin lui a flanqué une fessée ? me demanda-t-elle.

-          Tu penses bien que oui ! répondis-je. Une bonne, apparemment ! Mais ce n’est rien comparé à ce qu’elle va prendre demain soir ! Je te promets qu’elle va passer le week-end debout !

-          C’est tout ce qu’elle mérite, répondit ma chérie. Ta pauvre mère… Avec tout ce qu’elle a déjà surmonté, à être veuve et élever ses huit gamins toute seule…

-          Aucun d’entre nous se serait permis de lui faire de telles choses ! De toute façon, on n’avait pas intérêt ! Je ne comprends pas pourquoi elle se laisse faire avec Alana alors qu’avec nous sept elle serrait tellement la vis qu’on n’osait pas bouger !

-          J’en sais rien… Peut-être parce qu’elle est fatiguée, supposa Marine. Mais bon, heureusement, Alana a sept frères et sœurs pour la recadrer !

-          Un peu qu’on va la recadrer, oui ! Elle va vite arrêter ses conneries !

Marine bâilla.

-          On va se coucher, mon cœur ?

-          J’suis trop énervé pour aller dormir !

-          D’accord. Rejoins-moi quand ça ira mieux alors. Bonne nuit mon ange, je t’aime fort.

-          Je t’aime fort aussi ma chérie.

 

        Au final, il me fallut une bonne demi-heure pour me calmer. La fatigue me gagnant, je décidai de rejoindre ma femme.

 

A suivre…

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Ça y est, nous y sommes. Mon pire cauchemar est arrivé. Monsieur X. a été élu à la Présidence de la République et il va appliquer son programme. Je m’appelle Marie, j’ai 18 ans, et je vais aller au bagne pour la première fois de ma vie. Enfin, au bagne... J'exagère légèrement. Je vais en fait aller en famille d’accueil, famille dans laquelle je vivrai la semaine ; je pourrai rentrer voir ma famille, dont l’homme de ma vie, le week-end. J’ai eu mon bac littéraire en juin dernier, mention très bien. J’ai décidé d’entamer une licence de Lettres afin de réaliser mon rêve : devenir professeure des écoles. Mais Monsieur le Président de la République l’a décrété : « Tous les étudiants de 18 à 25 ans seront accueillis en structure pour le bien de leurs études ». Pour le bien de nos études ? Pff, tu parles ! Encore des propos démagogues ! Alors me voilà inscrite à l’université Jules Verne de *****, dans laquelle je vais passer minimum trois ans, pour me former au métier de professeu

Le tutorat de Little Princess (séance 3)

Comme vous avez pu le voir, j'ai changé le titre de cette rubrique. D'abord parce que je le trouvais trop long, ensuite parce qu'il devenait mensonger : Thomas n'est plus mon "nouveau" tuteur mais mon tuteur, tout simplement !   Nous ne nous étions pas vus depuis le lundi 7 décembre. Du 7 décembre au 6 janvier : un mois de « mise à l’épreuve » après la rouste de la dernière fois.   A peine deux jours après ce recadrage musclé, j’avais de nouveau testé Thomas, mais cette fois-ci je m’étais bien assurée que ce soit à distance. Jusqu’ici, toutes mes tentatives de rébellion avaient purement et simplement échouées, et j’en avais payé les frais. Restait ma toute dernière carte et j’hésitais vraiment à la jouer. Et puis tant pis, je me lançai.                 Depuis le début du semestre, ça ne passe pas avec ma prof d’histoire : je ne vous referai pas ici le récit de mon altercation verbale avec elle et de l’avertissement qui s’en est suivi pour moi ; mais souh

Le tutorat de Little Princess - Partie 3 (Préambule (3) - Et m*rde...)

                  Il paraît que c’est cela que l’on appelle « avoir sacrément merdé »…                     Lorsque ma mère était enceinte de ma sœur et moi, ce fut une grossesse difficile : déni de grossesse les quatre premiers mois, puis perte de ma jumelle. A six mois et demi, s’ils voulaient me donner une chance de vivre, il fallait accoucher ma mère.                   L’une des grosses conséquences de cette naissance très prématurée : de nombreuses malformations dues au fait que mes organes n’ont pas eu le temps de se placer correctement. Si la plupart sont bénignes, en revanche ma malformation intestinale pose problème. J’ai ce qu’on appelle un « mésentère commun complet ». Une malformation intestinale tellement rare que même certains médecins n’ont aucune idée de ce que c’est.                 D’habitude, on découvre cette malformation à la naissance ou durant la petite enfance. On l’opère et tout roule. Ce ne fut pas mon cas…   Durant vingt-quatre ans, j’ai eu d

Nouvelle rentrée, nouvelle vie ! (Chapitre 17)

 Ce chapitre a été écrit par Marie, une fan du blog. Malgré mes quelques commentaires et réécritures, elle a fait un excellent travail ! Bravo à elle ! Mardi 17 septembre 2019.   Lorsque Monsieur Éric toqua à la porte pour nous réveiller, j’étais très motivée pour me lever (ce qui est très rare !). Aujourd’hui sera une belle journée : d’abord parce que le mardi reste la meilleure journée de la semaine grâce à Madame Kelly, la prof la plus adorable du Pensionnat ; ensuite parce que j’ai réfléchi à un plan pour me venger de Monsieur Jean et de Monsieur Nicolas. Ce sera discret (enfin autant que faire se peut), rapide et efficace. Je sais bien que lorsque nous nous ferons attraper la punition sera salée ; mais je ne supporte pas l’idée de laisser croire à nos professeurs qu’ils ont tout le pouvoir (même si ce n’est peut-être pas tout à fait faux). Pour mener à bien mon plan, il me faudrait l’aide de mes amies. Je vais tout faire pour les convaincre de me suivre, j’ai déjà des argume

Journal d'une étudiante accueillie (Chapitre 26)

  Mercredi 9 octobre 2019.                   Pas de grasse matinée ce matin : Héloïse nous réveilla à neuf heures pour que nous puissions travailler un peu sur nos cours. J’étais grognon au possible en me réveillant, comme cela m’arrive rarement. En m’asseyant à table au petit déjeuner, je fus agacée par Anaïs, toujours pleine d’énergie et en forme le matin. Je déteste les gens du matin. Ou les gens. Ou le matin.                   Après m’être préparée et habillée pour la journée, je remontai dans ma chambre et me sentis toujours aussi grognon. Je ne savais pas encore pourquoi mais j’avais l’impression que cette journée allait être désagréable au possible. Personne n’avait intérêt à me voler dans les plumes : je m’étais levée du pied gauche !                 J’ouvris mes cahiers et commençai à travailler. Soudain, seulement quelques minutes après avoir commencé mes devoirs, j’entendis : -           Louise ! Anaïs ! Marie ! Descendez immédiatement ! Héloïse avait l’air f

Journal d'une étudiante accueillie (Chapitre 24).

  Je sais que beaucoup d'entre vous attendaient ce chapitre... Certains me le réclamaient même récemment alors qu'il était en cours d'écriture ! Le voici... C'est mon petit cadeau de Noël en avance... Régalez-vous ! Peace. L.P. Lundi 7 octobre 2019.      Ce matin, mes sœurs et moi pûmes nous reposer convenablement puisque nos professeurs étaient tous les deux absents. Nos parents partirent au travail sans nous réveiller, pensant sûrement que nous étions épuisées à la suite des émotions d’hier soir.                 En m’habillant, je pris le temps d’admirer mon popotin dans le miroir : plusieurs bleus s’étaient formés sur ma lune ronde, justifiant la difficulté que j’avais éprouvé à m’asseoir dans mon lit au réveil. Tom ne m’avait pas loupée ; mais alors, vraiment pas ! J’appris par mes sœurs que Dana n’avait guère été plus gentille avec elles : les deux instruments préférés de notre mère, à savoir le martinet et le tapetapis avaient été de sortie ; ils ont paraît-il f

Le tutorat de Little Princess - Partie 3 (Préambule)

  * 2 exclusions pour insolence (abusives, les exclusions. Je le précise quand même…) * excès de vitesse quotidiens * textos au volant * médicament pris occasionnellement * devoirs non faits * couvre-feu respecté mais plus par réelle fatigue que par volonté Voilà le palmarès. Depuis l’arrêt du tutorat avec Thomas puis avec Antoine, voilà le palmarès. Mon palmarès.                   Evidemment, Yves, mon nouveau tuteur n’est pas content. Mais pour le moment, je suis loin de sa main et je me fiche complètement qu’il soit content ou non : je fais ce que je veux quand je veux où je veux.                   Cependant, cela risque de me coûter cher. Selon le tableau mis en place, à l’heure actuelle j’en suis à exactement cinquante-cinq minutes de fessée et deux cent dix claques supplémentaires. J’attends de voir. Je sais qu'Yves ne peut pas tout punir : cela fait beaucoup trop de choses (vous allez me dire que c'était ce que je disais pour Thomas et au final il

Les aventures de Little Princess avec son nouveau tuteur (séance 1)

                   Depuis plus d’un an, j’avais un super tuteur (que nous appellerons Gabriel). Tout se passait bien entre Gabriel et moi, et un réel équilibre s’était créé entre lui et mon fiancé (que nous appellerons Hugo), qui se chargeaient ensemble de ma discipline.                 Et puis un jour, ça n’a plus été et nous avons dû cesser notre relation. Si Hugo et moi gardons notre forte amitié avec Gabriel, le tutorat prit fin. Retour à la case départ. Il fallait de nouveau trouver un tuteur.                 C’est pour cela que je postais une annonce ici même. Cette annonce était de ce type :   « À la suite d’un superbe tutorat d’un an, nous avons été contraints de nous séparer… Quel dommage… ! Mais mes études n’étant pas terminées (encore 3 ans !) j’ai toujours besoin d’un tuteur ! Je suis donc une jeune (enfin plus si jeune que ça, en fait !) étudiante de 28 ans, recherchant un tuteur / une tutrice : –          de minimum 30 ans (difficile d’accepter l’autorité de

Années 1950 : le guide de survie d'Alice (Chapitre 2)

  Dimanche 15 octobre 1950        Neuf heures : maman vient me réveiller. Le dimanche, nous allons à la messe qui débute à dix heures et demie. Du coup, maman nous lève relativement tôt pour pouvoir vérifier que tout le monde est bien apprêté pour le Seigneur.          A la messe, nous nous consacrons entièrement au Seigneur. Victor et Gus font partie des enfants de chœur qui servent la messe aux côtés du père Antoine (qui n’est autre que le grand frère de papa), ils se doivent d’être irréprochables !        L’église est le seul endroit où j’arrive à me tenir sage longtemps car j’aime beaucoup chanter. Cependant, je n’aime vraiment pas la sortie de messe. Mes parents et grands-parents ont toujours des tas de gens avec qui discuter et moi, ça m’ennuie beaucoup ! Victor et Nono proposèrent alors de nous ramener à la maison pour que les adultes puissent continuer à discuter tranquillement ; papa accepta.          Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous effectuâmes les mêmes

Un joli fantôme du passé (Chapitre 19)

  -           Quoi ?! s’exclama Manon. Depuis quand tu as une petite copine ?! -           Cela fait plusieurs mois maintenant, répondit papa. Peut-être cinq ou six. Je voulais être sûr que cela fonctionne. Il est maintenant temps de vous la présenter. -           Cinq ou six mois, et tu ne nous en parles que maintenant ?! s’offusqua mon frère. -           Je vous signale qu’avant d’être votre père, je suis un homme qui a le droit à sa vie privée ! milita papa. -           Non ! protesta Manon. Non et non ! C’est ton tout premier job d’être notre père ! Tu nous as toujours dit que tes enfants passaient avant tout ! -           C’est le cas, se défendit papa. Cela ne veut pas dire que je dois tout vous dire ! -           Bien sûr que si ! insista Romain. -           Ah oui ?! rétorqua papa. Et vous me dîtes tout, vous ?! Un silence suivit. Mon frère finit par le briser : -           Ce n’est pas pareil ! Il y a des trucs qu’on ne te dit pas pour te protéger ! -