Jeudi 8
septembre 2022
Le réveil fut violent. Je venais de passer une nuit
épouvantable : après un cauchemar dans lequel ma femme avait disparu, je
n’étais pas parvenu à me rendormir. Il n’allait pas falloir que Tessa me gonfle
de trop aujourd’hui : la fatigue était au rendez-vous !
Ce matin, je devais emmener l’adolescente voir une
conseillère d’orientation qui lui ferait passer des tests de personnalité pour
savoir quel métier lui conviendrait le mieux. Cette session prendrait deux
heures, je prévis donc un bon bouquin pour m’aider à patienter.
Je dus traîner Tessa jusqu’à l’immeuble dans lequel
se trouvait le bureau de la conseillère d’orientation. Je l’avais déjà menacée
une fois d’une fessée sans pour autant passer à l’action. Néanmoins, il
n’allait pas falloir qu’elle pousse le bouchon trop loin…
Nous nous assîmes dans la salle d’attente. Des gens
qui patientaient pour un rendez-vous avec un autre professionnel me fixèrent
avec insistance. L’une des cinq personnes présentes osa me demander :
-
Excusez-moi monsieur, vous ressemblez beaucoup à
Aurélien Forgeron, le coach…
Je ris et répondis :
-
Oui, on me le dit souvent ! C’est peut-être
parce que c’est moi !
-
Oh ! s’exclama la dame en même temps que
les visages des quatre autres personnes s’illuminèrent. Je suis votre plus
grande fan ! J’ai lu tous vos bouquins ! Ils sont d’ailleurs tous
dédicacés ! J’ai assisté à votre conférence à Paris, dans l’amphithéâtre
de la Sorbonne ! Vous êtes vraiment merveilleux !
-
Je vous remercie, ça fait plaisir de se sentir
soutenu, répondis-je.
-
Elle est en retard, ta pote ?! me lança
Tessa, agacée par ma popularité alors qu’elle ne me voit que comme le gars qui
lui colle des roustes à longueur de journée.
-
Non, elle n’est pas en retard, lui dis-je en
tentant de faire abstraction des cinq regards braqués sur moi tels des
projecteurs. Nous sommes arrivés un quart d’heure en avance, c’est tout.
-
A quoi ça sert ?! grommela l’adolescente.
J’aurais pu dormir un quart d’heure de plus !
-
C’est de la politesse, l’informai-je. Prendre un
peu d’avance pour aller à un rendez-vous permet de ne pas arriver en retard.
-
De toute façon je n’irai pas à ton rendez-vous
de merde ! protesta Tessa en croisant les bras.
Je soupirai puis la
prévins :
-
Tessa, tu vas y aller, que tu le veuilles ou
non. Tu as déjà beaucoup de mal à t’asseoir, je pense que tu n’as vraiment pas
envie de reprendre une fessée. De plus, si je t’entends redire un gros mot, tes
fesses vont encore trinquer. Je me fiche totalement que nous soyons dans une
salle d’attente remplie : si je dois te donner une fessée, je te la
donnerai. Je pense que tu me connais assez, maintenant. Depuis lundi que tu
prends des volées, tu sais que je ne plaisante pas avec toi. Donc soit tu obéis
et tu vas à ce rendez-vous – et bien sûr tu es aimable avec la conseillère et
tu fais ce qu’elle te demande – soit tu prends une déculottée sur mes genoux
avant de devoir quand même m’obéir. Je pense que le choix est vite fait. Enfin,
c’est à toi de voir.
Ma cliente accusa le fait de
s’être fait menacer de la sorte devant des inconnus. Néanmoins, cela porta ses
fruits : lorsque Virginie, la conseillère, l’appela, Tessa y alla sans
broncher.
Avant que la professionnelle
referme la porte de son bureau, je lançai un ultime avertissement à
Tessa :
-
Sage et aimable, Tessa ! Si jamais Virginie
me dit dans deux heures que tu n’as pas été correcte, je te jure que tu prends
une fessée sur le champ ! Compris ?!
Tessa hocha la tête et la
porte du bureau se referma.
Je sortis mon bouquin de ma poche dans l’intention de
lire un peu ; mais c’était sans compter sur mes cinq admirateurs qui me
tinrent le crachoir jusqu’à ce qu’ils soient appelés tour à tour pour leurs
rendez-vous. Ils furent néanmoins remplacés par d’autres fans. Au total :
cinq autographes signés, huit photos prises, de nombreuses discussions et pas
une seule ligne de lue.
Dans cette masse de gens qui a
défilé, il y avait quand même des personnes auxquelles j’étais totalement
indifférent : parfois, je préfère ça. Cela me donne l’impression de vivre
une vie à peu près normale.
Une demi-heure avant la fin du rendez-vous de Tessa,
je reçus un appel. Je sortis de la salle d’attente et décrochai :
-
Allô ?
-
Bonjour Aurélien, c’est Véronique, la maman
d’Erwann.
-
Ah oui ! Bonjour Véronique, comment allez-vous ?
-
Eh bien, pas très bien à vrai dire. Depuis six
mois que vous êtes partis de chez nous, tout allait pour le mieux ! Mais
depuis une semaine, Erwann ne veut plus aller en cours, il passe ses nuits à
jouer à des jeux vidéo et ses journées à dormir.
-
Il s’est passé un événement ? me
renseignai-je. C’est bizarre ce revirement de situation…
-
Il s’est pris un 0/20 en anglais et depuis, il a
décidé de tout ficher en l’air. Il dit que l’école est une perte de temps et
qu’il ferait mieux de reprendre sa vie d’avant.
-
Vous ou votre mari avez sévi ?
-
Non, on voulait votre avis, avant…
-
Véronique, vous auriez dû passer à l’action dès
le premier jour où il a séché l’école ! Reprenez les choses en
mains ! Rappelez-vous : c’est non-négociable ! Donc allez parler
à votre fils en lui expliquant qu’il ne doit pas se démotiver, que la vie n’est
pas un long fleuve tranquille et que ce n’est pas parce qu’il a un zéro qu’il
doit tout arrêter. Il doit apprendre la persévérance. Si ça ne suffit pas, vous
allez confisquer sa console de jeux, lui passer un savon très corsé et lui dire
d’aller en cours illico presto ! Et s’il refuse, vous lui collez une bonne
fessée ! Je vous ai appris à le maîtriser, vous pouvez le faire ! Si
jamais ça ne fonctionne pas et que vous êtes au pied du mur, rappelez-moi, je
me déplacerai. Mais je sais que vous êtes capable de reprendre les choses en
mains, et votre mari aussi ! Alors allez-y ! S’il agit comme cela
depuis une semaine, c’est parce que vous l’avez laissé faire dès le premier jour !
Ce n’est pas normal !
-
D’accord, je vais appliquer vos conseils,
Aurélien. Merci !
-
Tenez-moi au courant. Bonne journée !
Je raccrochai et retournai
dans la salle d’attente. J’ai l’habitude de ce genre de coup de fil : il
arrive fréquemment que mes clients laissent passer du temps avant de retester à
nouveau leurs parents ; ces derniers qui pensent que les règles sont
acquises et qu’ils n’ont plus besoin de sévir se sentent alors désemparés.
Je récupérai Tessa. Je demandai à Virginie :
-
Ça a été ?
-
Oui, parfait !
-
Alors ? Quel est le verdict ?
m’impatientai-je.
-
Il y a plusieurs options, répondit Virginie
devant le mutisme de Tessa. Le travail dans la petite enfance : animatrice
en centre de loisirs, auxiliaire de crèche, auxiliaire de puériculture… Il y a
aussi le commerce comme la boulangerie. Enfin, Tessa peut aussi se tourner vers
des études de vétérinaire ou du moins d’assistante vétérinaire.
-
Qu’est-ce qui te tente là-dedans, Tessa ?
lui demandai-je.
Elle me répondit par un
haussement d’épaules.
-
D’accord, on va rentrer et en parler. Merci
Virginie !
Rentrés
chez ma cliente, Timothée me servit un café. Tout en le buvant, j’informai
Tessa :
-
Il est bientôt midi. Je vais te laisser
tranquille pour la journée. Je reviendrai lundi matin. Tessa, je veux que pour lundi,
tu aies…
-
Tu me donnes des devoirs ?!
s’offusqua-t-elle en me coupant la parole.
-
Exactement, actai-je. Et tu sais ce qui va
t’arriver si tu ne les fais pas. Donc, je veux que pour lundi, tu réfléchisses
aux propositions que Virginie t’a faites ou à d’autres possibilités si tu
souhaites faire un autre métier. Je veux aussi que tu te sois renseignée sur
les écoles où tu pourrais suivre une formation, ou sur les professionnels qui
pourraient te prendre en stage ou en emploi fixe. Enfin, je veux que tu aies
rédigé une lettre de motivation ainsi qu’un CV. On ira faire le tour des
adresses que tu auras repérées lundi. C’est compris ?
-
Oui, Aurélien, répondit-elle nonchalamment.
-
Je récapitule : premièrement, tu te fixes
sur une des propositions. Deuxièmement, tu te renseignes sur les moyens
d’arriver à exercer de job. Troisièmement, tu rédiges une lettre de motivation
et un CV. Demande à ton frère et/ou à tes parents de t’aider si tu galères. Je
veux que tout soit prêt lundi. Relève au moins cinq entreprises ou écoles qui
pourraient te prendre. On ira les voir lundi matin.
-
Ok…
Je demandai ensuite à Tessa de
me regarder droit dans les yeux et lui dis :
-
Tessa, si jamais quand j’arrive lundi rien n’est
fait, ça va très mal aller. Puisque nous devons passer la matinée à aller voir
les adresses que tu auras trouvées, si tu n’as pas effectué ton travail de
recherche, tu passeras la matinée à prendre une fessée. Tu entends ?! Je
passerai la matinée à te botter les fesses ! C’est clair ?
-
Très clair, répondit-elle.
-
Parfait. Sur ce, je te laisse et te souhaite un
bon week-end, productif et enthousiaste !
La nonchalance des adolescents
me mettrait hors de moi si j’y faisais trop attention. Lorsque mes enfants
seront adolescents, j’espère de tout cœur qu’ils ne se comporteront pas comme
des attardés lobotomisés !
Jeff et moi nous mangeâmes au restaurant, l’occasion
de faire le point sur ma mission avec Tessa. J’informai mon manager que ça se
passait carrément mieux que ce que j’espérais.
-
Tu dis ça tout le temps ! ria-t-il. Tu
m’étonnes que ça se passe bien ! Personne n’a envie de prendre la fessée à
longueur de temps donc…
-
Tu oublies Colin, dis-je gravement.
Mon agent s’arrêta
instantanément de rire. Il me rassura :
-
Colin était un cas à part. Parmi la centaine de
missions que tu as effectuées, c’est la seule qui a réellement merdé…
-
Je sais, mais je la garde quand même en tête. Je
crains de retomber sur un client ou une cliente dans son genre.
Colin, un jeune garçon de 15
ans, avait une résistance à la douleur incroyable. Il se fichait royalement de
passer des heures et des heures sur mes genoux. Je n’ai jamais pu en venir à
bout. Un ami psychiatre pensait que ce jeune garçon était masochiste et que,
forcément, ma méthode ne pouvait pas fonctionner. Cependant, même en admettant
qu’on puisse aimer recevoir la fessée, la sévérité dont je peux faire preuve
ferait craquer n’importe qui. N’importe qui, sauf Colin.
-
Au fait, Cyril Hanouna propose de faire une
soirée spéciale pour ta centième mission, me lança Jeff.
-
C’est quand, ma centième mission ?
demandai-je.
-
C’est celle juste après l’actuelle. Tessa est la
quatre-vingt-dix-neuvième.
-
Ecoute, je sais que ça rapporterait gros de
passer en prime time sur C8, surtout qu’il y a un nombre hallucinant de gens
qui regardent cette émission. Mais franchement, Jeff. Je ne veux pas passer ma
soirée avec une bande d’attardés et un mec qui pète plus haut que son cul alors
qu’il a un QI comparable à celui d’une huître.
-
Peut-être, mais ce mec fait énormément
d’audimat.
-
Je sais. Mais je m’en fous. Je ramène assez
d’argent pour assurer une vie confortable à Marine et Gabin, c’est tout ce qui
compte. Je n’ai pas envie de me trahir moi-même en allant dans ce genre
d’émission à la con. Ce serait me rabaisser moi-même et j’ai trop d’amour
propre pour ça. Je ne suis peut-être pas une grande star mondiale mais j’ai un
minimum de respect pour moi-même. Donc non. Non, non et non.
-
Ok, je refuse alors. Et y’a TF1 pour Sept à
Huit qui veulent faire un reportage sur toi.
Dilemme. Je sais que c’est une
émission sérieuse qui ne déforme pas la réalité. Néanmoins, je n’ai encore
jamais accepté que l’on tourne un reportage sur moi.
-
Je pourrais accepter, à condition qu’on ne me
filme pas en mission. Qu’on ne me filme pas en train de donner une fessée ou
quoique ce soit d’autre. En formation théorique, oui. En séance de dédicaces,
ok. Je peux même ouvrir les portes de ma maison. Mais en mission, c’est mort.
C’est beaucoup trop intime pour montrer ça sur grand écran.
-
D’accord, je vais leur dire.
-
Et je veux un droit de regard et de modification
avant la diffusion.
-
Très
bien, je vais transmettre.
Jeff passa à la mise au point
de mon planning :
-
Dès que tu auras terminé avec Tessa, y’aura un
changement de programme : tu repars en mission. Mais cette fois, c’est
près de chez toi donc tu pourras rentrer tous les soirs.
-
Ouf ! Qui sera mon client ou ma cliente ?
-
Janice, 40 ans, mère de famille. Hyper
procrastinatrice. Son mari gère tout, tout seul. Il n’en peut plus et il a contacté
nos équipes.
-
Combien d’enfants y’a-t-il dans cette famille ?
-
Trois. Deux filles, un garçon. 9, 7 et 5 ans.
Il faut toujours que je me
prépare à ce genre de mission : puisqu’il y a des enfants en jeu, je ne
peux pas forcément donner la fessée sur le champ : parfois, celle-ci doit
être différée. De plus, maintenant que je suis connu, les enfants savent
pourquoi je viens : il faut que je remette la mère dans le droit chemin
sans saper son autorité auprès de ses petiots.
-
Niveau médias, la semaine prochaine tu auras
trois interviews : Radio Nouvelle-Aquitaine, NRJ et Le journal de l’Ouest.
-
Ça marche, dis-je.
Avant de
rentrer à la maison pour un week-end des plus chargés, je me payai une après-midi
au spa. Au programme : massage californien, jacuzzi, hammam et pierre
chaude. Puis, je pris l’avion pour rentrer chez moi, parfaitement détendu et requinqué,
prêt à passer un bon week-end.
Lorsque j’ouvris
la porte de ma maison, Gabin me courut dans les bras. C’est la chose que j’aime
le plus au monde : regarder la chair de ma chair me courir dans les bras
et me faire le câlin qui s’en suit.
Après l’avoir serré contre moi
et l’avoir embrassé sur le visage et dans le cou, en lui disant qu’il m’avait beaucoup
manqué, je reposai mon fils à terre et allai embrasser ma femme.
-
Ça a été ta journée ? me demanda mon aimée.
-
Oui très bien ! répondis-je. Et toi ma
choupinette ?
-
Je suis crevée, avoua-t-elle. Je sens que je ne
vais pas faire long feu ce soir !
-
Oh, dis-je en accusant la déception. Moi qui
pensais qu’on allait pouvoir passer un moment intime pour se retrouver toi et
moi…
-
Pas ce soir, mon chéri ! Ton drapeau peut
rester en berne…
-
Ce n’est rien, je suis quand même hyper content
de te retrouver, informai-je Marine en l’embrassant.
-
‘Abin, faim ! nous dit notre fils.
-
Oui, on va passer à table, mon cœur ! lui
répondit sa mère.
Je mis la table et installai Gabin
dans sa chaise haute.
Pendant le dîner, ma femme lança un sujet de
discussion plutôt délicat :
-
Aurél’, il va vraiment falloir qu’on discute
prénom. Nous n’avons toujours pas choisi les prénoms de notre fille…
-
On a encore quatre mois pour se décider, je
pense que nous ne sommes pas en retard.
-
Oui mais le temps passe vite. Y as-tu au moins
réfléchi ?
-
Oui, un peu…
-
Juste un peu ? Aurél’, il faut qu’on s’y
mette vraiment, là !
-
Bon, d’accord. Tu veux qu’on s’organise comment ?
-
Tu fais une liste de ton côté, je fais une liste
du mien et on compare. On enlève les prénoms rédhibitoires pour l’un et pour l’autre,
et puis on avise ensuite.
-
D’accord. C’est vraiment dommage, si ça avait
été un garçon, le prénom était tout trouvé…
Elliot. Marine et moi adorons
ce prénom. On avait hésité pour Gabin mais ma femme voulait rendre
hommage à ma fratrie dans laquelle tous les prénoms masculins se terminent par « in ».
Je n’avais pas pu lui refuser cette preuve d’amour.
Mon épouse me demanda :
-
Tu as en tête des prénoms de fille que tu aimes
bien ? Qui te viennent là, instinctivement ?
-
Oui, j’adore Adèle. Je trouve ce prénom doux et
magnifique. J’aime aussi beaucoup Elsa, mais ça fait trop « Reine des
Neiges ». Après y’a Emilie, que je trouve très joli… Mais j’aimerais que
notre pitchounette ait un prénom original. Tu penses à quoi, toi ?
-
Moi, j’aime bien Madeline, Rose, Brunehilde… J’aime
bien les vieux prénoms.
-
Tu ne vas pas me sortir Henriette ou Huguette, j’espère ?!
Marine explosa de rire.
-
Non, bien sûr que non ! me rassura-t-elle. Mais
effectivement, je pourrais te suivre sur Adèle. Il faut que je fasse des
recherches sur l’étymologie, et sur le caractère des filles qui portent ce
prénom. Et pour les autres prénoms ?
-
On ne se prend pas la tête, dis-je. Comme pour
Gabin, on met les prénoms de nos parents. Enfin, de nos mères. Vu que pour
Gabin, on a mis ton père en premier, cette fois-ci, on met ma mère en premier. Ça
donnerait Adèle Bénédicte Catherine.
-
Je suis assez partante, dit Marine. On peut
rester là-dessus pour le moment.
-
Ben tu vois qu’on a le temps ! lançai-je à
ma moitié avant qu’elle me jette sa serviette à la figure.
Je donnai
le bain à mon fils puis le couchai. Marine accepta de regarder un épisode d’une
série (rien qu’un seul !) avant d’aller se coucher. J’allais mettre en
route l’épisode 6 de la saison 8 de The Walking Dead lorsque mon téléphone
portable sonna. Je le pris sur la table basse et regardai l’écran.
-
C’est qui ? me demanda Marine.
-
Lubin, lui répondis-je.
-
A ton avis, que veut-il à cette heure-ci ?
Ce n’est pas son genre…
Inquiet, je décrochai.
-
Allô ?
-
Salut grand frère !
-
Salut Lulu, répondis-je. Tout va bien ? Ce
n’est pas ton genre d’appeler à cette-heure-ci…
-
Ben nan, ça ne va pas trop. C’est pour ça que je
t’appelle. J’ai essayé d’appeler Justin et Baudoin mais ils ne répondent pas…
-
Qu’est-ce qui se passe ? Tu m’fais peur… C’est
maman ?
-
Nan… Enfin oui… Mais ne t’inquiète pas, rien de grave…
-
Lubin, dis-moi ce qui se passe !
-
Alana a encore déconné avec maman.
Lubin et Alana, les deux
derniers de la fratrie, habitent encore chez ma mère. Alana, 20 ans, fait une espèce
de crise d’adolescence tardive et en fait voir de toutes les couleurs à ma mère.
Dans notre famille, nos
parents nous ont inculqué le droit d’aînesse depuis tout petits. Lorsque quelque
chose ne va pas, c’est l’aîné qui prend en charge le problème, puis le second si
l’aîné n’est pas disponible, et ainsi de suite ; d’où le fait que Lubin
ait essayé d’appeler Justin et Baudoin avant moi.
-
Quand tu dis qu’elle a « déconné »… C’est-à-dire ?
me renseignai-je. Raconte-moi ce qui s’est passé. Je veux tout savoir dans les
moindres détails.
-
Comme la voiture d’Alana est au garage, elle a
demandé à maman si elle pouvait lui prêter la sienne. Maman a refusé car elle
devait aller au resto avec Gigi et Isa. Du coup, Alana a carrément pété un câble
et elle a crevé les pneus de la voiture de maman pour être sûre qu’elle non
plus ne bouge pas.
-
ELLE A FAIT QUOI ?! explosai-je. Je vais la
tuer. JE VAIS LA TUER !!!
-
C’est pour ça que je t’appelle, ajouta Lubin.
Elle a déconné grave.
-
Dis-moi que tu lui en as collé une ! ordonnai-je
à Lubin.
-
Ah ça oui, c’est clair ! me confirma mon p’tit
frère, ce qui me calma un peu. Et j’ai conduis moi-même maman à sa sortie au
resto pour être sûr qu’elle y aille quand même !
-
Et comment elle se sentait, maman ?
-
Mal. Elle s’est mise à pleurer dans la voiture.
-
Putain… Dis bien à Alana que je vais la démonter !!
Elle fait pleurer notre mère ! Elle se prend pour qui, sérieux ?!
-
C’est pour ça que je t’appelle Aurél’. Faut
marquer le coup, ce week-end. Justin, Baudoin, les filles, toi et moi, faut vraiment
qu'on lui mette un gros coup de pression ! Ça ne peut plus durer !
-
Ok, je vais en parler avec les autres. On va
prendre les choses en mains. Elle va vite se calmer, je te le garantis !
-
Vu la rouste que je viens de lui mettre, elle
est calmée, déjà ! m’informa mon p’tit frère. Mais toi-même tu sais que ça
ne dure jamais plus de 48h…
-
On va faire en sorte de la calmer pour plus
longtemps que ça ! dis-je.
-
Ben là, elle m’a supplié de ne pas vous appeler.
Elle sait très bien que ça va barder ! Elle va avoir peur de vous voir
demain !
-
Oui ben elle peut ! Elle peut avoir peur !
Toutes les semaines, elle nous sort une nouvelle connerie ! Y’en a
ras-le-bol ! Qu’elle tremble, tiens ! Elle ne perd rien pour attendre !
-
Ok, Aurél’. Bon, j’te laisse. A demain.
-
A demain, Lulu. Bisous !
-
Bisous !
Je raccrochai. Marine était
sur le cul. Elle n’en revenait pas de la méchanceté de ma sœur envers ma mère.
-
Lubin lui a flanqué une fessée ? me demanda-t-elle.
-
Tu penses bien que oui ! répondis-je. Une
bonne, apparemment ! Mais ce n’est rien comparé à ce qu’elle va prendre
demain soir ! Je te promets qu’elle va passer le week-end debout !
-
C’est tout ce qu’elle mérite, répondit ma
chérie. Ta pauvre mère… Avec tout ce qu’elle a déjà surmonté, à être veuve et
élever ses huit gamins toute seule…
-
Aucun d’entre nous se serait permis de lui faire
de telles choses ! De toute façon, on n’avait pas intérêt ! Je ne
comprends pas pourquoi elle se laisse faire avec Alana alors qu’avec nous sept
elle serrait tellement la vis qu’on n’osait pas bouger !
-
J’en sais rien… Peut-être parce qu’elle est
fatiguée, supposa Marine. Mais bon, heureusement, Alana a sept frères et sœurs pour
la recadrer !
-
Un peu qu’on va la recadrer, oui ! Elle va
vite arrêter ses conneries !
Marine bâilla.
-
On va se coucher, mon cœur ?
-
J’suis trop énervé pour aller dormir !
-
D’accord. Rejoins-moi quand ça ira mieux alors.
Bonne nuit mon ange, je t’aime fort.
-
Je t’aime fort aussi ma chérie.
Au final, il me fallut une
bonne demi-heure pour me calmer. La fatigue me gagnant, je décidai de rejoindre
ma femme.
A suivre…
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