Jeudi 23
septembre 2021
J’étais de retour à la fac. Le quotidien reprenait
doucement et cela ne me plaisait guère. J’étais crevée de n’avoir pas assez
dormi, et ce cours de littérature américaine m’ennuyait au possible. Je
baillais aux corneilles en regardant par la fenêtre : ma vie ne me convenait
clairement pas. Je me sentais totalement perdue. J’avais une famille aimante
mais qui m’infantilisait à la moindre occasion ; même mon petit copain s’était
mis à m’infantiliser ce qui, je m’en rendais compte aujourd’hui, avait « cassé »
quelque chose dans notre couple. Les cours à la fac étaient parfois ennuyants
et je n’étais même plus sûre de vouloir être journaliste.
En sortant de cours, Meredith et moi allâmes nous
acheter de quoi manger à un food-truck, puis nous nous installâmes dans l’herbe
pour déjeuner.
-
Qu’est-ce qui se passe, Zo ? me demanda
Meredith.
-
Je ne sais pas… Je suis un peu paumée. Je… je ne
suis plus sûre de vouloir être journaliste.
-
Que voudrais-tu faire ?
-
Je n’en sais rien. Je ne sais pas ce que je veux
faire de ma vie. En ce moment, j’ai terriblement envie que tout le monde me
laisse tranquille : mon père, ma sœur, mon frère… et même Trent. J’ai
envie d’envoyer tout le monde se faire f*utre.
-
Tu ne nous ferais pas une petite crise
existentielle, là ?
-
J’sais pas. J’suis paumée, j'te dis !
Meredith soupira sans savoir que
me répondre.
J’allais mordre dans un panini
quand, sous nos yeux, un monsieur à vélo se fit renverser par une voiture qui roulait
trop vite.
-
Oh mon Dieu ! nous écriâmes en chœur Meredith
et moi.
Nous lâchâmes immédiatement nos
repas pour nous précipiter sur la victime ; une aubaine pour les pigeons
qui se pressèrent de sauter sur notre déjeuner.
-
Monsieur ! Monsieur, ça va ?! demandai-je
paniquée alors que je me jetais à genoux auprès du cycliste inconscient. Monsieur, vous m'entendez ?!
-
Il saigne de partout ! s’exclama Meredith.
Oh, ce n’est pas vrai ! A L’AIDE ! A L’AIDE ! QUE QUELQU’UN
APPELLE LES SECOURS ! A L’AIDE !!
La victime avait une énorme
plaie au niveau de l’abdomen que je compressai automatiquement, Manon m’ayant
appris les premiers gestes d’urgence. Oh, pourquoi ma sœur n’était-elle pas là quand
j’en avais besoin ?
Le chauffard ayant pris la fuite,
ce fut une passante dans la rue qui accourut à nos cris : elle sortit son
téléphone et appela les secours tandis que je donnais quelques directives à
Meredith.
Meredith et moi attendîmes dix bonnes minutes avant
que les secours n’arrivent.
-
On va prendre le relais, mesdemoiselles ! nous
dit une femme sortant de l’ambulance. Merci, vous lui avez probablement sauvé
la vie !
Meredith et moi nous relevâmes,
les mains et les avant-bras maculés de sang.
-
Il va s’en sortir ? demandai-je.
-
On va tout faire pour, répondit la femme.
Mon amie et moi retournâmes
dans le bâtiment principal de la fac pour pouvoir accéder aux toilettes et enlever
tout ce sang. Heureusement, les toilettes sont juste à l’entrée, ce qui évita d’avoir
de trop nombreux regards effrayés ou douteux posés sur nous.
Une fois toutes propres, Meredith et moi nous
regardâmes en silence devant les lavabos des toilettes des filles.
-
C’était… commença-t-elle.
-
…incroyable, continuai-je. Je n’ai jamais
ressenti une telle adrénaline !
Cet
accident me trotta dans la tête toute la journée ; je n’écoutai
strictement rien du cours de littérature européenne, focalisée sur ce que j’avais
ressenti ce midi.
En rentrant à la maison, Manon était la
seule présente : cela tombait bien, c’est elle que je voulais voir. Je m’assis
à côté d’elle sur le canapé et lui demandai :
-
Manon, pourquoi tu as voulu faire médecine ?
-
Pour pouvoir soigner les gens, bien sûr !
Pourquoi ?
Je lui racontai alors ce qui m’était
arrivé ce midi et ce que j’avais ressenti.
-
Qu’est-ce que tu en conclus ? me demanda ma
sœur avec un sourire.
-
Je…je crois que… je crois que je veux devenir médecin.
En fait, je veux être chirurgienne.
Manon me sourit à nouveau et me
répondit :
-
Je suis contente que tu aies eu un déclic et que
tu aies trouvé ta voie. L’école de médecine, ce n’est vraiment pas facile mais puisque
je suis passée par là, je t’aiderai. Tu sais que pour devenir chirurgienne, c’est
minimum douze ans d’études ?
-
Je m’en fiche. Ce que j’ai ressenti aujourd’hui…
Je n’avais jamais rien ressenti de comparable. Jamais. De toute ma vie.
Ma sœur me prit dans ses bras
puis me dit :
-
Il ne te reste plus qu’à le dire à papa. Nous
sommes encore en septembre, je pense qu’il peut faire le nécessaire pour que tu
changes de cursus.
Soudain, on frappa à la porte.
Je me levai et allai ouvrir. Je tombai sur les deux hommes aux allures d’Amish qui
étaient déjà passés.
-
Bonjour, nous souhaiterions voir Trent.
-
Il n’est toujours pas là, commençai-je.
Je m’arrêtai en voyant Trent
arriver au loin. En voyant ses soi-disant « oncles », il se stoppa,
bouche bée, incapable de faire quoi que ce soit.
-
Bonjour Trent, dit l’un des hommes. Nous t’avons
longtemps cherché. Où est ta mère ?
-
Foutez-le-camp ! hurla Trent. Comment m’avez-vous
retrouvé ?! Dégagez de là !
-
Trent…
-
Dégagez, je vous dis !
-
Nous reviendrons demain, trancha le deuxième
homme.
Ils s’en allèrent sous le
regard furieux de Trent.
Mon petit copain entra dans la maison dans un état
tel que je ne l’avais jamais vu.
-
Tu vas nous expliquer tout de suite ce qui se
passe ! lui hurla Manon. C’est qui ces gens ?! Ça fait trois fois qu’ils
viennent ici !
-
Ce n’est pas le moment, répondit Trent fâché.
-
Si, c’est clairement le moment, insista Manon en
haussant encore le ton.
-
JE TE DIS QUE CE N’EST PAS LE MOMENT !!
vociféra Trent.
Je ne l’avais jamais vu dans
cet état-là.
-
TU NE ME PARLES PAS COMME ÇA !! répondit
Manon, en colère.
-
STOP !! NE ME FAIS PAS TON NUMERO DE GRANDE
SŒUR A DEUX BALLES !! SI JE TE DIS QUE CE N’EST PAS LE MOMENT, CE N’EST
PAS LE MOMENT !!
-
ET MOI JE TE DIS DE NE PAS ME PARLER COMME ÇA !!
continua ma sœur. CONTINUE, ET JE TE DEFONCE !!
Trent fila dans notre chambre et s’y
enferma en claquant la porte. Tandis que je restais là, hébétée, Manon faisait
les cent pas en essayant de se calmer.
-
P*tain, pourquoi Romain et papa ne sont pas là
quand j’ai besoin d’eux ?!
-
J’ai dit la même chose en parlant de toi ce
midi, dis-je à mi-voix.
Alors que ma sœur ne s’était
toujours pas calmée, la porte d’entrée s’ouvrit sur Valentin. Tandis que la discrète
Loli s’affairait à préparer le dîner, mon père nous embrassa tour à tour et
demanda à Manon ce qui se passait.
-
Très bien, je vais aller le voir, annonça l’homme
d’affaires.
-
Je ne crois pas que ce soit très judicieux,
dis-je.
-
Je sais ce que je fais, Zoé, dit mon père. Fais-moi confiance.
Trent et
Valentin sortirent une demi-heure plus tard de la chambre. Trent était en
larmes. Je pensai un instant qu’il avait dû se faire recadrer par le paternel
mais Valentin n’était pas du genre à être injuste.
-
Alors ? demandai-je à mon père.
-
On en parlera au dîner, répondit le PDG.
Je ne cherchai pas à discuter.
Trent retourna dans notre chambre et j’eus envie de le suivre mais mon père me
stoppa :
-
Il a besoin d’être seul.
Encore une fois, je ne
cherchai pas à discuter.
Lorsque je m’installai à table pour dîner, je ne me doutais
pas un seul instant que ce repas allait s’avérer mémorable ; tellement
mémorable que je n’allais pas en croire mes oreilles.
-
Trent a quelque chose à vous dire, dit mon père pour
le lancer.
Romain, Manon et moi le regardâmes,
tout ouïs.
-
Les hommes qui ont frappé à la porte sont bien
mes oncles, avoua Trent. Ce sont les frères de ma mère. Ils sont habillés bizarrement
parce que… parce que… ils font partie d’une secte. Je suis moi-même né dans
cette secte. Ma mère et moi avons réussi à en sortir et c’est depuis que nous
en sommes sortis que ma mère s’est mise à boire.
Nous restâmes bouches bée sans
savoir quoi dire. Au bout d’un moment, Romain brisa le silence :
-
Qui d’autre à part toi était au courant ?
-
Judith, répondit-il.
-
Judith ?! m’exclamai-je. Tu t’es confié à
elle plutôt qu’à nous ?! Plutôt qu'à moi ?!
-
Elle était loin donc elle ne risquait pas de
vendre la mèche, expliqua Trent. Et puis je ne craignais pas son jugement alors
que j’avais peur du vôtre. J'ai honte de ce passé... Je ne savais pas comment vous le dire...
J’étais sidérée. Comment avait-il
pu… ?! Comment avait-il osé… ?!
-
En quoi consiste cette secte ? interrogea
Manon tandis que je faisais semblant d’être anormalement absorbée par mon
assiette.
-
C’est la communauté du sauveur, expliqua Trent. Nous
sommes convaincus que nous avons été créés par des extraterrestres qui cherchent
à nous conditionner, seul notre gourou parvient à nous maintenir hors de ce conditionnement.
Romain et Manon explosèrent de
rire sous le regard accusateur de notre père. Moi, j’étais encore le coup de sidération, incapable de penser à autre
chose qu’au fait que mon petit ami ne m’avait pas fait confiance.
-
Que veulent tes oncles ? demanda Manon en reprenant son sérieux.
-
Me ramener bien sûr ! répondit Trent. Il en
est absolument hors de question. Ma mère et moi n’avons pas traversé tout ça
pour y retourner. En plus, je n'ai plus du tout les mêmes croyances qu'eux.
Il essaya de prendre ma main
mais je me dégageai.
-
Honey, essaie de me comprendre…
-
Notre couple est terminé, annonçai-je froidement. Je dormirai
dans la chambre d’amis à partir de maintenant.
Je pris ma serviette, m’essuyai
la bouche et me levai. Avant de partir, j’annonçai :
-
Au fait, je veux devenir chirurgienne, maintenant.
Manon vous expliquera. Je ne veux plus être journaliste. J’aimerais que tu
fasses des démarches pour me changer de cursus, papa, s’il te plaît. Bonne
soirée à tous. Merci de me laisser tranquille, je ne veux voir personne.
J’allai prendre mes affaires dans
ma chambre et m’installai dans la chambre d’amis.
Je m’endormis après avoir passé la soirée à pleurer.
A suivre…
Quel rebondissement !
RépondreSupprimerLa suite promet d'être intéressante 😏
Les fesses de Zoé sont au repos mais pour combien de temps ?
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