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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 63

 



Lundi 25 novembre 2019

 

      En me levant ce matin, j’étais plutôt de bonne humeur. Berlioz était venu nous réveiller à coups de câlins Louise et moi. Nous étions toutes deux remplies de gaieté jusqu’à la lecture du mot qui était affiché sur la porte de notre chambre :

« Nous avons dû aller au travail, tous les deux. Granny, Grandpa et Assa sont là en cas de besoin. Papa sera de retour pour ce midi, et en télétravail cette aprem. On vous aime, Papa-Maman. »

Super. Un petit déjeuner avec mes collabos hypocrites de grands-parents.

      Louise et moi allâmes réveiller Anaïs puis nous descendîmes dans la cuisine pour prendre le premier repas de la journée.

-    Bonjour mes poupées ! s’écria notre grand-mère. Vous avez bien dormi ?

Était-elle bipolaire ? Ou lunatique ? Une chose était sûre : elle ne m’inspirait pas du tout confiance !

Je m’approchai de mon grand-père pour lui faire la bise : il consentit à lever les yeux de son journal et à tourner la tête en ma direction. On dit toujours que les chiens ne font pas des chats ; c’est bien vrai ! Maman a la sévérité de son père et l’enthousiasme un peu trop débordant de sa mère. Cependant, j’attribuais à Scarlett une stabilité mentale parfaite contrairement à ses parents.

      Mes sœurs et moi nous assîmes à table pendant qu’Assa nous servait nos repas.

-    Assa, puis-je avoir une autre tartine de pain de mie avec du nutella, s’il te plaît ? demanda Anaïs.

-    Tu ne crois pas que deux, c’est suffisant ? interrogea ma grand-mère.

-    J’ai encore faim, répondit ma sœur.

-    Il reste des fruits, des yaourts, du muesli, proposa Granny.

-    Je veux une autre tartine ! affirma Anaïs.

-    Tu n’auras pas d’autre tartine, trancha Anna-Beth. Assa, n’en préparez pas.

-    Punaise mais c’est quoi ton problème ?! s’énerva Anaïs.

J’en avais ma petite idée, ce qui me complexa aussitôt. Notre grand-mère poursuivit :

-    Tu t’es vue, Anaïs ? Il faut absolument que tu perdes du poids !

J’en étais sûre. J’étais déjà complexée avec mes quatre-vingt-six kilos – même si j’avais déjà perdu un kilo cinq cents grâce à Scarlett – mais Anaïs, qui devait peser au moins cent-vingt-cinq kilos, devait l’être encore plus que moi. Connaissant très bien le tempérament de ma sœur, cette discussion allait très mal finir.

-    J’t’ai demandé de donner ton avis ? Non ! Alors ferme ta grande gueule !

Aïe. Quand Anaïs est blessée, elle est vulgaire. Et quand elle est vulgaire, elle s’attire fatalement des ennuis.

Assa fut tellement choquée de l’insulte qu’elle en cassa une assiette. Puisque je n’ai pas le droit de bouger pendant les repas, ce fut Louise qui se leva pour l’aider à ramasser.

-    Excuse-toi tout de suite ! exigea Granny.

-    Et puis quoi, encore ?! cria ma sœur.

-    Des excuses, j’ai dit ! insista Anna-Beth.

-    Va te faire foutre ! hurla Anaïs.

Ce fut au tour de notre grand-père d’intervenir : il flanqua une paire de gifles à Anaïs, qui entra dans une rage folle : elle fila un coup de poing sur le nez de Jack. Ce dernier se mit à pisser le sang.

-    Tu ne perds rien pour attendre, ma grande ! vociféra Anna-Beth. Nous sommes peut-être trop vieux pour te maîtriser mais quand tes parents vont apprendre ce que tu as fait, tu n’auras plus de fesses pour t’asseoir ! Je te garantis que tu vas prendre la rouste de ta vie ! Tu ne l’auras pas volée, tiens !

-    Je vous emmerde ! hurla Anaïs en courant dans sa chambre.

Ayant fini d’aider Assa, Louise voulut suivre notre sœur pour la réconforter. J’eus la même volonté ; mais nous fûmes tout de suite stoppées par Granny :

-    Vous deux, vous restez à table ! Contrairement à votre sœur, nous avons assez de force pour vous maîtriser physiquement ! Si vous ne voulez pas prendre une déculottée immédiate, vous restez à table et vous finissez vos petits déjeuners !

Vu l’ambiance, Louise et moi ne bronchâmes pas et obéîmes. Le reste du repas se passa en silence pour nous deux même si, au fond de moi, j’étais tout autant révoltée qu’Anaïs ; mais mon derrière douloureux m’empêchait de m’énerver avec la même intensité que ma sœur. Il était hors de question que mes parents me tombent dessus : j’en avais bien trop peur. Je pensais d’ailleurs que c’était pour la même raison que Louise n’était pas également sortie de ses gonds.

 

      Alors que Jack se pinçait toujours le nez avec un grand mouchoir en tissu, et que Granny lui tapotait l’épaule pour le consoler, Louise se risqua à demander :

-    Granny, Grandpa, Marie et moi avons terminé de manger. Pouvons-nous aller nous préparer pour l’école ?

-    Bien sûr, bien sûr, accepta Anna-Beth.

Nous ne nous le fîmes pas dire deux fois.

 

      Sur le chemin de la fac, Anaïs était en larmes. La dernière fois que je l’avais vue pleurer comme ça, c’était quand Michael lui avait filé sa première déculottée.

-    Ils vont me tuer ! Papa et maman vont me tuer ! Je ne peux pas rentrer à la maison ce soir, ils vont me pulvériser !

-    Appelle-les, ordonnai-je. Appelle-les maintenant ! Raconte-leur tout, avant qu’ils l’apprennent par les grands-parents. Appelle-les, j’te dis !

-    Je ne peux pas, répondit ma sœur. Je n’en ai pas la force !

-    Marie a raison, admit Louise. Il faut les appeler dès maintenant.

-    Je ne peux pas…

-    Alors je vais le faire, tranchai-je.

Je pris mon téléphone et appelai immédiatement mon père, puisque c’est celui que nous verrions en premier ce midi.

-    Marie ? Il y a un problème, mon bébé ?

-    Papa, j’espère que je ne te dérange pas…

-    Dis-moi ce qui se passe.

Je lui racontai alors toute la scène pendant que mes sœurs avaient les yeux fixés sur moi ; et plus particulièrement sur mes lèvres.

A la fin de mon récit, papa garda le silence. Croyant qu’il y avait un problème de réseau téléphonique, je demandai :

-    Allô ? Papa ? Tu m’entends ?

-    Je t’entends, ma puce.

-    Ah, d’accord. Alors… Qu’est-ce qu’on fait ?

-    Passe-moi ta sœur.

Je tendis le téléphone à Ana et pris sa place, les yeux fixés sur ses lèvres. Mal à l’aise, ma sœur faisait les cent pas, mon téléphone à l’oreille. Elle avait réussi à se calmer assez pour que Michael comprenne ce qu’elle disait mais elle pleurait toujours. Lorsqu’elle raccrocha, Louise et moi n’attendîmes pas une seconde pour lui demander en chœur :

-    Alors ?!

-    Alors… Alors, il comprend que je me sois énervée, il dit que Granny n’aurait pas dû me faire de réflexion par rapport à mon poids… Mais il dit aussi que je n’aurais pas dû l’insulter comme je l’ai fait. Il dit que la réaction de Grandpa était compréhensible au vu des insultes que j’ai lancées à sa femme, et que le fait de l’avoir frappé n’est pas justifiable.

-    Et donc ? insistai-je. Qu’en a-t-il conclu ?

-    Il a dit que je passerai un sale quart d’heure ce midi, répondit Anaïs en pleurant. Il a aussi dit qu’il allait régler ses comptes avec Granny et Grandpa. Mais ce que je retiens, c’est qu’il va me tomber dessus.

-    Bon, j’appelle maman, décidai-je.

Scarlett ne répondit pas. Nous attendîmes cinq bonnes minutes avant qu’elle ne rappelle :

-    Allô, maman ? décrochai-je immédiatement en mettant le haut-parleur.

-    Coucou ma chérie, dit-elle.

-    Maman, tu sais, ce matin…

-    Je sais, coupa-t-elle. Si je ne répondais pas, c’est parce que j’étais au téléphone avec papa.

-    Ah, dis-je. Et… alors ?

-    Alors je suis d’accord avec lui, dit-elle. Anaïs va être punie pour son mauvais comportement ; mais dès que je rentre ce soir, je vire mes parents de la maison à coups de pied aux fesses !

Je ne pus m’empêcher de rire. Avant de raccrocher, je demandai :

-    Ah au fait… Les cours ont commencé depuis dix minutes, est-ce que tu peux appeler le secrétariat de la fac pour qu’il nous fasse un billet de retard ? Sinon ils vont nous punir…

-    D’accord, j’appelle tout de suite, accepta maman après avoir soufflé. Mais ne traînez pas !

 

-    Pardonnez-nous pour notre retard, monsieur Montaigu, dis-je en ouvrant la porte de la classe. Nous avons eu un souci familial.

-    Rien de grave, j’espère ?

-    Non, monsieur.

-    Très bien, prenez place, dans ce cas.

 

La matinée fut longue pour Anaïs : je la voyais, les yeux rivés sur l’horloge, attendant l’heure de sa sentence, c’est-à-dire midi.

-    Ne t’inquiète pas, tu ne seras pas la seule à avoir des problèmes, la rassurai-je. Avec toute l’agitation de ce matin, j’ai oublié de prendre mes médicaments.

 

Lorsque nous franchîmes le seuil de la maison, Anaïs pleurait déjà. Cependant, ses pleurs furent couverts par des éclats de voix venant de la pièce à vivre. Bien que tout soit en anglais, je réussis à percevoir quelques phrases :

-    Vous ne pensez pas qu’Anaïs est déjà assez complexée comme ça ?!

-    On ne dirait pas, vu ce qu’elle mange !

-    Elle a droit de vivre, non ? Elle n’a que dix-huit ans !

-    Marie aussi vit très bien et pourtant, elle sait qu’elle doit faire attention !

-    Anaïs et Marie n’ont pas du tout le même tempérament !

-    Il n’empêche qu’il est impératif qu’Anaïs perde du poids !

Je ne compris pas la suite mais le mot « fucking » fut prononcé plusieurs fois par mon père avant que nous pénétrions dans la pièce. Michael repassa alors immédiatement en français :

-    Ah, les filles. Vous tombez bien. Viens ici Anaïs.

Ana s’approcha lentement, bien que je fusse persuadée que son corps souhaitait qu’elle recule.

Lorsqu’elle fut arrivée à la hauteur de Michael, mon père lui ordonna :

-    Excuse-toi auprès de ta grand-mère ; et je veux de vraies excuses, Ana ! Applique-toi.

-    Mais papa…

-    Mon p’tit cœur, ne m’oblige pas à te flanquer une fessée. Je t’en supplie.

Anaïs pleurait mais n’ouvrit pas la bouche. Pourtant, papa patientait. Il patientait bien plus que d’habitude.

-    Anaïs, insista-t-il. Excuse-toi.

-    Mais elle m’a traitée de grosse !

-    Non, elle n’a pas dit ça.

-    Mais…

-    Elle l’a sous-entendu mais elle ne l’a pas dit ! précisa papa en stoppant d’un geste de la main sa belle-mère qui voulait en rajouter.

Anaïs ne répondit pas. Elle ne pouvait pas le contredire.

-    Aller ma princesse, dit Michael. Je te demande de t’excuser platement auprès de ta grand-mère. Fais-le avant de t’attirer des ennuis.

Anaïs pleurait mais ne cédait pas. Papa se résigna alors :

-    Bien, je te l’ai demandé beaucoup trop de fois.

Il l’attrapa par l’oreille et l’emmena jusqu’au canapé malgré les prières de ma sœur. Anaïs se prit alors la fessée qu’elle redoutait tant, bien qu’elle tomba sur son jogging et qu’elle fut courte.

Alors que ma sœur était encore sur ses genoux, papa appela sa belle-mère pour qu’elle se rapproche et se tienne en face de ma sœur.

-    Tu t’excuses, Anaïs ! dit fermement papa.

-   

-    Soit tu t’excuses auprès de ta grand-mère, soit je baisse ton pantalon, menaça Michael.

-   

-    Bien, tu as fait ton choix, dit l’informaticien en passant à l’acte.

Mais au moment où papa passa sa main dans l’élastique de son jogging, ma sœur se mit à parler :

-    Pardon Granny de t’avoir dit des grossièretés. Ce n’était pas correct, je t’ai manqué de respect et je ne recommencerai plus.

-    C’était parfait ma puce, encouragea papa. Relève-toi.

Penaude, Anaïs s’exécuta. Papa continua :

-    Dernière chose : tu t’excuses auprès de ton grand-père de l’avoir frappé.

-   

-    Je compte jusqu’à trois, Ana, prévint Michael. Ne me chauffe pas.

-   

-    Un.

-   

-    Deux.

-    Mais il m’a frappée en premier !

-    Trois, annonça mon père en attrapant le jogging de ma sœur qu’il fit descendre jusqu’à ses chevilles.

Il flanqua ensuite une dizaine de claques à ma sœur, claques que je n’aurais pas du tout aimé prendre ! Anaïs n’attendit même pas une autre remarque paternelle pour présenter ses excuses à notre grand-père. Papa remonta alors son pantalon, la prit dans ses bras et la serra contre lui.

Ce câlin termina pendant que Louise et moi aidions Assa à mettre la table. Papa se tourna alors vers ses beaux-parents et leur demanda :

-    Vos valises sont prêtes ?

-    Comment ça ? demanda Jack.

-    Vous avez un vol retour pour 16h cette après-midi, dit papa.

-    Scarlett…

-    Scarlett a elle-même pris vos billets, interrompit mon père.

-    Je n’y crois pas une seule seconde ! protesta Anna-Beth.

-    Tentez d’appeler votre fille, proposa Michael. Mais je doute qu’elle vous réponde. Elle est beaucoup trop en colère contre vous. Elle vous avait explicitement demandé de ne pas heurter la sensibilité d’une de nos filles et c’est exactement ce que vous avez fait. Donc…

Furieux, Granny et Grandpa demandèrent à Assa de retirer leurs deux assiettes de la table et filèrent dans leur chambre pour boucler leurs valises. Tandis que mes sœurs et moi déjeunions avec papa et Assa, mes grands-parents partirent de la maison sans même nous dire au revoir. Lorsque la porte d’entrée claqua derrière eux, papa dit alors : « Bon débarras ! », ce qui fit rire toute la tablée et détendit l’atmosphère.

 

      Après le repas, je me sentis mal. Je n’arrêtais pas de me remémorer les remarques de ma grand-mère envers Anaïs. Cela me donna la nausée. Je courus aux toilettes, enfonçai deux doigts dans ma gorge et vomis mon repas. Je me sentis alors beaucoup mieux.

 

      En retournant à la fac pour les cours de l’après-midi, j’étais bien contente que papa n’ait pas découvert ma non-prise de médicaments ce matin !

 

      Lorsque nous rentrâmes à la maison à la fin de notre journée, maman n’était toujours pas revenue du travail et papa bossait dans son bureau. Assa nous servit une collation, puis nous nous mîmes à faire nos devoirs selon le nouveau planning établi par Michael et Scarlett.

Parmi les devoirs à faire, nous devions notamment corriger les erreurs du contrôle de mathématiques que le prof venait de nous rendre cette après-midi. Louise avait eu 19/20, j’avais eu 17,5/20 et Anaïs avait écopé d’un petit 8/20 qui portait la mention « note divisée par deux car tricherie ! ». Ce n’était décidément pas sa journée.

      Lorsque la correction du contrôle fut terminée pour toutes les trois, nous nous attaquâmes au devoir maison de sciences du langage à rendre pour mercredi. Louise et moi nous y étions prises à l’avance et l’avions déjà bientôt terminé ; Anaïs, qui ne fichait rien dans son ancienne famille, avait beaucoup plus de retard que nous.

-    Vous pouvez m’aider les filles ? demanda Anaïs.

-    Ben, on a terminé, nous… répondis-je gentiment.

-    Mais juste vous me filez vos copies comme ça, je regarde un peu ! Ne vous inquiétez pas, je ferai exprès de faire des fautes…

-    Ana, tu viens de te prendre une mauvaise note pour tricherie, dit Louise. Tu ne crois pas que tu devrais faire les choses par toi-même, désormais ?

-    Mais j’ai la flemme ! se plaignit-elle. Il est tard et j’en ai marre des devoirs !

Assa, qui nettoyait la cuisine de fond en comble, entendait tout ce qui se passait.

-    Eh bien arrête, dis-je. Tu reprendras demain ou mercredi.

Sans savoir pourquoi, Anaïs se fâcha : elle se mit à nous crier dessus ; et pour que ses paroles aient encore plus d’impact, elle s’empara de nos devoirs à Louise et moi et les déchira. Evidemment, elle déclencha la troisième guerre mondiale : nous nous battîmes toutes les trois : Louise et moi contre Anaïs. La force de la bagarre était telle qu’Assa ne réussit pas à nous séparer et qu’elle dut appeler Michael à la rescousse, au moment-même où Scarlett rentrait du travail.

      L’arrivée de nos parents dans la pièce nous stoppa immédiatement : nous nous séparâmes et pour ma part, je rivai les yeux au sol.

-    Explications ! gronda maman.

Nous donnâmes alors toutes les trois en même temps notre version des faits dans une cacophonie innommable. Comme nos parents n’y comprenaient rien et que nous peinions, aussi bien mes sœurs que moi, à garder notre calme, ce fut Assa qui raconta les faits.

-    … et ensuite elles se sont battues, termina Assa.

-    Bien, je pense que j’ai été assez patient avec toi aujourd’hui ! gronda papa en fonçant sur Anaïs.

Il l’attrapa à nouveau par l’oreille et la monta dans sa chambre. Louise et moi restâmes dans la pièce à vivre, face à maman. Elle nous gronda alors :

-    Rien, vous entendez ?! Rien ne vous autorise à vous battre avec votre sœur !

-    Mais maman, c’est elle qui a commencé ! protesta Louise.

-    Chut ! ordonna Scarlett. Il est absolument interdit de vous battre avec Anaïs ! Lorsqu’elle vous embête, vous en parlez à un adulte ! Surtout que votre père était à l’étage, il suffisait de monter le voir !

-    Mais…

-    Stop ! Ça suffit ! Lorsqu’Anaïs redescendra avec votre père et qu’elle vous aura présenté ses excuses, vous vous excuserez à votre tour pour cette bagarre.

-    Mais maman, ce n’est pas notre faute ! m’indignai-je.

-    T’en veux une ?! me menaça ma mère en brandissant sa main.

-   

-    Je t’ai posé une question ! Est-ce que tu veux une fessée ?! Parce que ça peut s’arranger !

-    Non maman, répondis-je en tentant de cacher mon agacement.

-    Je vous ai explicitement demandées de vous taire ! La prochaine fois que des mots sortiront de vos bouches, ce seront des excuses envers Anaïs ! J’espère que c’est clair !

-    Oui maman, répondîmes-nous en chœur, Louise et moi.

-    Vous avez un DM de sciences du langage à refaire, il me semble.

En voyant notre dépit, Scarlett annonça :

-    Mettez-vous d’accord sur le repas de votre choix. Pour la peine, nous mangerons ce qui vous fera plaisir, ce soir.

Louise et moi criâmes de joie et allâmes faire un câlin à notre mère avant de nous remettre au travail.

      Une bonne demi-heure plus tard, Anaïs redescendit avec papa. J’avais l’impression de voir une grosse tomate à la place de sa tête : elle était rouge écarlate d’avoir pleuré toutes les larmes de son corps.

-    Aller, vas-y, dit papa.

-    Je suis désolée pour mon comportement, je vous présente mes excuses et je ne recommencerai plus, débita notre sœur.

-    Les filles ? s’enquérit maman.

-    Désolée pour la bagarre, dit Louise.

-   

-    Marie ? demanda ma mère.

-   

-    Marie ?! insista-t-elle.

-    Désolée, je n’y arrive pas, avouai-je. Ce n’est pas ma faute.

-    Tu peux peut-être leur dire que tu n’as pas pris tes médicaments ce matin, si tu préfères ! balança Anaïs.

-    Espèce de… commençai-je.

Je ne finis pas ma phrase et la bousculai ; je la bousculai tellement fort qu’elle en bouscula à son tour mon père. Anaïs me lança un regard de tueuse.

-    Viens ici ! me gronda ma mère en m’attrapant par le bras.

-    Toi aussi ! gronda papa à Anaïs.

-    Vous avez décidé de ne pas faire d’efforts pour vous entendre, soit ! gronda ma mère.

Elle s’assit sur le canapé et me bascula sur ses genoux. Papa s’assit sur le canapé d’en face et fit de même avec Anaïs. Dix secondes plus tard, nous prenions chacune une fessée ; et puisque je portais un collant, c’était particulièrement compliqué à encaisser pour moi, en plus de mes stigmates.

-    Nous ne nous arrêterons pas avant d’avoir eu des excuses l’une pour l’autre et une promesse de non-récidive ! annonça Michael.

Mes excuses vinrent dès que mon père eut terminé sa réplique. Ma mère cessa alors de me fesser et rabattit ma robe avant de me laisser me relever. Anaïs s’excusa également quelques secondes plus tard. La tension était sur le point de redescendre lorsque mon père s’approcha de moi, me pointa de son index et me prévint : « On reparlera de tes médicaments avant le coucher ! ».

 

      Nous nous fîmes livrer un repas thaïlandais ce qui nous régala. Cependant, je me sentis à nouveau mal après le repas. Prétextant le fait d’aller prendre ma douche, je m’enfermai dans la salle de bains, me penchai au-dessus des toilettes et enfonçai à nouveau deux doigts dans ma gorge. Puis, je pris ma douche pour que mes proches ne puissent pas dire que j’avais menti.

 

-    Je le sais Manou, me dit Louise alors que nous étions couchées, attendant que nos parents viennent nous dire bonne nuit.

-    Tu sais quoi ?

-    Tu as vomi ce midi, et ce soir aussi.

-    Oui, j’étais malade aujourd’hui.

-    Il faudrait peut-être le dire aux parents pour qu’ils t’emmènent voir un médecin ! conseilla Louise.

-    Non ! Non, s’il te plaît, ne leur dis rien.

Il y eut un silence. Louise le brisa en me demandant :

-    C’est à cause de ce que Granny a dit à Anou ce matin ?

-    Ça me trotte dans la tête, avouai-je.

-    Manou, je pense vraiment qu’il faut que papa et maman soient au courant !

-    Si tu m’aimes, ne leur dis rien. Ça va se régler tout seul.

-    D’accord. Mais je m’inquiète pour toi.

-    Ne t’en fais pas.

 

Lorsque je vis Scarlett et Michael entrer dans la chambre, je me mis à stresser et à serrer machinalement les fesses. Ils s’avancèrent tous deux vers moi. Maman s’assit son mon lit, papa resta debout. Il se pencha vers moi, son index leva mon menton, l’obligeant à le regarder.

-    On va de nouveau surveiller chaque boîte de médicaments tous les matins. Tu es en sursis, Marie. Un médicament oublié et tu prends une fessée ! C’est clair ?

-    Oui, papa.

-    Ok, se radoucit-il en m’embrassant. Aller, dors bien mon petit ange.

Après un câlin de ma mère, je m’allongeai, soulagée. Néanmoins, mes boyaux se tordirent à nouveau lorsque mes parents allèrent border Louise, qui pleurait.

Pour me protéger, elle décida de leur mentir. Je m’en voulus beaucoup. Ma sœur inventa une excuse, du style que sa famille biologique lui manquait. Elle ne dit rien sur mon cas. J’espérai de tout cœur qu’elle continue à se taire en réussissant à se faire une raison.

 

A suivre…

Commentaires

  1. Enfin, j’adore trop hâte de savoir comment sa ça continuer trop trop hâte

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  2. j'adore vraiment cette série, que va faire marie maintenant va t'elle continuer a se faire vomir ses parents vont ils sent rendre compte quel suspense

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Journal d'une étudiante accueillie (Chapitre 1)

Ça y est, nous y sommes. Mon pire cauchemar est arrivé. Monsieur X. a été élu à la Présidence de la République et il va appliquer son programme. Je m’appelle Marie, j’ai 18 ans, et je vais aller au bagne pour la première fois de ma vie. Enfin, au bagne... J'exagère légèrement. Je vais en fait aller en famille d’accueil, famille dans laquelle je vivrai la semaine ; je pourrai rentrer voir ma famille, dont l’homme de ma vie, le week-end. J’ai eu mon bac littéraire en juin dernier, mention très bien. J’ai décidé d’entamer une licence de Lettres afin de réaliser mon rêve : devenir professeure des écoles. Mais Monsieur le Président de la République l’a décrété : « Tous les étudiants de 18 à 25 ans seront accueillis en structure pour le bien de leurs études ». Pour le bien de nos études ? Pff, tu parles ! Encore des propos démagogues ! Alors me voilà inscrite à l’université Jules Verne de *****, dans laquelle je vais passer minimum trois ans, pour me former au métier de professeu

Le tutorat de Little Princess (séance 3)

Comme vous avez pu le voir, j'ai changé le titre de cette rubrique. D'abord parce que je le trouvais trop long, ensuite parce qu'il devenait mensonger : Thomas n'est plus mon "nouveau" tuteur mais mon tuteur, tout simplement !   Nous ne nous étions pas vus depuis le lundi 7 décembre. Du 7 décembre au 6 janvier : un mois de « mise à l’épreuve » après la rouste de la dernière fois.   A peine deux jours après ce recadrage musclé, j’avais de nouveau testé Thomas, mais cette fois-ci je m’étais bien assurée que ce soit à distance. Jusqu’ici, toutes mes tentatives de rébellion avaient purement et simplement échouées, et j’en avais payé les frais. Restait ma toute dernière carte et j’hésitais vraiment à la jouer. Et puis tant pis, je me lançai.                 Depuis le début du semestre, ça ne passe pas avec ma prof d’histoire : je ne vous referai pas ici le récit de mon altercation verbale avec elle et de l’avertissement qui s’en est suivi pour moi ; mais souh

Le tutorat de Little Princess - Partie 3 (Préambule (3) - Et m*rde...)

                  Il paraît que c’est cela que l’on appelle « avoir sacrément merdé »…                     Lorsque ma mère était enceinte de ma sœur et moi, ce fut une grossesse difficile : déni de grossesse les quatre premiers mois, puis perte de ma jumelle. A six mois et demi, s’ils voulaient me donner une chance de vivre, il fallait accoucher ma mère.                   L’une des grosses conséquences de cette naissance très prématurée : de nombreuses malformations dues au fait que mes organes n’ont pas eu le temps de se placer correctement. Si la plupart sont bénignes, en revanche ma malformation intestinale pose problème. J’ai ce qu’on appelle un « mésentère commun complet ». Une malformation intestinale tellement rare que même certains médecins n’ont aucune idée de ce que c’est.                 D’habitude, on découvre cette malformation à la naissance ou durant la petite enfance. On l’opère et tout roule. Ce ne fut pas mon cas…   Durant vingt-quatre ans, j’ai eu d

Nouvelle rentrée, nouvelle vie ! (Chapitre 17)

 Ce chapitre a été écrit par Marie, une fan du blog. Malgré mes quelques commentaires et réécritures, elle a fait un excellent travail ! Bravo à elle ! Mardi 17 septembre 2019.   Lorsque Monsieur Éric toqua à la porte pour nous réveiller, j’étais très motivée pour me lever (ce qui est très rare !). Aujourd’hui sera une belle journée : d’abord parce que le mardi reste la meilleure journée de la semaine grâce à Madame Kelly, la prof la plus adorable du Pensionnat ; ensuite parce que j’ai réfléchi à un plan pour me venger de Monsieur Jean et de Monsieur Nicolas. Ce sera discret (enfin autant que faire se peut), rapide et efficace. Je sais bien que lorsque nous nous ferons attraper la punition sera salée ; mais je ne supporte pas l’idée de laisser croire à nos professeurs qu’ils ont tout le pouvoir (même si ce n’est peut-être pas tout à fait faux). Pour mener à bien mon plan, il me faudrait l’aide de mes amies. Je vais tout faire pour les convaincre de me suivre, j’ai déjà des argume

Journal d'une étudiante accueillie (Chapitre 26)

  Mercredi 9 octobre 2019.                   Pas de grasse matinée ce matin : Héloïse nous réveilla à neuf heures pour que nous puissions travailler un peu sur nos cours. J’étais grognon au possible en me réveillant, comme cela m’arrive rarement. En m’asseyant à table au petit déjeuner, je fus agacée par Anaïs, toujours pleine d’énergie et en forme le matin. Je déteste les gens du matin. Ou les gens. Ou le matin.                   Après m’être préparée et habillée pour la journée, je remontai dans ma chambre et me sentis toujours aussi grognon. Je ne savais pas encore pourquoi mais j’avais l’impression que cette journée allait être désagréable au possible. Personne n’avait intérêt à me voler dans les plumes : je m’étais levée du pied gauche !                 J’ouvris mes cahiers et commençai à travailler. Soudain, seulement quelques minutes après avoir commencé mes devoirs, j’entendis : -           Louise ! Anaïs ! Marie ! Descendez immédiatement ! Héloïse avait l’air f

Journal d'une étudiante accueillie (Chapitre 24).

  Je sais que beaucoup d'entre vous attendaient ce chapitre... Certains me le réclamaient même récemment alors qu'il était en cours d'écriture ! Le voici... C'est mon petit cadeau de Noël en avance... Régalez-vous ! Peace. L.P. Lundi 7 octobre 2019.      Ce matin, mes sœurs et moi pûmes nous reposer convenablement puisque nos professeurs étaient tous les deux absents. Nos parents partirent au travail sans nous réveiller, pensant sûrement que nous étions épuisées à la suite des émotions d’hier soir.                 En m’habillant, je pris le temps d’admirer mon popotin dans le miroir : plusieurs bleus s’étaient formés sur ma lune ronde, justifiant la difficulté que j’avais éprouvé à m’asseoir dans mon lit au réveil. Tom ne m’avait pas loupée ; mais alors, vraiment pas ! J’appris par mes sœurs que Dana n’avait guère été plus gentille avec elles : les deux instruments préférés de notre mère, à savoir le martinet et le tapetapis avaient été de sortie ; ils ont paraît-il f

Le tutorat de Little Princess - Partie 3 (Préambule)

  * 2 exclusions pour insolence (abusives, les exclusions. Je le précise quand même…) * excès de vitesse quotidiens * textos au volant * médicament pris occasionnellement * devoirs non faits * couvre-feu respecté mais plus par réelle fatigue que par volonté Voilà le palmarès. Depuis l’arrêt du tutorat avec Thomas puis avec Antoine, voilà le palmarès. Mon palmarès.                   Evidemment, Yves, mon nouveau tuteur n’est pas content. Mais pour le moment, je suis loin de sa main et je me fiche complètement qu’il soit content ou non : je fais ce que je veux quand je veux où je veux.                   Cependant, cela risque de me coûter cher. Selon le tableau mis en place, à l’heure actuelle j’en suis à exactement cinquante-cinq minutes de fessée et deux cent dix claques supplémentaires. J’attends de voir. Je sais qu'Yves ne peut pas tout punir : cela fait beaucoup trop de choses (vous allez me dire que c'était ce que je disais pour Thomas et au final il

Les aventures de Little Princess avec son nouveau tuteur (séance 1)

                   Depuis plus d’un an, j’avais un super tuteur (que nous appellerons Gabriel). Tout se passait bien entre Gabriel et moi, et un réel équilibre s’était créé entre lui et mon fiancé (que nous appellerons Hugo), qui se chargeaient ensemble de ma discipline.                 Et puis un jour, ça n’a plus été et nous avons dû cesser notre relation. Si Hugo et moi gardons notre forte amitié avec Gabriel, le tutorat prit fin. Retour à la case départ. Il fallait de nouveau trouver un tuteur.                 C’est pour cela que je postais une annonce ici même. Cette annonce était de ce type :   « À la suite d’un superbe tutorat d’un an, nous avons été contraints de nous séparer… Quel dommage… ! Mais mes études n’étant pas terminées (encore 3 ans !) j’ai toujours besoin d’un tuteur ! Je suis donc une jeune (enfin plus si jeune que ça, en fait !) étudiante de 28 ans, recherchant un tuteur / une tutrice : –          de minimum 30 ans (difficile d’accepter l’autorité de

Années 1950 : le guide de survie d'Alice (Chapitre 2)

  Dimanche 15 octobre 1950        Neuf heures : maman vient me réveiller. Le dimanche, nous allons à la messe qui débute à dix heures et demie. Du coup, maman nous lève relativement tôt pour pouvoir vérifier que tout le monde est bien apprêté pour le Seigneur.          A la messe, nous nous consacrons entièrement au Seigneur. Victor et Gus font partie des enfants de chœur qui servent la messe aux côtés du père Antoine (qui n’est autre que le grand frère de papa), ils se doivent d’être irréprochables !        L’église est le seul endroit où j’arrive à me tenir sage longtemps car j’aime beaucoup chanter. Cependant, je n’aime vraiment pas la sortie de messe. Mes parents et grands-parents ont toujours des tas de gens avec qui discuter et moi, ça m’ennuie beaucoup ! Victor et Nono proposèrent alors de nous ramener à la maison pour que les adultes puissent continuer à discuter tranquillement ; papa accepta.          Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous effectuâmes les mêmes

Un joli fantôme du passé (Chapitre 19)

  -           Quoi ?! s’exclama Manon. Depuis quand tu as une petite copine ?! -           Cela fait plusieurs mois maintenant, répondit papa. Peut-être cinq ou six. Je voulais être sûr que cela fonctionne. Il est maintenant temps de vous la présenter. -           Cinq ou six mois, et tu ne nous en parles que maintenant ?! s’offusqua mon frère. -           Je vous signale qu’avant d’être votre père, je suis un homme qui a le droit à sa vie privée ! milita papa. -           Non ! protesta Manon. Non et non ! C’est ton tout premier job d’être notre père ! Tu nous as toujours dit que tes enfants passaient avant tout ! -           C’est le cas, se défendit papa. Cela ne veut pas dire que je dois tout vous dire ! -           Bien sûr que si ! insista Romain. -           Ah oui ?! rétorqua papa. Et vous me dîtes tout, vous ?! Un silence suivit. Mon frère finit par le briser : -           Ce n’est pas pareil ! Il y a des trucs qu’on ne te dit pas pour te protéger ! -