Jeudi 9 janvier 2020
Lorsque
j’arrivai à la table du petit déjeuner, Scarlett avait une tête à faire pâlir
les morts : elle était complètement épuisée. Inquiète, je lui demandai
après l’avoir embrassée :
- Ça va, maman ? Où
est papa ?
- Manoé s’est décidée à
parler aux alentours de vingt-trois heures, répondit ma mère en bâillant, et
nous avons discuté avec elle plusieurs heures durant. Nous ne sommes retournés
nous coucher qu’à cinq heures. Donc, ton père a pris sa journée et là, il dort.
- Et pourquoi ne dors-tu
pas, toi ? me renseignai-je.
- Je vais y aller, rétorqua
Scarlett. J’attends ton cousin Nathan, il va prendre le relais et vous emmener
à l’école. J’ai prévenu l’école que Manoé serait absente aujourd’hui.
Nous entendîmes soudain toquer à la porte.
C’était justement Nathan. Mon cousin prit ma mère dans ses bras en guise de
bonjour – en laissant mes oreilles traîner, j’avais découvert que les jumeaux
de Caleb et Justine adoraient mes parents – puis Scarlett lui fit un briefing
express :
- Manoé dort, elle n’ira
pas à l’école aujourd’hui.
Louise et Mayeul sont
en train de se préparer, ils viendront déjeuner ensuite.
Marie doit déjeuner et
ensuite aller se préparer. Vérifie qu’elle déjeune correctement : Assa lui
prépare un repas spécifique, elle doit absolument tout manger. Elle doit également
prendre son médicament du matin : si elle ne le prend pas ou si elle ne
mange pas, envoie-moi un texto, je lui flanquerai une fessée ce soir.
Je levai les sourcils. Scarlett n’avait pas
l’impression d’exagérer, par hasard ?!
Elle poursuivit :
- Anaïs n’est toujours
pas levée, je vais aller la saquer comme tous les matins… Si elle n’est pas
descendue dans dix minutes grand maximum, n’hésite pas à la sortir toi-même de
son lit. Ana n’est pas du matin et c’est un calvaire pour la lever les matins
d’école…
A huit heures tapantes,
tout le monde doit être dans la voiture en route pour l’école sinon avec la
circulation, vous allez forcément arriver en retard.
Ils ont chacun leur
uniforme et un badge pour entrer dans l’enceinte du collège. Marie, Louise et
Anaïs ont chacune un badge bleu et Mayeul un badge vert. De toute façon, ils le
savent…
Tu dois les déposer
chacun dans leurs classes, ils connaissent le chemin : tu vérifies qu’ils
sont entrés dans leur classe et tu t’en vas.
S’il y a un souci
quelconque, préviens-moi, je garde mon téléphone près de moi. Je t’ai tout noté
là-dessus.
Maman tendit un post-it à Nathan, qui le mit
dans sa poche avec précaution.
- Je crois que je n’ai
rien oublié, dit maman. Merci beaucoup mon grand !
- Avec plaisir, tante
Scar.
- Je te laisse gérer, je
vais me coucher : je ne tiens plus debout !
Ma mère m’embrassa sur la joue, me souhaita une
bonne journée et monta se coucher.
Nathan fut un peu
débordé, si bien que nous arrivâmes à l’école deux petites minutes avant la
fermeture de la grille.
- Hâtez-vous ! Hâtez-vous !
grondait Sœur Faustine en regardant sa montre.
Nous n’étions pas la seule famille en retard,
fort heureusement !
Avec ses béquilles, Louise avançait beaucoup
moins vite que nous : je voulus alors l’aider en portant son cartable mais
Ana fut plus rapide que moi :
- Je n’ai pas été
percutée par une voiture, moi ! me dit Anaïs. Je vais parfaitement bien.
Cela ne me dérange pas d’être votre aide-soignante à toutes les deux pour quelques
temps.
En fait, ce n’étaient pas mes courbatures qui
me dérangeaient le plus : c’étaient surtout mes fesses ! Après
l’énorme volée d’hier, il était logique que je souffre encore. Cependant,
j’imaginais très bien mes sœurs dans le même état que moi, si bien que je
n’osai même pas leur en parler.
Nous entrâmes en classe
après avoir dit au revoir à Mayeul et à Nathan, et nous assîmes à nos places.
Voir la place vide de Marion me brisa le cœur. D’ailleurs, notre professeure
d’anglais, Sœur Annabelle, dit avec une triste mine :
- Il est arrivé un
accident à Marion, Angélique, Anaïs, Louise, Marie et Jade hier. Si la plupart
en ont réchappé sans trop de séquelles, Marion est toujours à l’hôpital et elle
y restera encore un bon moment. Prions pour elle et pour sa famille :
« Seigneur, donne à la famille de Marion d’accepter… »
La prière, ce n’était vraiment pas mon
truc ; mais j’espérais de tout mon cœur que mon amie puisse se rétablir
sans trop de difficultés ni séquelles.
Le
deuxième cours de l’après-midi, grammaire avancée, m’ennuya profondément. Nous
avions noté la très longue leçon sur les fonctions grammaticales, puis Sœur
Bernarde nous avait demandées d’effectuer des exercices. Lasse, je préférais dessiner sur mon cahier
pour passer le temps.
Sans crier gare, ma professeure me fonça dessus
et m’arracha mon cahier des mains en grondant :
- Ce sont vos exercices,
mademoiselle Webber ?
- Je n’ai pas besoin de
les faire, répondis-je. Je connais ma leçon.
- Voyez-vous ça !
Allez donc corriger le premier exercice au tableau !
Sans surprise – pour moi, en tout cas ! –
je ne commis aucune erreur. S’il y avait bien une chose que je maîtrisais,
c’étaient les classes grammaticales !
Enervée, Sœur Bernarde déchira la page de mon
cahier où j’avais dessiné, et me descendit dans le orange.
- Vous m’écrirez cinquante
fois pour demain : « Je dois effectuer mes exercices de grammaire
même si cela m’ennuie. » ! m’ordonna-t-elle avant de reprendre son
cours.
Une boule naquit dans mon ventre, sa sœur
jumelle naquit au fond de ma gorge. J’avais envie de fondre en larmes. J’allais
prendre une nouvelle fessée, à coup sûr ! Papa et maman ne me louperaient
pas, alors que je maîtrisais pleinement le chapitre en cours et que mon seul
crime était de m’ennuyer !
Pendant la récréation
de l’après-midi, Anaïs et Angélique se firent prendre à essayer d’allumer
l’alarme incendie. Elles avaient en effet pour but d’essayer de gagner du temps
sur le prochain cours de la journée. Heureusement pour moi, je n’avais pas
participé à la farce puisque le cours en question est mon préféré : la
géographie.
Lorsque
l’une des Sœurs en charge de surveiller la cour les prit la main dans le sac,
Anaïs et Angélique descendirent immédiatement dans le rouge, sans passer par le
orange. C’est alors qu’Ana prit conscience du pétrin dans lequel elle s’était
fourrée : si j’allais prendre une fessée pour avoir été dans le orange
aujourd’hui, elle prendrait à nouveau une déculottée magistrale pour sa
présence dans le rouge !
Par
conséquent, à seize heures trente, Sœur Françoise annonça à maman :
- Vous allez devoir
revenir dans une heure, madame Webber. Anaïs est actuellement en retenue dans
le bureau de la Mère Supérieure. De plus, Marie a fait des siennes et a été
sanctionnée de lignes à écrire.
Je crus que maman allait exploser de colère. En
tentant de se contenir du mieux qu’elle pouvait, elle rétorqua :
- Vous êtes en train de
me dire qu’une de mes filles est en retenue, et que l’autre a une punition
écrite pour demain ?!
- Oui, madame. Et avec
trois jours consécutifs dans le orange, Marie sera en retenue dès demain.
- Super ! s’exclama
ironiquement ma mère. Et mon fils qui est également en retenue. Tout va bien,
aujourd’hui !
Mayeul était en retenue ?! Mais… Que
s’était-il passé ?!
- Mon mari viendra
chercher Anaïs et Mayeul pour dix-sept heures trente, annonça maman.
- Oui, madame.
- On y va, les
filles ! nous dit Scarlett en se dirigeant vers la sortie.
Il était évident que je n’étais pas sereine en
rentrant à la maison, surtout que maman n’avait pas dit un seul mot de tout le
trajet.
Scarlett
claqua la porte d’entrée derrière nous. En entendant un tel bruit, papa
accourut, inquiet :
- Que se
passe-t-il ?
- Tu dois te préparer
Mike, lui répondit sa femme. Enfile un manteau et des chaussures : dans
dix minutes, tu dois aller à l’école.
- Pourquoi ?
s’étonna papa.
- Parce qu’Anaïs et
Mayeul sont collés, et qu’il faut aller les chercher ! Et puisque j’en
reviens, hors de question que je refasse un aller-retour ! En plus, je
dois m’occuper de Marie qui a également été punie !
- Qu’est-ce que tu as
fait, encore ?! me gronda mon père.
- J’ai juste dessiné en
classe parce que je m’ennuyais ! me défendis-je immédiatement. J’avais
terminé mes exercices et j’avais tout bon ! Alors pour m’occuper, j’ai
dessiné et Sœur Annabelle m’a punie !
Alors que mon père se radoucissait, prenant
conscience du caractère injuste de la situation, Scarlett me colla
immédiatement une claque sur les fesses. Non seulement, celle-ci fut
douloureuse et vexante, mais je la trouvais très injuste ! Ma mère me
gronda alors :
- Qui t’a permis de
dessiner, Marie, hein ?! On peut le savoir ?! Si tu as terminé ton
travail, tu attends, comme tout le monde !
- Mais je…
- En trois jours dans
cette nouvelle école, tu n’as pas été une seule fois dans le vert !
Pas une seule, Marie ! Alors je me fiche de comment tu te
débrouilles : ce sont tes affaires, pas les miennes ! C’est à toi de
te gérer ! Que t’a dit ton père si tu étais à nouveau dans le orange
aujourd’hui ?!
- …
- Que t’a-t-il dit,
Marie ?! insista maman, furieuse.
- Que j’aurais une
fessée, répondis-je la voix tremblotante et les larmes aux yeux.
- Contente que tu ne
l’aies pas oublié car on aurait pu le croire ! Donc tu vas prendre une
fessée parce que tu la mérites amplement ! Tu n’es pas fichue de te tenir
à carreaux pendant une journée entière sans rien avoir à te reprocher, et tu
écopes d’une retenue dès la première semaine de rentrée ! Ne va
surtout pas me dire que tu ne mérites pas de bonnes claques aux fesses !
Alors que maman m’empoignait le bras et que
j’étais prête à la supplier, papa intervint :
- Je m’en occupe Scar.
- Tu dois aller chercher
Ana et Mayeul ! lui répondit sa femme.
- Je vais d’abord
m’occuper de Marie. J’ai quelques minutes devant moi, c’est amplement
suffisant.
Maman n’était visiblement pas d’accord mais
devant le regard autoritaire que lui lança papa, elle céda et me lâcha. Michael
me demanda alors de le suivre dans ma chambre, ce que je fis.
Une
fois seule avec mon père, je sortis la meilleure plaidoirie que j’avais en
stock. Papa m’écouta attentivement, puis finit par dire :
- Je sais que c’est une
école stricte, Marie. Et je sais que certaines choses peuvent te sembler
injustes. Oublier ton matériel ou dessiner en cours est peut-être acceptable
dans un autre établissement mais pas dans celui-là. Il va falloir te conformer
aux interdits de ton école. Tu comprends bien que nous ne pouvons pas laisser
passer le fait que tu aies été punie autant de fois à l’école dès la première
semaine ! Si nous ne te sanctionnons pas, tu imagineras que les
« petites » bêtises sont acceptables : or, c’est faux. La seule
chose qui est tolérable est que tu sois dans le vert. Je refuse que tu sois
dans une autre couleur. Donc chaque soir où tu rentreras sans être dans le
vert, tu recevras une fessée ; et celle-ci sera de plus en plus sévère si
ton attitude ne s’améliore pas. De plus, je peux t’assurer que tu recevras une
bonne déculottée à chaque fois que tu iras en retenue, car c’est tout bonnement
inadmissible. Maintenant, viens ici.
Sans entendre mes prières, Michael me fila cinq
claques sur le derrière, qui ravivèrent et accentuèrent la douleur déjà
présente. Néanmoins, mon père avait été plutôt cool et je pouvais m’en estimer
heureuse ! En me lâchant, il me prévint :
- Demain soir, en
rentrant de colle, je te laisserai avec ta mère : elle seule décidera de
la façon dont elle te punira. J’espère ainsi pour toi que cela te dissuadera de
faire à nouveau des tiennes. Maintenant, va prendre ton goûter puis faire tes devoirs
et tes lignes.
Tandis que je me dirigeais vers la pièce à
vivre, pleurant copieusement en pensant à demain soir, mon père prit le chemin
de la porte d’entrée et sortit pour aller chercher ses autres délinquants.
Si
je savais pourquoi Anaïs avait été punie, je l’ignorais pour Mayeul. J’appris
au cours du dîner que c’était parce qu’il s’était battu avec un autre garçon qui
s’était moqué de ses origines asiatiques. Il avait, de plus, fait rimer « asiatique »
avec « trisomique ». Mon frère, que je découvrais très impulsif, ne s’était
pas laissé faire.
Papa avait agi avec Mayeul comme avec moi :
il avait tenu à le gérer lui-même. D’après mon nouveau frère – qui m’avait tout
raconté avant le coucher –, même si Michael avait souligné le caractère injuste
de la retenue, il avait néanmoins puni Mayeul pour avoir réagi par la violence.
Papa avait donc donné à son fils la première fessée de toute sa vie.
Je me rappelai alors mon premier jour chez Tom
et Dana, et cette toute première fessée reçue. Cela m’avait vraiment fait un
choc ! Une explosion d’émotions négatives s’étaient bousculées en moi, en
plus de la douleur. J’en avais reçu tellement depuis que j’avais presque oublié
cette toute première sensation !
Ceci expliqua sûrement pourquoi Mayeul n’ouvrit
pas la bouche de toute la soirée, mis à part pour se confier à moi. D’ailleurs,
cela me toucha beaucoup que mon frère se tourne vers moi pour parler. Je dus le
réconforter à hauteur de ce qu’il attendait puisqu’il sortit de ma chambre avec
le sourire.
Lorsqu’elle
vint me border, ma mère me redit :
- Marie, tu n’as pas
intérêt à faire des bêtises demain !
- Si je n’en fais pas, je
n’aurai pas de fessée ? tentai-je.
- Débrouille-toi pour
faire retirer ta retenue et tu n’auras pas de fessée, répondit maman.
- Ils ne changeront
jamais d’avis, même si je suis exemplaire toute la journée ! me lamentai-je.
- Alors demain soir, je
te donnerai la fessée.
- Mais maman…
- Ecoute, si tu n’as rien
à te reprocher de toute la journée, je te donnerai quelques claques sur la jupe
afin de marquer le coup de ta retenue. En revanche, si tu n’es pas dans le vert,
attends-toi à une très longue et très douloureuse déculottée !
J’étais à moitié rassurée : j’avais l’impression
que si je faisais trop de bruit en ouvrant mon cahier, je pouvais déjà
descendre dans le orange ! Et mes sœurs et moi avions raison lorsque nous
disions qu’il était très facile de descendre les couleurs mais beaucoup moins
de les remonter !
Néanmoins,
pour la toute première fois, papa et maman n’étaient pas d’accords :
Michael m’avait promis une déculottée à chaque retenue, et Scarlett venait de
parler d’une fessée sur la jupe. Y’avait-il enfin une brèche dans laquelle je
pourrais m’engouffrer ?
A suivre…
Tiens, tiens, tiens !!! Que se passe-t-il ? Un désaccord entre Michael et Scarlett ? Est-ce la fatigue qui provoque cette situation ? Un moment de découragement ? Mayeul et Anaïs qui en rajoutent ! Est-ce qus Michael et Scarlett se renvoient la balle ''qui aura le dernier mot ?'' , ''qui sera le plus cool ?'''
RépondreSupprimerLa grande gagnante dans l'histoire c'est Marie 👍C'est vrai que ses bêtises ne sont pas bien graves ... si elle conserve sa retenue, elle sait qu'elle ne craint pas grand-chose 😀
Les parents vont sûrement le regretter !
Et Manoé dans tout ça ? Le mystère demeure ???