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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 101.

Pardonnez-moi pour cette longue période de silence : entre les conseils de classe, les réunions parents-profs, le Brevet blanc et sa correction (j'ai deux classes de 3ème, cette année !), la préparation de Noël... Pfffiou, je n'avais plus une minute à moi !
J'en profite pour vous souhaiter une merveilleuse année 2026, remplie de rêves, de magie, et... d'histoires !




 Samedi 25 janvier 2020

    

        Il était aux environs de treize heures lorsque nous arrivâmes dans une ville de région parisienne pour rentre visite à Anaïs au centre de redressement pour mineurs.

Ce grand bâtiment grisâtre était très austère et ressemblait à s’y méprendre à une prison. Du fil barbelé surplombait les clôtures bétonnées hautes de plusieurs mètres, et ma famille et moi mîmes un temps fou à trouver l’entrée du centre. 

Après dix bonnes minutes à tourner autour du mastodonte, nous trouvâmes enfin une porte lugubre. En haut à gauche, une caméra murale pointait sur nous une fine lumière rouge. Fébriles, nous nous avançâmes. Papa appuya sur lunique bouton se trouvant à proximité de la porte.

– Oui ? Nous répondit une voix mal aimable.  

– Bonjour, nous sommes la famille Webber, annonça Michael. Nous sommes venus rendre visite à Anaïs Webber.

Nous entendîmes l’autre personne raccrocher, puis il nous fallut attendre cinq bonnes secondes pour qu’une sonnerie stridente se déclenche et que la porte s’ouvre.

Nous entrâmes alors dans un hall dont les nombreux néons disposés au plafond projetaient une lumière aveuglante. Deux agents de sécurité, un homme et une femme, nous fouillèrent minutieusement. Si cela fit naître une révolte en moi – j’étais à deux doigts de repousser violemment l’agente –, Louise était au bord des larmes. Je jetai un regard à Mayeul qui n’était pas très rassuré non plus.

- ça va aller les enfants, tout va bien se passer ! Nous rassura maman.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? Demanda l’agent en montra du doigt le tupperware que tenait Scarlett à la main.

– J’ai fait des cookies pour ma fille, répondit maman.

– Toute nourriture extérieure est interdite ! Déclara fermement l’agent en arrachant le tupperware des mains de maman pour le jeter dans une benne à côté de lui.

– Si vous avez terminé, indiquez-nous où nous pouvons trouver notre fille, s’il vous plaît ! Dit papa d’un ton agacé.

Les deux agents de sécurité toisèrent mon père du regard. Même à deux, ils ne faisaient pas le poids contre Michael et ils le savaient très bien.

– Suivez-moi, annonça l’agente.

Nous la suivîmes alors le long d’un couloir qui me sembla interminable, jonché de portes comportant chacune une fenêtre sans teint. Soudain, l’agent s’immobilisa devant une porte dont elle demanda l’ouverture dans son talkie-walkie. La porte s’ouvrit, et l’agente annonça : 

- Vous avez deux heures, pas une minute de plus !

Nous pénétrâmes dans une pièce aux murs jaunes et au sol en parquet flottant. C'était la première pièce chaleureuse que je voyais depuis mon arrivée ici. Il y avait également une grande table et six chaises placées autour. Dans des étagères fixées au mur, on pouvait voir des livres et des jeux de société. De toute évidence, cet endroit était bel et bien réservé aux visites familiales.

      Après avoir fait tous les quatre un tour d’horizon, Scarlett et Michael nous demandèrent de nous asseoir autour de la table pour attendre Ana, qui arriva quelques minutes plus tard.

     Lorsqu’elle entra dans la pièce, papa et maman lui sautèrent dessus pour la serrer dans leurs bras ; Mayeul, Louise et moi ne tardâmes pas à les imiter.

Ana était plus pâle que d’habitude, et malgré le fait qu’elle ne soit plus à la maison que depuis quelques jours, elle avait déjà un peu maigri. Son regard avait pareillement changé : il avait perdu sa douceur et sa gentillesse habituelles, remplacées par de la colère et de la défiance. Je compris immédiatement que ce centre, loin de la remettre dans le droit chemin, avait déclenché une espèce de révolte en elle. Combien de temps garderait-elle cet esprit de rébellion ?

– Comment vas-tu Ana chérie ?! S’inquiéta Scarlett, qui avait très certainement fait les mêmes constatations que moi. Je t’avais ramené des cookies mais ils les ont jetés...

– Ne t’en fais pas, maman, ce n’est rien, répondit ma sœur.

Elle était plutôt froide avec nous, ce qui n’était pas dans son habitude.

– Que t'ont-ils fait ?! M’exclamai-je alors plus virulemment que je ne l’aurais voulu.

– Ils ne m’ont rien fait du tout, je suis très bien traitée ici ! rétorqua Ana en nous montrant du doigt les micros installés à plusieurs endroits de la pièce.

Papa se prit la tête dans les mains, n’en croyant pas ses yeux ni ses oreilles. C’était peut-être bien la toute première fois que nous étions autant confrontés au régime dictatorial. 

– Assieds-toi avec nous, ma puce, dit papa.

– C’est gentil mais je préfère rester debout.

Ana se tourna et baissa son pantalon et son sous-vêtement. Nous dûmes tous les cinq retenir un cri d’horreur en découvrant ses fesses bleues, violettes, marquées par différents instruments dont je ne voulais même pas connaître l’identité. Jamais je n’avais vu un fessier dans un tel état. Cela ressemblait à s’y méprendre à... De la torture !

     Tandis que maman ravalait ses larmes, papa resta digne et acquiesça en disant qu’il était d’accord pour qu’Ana reste debout si elle le souhaitait.


     Durant nos deux heures de visite, nous fîmes un Monopoly, et je retrouvai brièvement ma sœur d’avant. Ana riait, nous charriait lorsqu’il fallait qu’on se ruine pour payer sa propriété avec quatre maisons, et retrouva son insouciance d’avant. 

     Mais ensuite, ce fut la fin de la visite. Un agent vint chercher Ana pour la ramener... Nous ne savions où. Papa et maman la serrèrent très fort dans leurs bras, ne voulant pas la quitter.

– Dépêchez-vous ! Pressa l’agent.

– Vous attendrez le temps qu’il faut pour que nous puissions décemment dire au revoir à notre fille ! Gronda papa sans avoir pu se retenir.

L’agent ne pipa mot et laissa papa et maman prendre leurs temps. Ils entourèrent longuement Ana de leurs bras aimants et lui chuchotèrent des mots à l’oreille que seule ma sœur pouvait entendre et comprendre.

Puis, Mayeul, Louise et moi dîmes à notre tour au revoir à Ana. Loulou ne put retenir ses larmes. Quant à moi, je ne pus lâcher la main de ma sœur que lorsque j’y fus obligée, remarquant juste avant qu’elle ne quitte la pièce un dessin sur l’intérieur de son avant-bras droit que je ne connaissais pas. Ana ne possédait pas de tatouage. Pourtant, ce dessin était bien présent. On aurait dit une espèce de poisson mal dessiné. Je décidai de garder cette information pour moi et de mener ma propre enquête.


     Dans la voiture du retour, papa et maman tentèrent de nous rassurer comme ils le pouvaient, mais cela se voyait bien qu’ils ne croyaient pas eux-mêmes à leurs propos.


     Dès notre arrivée à la maison, Louise s’enferma dans sa chambre pour pleurer toutes les larmes de son corps. Maman l’y rejoignit. 

Mayeul aussi semblait chamboulé, mais il ne dit rien et décida de se mettre à ses devoirs pour penser à autre chose.

Quant à moi, je m’assis dans le canapé, le regard dans le vide, préparant silencieusement un plan d’action. Le remarquant, Michael s'assit près de moi, son regard lourd d'une tristesse contenue.

– Ma princesse, je t'en prie, ne fais rien d'irréfléchi.
J'hésitai, le dessin sur le bras d'Ana brûlant au fond de ma mémoire. 

Vous ne me perdrez pas, papa.

– Promets-moi de ne pas prendre de risques inutiles. Ni pour toi, ni pour nous.
– Je te promets de ne rien faire qui puisse mettre notre famille en danger, répondis-je, évitant son regard.
Il insista, sa main se refermant sur la mienne.

– Tu es un membre à part entière de cette famille, Marie. Si tu t'éloignes...
Michael me serra contre lui, un baiser sur le front.

– Si tu brises cette promesse, Marie, tu découvriras une colère que tu ne me connais pas !

Puis, après quelques secondes de silence, mon père chuchota à mon oreille :

–  Je t'aime bien plus que tu ne peux l’imaginer. Et vu ton imagination débordante, ce n’est pas peu dire !
    Serrée contre papa, je murmurai :

– Je t'aime aussi. Je t’aime tellement fort !

Mais au fond de moi, une question demeurait : l’amour de mes parents serait-il suffisant pour me retenir dans ma quête ?


A suivre...

Commentaires

  1. Pauvre Anaïs 😪😪😪😪😪😪
    Je ne veux pas qu'elle craque ! Il faut qu'elle tienne !C'est terrible ce qui lui arrive ... cela n'aurait jamais dû arriver !
    Je prie pour qu'elle revienne à la maison 🙏🙏🙏🙏🙏🙏 il faut qu'elle retrouve sa famille !!!
    De la première fratrie, c'est elle qui a eu le moins de chance 😪 ce n'est pas juste qu'elle encore cette injustice 😡
    Je prie aussi pour que Marie ne fasse pas de bêtises qui la mettraient en danger elle-aussi !
    Michael et Scarlett vont devoir se montrer forts pour réconforter toute la famille !
    Décidément leur rôle de parents n'est pa pas simple !
    Je voudrais tellement que le temps passe vite 😞

    Merci Little Princess pour tout



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