…
Trousse de toilette : check !
Téléphone portable : check !
Recharge de téléphone : check !
Bijoux : check !
Doudou : check !
Bon… Je crois que j’ai tout. Ma sœur entre dans ma chambre au moment où je
boucle ma valise.
– Tu as tout ce qu’il te faut, ma puce ? demande-t-elle.
– Oui, c’est bon. Sors d’ici maintenant, répondis-je sèchement.
– Très bien. Côme vient d’arriver. Nous partons dans une demi-heure.
Mes parents et moi avons eu un accident de voiture lorsque
j’avais 3 ans. J’ai survécu. Pas eux. Après ça, ce sont mon frère et ma sœur
qui se sont chargés de mon éducation.
Côme venait d’avoir 21 ans quand nos parents s’en sont allés. Célestine, elle,
allait fêter ses 19 ans la semaine d’après.
Puisque j’étais petite, je ne me souviens pas très bien ce qui s’est passé. Je
me souviens juste de l’hôpital et de Côme et Célestine à mon chevet, en larmes.
Mon frère et ma sœur ont fait du mieux qu’ils pouvaient pour
m’éduquer, tout en tentant de construire leurs propres vies.
Aujourd’hui Côme a 35 ans et il est médecin. Cardiologue, plus
précisément. Il est marié et sa femme attend des jumeaux.
Célestine a 33 ans et elle est professeure de lettres dans une grande faculté
parisienne. Elle est également mariée, et mère de deux petits garçons.
Quant à moi, je vis chez ma sœur, avec mon beau-frère et mes neveux. Les
relations entre ma sœur et moi sont tendues et lorsque Célestine arrive à
saturation, Côme me prend quelques temps chez lui.
Il paraît que je suis en pleine crise d’adolescence. Je ne pense pas que ce
soit le cas. J’ai juste envie de faire les choses à ma sauce. Je suis
passionnée par la musique. J’aimerais devenir pianiste renommée. Une licence de
musicologie me tente beaucoup mais pour y accéder, il me faut le baccalauréat.
Je l’ai passé, je ne l’ai pas eu. Je me souviendrai d’ailleurs toujours de ce
repas de famille, début juillet.
– Vu l’investissement que tu as mis dans ton travail, ce n’est
pas étonnant que tu aies loupé ton bac ! me grondait Côme.
– Si vous étiez un peu moins sur mon dos à me mettre une pression constante,
peut-être que je l’aurais eu, ce bac ! rétorquai-je.
– Tu te serais fait exclure du lycée, oui ! dit Célestine.
– De toute façon, c’est de l’histoire ancienne, annonçai-je. Je ne redoublerai
pas.
– Oh si, bien sûr que tu vas redoubler ta terminale, Clémence ! grondait Côme.
– Tu ne peux pas m’y obliger ! grondai-je. J’aurais 18 ans fin août, je ferai
CE QUE JE VEUX !
– Tu redoubles ta terminale ou bien nous te coupons les vivres ! menaça
Célestine.
– Nous ne te laissons pas le choix, de toute façon, poursuivit Côme. Tu
redoubles ta terminale et je te garantis que cette fois, tu vas travailler !
– Ça veut dire quoi, ça ?! m’étonnai-je, énervée.
– Ça veut dire que tu pars en pension ! annonça Côme.
Cette annonce me fit l’effet d’une bombe.
– Nous t’avons inscrite dans le pensionnat de ****, dit Célestine. C’est dans
la Creuse. Tu y seras très bien. Et tu rentreras à Paris pendant tes vacances
scolaires.
– Je ferai tout pour me faire virer ! protestai-je.
– Bien sûr, Clémence ! ironisa mon frère. Nous en reparlerons !
J’écourtai la discussion en sortant de table.
Alors me voici la veille de ma rentrée au pensionnat, en train
de boucler ma valise.
Sur le trajet, j’ai mis mes écouteurs et m’évade avec ma
musique. Hors de question de leur parler. Ni à Célestine, ni à Côme. Cette
rentrée en pension est une trahison.
La rentrée est prévue demain matin, à neuf heures. Pour ce soir,
Célestine avait réservé un hôtel.
Alors que nous allions nous coucher, j’avais la boule au ventre pour ma
rentrée. Nouvelle région, nouvelle école, nouveaux professeurs, nouveaux amis…
Tout allait changer du tout au tout.
– Je te sens stressée, ma puce, me dit Côme. J’ai de l’homéopathie pour te
détendre, tu en veux ?
– Ne me parle pas, sale traitre ! lançai-je.
– Clémence, tu parles autrement ! gronda Célestine.
– Et pourquoi faire, hein ?! ça changera quelque chose ?! Si je parle poliment,
vous me ramènerez à Paris ?!
– Clem, nous faisons cela pour ton bien ! dit mon frère. Nous voulons que tu
aies un avenir !
– C’est ça, oui ! Dîtes plutôt que vous voulez vous débarrasser de moi !
– Ah oui ?! se fâcha Célestine. Tu es sûre de ça ?! Quand papa et maman sont
partis, QUI se levait la nuit quand tu faisais des cauchemars ?! QUI s’occupait
de toi quand tu étais malade ?! QUI t’a appris à faire du vélo ?! QUI a
surveillé ta scolarité ?! QUI t’a tout simplement élevée ?! Si nous avions
voulu nous débarrasser de toi, on t’aurait filée aux services sociaux ! Mais tu
es notre sœur, nous t’aimons ! Malgré notre jeune âge, nous avons choisi
de t’élever comme notre propre fille ! Alors ne viens surtout pas nous dire que
l’on veut se débarrasser de toi car si c’était le cas, on ne t’aurait pas
inscrite dans un pensionnat à 50.000€ l’année pour être sûrs que tu aies un
avenir !
– Eh ben peut-être que j’aurais été plus heureuse chez les services sociaux !
m’entêtai-je.
Côme se tourna vers moi et me gifla. Les larmes me montèrent aux yeux.
– Ne dis plus jamais ça ! Tu as compris, Clémence ?!
J’hochai la tête.
– C’est à croire que l’on ne t’a pas assez corrigée quand tu étais petite !
poursuivit mon frère. Fort heureusement, nos carences vont être comblées à
partir de demain !
– Ça veut dire quoi ça ?! questionnai-je.
– Tu le sauras bien assez vite, répondit Côme.
Avec cette réplique, le stress monta d’un cran. Je finis par prendre les
granulés homéopathiques de mon frère puis, ayant besoin de réconfort, je me
blottis dans les bras de ma sœur, ce qui ne m’était pas arrivé depuis que
Vincent m’avait plaquée en 3ème.
Je m’endormis dans les bras de Célestine.
Lundi 2 septembre 2019.
– Les proches n’ont pas le droit d’entrer, annonça l’homme qui
se tenait à la grille.
– Très bien, c’est donc le moment où l’on se dit au revoir, dit Côme.
Mon frère avait les larmes aux yeux. Il prit mon visage entre ses mains et me
dit :
– Sois sage, ma crapule. Je t’en supplie, sois sage. Et travaille bien. Je
t’aime très fort, Clem.
Je serrai mon frère dans mes bras. Il allait quand même me manquer, ce grand
dadet !
Puis, il fût temps de dire au revoir à Célestine.
– La maison va me sembler calme sans nos disputes incessantes, me dit ma sœur.
Je lui fis un sourire.
– Tu te souviens comme je t’aime ? me demanda ma sœur.
– Plus loin que les étoiles et plus grand que l’univers entier, récitai-je.
Cette phrase que je connais depuis mon enfance a toujours été au centre de nos
réconciliations à Célestine et moi.
– Prends soin de toi, ma puce, me dit ma sœur en me prenant dans ses bras. Les
prochaines vacances sont dans 8 semaines. Ça va passer vite.
– Il faut y aller, mademoiselle ! dit l’homme à la grille.
Je quittai les bras de ma sœur, attrapai ma valise et franchis la grille, les
yeux mouillés et la gorge nouée.
Je traînai ma valise à roulettes jusque dans la cour principale.
– Arrêtez-vous là et mettez-vous en rang ! répétait incessamment une dame mal
aimable.
Je ne savais même pas ce qu’elle entendait par « se mettre en rang ». Deux par
deux ? En file indienne ?
Au final, ce fût un rang comme à l’armée que nous formions mes camarades et
moi. J’étais sur la 1ère ligne de la 10ème colonne. Je regardai autour de moi :
il n’y avait que des filles. Mince, pour flirter avec un garçon, je repasserai
! Il y avait 5 filles par colonne. Nous allions être 50 dans ce pensionnat.
D’ailleurs, attendant je ne sais quoi, je me mis à observer l’édifice qui se
dressait devant mes yeux : un magnifique château que je supposai datant de la
Renaissance puisqu’il ressemblait au style de certains châteaux visités avec ma
fratrie.
– Salut, tu t’appelles comment ? me demanda ma voisine, me sortant de ma
rêverie.
– Clémence, répondis-je. Et toi ?
– Lou, dit-elle avec un sourire. T’as la trouille ?
– Un peu.
– Moi aussi.
– Ils n’ont pas l’air commode, ici, dis-je.
– C’est clair…
– SILENCE ! hurla la dame, celle-là même qui nous avait demandées de nous
mettre en rang.
Tout le monde se tut. Je ne supporte pas que l’on me crie dessus, surtout quand
je ne connais pas la personne. J’observai bien cette femme : elle serait dans
mon collimateur pour le reste de l’année.
– Bien ! reprit la femme. Mesdemoiselles, bienvenue au pensionnat de ****** !
Ici, vous apprendrez la politesse, la discipline, le respect, la solidarité et
l’écoute ! Evidemment, vous obtiendrez également toutes votre baccalauréat !
Nous avons toujours eu 100% de réussite à cet examen depuis notre ouverture en
2010, ce n’est pas cette année que cela changera ! Me suis-je bien fait
comprendre ?!
Un silence suivit la question.
– On dit : « Oui, Madame ! » ! gronda la femme.
– Oui, Madame ! répondit le groupe.
Pour ma part, je n’avais pas répondu. La femme s’avança vers moi jusqu’à être à
une dizaine de centimètres de mon visage.
– Je ne vous ai pas entendue, mademoiselle Clémence !
Comment connaissait-elle mon prénom ?!
– Parce que je n’ai pas répondu, dis-je.
– Vous apprendrez vite à obéir, mademoiselle. Je vous le garantis !
Un bras de fer aurait bientôt lieu entre cette vieille bique et moi. C’est
certain !
La femme prit à nouveau du recul et s’adressa à tout le groupe :
– Vous serez réparties en cinq dortoirs ! Vous serez dix par dortoirs et deux
par chambre !
Oh non, je déteste partager ma chambre avec quelqu’un d’autre… Tant qu’à faire,
pourvu que ce soit avec Lou ! Elle m’avait l’air sympathique.
– Chaque dortoir aura une surveillante référente et deux surveillantes
assistantes ! Et croyez-moi, nous ne sommes pas trop de trois pour dix jeunes
filles têtues et mal élevées !
« Nous » ? Cela voulait dire qu’elle était une surveillante de dortoir ?
– Pour ma part, je suis Madame Jeanine, surveillante référente du dortoir n°4 !
Elle venait de répondre à ma question. J’aimerais bien être affectée au dortoir
n°4, tiens ! Qu’on rigole !
– En dehors de vos surveillantes, vous devrez respecter le personnel
d’entretien de l’établissement ainsi que l’ensemble de vos professeurs ! Enfin,
pour ce qui est du personnel hiérarchique le plus important, si vous faîtes les
malignes, vous ferez vite la connaissance de Monsieur Matthieu, surveillant
général, Monsieur Hugues, directeur-adjoint, et Monsieur Éric, directeur du
pensionnat !
En effet, j’en ferai sûrement vite la connaissance.
– Je vais maintenant vous affecter à vos dortoirs. Vous déposerez vos affaires
dans vos chambres et viendrez entendre le discours d’accueil de Monsieur le
Directeur dans la pièce principale ! Dortoir n°1 ! Mesdemoiselles Barbara,
Kéliyah, Pauline…
J’étais dans le dortoir n°2. Zut, pas de bizutage pour Madame
Jeanine ! Je partagerai ma chambre avec une certaine Mathilde, qui avait plutôt
l’air douce et gentille. Lou était dans la chambre voisine, en colocation avec Naomy.
Pourvu que l’on s’entende bien !
– Dépêchez-vous les filles ! Une grosse journée vous attend ! cria Madame
Valérie, surveillante référente de notre dortoir.
Mathilde, Lou, Naomy et moi descendîmes dans la salle principale avec les
autres filles.
Une fois arrivées dans la
pièce principale, nous nous tournâmes vers l’estrade. Trois hommes s’y
tenaient. Ils n’inspiraient vraiment pas confiance.A gauche, ce devait être Monsieur Matthieu. Il devait faire aux alentours
d’1m80, il était brun aux yeux bleus et avait une barbe de trois jours. Je ne
lui donnai pas plus de 35 ans.A droite, sans doute Monsieur Hugues. Aussi grand que Monsieur Matthieu mais
blond aux yeux verts. Monsieur Hugues avait la carrure d’un handballeur et
donnait l’impression d’avoir une quarantaine d’année.
Enfin, au milieu, j’étais certaine que c’était Monsieur Éric. Celui des trois
qui m’impressionnait le plus. Presque deux mètres de hauteur, épaules carrées,
mâchoire serrée. La quarantaine également. Brun ; et ses yeux nous donnait
l’impression que l’on avait quelque chose à se reprocher alors que nous
n’avions encore rien fait du tout.
Nos quinze surveillantes se tenaient au pied de l’estrade. Personne n’eut besoin de réclamer le silence : nous étions déjà silencieuses,
curieuses de savoir à quelle sauce le directeur allait nous manger.
– Bien, entendis-je. Mesdemoiselles bonjour, et bienvenue au Pensionnat de
*****. Je suis Monsieur Éric, directeur de l’établissement. A ma gauche,
Monsieur Hugues, directeur-adjoint. A ma droite, Monsieur Matthieu, surveillant
général.
Bon, jusque-là, je ne m’étais pas trompée.
– Monsieur Hugues, Monsieur Matthieu et moi-même ne gérons que les
comportements à problèmes. Si vous vous tenez correctement, nous n’aurons donc
pas besoin de nous rencontrer. Dans le cas contraire, vous vous souviendrez
longtemps de nos rencontres !
Je déglutis bruyamment. Ce mec me faisait froid dans le dos !
– Au moment où je parle, le personnel d’entretien dispose sur vos lits vos
emplois du temps, le nom de vos professeurs, le règlement et le plan de
l’école, et toutes les informations pratiques à connaître. Nous vous laissons
la matinée pour en prendre connaissance. Rendez-vous à midi à la cantine pour
le déjeuner. Bonne matinée, mesdemoiselles !
– Attendez, c’est une blague, là ? demandai-je à mes nouvelles connaissances.
On est venues dans cette salle pour que le mec parle deux minutes ?
– J’en ai bien l’impression, dit Naomy.
– Dortoir n°2 ! cria Madame Valérie. On y va !
Nous suivîmes notre référente jusqu’au 1er étage, partie droite. C’est là que
se trouvait notre dortoir.
– Veuillez mettre vos tenues réglementaires et faire vos lits avant de prendre
connaissance des documents ! criait Madame Valérie. Exécution !
« S’il vous plaît » serait de trop ? Elle commençait à m’énerver autant que
Madame Jeanine, celle-là ! Juste parce qu’elle l’avait demandé méchamment, je
ne le ferai pas.
Pendant que Mathilde se changeait dans notre salle de bains attenante à la
chambre, je m’assis sur mon lit et attrapai un livret. « Règlement intérieur de
l’école ». Ce truc faisait au moins dix pages. Il allait falloir que je me
mette à le lire dès maintenant.
– Tu ne te changes pas ? demanda Mathilde en sortant de la salle de bains.
– Non.
– Tu vas te faire gronder !
– Elles ne savent faire que ça ici, de toute façon, répondis-je.
Mathilde portait la tenue réglementaire et elle ressemblait vraiment à une
élève de pensionnat : chemise blanche avec le logo de l’établissement floqué à
gauche au niveau de la poitrine, jupe bleu marine qui tombait jusqu’aux genoux,
chaussettes blanches qui couvraient les mollets et souliers noirs vernis. Cette
tenue lui allait très bien. Mais sur moi : jamais !
Je me mis donc à lire ce fichu livret. Je crus tomber en état de choc dès la
première page. Il y était écrit :
Tout manquement à une clause de
ce livret sera puni.
Punitions autorisées dans cet
établissement, par l’ensemble du corps professoral, l’ensemble des
surveillantes référentes, le surveillant général, le directeur-adjoint et le
directeur :
– Envoi au coin
– Privations
– Punitions écrites
– Punitions corporelles
(gifles, fessées)
Je comprenais maintenant beaucoup mieux les paroles de mon frère.
– Mat ! appelai-je. Lis-moi ça !
Ma coloc’ lut la première page.
– Et ? me demanda-t-elle.
– Quoi « et ? » ?! Y’a rien qui te chagrine, là-dedans ?!
– Ben j’étais déjà au courant de tout ça. Pas toi ?
– Non !
– Mes parents ont envoyé ma sœur ici il y a trois ans et ils m’ont menacée de
m’y envoyer aussi si je n’avais pas mon bac. Et vu que je ne l’ai pas eu, je
suis ici ! Ma sœur m’a bien expliqué comment ça fonctionnait. Si tu ne les
écoutes pas, il va t’arriver des bricoles.
– Hors de question qu’ils me touchent.
Mathilde se mit à rire.
– Je te conseille de t’habiller. Si une surveillante passe, que tu n’es pas
habillée et que ton lit n’est pas fait, tu risques de te ramasser une fessée !
– C’est ce qu’on verra.
– C’est tout vu, dit Mathilde.
Une boule se forma dans mon ventre. Je tentai de l’ignorer et tournai la page
du livret. Je tombai sur une série d’interdictions à n’en plus finir. En fait,
ici, toute liberté nous était enlevée !
–
Je peux savoir POURQUOI votre lit n’est pas fait, Mademoiselle Clémence ?! me
gronda Madame Maud en passant dans la chambre.
Madame Maud est l’une de nos deux surveillantes assistantes, avec Madame
Christelle.
– Vous avez dit qu’il y avait du personnel d’entretien, non ? demandai-je. Ils
n’ont qu’à le faire !
– Quelle insolence ! gronda Madame Maud. J’appelle de suite Madame Valérie,
puisque vous refusez d’obéir ! Et quand elle arrivera, je vous conseille d’être
habillée correctement et en train de faire votre lit !
Madame Maud sortit de la chambre et je repris la lecture du livret. J’en étais
à la huitième page.
– Clem ! s’écria Mathilde. Dépêche-toi !
– Que je me dépêche de quoi ?
– D’obéir !
– Pourquoi faire ?
– Oh non… se lamentait Mathilde. Tu vas t’en prendre une…
– Ce n’est pas grave, dis-je. Mon frère et ma sœur m’ont déjà mis pas mal de
claques durant mon enfance et pourtant, je suis toujours en vie !
– Là aussi tu seras toujours envie, dit ma coloc’. Mais tu vas passer un sale
quart d’heure !
Je l’ignorai et repris ma lecture. Il est même interdit d’écouter de la musique
après le couvre-feu, ici ! C’est dingue !
–
S’il y a UNE chose que nous ne supportons pas ici, ce sont les fortes têtes !
Madame Valérie était arrivée dans la chambre et m’avait attrapée par l’oreille.
– Aïe ! criai-je. Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi, m*rde !
Ma référente me força à me lever. Le livret tomba à terre.
– Puis-je savoir pourquoi votre lit n’est pas fait et votre tenue pas mise ?
– Parce que je n’en avais pas envie.
– Ah ! Vous n’en aviez pas envie, hein ?!
La main de madame Valérie s’abattit violemment sur mes fesses.
– Aïe ! Mais ça ne va pas la tête ?!
– Je vous emmène de suite chez Monsieur Matthieu ! annonça la référente. Nous
verrons si vous n’êtes pas apte à obéir ensuite !
Toujours en me tenant par l’oreille, Madame Valérie me fit descendre au
rez-de-chaussée et frappa à la porte du surveillant général.
– Entrez !
– Monsieur Matthieu, navrée de vous déranger. J’ai ici une récalcitrante qui
refuse de mettre la tenue règlementaire et de faire son lit.
– Très bien, merci. Veuillez nous laisser.
Assis derrière son bureau, Monsieur Matthieu me fixait. J’entrepris de
m’asseoir.
– Est-ce que je vous ai autorisée à vous asseoir ?! me gronda-t-il.
– Non.
– « Non, Monsieur ! » me reprit-il.
Je restai silencieuse.
– Relevez-vous immédiatement !
J’obéis. Ce gars n’avait pas vraiment l’air de rigoler. Monsieur Matthieu se
leva de son fauteuil, fit le tour de son bureau et s’approcha de moi.
– Installez-vous à cette table, ordonna-t-il.
Je me retournai et vis une table individuelle, avec une chaise, un paquet de
feuilles et un pot de stylos.
– Vous allez de suite me copier 100 fois : « Je dois obéir quand on me donne un
ordre même si cela me déplaît ».
– Hors de question ! dis-je en croisant les bras.
– Vous ne ferez pas cette punition ?
– Non.
– Non ?! Très bien !
Monsieur Matthieu m’attrapa par les cheveux et m’emmena jusqu’à son fauteuil. Là,
il lâcha ma tignasse, s’assit et déboutonna mon jeans.
– Vous faîtes quoi, là ?! Lâchez-moi !
– Vous n’avez pas lu le livret, Clémence ?! La désobéissance doublée
d’insolence est punie par une bonne fessée, ici ! Vous allez tout de suite y
goûter !
Malgré mes gestes défensifs, Monsieur Matthieu avait plus de force que moi. Mon
jeans et ma culotte se retrouvèrent très vite à mes chevilles et moi, en
travers de ses genoux.
La première claque tomba sur mes fesses nues. Elle m’arracha un cri. La
deuxième aussi. A la cinquième, je fondis en larmes. De douleur, de vexation,
et d’incompréhension. Il y a encore quelques heures, j’étais à l’hôtel avec mon
frère et ma sœur. A présent, j’étais allongée en travers des genoux du
surveillant général de mon nouveau pensionnat, qui tapait comme un dingue sur
mes pauvres fesses nues.
Une trentaine de claques tombèrent, puis Monsieur Matthieu me releva. Je
pleurais vraiment. Mes larmes étaient tellement fournies qu’elles coulaient sur
mes joues aussi vite qu’une voiture de course passe sur le circuit. J’avais du
mal à réaliser ce qui se passait.
Relevée, je tentai de me rhabiller mais Monsieur Matthieu me l’interdit.
– Allez vous asseoir sur la chaise et commencez vos lignes.
– Oh non… me lamentai-je.
– Non ?! répéta le surveillant général.
Il me fit avancer jusqu’à la table à l’aide de claques bien appuyées sur mon
derrière déjà rouge (enfin, je supposais qu’il l’était !).
– Allez-vous vous asseoir et faire vos lignes, Clémence, ou vous faut-il une
autre fessée ?
Je ne répondis pas et m’assis.
– Bien, dit Monsieur Matthieu. « Je dois obéir quand on me donne un ordre même
si cela me déplaît ». Cent fois. Appliquez-vous ou vous recommencerez.
Le contact entre le froid de la chaise et mes fesses endolories me fit du bien.
Cependant, j’avais toujours le pantalon et la culotte aux chevilles ce qui me
rendait on ne peut plus honteuse.
Au fur et à mesure que j’écrivais, j’en voulais à Côme et Célestine de m’avoir
envoyée ici. Ils savaient pertinemment ce qui m’attendait et ils l’avaient quand
même fait ! Je les détestais.
On
frappa à la porte.
– Entrez ! dit Monsieur Matthieu.
Le directeur entra.
– Matthieu, est-ce que tu pourrais jeter un œil à l’emploi du temps des
dortoirs 4 et 5 ? Je crois qu’il y a une anomalie.
– Bien sûr, répondit Matthieu.
– Merci !
Le directeur allait s’en retourner lorsqu’il m’aperçut.
– Je peux savoir ce que tu fais là, toi ?
Tiens. Le directeur était le premier adulte qui me tutoyait depuis mon arrivée
ici.
Je restai silencieuse.
– Clémence ! Monsieur Éric vous a posé une question !
– Je…je suis punie, dis-je malgré le fait que ça m’arrache la bouche.
– Levez-vous quand vous vous adressez au directeur ! me gronda Monsieur
Matthieu. J’ai l’impression qu’il va vous falloir de nombreuses fessées pour
apprendre les bonnes manières !
C’en était trop. Je rétorquai un : « La ferme ! ». Monsieur Matthieu se leva et
ses yeux bleus se remplirent de colère. Il fonça sur moi (sûrement dans
l’intention de m’en recoller une !) mais le directeur l’interrompit.
– Laisse Matthieu. Je m’en charge.
– Mais…
– Laisse, réitéra le directeur. Je m’occupe d’elle.
Frustré, Matthieu retourna à son bureau.
– Où en es-tu de ta punition, Clémence ?
– Il me reste deux lignes à écrire, répondis-je.
– Bien. Fais-les et rends ta punition à Monsieur Matthieu.
Je m’exécutai pendant que Monsieur Éric m’attendait.
– Maintenant, rhabille-toi. Ordonna le directeur.
Je remontai ma culotte et mon jeans, remit le bouton et fermai ma braguette.
– Présente tes excuses à Monsieur Matthieu pour lui avoir manqué de respect.
– Mais c’est lui qui a…
– Clémence ! gronda Monsieur Éric. Présente immédiatement tes excuses !
– J…Je suis désolée de vous avoir manqué de respect, Monsieur Matthieu, dis-je.
Quel effort cela venait de me coûter !
– Sache que c’est l’unique fois où tu manqueras de respect à l’un des adultes
de cet établissement sans recevoir une sévère correction ! me gronda Monsieur
Éric. Tu as compris ?!
– Oui.
– « Oui, Monsieur » ! me reprit le dirlo.
Je restai silencieuse. Le directeur m’asséna une bonne claque sur le jeans.
Après la fessée du surveillant général, cette claque était plus douloureuse
qu’à la normale.
– Aïe ! m’écriai-je. Oui, Monsieur !
– Bien. Nous allons aller discuter dans mon bureau, Clémence. Suis-moi.
Le
bureau de Monsieur Éric se trouvait au bout du couloir. N’ayant pas encore
regardé le plan de l’école, je conclus néanmoins rapidement que ce couloir
était celui de l’administration. Je me demandai bien laquelle de ces portes
donnait sur le bureau de Monsieur Hugues. De toute façon, vu comme c’était
parti, j’allais le découvrir bien assez tôt.
Le directeur me fit entrer et referma la porte derrière lui. Il me proposa de
m’asseoir, j’acceptai même si ce fût douloureux. Puis, il fit le tour de son
bureau et s’assit dans son fauteuil, qui était plus imposant et avait l’air
plus confortable que celui du surveillant général. Pendant que le directeur
cherchait je ne sais quoi dans son bureau, je fis le tour de la pièce avec mes
yeux.
Cette pièce devait faire environ 20m2. En dehors de l’armoire, de la
causeuse, du bureau avec son fauteuil et des deux ou trois plantes vertes, les
choses que je repérai me firent froid dans le dos. Appuyées contre l’armoire,
je comptai cinq cannes. Je ne voulais pas savoir à quoi elles servaient.
D’autres objets bizarres et inconnus à mon esprit étaient posés ou suspendus.
Puis, mon regard s’arrêta sur deux cordes passées dans des anneaux fixés au
plafond.
– Ceci est pour éviter aux élèves de bouger lors d’une correction, m’annonça le
directeur, voyant bien que je n’arrivais pas à décoller mon regard de ces
cordes.
Mon Dieu. J’allais morfler si je ne rentrais pas très vite dans le rang !
– Bien, j’ai enfin ton dossier sous les yeux, Clémence, dit le directeur. Ce
sont donc ton frère et ta sœur qui s’occupent de toi. Je suis désolé pour tes
parents.
– C’est rien.
– Ton frère et ta sœur ont bien précisé dans ton dossier que tu n’avais pas un
caractère facile. Et en effet, tu as inauguré le bureau de Monsieur Matthieu,
et tu es même la première à recevoir une fessée cette année !
– Je vais avoir une médaille ?
– Non, Clémence. Mais tu vas avoir des ennuis si tu continues à te comporter
ainsi. Monsieur Matthieu t’a donné une fessée à la main, non ?
J’hochai la tête.
– Il a été clément puisque c’était ta première.
Il s’appelle Clément ou Matthieu ? Bon d’accord, blague à deux balles.
– Mais sache que ce ne sera pas toujours le cas, reprit le directeur. Une
fessée à la main peut faire très, très mal. Mais nous pouvons aussi utiliser le
martinet, le paddle, le tape-tapis, la canne, la ceinture, la tawse… Et tout ce
qui sera nécessaire pour te faire obéir.
Mis à part le martinet qui m’était connu puisqu’il est arrivé à Côme de me
donner un ou deux coups quand j’avais fait une grosse bêtise étant petite, tous
ces mots m’étaient inconnus.
– Je te conseille donc vivement de rentrer dans le rang. Et puisque tu m’as
l’air courageuse ET téméraire, je vais m’occuper personnellement de ton cas.
Cela ne veut pas dire que tu n’auras pas à faire aux autres adultes lors d’une
bêtise, Clémence. Cela veut dire que tu auras EGALEMENT à faire à moi. Double
punition. Je te conseille donc de te tenir tranquille si tu veux continuer à
pouvoir t’asseoir correctement. Tu as compris ?
– Oui.
– Clémence !
– Oui, Monsieur ! repris-je.
– Bien. Va faire ton lit et enfiler ta tenue, maintenant. Je passe dans ta
chambre dans quelques minutes. Si ce n’est pas fait, c’est la fessée.
Je sortis du bureau de Monsieur Éric. Bon, j’avais décroché le jackpot et ce,
dès le premier jour !
En revenant dans ma chambre, je choppai mon uniforme et m’enfermai dans la
salle de bains.
– « Hors de question qu’ils me touchent ! » me nargua Mathilde à travers la
porte. Qui t’a donné la fessée ?
– La ferme, toi !
Ma coloc’ ria.
– Oh, c’est bon Clem ! C’est pas la première ni la dernière !
– J’ai dit : « La ferme ! » !
Habillée, j’entrepris de faire mon lit. Lorsque Monsieur Éric passa dans la
chambre, j’avais donc obéi.
– Parfait Clémence, dit-il. Il faudra maintenant le faire tous les matins. Et
ce sera fait. N’est-ce pas ?
– Oui, Monsieur, répondis-je.
– Bien.
Le dirlo partit, Mathilde me lança :
– Attends, c’est le directeur qui t’a donné la fessée ?!
– Non, c’est Matthieu, dis-je. Mais le directeur m’a aussi emmenée dans son
bureau et il va me suivre de près.
– Pas de chance ! Tu aurais dû m’écouter !
– La ferme ! répétai-je.
– C’est l’heure de la cantine, les filles ! cria Madame Valérie.
Après
le repas, nous nous rendîmes en classe et le corps professoral se présenta à
nous. Ils ne m’inspiraient aucun laxisme, surtout la prof d’histoire-géo. Elle
allait sûrement me punir un bon nombre de fois.
L’après-midi
passé, nous eûmes droit à deux heures de détente avant le repas. C’est là que
je fis plus ample connaissance avec Mathilde, Naomy et Lou ; mais aussi avec
Florentine, Charline, Eva, Jessica, Lucille et Noémie, qui font partie de notre
dortoir. Un bon début d’amitié commença à naître et cela m’apporta un peu de
réconfort.
–
Extinction des feux ! cria Madame Valérie.
21h précises. Elle n’était pas en retard. Nous nous couchâmes dans nos lits. Mathilde
éteignit sa lampe de chevet. Pas moi.
– Clem ! Madame Valérie va bientôt passer !
– Et ?
– Tu vas te faire…
Mat ne finit pas sa phrase : la référente venait d’entrer dans la chambre.
– Extinction des feux, Mademoiselle Clémence !
– Pour vous, peut-être. Mais pas pour moi. J’ai envie de lire un peu. Je ne
suis pas fatiguée.
Madame Valérie s’approcha de mon lit, enleva ma couette, posa fermement sa main
sur ma hanche pour me tourner et m’asséna cinq bonnes claques sur les fesses.
– Éteignez tout de suite votre lumière, Mademoiselle Clémence, ou je vous donne
la suite sur mes genoux, pyjama et culotte baissés !
Je cédai et éteignis ma lumière.
– Bonne nuit, Mesdemoiselles !
Madame Valérie sortit de la chambre.
– Ça va ? me demanda Mat.
– Ça va, répondis-je.
Je pleurais de détresse une bonne partie de la soirée et finis par m’endormir
d’épuisement.
A suivre...
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