Mathilde
courait devant moi, je la suivais. Je me félicitais d’être en bonne condition physique
car ce marathon l’exigeait. Cependant, nous nous heurtâmes rapidement à un
obstacle : la clôture du Pensionnat. Elle était bien trop haute pour être
escaladée.
-
Et maintenant on fait quoi, Einstein ?! pestai-je
contre mon amie.
-
Hey, je ne t’ai jamais demandée de me suivre !
rétorqua Mathilde. Et plutôt que de se disputer, on ferait mieux de trouver une
solution pour sortir de là ! En longeant la clôture, on finira bien par
tomber sur un portail autre que celui d’entrée !
-
Espérons que celui-là ne sera pas gardé…
Nous suivîmes le piètre plan de Mathilde et longeâmes la
clôture. Nous la prîmes en filature jusque dans la forêt. Je n’arrêtais pas de
penser au fait que le cours avait commencé et que nous avions été notées absentes.
Dans une dizaine de minutes, toutes les surveillantes seraient à notre
recherche. Quand elles nous auront trouvées, nous passerons un quart d’heure
tellement sale que nous ne pourrons plus nous asseoir pendant une semaine !
En
plein milieu de la forêt, nous tombâmes effectivement sur un portail complètement
rouillé et scellé par un cadenas. Cependant, il était possible de l’escalader
et Mathilde voulut s’y risquer.
-
Sans harnais ni matériel, c’est de la folie !
la raisonnai-je.
Il n’y a que trois mètres,
Clémence ! Fais-moi confiance : j’ai fait beaucoup d’escalade avec mon
père.
-
Seigneur, protégez-moi ! priai-je en me lançant
à la suite de Mathilde.
Mathilde toucha terre, parfaitement indemne, de l’autre
côté du portail. De mon côté, un bout de ma grande chaussette se déchira et
resta coincée dans un coin du portail. Nous essayions de le dégager quand nous
entendîmes :
-
Mademoiselle Clémence ! Mademoiselle
Mathilde ! Où êtes-vous ?!
C’était la voix d’une surveillante, elle se rapprochait.
Nous nous cachâmes derrière la clôture et nous fîmes silencieuses en attendant
qu’elle s’éloigne…mais elle se rapprochait encore plus ! Lorsqu’elle ne fut
qu’à deux mètres de nous, nous l’entendîmes prendre son talkie-walkie et dire :
-
Ici Madame Coralie. Je crois qu’il va falloir
appeler la police. Elles ne sont plus dans l’enceinte du Pensionnat, elles ont
escaladé le portail dans la forêt.
Et m**de. Elle avait repéré mon morceau de chaussette.
Madame Coralie partit en
courant en direction du bâtiment principal, ce qui nous donna l’occasion de
continuer à nous éloigner du Pensionnat et à nous enfoncer encore plus dans
cette forêt qui n’en finissait pas.
Après avoir couru plusieurs minutes, nous nous arrêtâmes
essoufflées.
-
Mathilde, il faut vraiment qu’on y retourne, là !
dis-je.
-
On va se faire tuer si on y retourne maintenant !
Le mal est fait !
-
Mais plus on attend, pire ce sera ! Ils
vont appeler la police !
-
Nous sommes majeures, la police ne fera rien du
tout.
-
Certes, mais quand même ! Et puis, ils vont
appeler nos familles ! Tout le monde va s’inquiéter ! Ma sœur est enceinte,
ce n’est pas bon pour elle…
-
Clem, tu es avec moi ou pas ?! me gronda
Mathilde.
-
Bien sûr que je suis avec toi, mais regarde
autour de nous ! réprimandai-je. Nous sommes complètement pommées en
pleine forêt, avec quinze surveillantes à nos trousses ; et je me demande
si Monsieur Éric, Monsieur Lionel et Monsieur Matthieu ne vont pas se mettre
également à notre recherche ! Et nous n’avons rien pris ! Ni argent,
ni téléphone ! Comment allons-nous faire pour manger, hein ?! Comment
allons-nous faire pour manger ce midi et ce soir ?! Et pour dormir cette
nuit ?! Nous n’allons pas rester dans cette forêt pour toujours ! Et
tout ça pour quoi ?! Pour éviter que notre prof de littérature nous colle
une fessée ?!
-
Tu sais très bien que Monsieur Jean colle toujours
des fessées dont on se souvient ! répondit Mathilde.
-
Peut-être mais ça reste une fessée ! ça ne
va pas nous tuer ! J’en ai pris tellement depuis ma naissance, que je ne
les compte même plus ! Pourtant, je vais parfaitement bien, même s’il y en
a plusieurs qui étaient très sévères ! Et puis d’abord, c’est parce que j’ai
fait de nombreuses bêtises que j’en ai autant pris ! Comme cette bêtise
complètement débile de t’avoir suivie au lieu d’aller dire à Monsieur Éric que
tu t’enfuyais !
-
Je croyais que tu étais ma meilleure amie !
-
Je le suis, Mathilde ! Mais justement :
les amies sont aussi là pour t’empêcher de faire des conneries ! Donc je
vais de ce pas aller voir le Directeur et lui dire qu’il faut partir à ta recherche !
Enfin ça, c’est si je retrouve mon chemin dans cette maudite forêt…
-
Tu vas ne rien dire du tout ! me cria
Mathilde.
-
Oh que si !
Je me retournais et marchais en direction du Pensionnat
quand Mathilde me sauta dessus et me plaqua au sol ; s’en suivit une
bagarre complètement grotesque dans laquelle j’essayais de maîtriser mon amie
pour tenter de la calmer. J’y parvins tant bien que mal, me retrouvant allongée
au-dessus d’elle, lui tenant les poignets plaqués contre le sol, au-dessus de
sa tête.
-
C’est bon ?! lui lançai-je. T’es calmée ?!
Je me suis fait tabassée il y a quelques jours, je te rappelle ! Pas
besoin d’en remettre une couche !
-
Oui, je suis calmée, dit Mathilde.
Je la lâchai et nous nous relevâmes, nos vêtements tâchés
par la terre. Mathilde se jeta alors instantanément dans mes bras et se mit à
pleurer :
-
Je ne sais pas ce qui m’a pris ! Pardonne-moi,
Clem ! Je suis vraiment désolée !
-
Ce n’est rien. J’ai dit que j’étais ta meilleure
amie et c’est le cas. Pour le meilleur et pour le pire. Maintenant, tentons de
retrouver notre chemin et allons assumer nos conneries.
Nous mîmes presqu’une heure à
retrouver notre route et à revenir au portail rouillé. De l’autre côté se
trouvaient Monsieur Matthieu et Madame Coralie qui étaient à la recherche d’éventuelles
traces de sang accompagnant mon morceau de chaussette, à l’aide d’une lampe torche.
Lorsqu’ils nous virent arriver au loin, ils s’arrêtèrent et nous fixèrent du
regard. Monsieur Matthieu sortit son trousseau de clés et déverrouilla le
cadenas. Il enleva la grosse chaîne qui entravait le portail puis ouvrit ce
dernier pour nous laisser entrer. Madame Coralie ne dit rien. Monsieur Matthieu
non plus. Il referma soigneusement le portail derrière nous, comme à l’origine.
Puis, il se tourna vers nous et explosa enfin :
-
Puis-je savoir OU vous étiez ?! TOUT le
pensionnat est en ALERTE ! On a MÊME appelé la POLICE ! Je peux vous
dire que vous allez passer une SALE JOURNEE, Mesdemoiselles !
Je n’avais jamais vu le Surveillant Général dans cet état-là.
Mathilde tenta de lui répondre :
-
Ce n’est pas la faute de Clémence, c’est moi qui
ai eu l’idée de fuguer…
-
TAISEZ-VOUS ! hurla Monsieur Matthieu. Je
ne veux PLUS vous entendre jusqu’à ce que l’on soit arrivés au bureau du Directeur !
Madame Coralie prit son talkie-walkie et annonça :
-
Ici Madame Coralie, je suis avec Monsieur
Matthieu. C’est bon, on les a. On les emmène au bureau de Monsieur le Directeur.
-
Je veux l’ensemble du Pensionnat dans le réfectoire.
Personnel et élèves. Immédiatement.
J’avais reconnu la voix de Monsieur Éric. J’imaginais aisément
la suite des événements. Mathilde et moi allions amèrement le regretter.
-
Changement de programme, mesdemoiselles ! nous
dit alors Monsieur Matthieu. Nous vous emmenons au réfectoire !
Monsieur Matthieu nous tenait toutes les deux par le col
de nos chemisiers. Je commençais à regretter ma décision de revenir au
Pensionnat. Peut-être aurions-nous dû continuer à fuir. J’avais beau me répéter
que ce n’était qu’une fessée qui m’attendait, j’avais tout de même le mauvais pressentiment
que celle-ci allait être particulièrement corsée.
Plus
nous nous approchions du Pensionnat, plus mon cœur battait à tout rompre. Lorsque
nous y arrivâmes enfin, nous aperçûmes toutes les élèves assises face à l’estrade,
encadrées par les quatorze surveillantes se tenant debout derrière elles. Madame
Coralie les rejoignit. Sur la grande estrade se tenaient l’ensemble des
professeurs, ainsi que Monsieur Éric et Monsieur Lionel. Monsieur Matthieu nous
fit avancer et monter sur cette estrade. J’avais l’impression d’être une
prisonnière menée à l’échafaud, une marginale accusée de sorcellerie et dont le
bûcher était prêt.
De chaque côté de Monsieur Éric, se trouvait une chaise.
Je devinai une chaise pour mon bourreau, une autre pour celui de Mathilde. Si j’avais
pu choisir mon exécuteur, j’aurais penché pour Monsieur Thomas le prof d’espagnol,
ou Madame Colette la prof de sport. Ce sont les deux enseignants les plus cléments
en matière de punition. Mais évidemment, je n’aurais pas le choix.
Une fois sur l’estrade,
Monsieur Matthieu s’arrêta et puisqu’il nous tenait toujours par le col, Mathilde
et moi nous arrêtâmes avec lui. Monsieur Éric prit la parole :
-
Je vous ai tous convoqués ici car je veux que
tout le monde soit au courant de la punition qui attend une élève qui fuguerait
de ce Pensionnat : une fessée déculottée devant toute l’école. En effet, mesdemoiselles,
vos familles paient une fortune pour que votre éducation soit redressée et que vos
résultats scolaires soient à la hauteur de vos capacités ! Je ne tolère donc
ni fainéantise, ni écart de conduite. Il est bien sûr hors de question que
cette mini-fugue reste impunie ! Mathilde, Clémence : Monsieur Matthieu
et Monsieur Lionel vont vous donner la première partie de votre punition publiquement.
Ensuite, nous irons dans mon bureau et je m’occuperai de la seconde partie.
Je déglutis bruyamment. J’allais déguster. Monsieur Éric
donna le feu vert au Directeur-Adjoint et au Surveillant Général avec un :
« Messieurs, c’est à vous ».
Sans surprise, Monsieur
Matthieu choisit de me punir. Je me rassurais en me disant que j’avalerais
mieux la pilule si je recevais cette rouste de la part de l’homme que j’aime. Je
me projetai dans l’avenir, imaginant un pique-nique dans une prairie pour fêter
nos dix ans d’amour. Alors que nos enfants gambaderaient dans cette prairie, je
rappellerai à mon bien-aimé la douloureuse fessée qu’il m’avait donnée devant tout
le Pensionnat, à l’époque où j’étais encore élève et lui Surveillant Général.
Mais le choc de mon ventre qui toucha les cuisses de
Monsieur Matthieu me ramena bien vite à la réalité. J’étais en travers des genoux
du Surveillant Général, et il allait me flanquer une rouste mémorable. Je
sentis que Matthieu relevait ma jupe et baissait ma culotte. La honte
commençait à pointer le bout de son nez : tout le Pensionnat pouvait
admirer mon fessier qui n’était pas totalement blanc puisqu’il portait les
stigmates des corrections précédentes.
Et la fessée commença. Dure. Très dure. Je reconnaissais
bien là la main impitoyable de mon aimé. Je mis très vite ma main en guise de
protection mais mon bourreau la bloqua immédiatement dans le creux de mes
reins. Je tentais de gigoter mais je n’avais pas assez de marge pour éviter les
claques. Ça faisait mal. Mes fesses commençaient à me brûler, et je laissai
échapper de petits grognements de douleur qui se transformèrent rapidement en
gémissements, puis en cris.
Par instinct de protection, je levai la tête et vis
devant moi la main impitoyable de Monsieur Lionel qui s’abattait sur le
derrière de ma meilleure amie avec autant de force que Monsieur Matthieu avec
mon derrière. Le nouveau Directeur-Adjoint se montrait impitoyable et très
endurant, tout comme le Surveillant Général. Mathilde gigotait, j’avais parfois
vue sur son intimité ; je détournais alors le regard. Ma meilleure amie pleurait
à chaudes larmes, stade où je n’étais pas encore arrivée.
Soudain, les claques s’arrêtèrent.
Mais Monsieur Matthieu ne me lâcha pas pour autant ; il me tenait même toujours
aussi fermement.
Je levai la tête et vis que Monsieur Nicolas proposait
plusieurs instruments à Monsieur Lionel. Ce dernier choisit la raquette de
ping-pong, puis fessa Mathilde avec, faisant crier, pleurer et supplier mon
amie de plus belle.
Monsieur Nicolas s’adressa ensuite à Monsieur Matthieu
qui, je le sentis bien sur mon derrière, choisit la brosse à cheveux.
A en
croire la pendule au fond du réfectoire, Mathilde et moi étions restées quinze
bonnes minutes sur les genoux de nos tourmenteurs. Lorsque je pus me relever, mes
fesses étaient tellement brûlantes qu’il m’était difficile de les frotter.
Mathilde et moi fûmes envoyées face au mur, les mains sur la tête, le temps que
le Directeur fasse évacuer tout le réfectoire. Puis Monsieur Éric nous attrapa
chacune par l’oreille et nous traîna ainsi jusqu’à son bureau. Jusqu’ici, je n’avais
pas versé une seule larme (ce qui m’avait quand même demandé bien des efforts !)
contrairement à Mathilde qui ne pouvait même plus parler tellement elle
pleurait. Elle n’a pas dû recevoir beaucoup de fessées étant petite pour avoir
si peu de résistance !
Monsieur
Éric ferma la porte de son bureau et nous nous retrouvâmes seuls tous les
trois. Il annonça :
-
Nous parlerons des détails de cette fugue ce
soir après le dîner. Pour le moment, je vais vous donner la deuxième partie de
votre punition. Clémence, tu vas immédiatement au coin mains sur la tête.
Mathilde, tu viens ici.
-
Monsieur, je vous jure que je fuguerai plus, je
vous le jure ! dit Mathilde.
Ah, finalement malgré ses pleurs, elle pouvait parler.
-
Il y a intérêt. Viens ici.
Mathilde s’approcha du Directeur, qui lui passa les
poignets dans les cordes suspendues. Oh là là… Je sentais que je n’allais
vraiment pas aimer la suite. Mathilde encore moins.
Le Directeur ôta entièrement la
jupe de mon amie, de sorte que plus rien ne puisse protéger ses fesses. Puis,
je me retournai quelques secondes pour le voir enlever sa ceinture. Il la plia
en deux et ordonna à Mathilde de compter.
Vingt coups lui tombèrent sur les fesses, vingt coups durant
lesquels Mathilde compta et supplia. Je pense qu’elle n’avait jamais autant
pleuré de toute sa vie. Monsieur Éric s’empara ensuite d’une huitaine de branches
de bouleau fraîches liées ensemble et ordonna également à Mathilde de compter.
Vingt coups également. A en croire les réactions de ma meilleure amie, soit
elle était complètement blasée, soit les verges étaient moins douloureuses que
la ceinture.
Monsieur Éric reposa les verges et prit ensuite un tapetapis,
dont il mit vingt coups comptés par Mathilde. On en était à soixante coups de
trois instruments différents. Puisque j’allais également recevoir tout ça par
la suite, j’étais on ne peut plus anxieuse. Ma phrase « ce n’est qu’une
fessée » ne me rassurait plus. Je n’avais jamais reçu de correction aussi
sévère ; il faut dire que je n’avais jamais fait de bêtise aussi grosse.
Le tapetapis passé, le
Directeur s’empara d’un quatrième instrument : le martinet. A en croire
les quelques secondes où j’ai posé les yeux dessus, c’était un martinet plutôt
coriace. Les pleurs de Mathilde confirmèrent mes pensées. On en était à 80
coups avec quatre instruments différents. Le Directeur annonça :
-
Dernier instrument, Mathilde. Tu comptes.
Ma hantise : une canne en rotin. A chaque fois que
Mathilde criait, je serrai les dents. J’essayais de me tenir le mieux possible
pour espérer que le Directeur serait plus clément avec moi, mais je ne me
faisais guère d’illusions.
Quand
le Directeur décrocha Mathilde, il lui ordonna d’aller s’asseoir derrière une
table individuelle sur laquelle étaient posés un paquet de feuilles et un stylo.
-
Je…Je ne peux pas… dit Mathilde.
-
Tu ne peux pas quoi ?! gronda Monsieur Éric.
-
Je ne peux pas m’asseoir…
-
Bien sûr que si ! Arrête ta comédie !
Assieds-toi tout de suite !
Mathilde obéit et posa ses fesses blessées sur la froide
chaise en plastique.
-
Tu écris : « Je ne fuguerai plus du Pensionnat car je suis ici pour réussir ma scolarité et adopter une attitude convenable en
société. »
Bien évidemment, une phrase longue comme le bras. J’aurais
dû m’en douter.
-
S’il y a une rature, une faute, un oubli de mot ou
que sais-je, tu prends une nouvelle fessée ! prévint le Directeur.
Comme si elle n’en avait pas eu assez.
-
Clémence et toi, vous passerez la journée ici à
faire des lignes, jusqu’à 18h30 ce soir. Vous ne vous arrêterez que pour le
déjeuner et un éventuel aller-retour aux toilettes. Au boulot !
Quelle belle journée, ce vendredi 13 !
-
Clémence, viens ici !
J’obéis, priant pour qu’entre-temps un ouragan vienne dévaster
le bureau, rendant Monsieur Éric inapte à me donner une fessée aujourd’hui.
Mais il ne vint pas. Et mes poignets furent glissés dans
les cordes et tirés au-dessus de ma tête. Heureusement, j’avais pensé à mettre
du déodorant : la fessée de Monsieur Matthieu m’avait procuré une douleur qui
m’avait fait pas mal transpirer.
Je ne priai pas Monsieur Éric, ne le suppliai pas. Je le
vis une nouvelle fois enlever sa ceinture et la plier en deux. Je me remémorai
les dix coups que Côme m’avait donnée lorsqu’il avait été convoqué par le CPE
de mon collège après une insolence de ma part. C’était il y a quatre ans et je m’en
souviens encore. Ça avait été très douloureux mais pas insurmontable : j’espérai
réussir à surmonter les vingt coups qui attendaient mes fesses.
Le premier coup tomba. Je serrai les dents.
-
Un, comptai-je.
Un autre. Outch, ça fait un mal de chien !
-
Deux.
Le suivant. J’étais persuadée que sans la tannée de
Monsieur Matthieu, j’aurais bien mieux supporté cela.
-
Trois.
Encore un autre. Les larmes commencent à monter. « Ne
pleure pas, Clémence ! Tu n’es pas une tapette ! ».
-
Quatre.
Je tins les vingt coups sans verser aucune larme, même si
j’avais tout de même les yeux brillants. Seulement, je savais que ça allait
monter crescendo et que c’était donc loin d’être fini.
Le premier coup de verges ne
me fit rien. Les quatre coups suivants non plus : ça avait même l’air d’un
instant de répit. Cependant, à partir du sixième coup, je sentis la douleur apparaître,
et plus les coups se succédaient, plus la douleur augmentait. Au dix-septième
coup, je dansai sur place, ne tenant plus. Les trois derniers coups réussirent
à m’arracher une larme. « Plus que 60 coups » me disais-je dans ma
tête.
Le tapetapis fit mal, très mal.
Ça y est, la Clémence « dure-à-cuire » n’était plus : les larmes
avait fait leur apparition. J’avais survécu à la fessée de Monsieur Matthieu
car avec la main et la brosse, les coups alternent d’une fesse à l’autre. Mais Monsieur
Éric n’utilisait là que des instruments frappant les deux fesses en même temps :
je n’avais aucun répit et je ne pouvais pas me concentrer sur la fesse qui ne
prenait pas. Elles prenaient toutes les deux à chaque fois.
-
Vingt, dis-je en pleurant.
-
Bien. Je vais passer à l’instrument suivant.
Le martinet. Je connais cet instrument. Je le connais
même très bien. J’étais une enfant et une ado très récalcitrante, Côme et
Célestine en ont usé plus d’une fois. Il ne se passait pas une semaine sans que
je ramène une mauvaise note, un mot dans mon carnet de liaison ou un appel de l’école
pour des soucis de comportement. Mes fesses connaissent le martinet comme un vieil
ami !
Mais comme je l’avais prédit, c’était un martinet
coriace. Les lanières n’étaient pas forcément longues, mais elles étaient très
dures. J’eus du mal à encaisser les vingt coups : les larmes doublèrent.
Je lâchais un « aïe ! » à chaque coup avant de dire le chiffre. Mon
armure commençait à se briser et cette punition à s’imprimer éternellement dans
ma mémoire.
-
Dernier instrument, Clémence, annonça le
Directeur.
La canne. Celle-là me fit crier, pleurer, danser et même -
ce que je n’aurais pas cru possible vu mon endurance - me fit supplier :
-
Monsieur, je ne recommencerai pas ! Je vous
le jure ! S’il vous plaît…
-
On en est à douze, Clémence. Tu continues de
compter.
Lorsque Monsieur Éric me
détacha, je fus soulagée. Seulement, ce soulagement ne dura pas longtemps :
le Directeur me prit par surprise en me penchant sous son bras et me
donnant vingt bonnes claques.
-
Ça, c’est pour t’être retournée lorsque tu étais
au coin et que je m’occupais de Mathilde ! Maintenant va t’asseoir et
commence tes lignes !
M’asseoir m’infligea une douleur très forte. Je me rassurai
en me disant que vu l’état de mes fesses, je n’allais pas pouvoir recevoir de
fessée avant un moment, même si je ne me tenais pas à carreaux !
Je commençai à copier.
18h30,
fin du calvaire. Monsieur Éric nous annonça :
-
Demain, vous viendrez passer la journée ici pour
rattraper vos cours d’aujourd’hui et faire vos devoirs.
Evidemment.
Il inspecta nos lignes et heureusement, nous ne prîmes ni
l’une ni l’autre de nouvelle fessée. Nous pûmes enfin nous rhabiller et
rejoindre les autres au réfectoire.
Cependant,
à l’entrée du réfectoire, je fus interpellée par Madame Odile :
-
Mademoiselle Clémence, il y a un appel pour vous.
Je me rendis au secrétariat et attrapai le téléphone :
-
Allô ?
-
Clémence, c’est Côme.
-
Salut. Comment vont Simon et Baptiste ?
Rien de grave ?
-
Non, ils vont très bien ! Tout le monde
va très bien ! Ce n’est pas pour cela que je t’appelle !
-
Ah ?
-
Tu as bien fait une fugue aujourd’hui ?!
-
Euh…oui.
-
Tu te doutes que je suis furieux !
-
Oui, je me doute.
-
Monsieur le Directeur m’a dit que tu allais être
punie à la hauteur de ta bêtise, j’espère que ce fut le cas !
-
Effectivement.
-
Je te préviens, Clémence : tu n’as absolument
pas intérêt à recommencer ! Célestine et moi payons 5.000€ par mois pour
ta scolarité dans ce Pensionnat alors tu as intérêt à y rester ! Si jamais
j’apprends que tu as fait une autre fugue, je descends immédiatement dans la
Creuse et je te démonte, Clémence ! Tu as compris ?! Les fessées que
tu prends ici ne seront RIEN comparées à celle que je te flanquerai si je suis
obligé de descendre te voir pour cela, tu as compris ?! J’y laisserai une
main s’il le faut mais je te démonterai !
-
Ce serait dommage pour un chirurgien-cardiologue
de n’avoir qu’une seule main, répondis-je. Pour opérer tes patients, ce sera compliqué.
-
Tu es en train de te ficher de moi, là ?!
-
Non, Côme. C’était une boutade.
-
Fais bien attention, Clémence ! Je t’assure
que je ne rigole pas !
Ça, je savais qu’il ne rigolait pas. Rien ne me fait plus
peur au monde que mon frère en colère. Même pas Monsieur Éric. Lorsque Côme me
dit : « Je vais te démonter ! », il me démonte vraiment. J’ai
droit à une rouste mémorable. Et il n’y va jamais de main morte. Lorsque j’étais
en 6ème, j’avais même eu droit à une déculottée devant mon CPE !
Je n’avais plus fait de bêtise de toute l’année !
Si mon frère était obligé de se déplacer à cause mes
bêtises au Pensionnat, je pouvais creuser ma tombe.
-
Je sais, Côme. Je ne recommencerai pas. Je suis
désolée.
-
Oh non, tu ne vas pas recommencer ! J’espère
que tu as bien mal aux fesses, Clémence ! Penses-y à chaque fois que tu t’assiéras
ces prochains jours ! Pense au fait que ce ne sera rien comparé à ce que
je te ferai si je débarque !
-
Tu n’auras pas besoin de venir. Je serai sage.
-
Y’a intérêt ! Bon, bonne soirée petite sœur.
Je t’aime quand même.
-
Je t’aime aussi.
Je raccrochai, soupirai et rejoignis les autres. Je
commençais à en avoir assez de me faire gronder !
En m’asseyant
douloureusement à table, j’étais vraiment honteuse. Je savais que toutes les
personnes qui étaient autour de moi m’avaient vue prendre une déculottée plutôt
corsée. La vraie honte.
-
Ça va ? nous demanda Naomy. Ça n’a pas été
trop dur avec Monsieur Éric ?
-
Tu nous as déjà demandé ce midi et nous t’avons
déjà répondu que nous ne voulions pas en parler, dit Mathilde.
-
Si Lou et toi aviez pensé à faire votre punition
en double au lieu de ne penser qu’à vous, rien de tout cela ne serait arrivé, ajoutai-je.
Donc maintenant, lâchez-nous la grappe.
J’avais conscience d’être un peu injuste mais je m’en
fichais pas mal.
En
sortant du réfectoire, Mathilde et moi rejoignîmes les appartements de Monsieur
Éric et prîmes notre douche chacune notre tour. Je n’étais pas mécontente de me
débarrasser de mes vêtements sales, tâchés de terre à cause de notre bagarre de
ce matin.
Une
fois propres et en pyjama, nous rejoignîmes Monsieur Éric dans sa petite salle à
manger. Nous nous assîmes à table en face de lui, et il nous demanda :
-
Dîtes-moi tout sur ce qui s’est passé ce matin.
-
J’ai paniqué à l’idée que Monsieur Jean nous punisse
au début du cours, avoua Mathilde. Alors j’ai pensé à fuguer. Clémence m’a
suivie par instinct de protection, mais tout est ma faute. Nous avons longé la
clôture jusqu’à trouver une faille, puis nous avons escaladé le portail. Après quoi,
Clémence m’a raisonnée et convaincue de rentrer. Voilà ce qui s’est passé,
Monsieur.
-
Et alors, Mathilde ? Aurais-tu préféré tomber
sous le courroux de Monsieur Jean, ou être punie comme tu l’as été aujourd’hui ?
-
Je crois que la question ne se pose pas,
Monsieur. Répondit mon amie. J’ai été stupide et je suis désolée.
-
Que cela te serve de leçon. Tu peux disposer. J’ai
besoin de parler avec Clémence.
-
Bien, Monsieur. Bonne nuit, Monsieur.
-
Bonne nuit, Mathilde.
Une fois seul à seule dans la pièce, le Directeur déclara :
-
Tu es une amie redoutablement fiable, Clémence.
-
Mathilde est la seule amie avec laquelle je peux
être pleinement moi-même.
-
Tu es consciente que tu ne la connais que depuis
treize jours ?
-
J’ai l’impression de la connaître depuis
toujours.
-
Et avec tout ce que tu as encaissé à cause d’elle
aujourd’hui, tu ne mets pas en doute votre amitié ?
-
J’ai ma part de responsabilité aussi. Si j’étais
venue vous voir directement au lieu de la suivre, elle n’aurait pas eu le temps
de passer le portail. C’est parce que nous n’avions pas pris en compte les paramètres
de nourriture et de confort que nous sommes rentrées. Sinon, nous aurions pu
partir plusieurs jours sans que je ne pense à raisonner Mathilde.
-
Tu es une jeune fille surprenante, Clémence.
Surprenante et épatante. Tu es également une vraie chipie, mais… je te tire mon
chapeau pour ce que tu as fait aujourd’hui pour ton amie.
-
Vous saviez que je n’étais pas à l’origine de
cette fugue ?
-
Oui, je le savais.
-
Comment ?
-
Comme je vous l’ai dit ce matin, je commence à
bien vous connaître Mathilde et toi. Tu es plutôt du genre à assumer tes actes
car ton frère et ta sœur t’ont appris à le faire. Ils t’ont souvent punie mais
tu n’as jamais pensé à fuir car tu savais que c’était justifié. Mathilde, elle,
a déjà fait plusieurs fugues lorsqu’elle était encore chez ses parents ;
notamment pour éviter d’être punie. Sachant cela, la déduction était
relativement simple.
-
Mais alors, pourquoi m’avez-vous autant punie si
vous saviez que je n’étais pas l’initiatrice ?
-
Parce que tu as quand même fugué. Tu as suivi
Mathilde. C’est un acte de loyauté pour lequel je t’admire, surtout que tu savais
parfaitement les risques que tu encourais ; mais ça reste une très grosse
bêtise que je ne pouvais absolument pas laisser passer.
Je comprenais parfaitement le point de vue du Directeur. A
sa place, j’aurais sûrement fait la même chose.
-
Maintenant que tout ça est passé, est-ce que je
peux avoir mon câlin de réconciliation ?
-
Bien sûr, ma grande. Viens ici.
C’était la première fois que le Directeur me disait « Viens
ici » sans intention de me coller une fessée. Je me blottis contre
Monsieur Éric et le serrai très fort, comme pour le remercier de tout ce qu’il
faisait pour moi. Il passait très facilement pour une teigne, et beaucoup d’élèves
le craignaient et le détestaient. Je le crains moi aussi, mais pour la première
fois depuis dix-huit ans, j’avais l’impression d’avoir un vrai père, et non pas
un grand frère qui servait de père comme Côme l’est.
Une
chose est sûre : je me souviendrais longtemps de ce vendredi 13.
A suivre…
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