Mercredi 23 octobre 2019.
Je me réveille aux environs de 8h30
en sursaut. En attendant la réédition définitive de notre emploi du temps, nous
en possédons un provisoire qui change quotidiennement. Après la fausse joie d’hier
de m’être crue libre pour la journée alors que j’avais finalement cours tout l’après-midi,
je n’avais pas envie de réitérer l’expérience. La première chose que je fis
après avoir émergé fut d’attraper mon téléphone et de vérifier mon emploi du
temps de la journée. Ouf, pas cours ce matin. Je pouvais me détendre, et même
me recoucher si je le souhaitais.
Cependant, impossible de me rendormir. Je sortis
de mon lit une demi-heure plus tard.
Après un passage au pipi-room puis
dans la salle de bains, je descendis dans la pièce à vivre. Mes parents, Louise
et Victoire étaient tous les quatre en train de déjeuner. Après les avoir tous
embrassés en guise de bonjour, je m’installai avec eux à table.
Personne ne se parlait : tout le monde avait les yeux rivés vers la télévision, ce qui était
très inhabituel. Je pris alors le même pli que ma famille et me mis à écouter
les informations. Le journaliste annonçait : « Les annonces
gouvernementales devraient avoir lieu d’un moment à l’autre, le Premier
Ministre vient de sortir de son bureau et va bientôt rejoindre le lieu de la
conférence de presse. »
J’avais
très envie de savoir sur quels sujets seraient ces annonces mais je me tus, me
disant que je le saurais bien assez vite.
C’était
quand même étrange, des annonces officielles à neuf heures du matin. D’habitude,
ils font ça en fin d’après-midi pour qu’un maximum de personnes puisse les écouter ;
mais de toute façon, les médias se chargeraient de répéter en boucle ce qui a
été dit.
L’arrivée d’Elsa à table ne brisa
pas le silence et la concentration que nous avions tous. Nous écoutions le
Premier Ministre déblatérer son discours et pour cause : les annonces nous
concernaient, nous, les jeunes étudiants.
« […] Je tiens à préciser que ce projet pour nos étudiants proposé
par le Gouvernement a été voté par le Sénat et l’Assemblée Nationale. Il entrera
en vigueur dès ce soir, vingt heures. »
Ce
nouveau Président de la République n’est rien qu’un dictateur. Je n’avais pas
voté pour lui car je n’avais pas confiance en lui. J’ai eu raison : par sa
faute, je me suis retrouvée en famille d’accueil et on m’a retiré ma majorité !
Même si j’ai rencontré des personnes formidables, j’aurais quand même préféré vivre
une vie normale ; la vie qu’avaient les étudiants avant que cet extrémiste
soit élu.
« Pour rappel, nos jeunes âgés de 18 à 25 ans sont maintenant pris correctement
en mains pour devenir les citoyens corrects et respectueux de demain. Ceux qui
font des études vivent en famille d’accueil, les autres effectuent leur service
militaire. »
Heureusement
que j’ai choisi la voie des études. Je préfère prendre des fessées (bien qu’énormes
et douloureuses…) de temps en temps plutôt que de me retrouver à l’armée !
« La jeunesse de notre pays n’allait pas dans la bonne direction,
mes chers compatriotes. La fainéantise et la facilité ne sont pas tolérées dans
notre pays. C’est avec le travail que l’on réussit ! »
Et
le bonheur ? On en parle ? On a le droit d’être heureux, dans ce pays ?
« Aujourd’hui, je suis fier
de vous annoncer qu’après deux mois de répression, nous touchons presqu’au but !
Il n’y aura bientôt plus de jeunes déserteurs ! »
Si
je n’avais pas des parents adoptifs géniaux (quoiqu’un peu stricts…), moi aussi
j’aurais déserté. Enfin, j’y aurais pensé. Car causer de la peine et du souci à
mes parents biologiques aurait été très difficile à supporter.
« A partir de ce soir, vingt heures, entreront en vigueur les
points suivants :
-
La majorité ne sera
accordée qu’aux individus âgés de vingt-cinq ans révolus. Ils devront, pour ce
faire, présenter un certificat officiel de fin d’études ou de fin de service
militaire ;
-
Tant qu’un jeune
sera étudiant, il restera à charge de ses parents adoptifs et n’obtiendra pas
la majorité ;
Bien
sûr… On élimine au passage tous ceux pouvant voter contre ce régime dictateur…
-
Les jeunes de
moins de vingt-cinq ans cessant leurs études seront immédiatement envoyés au
service militaire ;
Quoi ?!
Nous sommes obligés de faire des études jusqu’à au moins 25 ans, maintenant ?!
-
Les filles et
les garçons devront demeurer dans des familles d’accueil différentes ;
N’ayant
eu que des sœurs jusqu’à présent, il est vrai que je ne m’étais jamais posé cette
question de mixité… C’est sans doute pour que nous restions concentrés sur nos
études et pas sur…autre chose !
-
Les familles d’accueil
recevront une augmentation nette de 5,3% sur leur rémunération, soit un montant
total de 545,80€ par jeune accueilli ;
Est-ce
pour cela que Michael et Scarlett ont demandé à avoir deux filles de plus ?
-
Enfin, les
jeunes de moins de vingt-cinq ans souhaitant quitter le service militaire et
intégrer un cursus scolaire pourront le faire au début du mois suivant leur
demande.
De plus, madame la Ministre Déléguée aux Familles d’Accueil Etudiantes assure
que toutes les plaintes pour maltraitance seront traitées rapidement et sans
clémence.
Tu
parles. Dans ce cas, interdisez les sévices corporels et tout ira beaucoup
mieux ! Rien que de la démagogie ! J’ai vraiment de la chance d’être
bien tombée chez les Johnson et les Webber.
Les annonces cessèrent et papa
éteignit la télé. Je demandai aussitôt :
-
C’est pour l’argent
que vous nous avez prises, Louise et moi ?
Je
voulais en avoir le cœur net. Impossible de rester dans le doute plus longtemps.
-
Non Marie chérie,
répondit Scarlett. On se fiche complètement de cette rémunération. Si tu veux
tout savoir, ce que nous touchons pour vous accueillir est intégralement
reversé sur des comptes en banque bloqués, à vos noms. Vous pourrez en profiter
à votre majorité.
-
Autrement dit, à
70 ans ! se lamenta Victoire.
-
Pourquoi est-ce
que vous nous donnez l’argent ? interrogea Louise. C’est vrai, quoi :
vous le gagnez durement en vous occupant de nous !
-
On ne devrait pas
être rémunéré pour être parent ! s’indigna Michael.
-
Vous n’avez pas
voté pour ce président, déduit Elsa, n’est-ce pas ?
Mes
parents secouèrent la tête.
-
Je croyais que
toutes les familles d’accueil étaient de mèche avec le Gouvernement, avouai-je.
-
Non Marie, m’expliqua
papa. Scarlett et moi nous sommes portés candidats pour accueillir des jeunes,
justement pour éviter que quatre d’entre eux tombent entre les mains d’une
famille d’accueil pleine de mauvaises intentions. Ce n’est pas grand-chose mais
nous essayons d’agir à notre échelle.
-
Buvez vos
boissons chaudes, les filles, nous dit Scarlett. Elles vont refroidir.
Après avoir pris mon satané mais indispensable médicament,
je me rendis avec mes sœurs à la fac pour le cours d’histoire, à 13h30. L’université
ressemble maintenant davantage à un lycée qu’à une faculté : les profs et l’administration
rendent sans arrêt des comptes aux parents d’accueil. C’est le retour des mots
dans le cahier numérique pour dire que nous ne sommes pas sages et des bulletins à faire
signer. Seules les heures de colle n’ont pas été restaurées ; je suppose
qu’ils doivent se dire qu’on prend déjà assez de roustes à la maison et que ça ne
sert à rien d’en rajouter.
Séparer les enfants de leurs parents démissionnaires
et les placer dans des familles qui fonctionnent « à l’ancienne »
pour les formater à devenir de « bons petits citoyens obéissants envers
leur Gouvernement »… ça m’donne envie de gerber. S’il n’y avait pas ma
famille biologique que j’aime tant, j’aurai déjà demandé à Michael et Scarlett
et m’emmener vivre dans leur pays d’origine.
Révoltée par ces nouvelles annonces et cette situation
que nous sommes obligés de subir juste parce que nous ne sommes pas nés à la
bonne époque, j’entamai un grand débat avec Victoire et Angélique, une copine à
nous. Le début du cours d’histoire ne nous stoppa pas : nous continuâmes à
chuchoter tout en exposant nos arguments :
-
On est pris en otage
comme les juifs en 39-45 ! Juste parce que nous sommes nés entre 1994 et
2001, on nous met dans des camps de concentration aux allures de famille d’accueil !
pesta Angélique.
-
Euh… Tu ne peux
pas comparer la Shoah avec ce qu’on vit ! protesta ma sœur. Tu exagères !
Nous avons un toit et nous mangeons à notre faim ! Et nos parents nous
aiment !
-
Et on en parle
des coups qu’on prend ?! insista Angélique.
-
Euh…On ne prend
que des fessées, nous… dis-je, néanmoins mal à l’aise. Certes, elles sont
bonnes mais jamais injustifiées !
-
Oui ben moi aussi
je prends des fessées, mais ça m’arrive aussi de prendre des gifles, de devoir
m’agenouiller sur du gros sel, de rester au coin à cloche pied…
Quand
je disais que j’avais tout de même de la chance d’être tombée chez Michael et
Scarlett…
-
Tes parents ne font
pas cela injustement, dit Victoire.
-
Ça dépend de l’humeur
de mon père ! avoua Angélique.
Cela
me mit mal pour elle. Un grand sentiment d’impuissance m’envahit. Il allait
falloir que j’en parle à papa et maman pour voir s’ils pourraient faire quelque
chose.
Nous débâtîmes jusqu’à la fin du
cours sans jamais avoir une seule remarque de la part de Montaire. Etrange. J’étais
sur mes gardes.
J’eus raison de rester prudente :
alors que tout le monde rangeait ses affaires à la fin du cours, le prof nous
lança :
-
Les trois du fond !
J’ai écrit à vos parents, photo à l’appui. Bon retour chez vous !
Je
ne m’étais même pas aperçue qu’il nous avait prises en photo. Moi qui avais
déjà du mal à m’asseoir à cause de la fessée paternelle de la veille, je ne
savais absolument pas comment j’allais pouvoir supporter une autre remontrance !
Le
seul point positif était que je m’étais très sensiblement rapprochée de Victoire.
Il est vrai que si Louise restait ma meilleure amie et mon âme sœur, je m’entendais
bien mieux avec Elsa et Victoire qu’avec Anaïs et Jeanne !
Sur le chemin du retour, Elsa et
Louise réfléchirent avec nous à une solution qui pourrait nous tirer de ce
mauvais pas, sans succès.
Nous refermâmes très discrètement la
porte d’entrée et pénétrâmes silencieusement dans la pièce à vivre pour prendre
le goûter. Le stress monta d’un cran lorsque nous entendîmes papa descendre les
escaliers : et mince, il nous avait entendues rentrer !
Michael
entra dans la pièce à vivre avant que j’aie eu le temps de m’asseoir à table.
Il m’attrapa par le bras comme une gamine de cinq ans et éleva sa main dans le
but de la faire atterrir sur mon derrière meurtri. Devant mes mains défensives,
il me lâcha pour mieux emprisonner mes poignets dans sa grande main gauche avant
de me punir avec sa grande main droite. Cinq claques tombèrent sur mon jeans.
Je fus déséquilibrée cinq fois d’affilées et mes fesses me brulèrent activement
lorsque mon père me lâcha.
-
Qu’est-ce que c’est
que ce comportement, Marie ?! me gronda Michael.
Avant
que je ne réponde, l’informaticien infligea le même sort que moi à Victoire. Il
gronda également :
-
Qu’est-ce que c’est
que ce comportement, Victoire ?!
J’essayais
de ravaler mes sanglots pour ne pas craquer mais ces quelques claques avaient
été tellement douloureuses et vexantes que j’étais à deux doigts de fondre en
larmes.
Michael
sortit son smartphone et nous montra une photo sur laquelle on nous voyait
discuter activement Angélique, Victoire et moi. Notre père récita, en laissant
la photo sous nos yeux :
-
Angélique, Victoire
et Marie préfèrent discuter au lieu d’écouter le cours. Puisqu’elles ont l’air
plongées dans leurs bavardages et ne semblent pas intéressées par le règne de Saint-Louis,
je vous laisse le soin de leur faire cours quand elles y seront disposées. Cordialement,
Pascal Montaire.
Papa
posa son téléphone sur la table et nous gronda :
-
Rappelez-moi
pourquoi vous allez à la fac !!
-
Pour étudier,
répondit ma sœur en essuyant rapidement la larme qui venait de couler sur sa
joue.
-
Et vous avez l’impression
d’avoir étudié, là, pendant une heure et demie ?!
-
Non papa, répondîmes
Victoire et moi en chœur.
-
Votre prof m’a
envoyé votre cours ! Je l’ai imprimé et mis sur vos bureaux respectifs
dans vos chambres ! Vous vous organisez comme vous voulez mais vendredi, votre
prof vous fait un contrôle ! Si l’une de vous a moins de quinze sur vingt,
elle passe sur mes genoux pour une très bonne déculottée ! C’est clair ?!
-
Oui papa, répondîmes-nous.
Mes
efforts étaient colossaux pour me retenir de pleurer. J’étais mal de me faire ainsi
disputer et j’avais beau me frotter les fesses, la douleur ne semblait pas vouloir
partir.
Michael remonta dans son bureau à l’étage
et mes sœurs et moi goutâmes en silence. L’ambiance était plutôt pesante.
-
Il a dit « très bonne »,
dit Victoire d’une voix tremblotante.
-
Quoi ?
demanda Elsa, n’ayant pas compris.
-
Il a dit « très
bonne », répéta Victoire. Il a dit « pour une très bonne déculottée ».
-
Ah…, continua
Elsa.
-
Et alors ?
demanda Louise.
-
On peut avoir des
explications ? demandai-je, inquiète.
-
Celle qu’il t’a
donnée hier était « bonne », exposa Victoire. Mais là, il a dit « très
bonne ».
-
D’accord,
conclus-je. J’ai compris. Si on n’a pas au moins quinze, on ne pourra plus s’asseoir
pendant un mois.
-
C’est l’idée, affirma
Victoire.
Il
me faut un quinze. J’avais vécu la pire fessée de toute ma vie hier matin, il
était hors de question que j’en prenne une encore plus atroce. Il me faut un
quinze.
Je bûchai tellement sur mon cours d’histoire
que je ne descendis même pas embrasser ma mère lorsqu’elle rentra du travail ;
ce fut elle qui monta me voir avec un verre de jus de fruits.
-
Tu t’en sors mon cœur ?
-
Oui, ça va. Tu n’es
pas fâchée ?
-
Si un peu, répondit
Scarlett. Mais je sais que ton père a fait le nécessaire alors inutile d’en
rajouter. Aller, je te laisse travailler. On dîne à dix-neuf heures.
Elle m’embrassa sur le front et sortit de ma chambre.
Louise,
qui est major de la promo, vint m’aider. Avec elle, j’avançai nettement plus
vite et j’allais devenir incollable sur Louis IX !
-
Quel est le
surnom de Louis IX ? me demanda Louise, ayant une de mes fiches-révisions
en mains.
-
Saint-Louis !
répondis-je. Mais c’était facile, ça ! Donne-moi une question plus dure !
-
Très bien alors hum…
Comment s’appelait l’évêque de Louis IX ?
Soudain,
on sonna à la porte. Je regardai l’horloge de ma chambre : 18h57. Bizarre.
-
Tu attends quelqu’un ?
demandai-je à Louise.
-
Non, dit-elle. Ce
sont peut-être des amis à papa et maman…
Nous
sortîmes de ma chambre pour nous rendre dans le couloir. Nous entendîmes alors
papa demander :
-
Vous avez fait
bonne route ? Pas trop de bouchons ?
-
Non ça va, le GPS
nous a bien guidés ! répondit une voix familière.
-
Tom !! s’exclamâmes
Louise et moi.
Nous
dévalâmes les escaliers à toute vitesse et sautâmes dans les bras de nos précédents
parents d’accueil.
L’émotion
était au rendez-vous, pour nous quatre comme pour Scarlett, émue par cette
scène de retrouvailles.
-
Comment ça va,
Manou ? me demanda Tom.
Comme
réponse, je le serrai fort dans mes bras. Puis, je fis un énorme câlin à
Michael puis à Scarlett pour les remercier de cette magnifique surprise.
-
Je t’en avais
parlé, me dit Scarlett. Et je tiens toujours ma parole.
-
Ne restez pas
dans l’entrée, dit papa Michael. Nous allons nous asseoir au salon pour prendre
l’apéritif.
Durant l’apéro, papa Tom et maman Dana nous racontèrent
leur déménagement à Paris datant d’hier.
-
La maison est
encore pleine de cartons et elle le sera encore pendant pas mal de temps, narra
maman. Mais heureusement, nous avons embauché une jeune fille au pair pour nous
aider. Elle est arrivée ce matin et elle est fabuleuse !
-
D’où arrive-t-elle ?
se renseigna Scarlett.
-
D’Afrique du Sud,
dit papa Tom. Elle s’appelle Maïmouna. Elle est vraiment très gentille. Elle
nous aide à ranger et entretenir la maison, et elle s’occupe de Jeanne.
-
En parlant de
Jeanne, elle ne se sent pas trop seule ? demanda Louise, très empathique.
-
Elle profite de
nous avoir pour elle toute seule, dit Dana. Mais dès lundi, nous accueillons
trois jeunes filles. Tess, Lina et Noémie.
Un
sentiment de jalousie m’envahit, que j’eus du mal à contrôler.
-
Et de votre côté alors ?
interrogea Tom. Comment ça se passe avec Loulou et Manou ?
-
Comme vous l’aviez
dit, Louise est une enfant modèle, répondit Michael. Et comme vous l’aviez
également dit, Marie est…
Cette
hésitation fit rire tout le monde sauf moi.
-
Espiègle, maligne
et désobéissante ? proposa Dana.
-
Cela résume bien
les choses, dit Scarlett avec amusement. Elle est arrivée dimanche et depuis, ses
fesses n’ont jamais retrouvé leur couleur initiale !
Pour
le coup, ce furent mes joues qui virèrent au rouge. Rouge de honte.
-
J’aimerais vous
dire qu’elle se calmera avec le temps mais… commença Tom.
-
Oh, elle a déjà
commencé à se calmer ! affirma Scarlett.
-
Ah bon ?! s’exclama
Dana, abasourdie. Mais quel est votre secret ?!
-
Ils donnent des
fessées qui sont cent fois pires que les vôtres, avouai-je rapidement. Bon, on
peut changer de sujet ?
Les
adultes sourirent puis Scarlett annonça :
-
Oui, nous allons
passer à table. Les filles commencent tôt demain et il ne faut pas qu’elles se couchent
trop tard.
-
Quoi ? protestai-je.
Mais maman…
Je
lançai un regard inquiet à Dana après avoir appelé Scarlett « maman »
devant elle. Je ne voulais pas la blesser. Dana me répondit avec un regard bienveillant,
me faisant comprendre qu’il n’y avait aucun problème.
-
« Mais maman »,
quoi ? me demanda Scarlett.
-
Tom et Dana ne
viennent pas tous les jours et j’aimerais profiter un peu d’eux !
-
Ils viendront
tous les mercredis soir, me répondit maman Scarlett. Ne t’inquiète donc pas. De plus, tu pars en vacances avec eux lundi matin ! Je pense que tu auras le temps de profiter !
-
Mais…
-
Marie, ne
commence pas, s’il te plaît ! gronda Michael. Vous irez vous coucher à l’heure
habituelle, fin de la discussion ! Si jamais nous voyons que sur votre
emploi du temps définitif vous n’avez pas cours le jeudi, nous envisagerons de
vous laisser veiller un peu pour profiter de Tom et Dana ces prochaines semaines. Mais puisque ce n’est
pas le cas aujourd'hui, vous irez vous coucher à 20h30 !
Je
soufflai d’agacement.
-
Je t’ai entendue
souffler, Marie ! me reprit Michael. Tu veux peut-être prendre une fessée
devant tout le monde ?!
-
Non papa,
répondis-je calmement bien qu’agacée.
-
Alors cesse de
faire ta tête de mule et profite du temps qu’il te reste à passer aujourd’hui
avec Tom et Dana !
Je
me tus et vins m’asseoir à table, néanmoins boudeuse.
Heureusement, Tom et Dana eurent le don
d’égayer le repas et mon boudin ne dura pas longtemps. Scarlett avait préparé
un repas délicieux (comme toujours !) et nous profitâmes de ce moment
passé ensemble pour échanger vivement, notamment sur les nouvelles annonces de
ce matin.
Malheureusement, le temps passa trop
vite. Le dessert avalé, il était déjà 20h15.
-
Les filles, allez
vous préparer pour dormir, s’il vous plaît ! annonça papa Michael.
Elsa
et Victoire dirent au revoir à Tom et Dana. Louise demanda qu’ils viennent la
border quand elle serait prête, nos anciens parents acceptèrent avec plaisir. Quant à moi, je bougeai pas de table.
-
Marie… maugréa
Michael.
-
Est-ce que je
peux au moins prendre un thé ? demandai-je.
-
Non !
trancha Scarlett. Tu vas te préparer pour dormir comme tes sœurs ! Je ne
vois pas pourquoi tu aurais droit à un traitement de faveur ! Monte !
-
Mais l’extinction
des feux n’est qu’à 21h, j’ai le temps !
-
Certes, mais le coucher
est à 20h30 ! insista Scarlett. Et puisque ce n’est absolument
pas toi qui décides, tu vas obéir immédiatement !
J’étais
étonnée que Tom et Dana n’interviennent pas. Cela me fit même un petit pincement
au cœur : ils n’étaient définitivement plus mes parents.
Voyant
que je ne bougeais pas, Michael se leva et me fonça dessus.
-
Apparemment, tu n’as
pas eu assez mal aux fesses aujourd’hui !
Lorsque
l’informaticien attrapa mon bras pour me sortir de table, je le priai et
suppliai de toutes mes forces : j’avais voulu pousser un peu mais j’étais
persuadée que je réussirais à m’arrêter avant la fessée ! De toute évidence,
cet excès de confiance en moi m’avait de nouveau fait échouer.
-
Naaaaaaaan !
Papa, j’t’en supplie ! Pardon, pardon !
Les
premières larmes coulèrent quand je me rendis compte que mon père avait réussi
à me sortir de table. Je continuai de me débattre, bien que Michael réussisse à
me baisser mon jeans et à le faire descendre à mes chevilles.
Je pris ensuite cinq énormes claques, du même calibre que celles reçues quelques heures plus tôt. Seulement là, je n’avais plus mon jeans pour me protéger et ma culotte était malheureusement bien trop fine à mon goût.
Devant la force de ce nouveau rappel à l’ordre, je vis la bouche de Dana former un « o » et les sourcils de Tom se lever.
-
Tu consens à
aller de préparer pour dormir ou faut-il que je t’allonge sur mes genoux ?!
me demanda Michael.
La
douleur et la vexation étaient à présent mêlées à la honte, et je ne pus
retenir mes larmes.
-
Je vais aller me
préparer, admis-je.
Je
me rhabillai et montai à l’étage. Louise me réprimanda :
-
Pourquoi est-ce
qu’il faut toujours que tu leur tiennes tête ?! Tu es terrible et pénible,
Marie !
-
Oh ça va ! la
rabrouai-je. Je me fais déjà assez disputer comme ça !
-
Le problème, c’est
que tu ne penses pas au fait que ça me fait mal de te voir pleurer !
-
Ben oui mais j’le
fais pas exprès, de pleurer !
-
Non mais tu fais
exprès d’être désobéissante !
Louise
n’avait pas tort. Cependant, obéir n’est vraiment pas dans ma nature. Je suis une
révolutionnaire, moi ! Une résistante ! Enfin, une résistante de
pacotille qui passe son temps à prendre de sacrées fessées dans sa famille d’accueil
pendant qu’un gouvernement extrémiste décide de son avenir…
Après avoir bordé Louise, Tom et Dana vinrent me souhaiter
bonne nuit. Ils ne commentèrent pas les claques reçues et je les en remerciai
grandement. Ils se contentèrent d’être tendres et aimants, puis de me quitter pour ces quatre prochains jours.
Je m’endormis heureuse d’avoir revus mes premiers et
adorés parents adoptifs.
A suivre…
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