Lundi 23 septembre 2019.
Monsieur Éric vint nous réveiller Mathilde et moi. En
ouvrant les yeux, je fus étonnée de le voir :
-
Vous…vous êtes déjà rentré ?
-
Oui, répondit le Directeur. Il y a environ une
heure. J’ai voyagé de nuit.
-
Vous devez être complètement crevé !
m’exclamai-je. Comment allez-vous pouvoir assurer la journée ?
-
Je risque d’être de mauvais poil, effectivement,
dit Monsieur Éric. Il ne va pas falloir faire des tiennes aujourd’hui,
Clémence.
-
Moi ? dis-je en simulant l’étonnement. Non,
voyons ! Je serai sage comme une image !
-
Je te préviens Clémence, si je dois te donner
une fessée aujourd’hui, tu vas la sentir passer ! En mon absence, tu as
bâclé tes devoirs et fait renvoyer deux professeurs. Je dois bien avouer que
cela faisait plusieurs années que je n’avais pas eu une chipie dans ton
genre !
-
Vous avez déjà eu une fille comme moi ? me
renseignai-je avec une pointe de jalousie.
-
Une pensionnaire dans ton genre, oui, répondit
Monsieur Éric. Mais pas comme toi. Je peux t’assurer qu’il n’y a qu’une
seule Clémence ! Aussi espiègle que désobéissante, attachante et
agaçante !
-
Vous me trouvez attachante, Monsieur ?
-
Va t’habiller, le petit déjeuner est prêt, me
dit le Directeur en esquivant ma question.
-
Monsieur ! insistai-je en me levant et le
suivant. Vous me trouvez attachante ?
-
Ça suffit Clémence. Va te préparer.
Je n’eus pas ma réponse mais
comme on dit : « Qui ne dit mot, consent » ! Cela me
donna le sourire jusqu’à mon arrivée au réfectoire.
Durant le petit déjeuner, les discussions tournaient
encore et toujours autour des deux nouveaux profs. J’avais d’ailleurs hâte
qu’ils arrivent pour pouvoir enfin parler d’autre chose.
Malheureusement, il n’y eut pas de présentation
officielle comme cela avait été prévu. Nous n’eûmes pas de raison à cela, juste
une phrase de la part du Directeur : « Vous retrouverez vos nouveaux
professeurs directement en classe. ». Je me promis d’avoir le fin mot de l’histoire
auprès de Monsieur Éric pas plus tard que ce soir.
C’est avec une curiosité certaine que Mathilde et moi
nous rendîmes en salle de philo. Puisque la porte était ouverte, nous entrâmes
sans attendre le nouveau professeur et nous posâmes à nos places. Nos camarades
nous suivirent. Nous discutâmes entre nous jusqu’à ce que le nouveau venu apparaisse
dans l’encadrement de la porte.
Monsieur Yves devait mesurer un
mètre soixante-dix (ou peut-être soixante-quinze) et il avait vraiment l’allure
d’un prof de philo. Les cheveux poivre et sel, il était habillé de façon très
décontractée. Ses lunettes remontées au sommet de sa tête, il passerait facilement
pour un peintre ou un poète. Une vieille mallette en cuir marron à la main, il
s’avança, monta sur l’estrade et posa sa mallette sur son bureau. Il ôta ses lunettes
de sa tête pour les poser sur son nez puis dit :
-
Bonjour à toutes !
Nous l’avions toutes entendu
mais ne cessâmes pas nos bavardages. Avec un grand sourire, Monsieur Yves
reprit :
-
Bonjour à toutes !
Nous ne cessâmes toujours pas
nos bavardages. Sans se fâcher, Monsieur Yves reprit calmement :
-
Je ne
vais pas vous hurler dessus pour que vous m’écoutiez. Si vous décidez de ne pas
écouter, c’est votre problème, pas le mien. Néanmoins, je ne répéterai pas deux
fois les choses. Si vous décidez de ne pas écouter mais que vos notes se maintiennent
au-dessus de la moyenne, soit. Mais si vous décidez de ne pas écoutez et que vos
notes sont en-dessous de la moyenne, là, je ne serai pas content. Là, nous
entrerons en conflit.
Le brouhaha persistait.
Néanmoins, j’avais parfaitement entendu ce que Monsieur Yves nous avait dit.
-
Ensuite, je dois vous informer que celles qui empêcheront
celles qui veulent travailler de le faire seront immédiatement exclues de cours
et iront tout droit chez le Surveillant Général.
Le brouhaha se fit un peu plus
discret.
-
Nous avons cours ensemble le lundi, le mardi et
le vendredi. Vous aurez une interrogation de vingt minutes à la fin du cours le
vendredi, afin de savoir ce que vous avez retenu des cours de la semaine. Ces
interrogations seront notées, je vous conseille donc d’apprendre régulièrement
vos cours. Si vous êtes sérieuses mais que vos notes sont basses, vous irez au
cours de soutien scolaire. Si vous êtes sérieuses et que vos notes sont bonnes,
vous n’avez aucun souci à vous faire. Si vous n’êtes pas sérieuses mais que vos
notes sont bonnes, tant mieux pour vous. Mais si vous n’êtes pas sérieuses et
que vos notes ne sont pas bonnes, vous ferez un tour en travers de mes genoux,
histoire de vous rendre plus studieuses.
Le brouhaha avait désormais
disparu.
-
Je ne suis pas quelqu’un qui me fâche
facilement, poursuivit le philosophe. Je suis là pour vous transmettre mes
connaissances en philosophie. C’est le travail pour lequel j’ai été engagé. Je
ne suis pas ici pour passer mon temps à vous crier dessus et à vous brimer. Néanmoins,
puisque je vais faire mon job de prof, j’attends de vous que vous fassiez votre
job d’étudiantes. C’est donnant-donnant. De plus, s’il y a quelque chose que je
déteste, c’est le mensonge. N’essayez même pas de me mentir ou de m’escroquer :
ce sont deux choses qui me mettent en colère. Et puisque vous allez très vite
vous habituez au fait que je sois très calme, croyez-moi vous n’avez pas du
tout envie que je me fâche.
Moi qui ai d’habitude un vrai
don pour cerner une nouvelle personne dès les premières minutes, je n’arrivais
pas bien à cerner Monsieur Yves. Il avait l’air de faire partie du camp des
gentils mais il donnait aussi l’impression d’être plutôt strict. Bref, je
verrais bien ce que ça donnerait lorsque je le titillerais un peu.
-
Bien, est-ce que vous avez des questions ?
demanda le nouveau.
Personne ne répondit.
-
D’accord, dit Monsieur Yves. Dans ce cas,
reprenons là où vous en étiez restées avec Monsieur Nicolas.
A partir de ce moment-là, le
brouhaha reprit, sans que Monsieur Yves n’intervienne pour le faire taire.
Mathilde et moi reprîmes notre conversation avec nos voisines de derrière. Au
bout d’une quinzaine de minutes, Emma leva la main :
-
Oui, Mademoiselle Emma ? interrogea le
prof.
-
Je suis désolée Monsieur, mais avec tout ce
bruit je n’arrive pas à travailler.
-
Vous dîtes que les bavardages vous empêchent de
travailler, c’est bien ça ?
-
Oui Monsieur.
-
Est-ce qu’il y a d’autres élèves pour lesquelles
les bavardages empêchent le travail ? se renseigna Monsieur Yves.
Presque toutes les élèves du
dortoir n°3, bien plus studieuses que nous (dortoir n°2), levèrent la main. Le
prof, qui avait très bien repéré qui bavardait ou non, prit la feuille sur
laquelle il y a avait notre trombinoscope puis annonça :
-
Mesdemoiselles Lucille, Noémie, Eva, Jessica,
Emilie, Astrid, Mathilde, Lou, Naomy, Clémence, Camille et Yéline, vous êtes
exclues de mon cours. Comme annoncé tout à l’heure, les élèves qui perturbent celles
qui veulent travailler sont exclues. Prenez vos affaires et rendez-vous chez
Monsieur Matthieu.
Personne ne bougea. Nous étions
toutes bouches bées.
-
Dépêchez-vous, s’il vous plaît, dit calmement Monsieur
Yves. J’aimerais continuer mon cours.
-
Mais Monsieur…commença Lucille.
-
« Mais Monsieur », quoi ? interrogea
le prof de philo. Je vous ai énoncé les règles à mon arrivée. Vous étiez au
courant. Donc dehors.
-
Mais…
-
Il faut que je demande à Monsieur Matthieu de
venir vous chercher une par une ? menaça le nouveau venu d’une voix toujours
très calme. Ou peut-être dois-je vous y conduire moi-même avec des claques aux fesses ?
-
Non Monsieur, répondit Lucille.
-
Alors dehors.
Nous prîmes toutes les douze
nos affaires et sortîmes de classe. Nous sommes vingt-deux dans notre classe. Le
nouveau prof de philo venait de virer plus de la moitié de notre promo, sans
que cela lui pose le moindre problème et sans se fâcher une seule seconde.
-
Il va falloir qu’on demande le cours aux autres !
dit Eva une fois que nous fûmes toutes sorties. Vu qu’il y a interro vendredi, il ne faut pas qu’on se plante !
Il a dit qu’il nous en collerait une si on n’avait pas une bonne note !
-
Ce n’est pas notre problème le plus urgent,
continua Camille. Qu’est-ce qu’on fait ? On ne va quand même pas aller
chez Monsieur Matthieu, si ? Il va nous démonter…
-
On n’a pas trop le choix, continuai-je. Le prof a
déjà signalé sur sa tablette qu’il nous avait exclues de cours, je l’ai vu
faire avant que l’on sorte de la classe…
-
Qu’est-ce que vous faîtes là, à traîner dans les
couloirs ?! gronda Madame Jeanine qui vérifiait les locaux. Vous n’êtes pas censées être en cours ?!
-
On…on vient de se faire virer, avoua Astrid.
-
Alors pourquoi n’êtes-vous pas en route pour le
bureau de Monsieur Matthieu ?! gronda la référente du dortoir n°4.
-
On allait y aller, c’est bon ! répondit
insolemment Mathilde.
Je lui donnai un coup de coude
pour qu’elle se calme mais c’était trop tard : Madame Jeanine avait déjà
attrapé Mathilde par l’oreille et lui grondait :
-
Vous n’avez pas à me répondre sur ce ton ! Puisque
vous n’avez pas l’air décidé à être docile, je vais vous y emmener moi-même
chez le Surveillant Général ! Les autres, vous me suivez ! S’il y en
a une seule qui traîne le pas, j’ai une autre main de libre pour prendre une
oreille !
Je déteste cette surveillante
depuis le tout premier jour et cela n’est vraiment pas prêt de changer !
-
Entrez !
-
Monsieur Matthieu, dit Madame Jeanine en ouvrant
la porte du bureau. Je vous amène douze élèves de TL. Elles ont été exclues de
cours.
Assis dans son fauteuil, sans lever
une seule seconde les yeux de son écran d’ordinateur, Monsieur Matthieu dit :
-
J’ai reçu une notification d’exclusion à 9h21.
Il est 9h32. Vous avez mis onze minutes pour faire cent mètres ?!
-
Je les ai trouvées dans le couloir en train d’errer,
dénonça la surveillante. C’est pour cela que je vous les ai amenées.
-
Et pourquoi tenez-vous Mademoiselle Mathilde par
l’oreille ?
-
Parce qu’elle a été insolente envers moi !
dénonça Madame Jeanine.
-
Eh ben ! m’exclamai-je à l’attention de la
surveillante. Je n’aurais pas aimé être votre voisine juive en 1940 !
Monsieur Matthieu fit un
effort incroyable pour ne pas rire à la phrase que je venais de dire. Personne
ne le remarqua sauf moi. Je commençais à bien le connaître, je savais qu’il
avait voulu exploser de rire.
-
Clémence ! me gronda-t-il en reprenant son
sérieux.
Puis, il se leva et dit :
-
Madame Jeanine, je vous remercie de me les avoir
amenées. Vous pouvez disposer.
-
Bien Monsieur.
Elle lâcha Mathilde, qui se
frotta vigoureusement l’oreille, puis s’en alla.
-
En ligne, ordonna froidement le SG.
Nous nous exécutâmes pendant
que Monsieur Matthieu décrochait une épaisse règle en bois du mur. Il
appuya ses fesses contre son bureau, joua avec la règle dans ses mains et dit :
-
Une volontaire pour m’expliquer ce qui s’est
passé ? Mademoiselle Astrid, peut-être ?
-
Eh bien…hésita Astrid. Nous…nous bavardions…pendant…pendant
le cours et euh… Monsieur Yves nous a…eh bien…il nous a exclues car on
empêchait…les autres de travailler.
-
Douze élèves qui discutent pendant que les dix
autres travaillent, conclut Monsieur Matthieu. Il va vraiment falloir remettre
de l’ordre dans votre classe car ça ne va vraiment pas ! Pourquoi étiez-vous
en cours, Mesdemoiselles ?!
-
…
-
Répondez ! gronda le SG.
-
Pour…travailler, répondîmes quelques-unes d’entre
nous.
-
Exact ! Alors pourquoi bavardiez-vous ?!
-
Le prof ne nous avait pas dit de nous taire, dit
Emilie. Alors…
-
Ah, parce que vous avez besoin qu’un prof vous
dise de vous taire pour vous taire ?! Vous ne connaissez pas la notion de
respect ?! De savoir-vivre ?!
Plusieurs d’entre nous auraient
voulu protester, moi la première. Néanmoins, la règle que tenait Monsieur Matthieu
entre ses mains dissuadait toute envie de riposte.
-
Je suis en classe pour travailler, non pour bavarder.
Déclara Monsieur Matthieu. Répétez !
-
Je suis en classe pour travailler, non pour bavarder,
réitérâmes-nous en chœur.
-
C’est enregistré ?! se renseigna le Surveillant
Général.
-
Oui Monsieur, répondîmes-nous.
-
Je l’espère, car c’est la phrase que vous allez
devoir dire après chaque coup de règle.
Un vent de panique souffla sur
nous. Pendant un cours instant, j’avais cru que nous échapperions à la fessée
au profit de lignes à écrire. Que j’avais été sotte de croire à cela !
Monsieur Matthieu ne laisserait jamais passer une exclusion de cours sans une
bonne fessée.
-
Mademoiselle Astrid, venez ici ! ordonna
Monsieur Matthieu en dégageant son bureau.
Comme souvent lorsqu’il y a
plus de trois élèves à punir, Monsieur Matthieu procède par ordre alphabétique.
Ô ciel, pourquoi ne m’appelle-je pas Ursula ou Zoé ?
Astrid s’avança à petits pas
jusqu’à Monsieur Matthieu. Il lui ordonna de se pencher sur le grand bureau du
SG. Il remonta sa jupe, et alors qu’il baissait sa culotte, Astrid lutta.
-
Soit vous me laissez faire, soit j’attache non
seulement vos mains mais aussi celles de vos camarades ensuite.
Astrid ne put se résigner à
interrompre le combat et je ne lui en voulus pas. J’aurais certainement fait la
même chose à sa place. Monsieur Matthieu sortit alors une paire de menottes de
son tiroir et menotta les mains d’Astrid dans son dos. La chaîne des menottes
était tellement courte que les poignets de ma copine n’avaient aucune
indépendance. Monsieur Matthieu baissa ensuite la culotte d’Astrid, posa sa
main gauche sur les lombaires de ma camarade et lui dit :
-
Vous allez prendre dix coups, Astrid. Vous
comptez, et ensuite vous dîtes la phrase.
Le premier coup tomba et Astrid
poussa un cri de douleur avant de prier :
-
Aïe ! Pitié Monsieur ! Ça fait
trop mal ! Pitié, Monsieur ! Pitié, je vous en conjure ! Je ferai
tout ce que vous voudrez !
-
Ce que je veux, c’est que vous cessiez d'être exclue de cours, Astrid ! gronda Monsieur Matthieu, impassible. J’attends
quelque chose après ce coup de règle !
-
Pitié…pleurait Astrid.
-
Je dois recommencer à zéro ?! demanda le
SG.
-
Un, plia Astrid. Je suis en classe pour
travailler, non pour bavarder.
Le deuxième coup tomba, les
larmes d’Astrid furent déjà bien réelles.
-
Deux, compta-t-elle. Je suis en classe pour travailler,
non pour bavarder.
Le troisième coup arriva dans
la foulée, Astrid n’en pouvait déjà plus.
-
Trois, dit-elle en pleurs. Je suis en classe
pour travailler, non pour bavarder.
Les sept autres coups se succédèrent.
Les fesses d’Astrid étaient écarlates à l’endroit où la règle était tombée.
Après le dernier coup, Monsieur Matthieu posa la règle sur le bureau et infligea
une très forte fessée manuelle à Astrid. Elle fut courte (peut-être une
cinquantaine de claques, j’avoue que je n’ai pas bien compté) mais rude. Je n’avais
pas du tout envie de la recevoir…
Monsieur Matthieu enleva les
menottes à Astrid, capta son regard et lui dit :
-
Vous n’avez plus intérêt à écoper d’une
exclusion de cours. C’est bien clair ?!
-
Oui Monsieur, répondit Astrid malgré ses gros
sanglots.
-
Allez vous mettre face au mur, mains derrière le
dos.
Astrid s’exécuta automatiquement.
Il n’y avait plus une seule source de rébellion en elle, ce que je comprenais
très bien !
Camille
vécut le même calvaire qu’Astrid, puis fut également envoyée face au mur. La température
corporelle montant en raison de son effort physique, Monsieur Matthieu enleva
sa cravate, déboutonna le premier bouton de sa chemise et retroussa ses manches. Il était vraiment beau comme un Dieu. J'aurais rêvé qu'il ouvre encore plus sa chemise. Puis il appela :
-
Clémence. Venez ici.
Tel un robot, je m’avançai jusqu’au
bureau laissant mon émoi derrière moi. Je savais que j’avais fait une bêtise mais celle-ci serait
particulièrement dure à assumer. Vu les trempes qu’avaient prise mes deux
premières camarades, je m’attendais à une fessée qui me laisserait des
stigmates pour le reste de la semaine.
Avant que je me penche sur le
bureau, Monsieur Matthieu et moi échangeâmes un regard intense qui voulait tout
dire : il était en colère contre moi de le forcer à m’infliger une telle
punition. Quant à moi, j’attendais juste un signe qui me donnerait sa grâce.
Mais il n’y eut aucune grâce. Je fus penchée sur le bureau, les mains menottées
dans le dos, la jupe retroussée, la culotte baissée, et le premier coup s’abattit.
Bordel ! Qu’est-ce que ça
fait mal ! Je serrai tant que possible les dents puis dis :
-
Un. Je suis en classe pour travailler, non pour
bavarder.
Le deuxième coup. Je commençais
déjà à transpirer de douleur. Il me faudrait réunir tous mes efforts pour
arriver à dix.
-
Deux. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! Le suivant. Sur le
coup, je décollai par réflexe un pied du sol.
-
Trois. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! Je plie entièrement
le genou gauche pour tenter d’atteindre une de mes fesses avec mon pied, sans succès. Je
reposai mon pied au sol. Les larmes sont encore loin, pourtant la douleur est
bien là.
-
Quatre. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! Ça commence vraiment
à faire très mal.
-
Cinq. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! La moitié, Clémence.
Tu as déjà fait plus de la moitié. Tiens bon.
-
Six. Je suis en classe pour travailler, non pour
bavarder.
Bim ! Tu n’en as plus
pour longtemps. Serre les fesses.
-
Sept. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! La boule se forme
dans ma gorge. Les larmes se rapprochent.
-
Huit. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! J’expire pour supporter
la douleur. C’était l’avant-dernier.
-
Neuf. Je suis en classe pour travailler, non
pour bavarder.
Bim ! La délivrance. Fini
la règle !
-
Dix. Je suis en classe pour travailler, non pour
bavarder.
J’entendis mon aimé poser sa
règle et je serrai immédiatement les fesses. Je ne connais que trop bien la très
redoutable main de Monsieur Matthieu. Elle fait passer à quiconque l’envie d’être
récalcitrant. Le Surveillant Général a, comme Monsieur Éric et Monsieur Interminable,
la capacité à donner de très bonnes fessées manuelles, « à l’ancienne »
comme dirait ma fratrie. Les plus redoutables.
Dès la première claque, je regrettai instantanément
la règle.
Cette fessée manuelle fut
tellement affreuse qu’elle me fit couler les larmes (alors que je devenais tout
de même de plus en plus résistante !). Elle fut courte mais vraiment
sévère.
En rejoignant Astrid et Camille
au mur, j’étais soulagée d’être passée. Mes fesses me brûlaient bien comme il
faut, comme après une punition salée. Néanmoins j’étais passée. Le prénom « Clémence »
n’était pas si mal, après tout.
Entendre les prières, pleurs et supplications de mes
camarades fut tout aussi douloureux que la fessée en elle-même. Emilie, Eva, Jessica,
Lou et Lucille passèrent avant que Monsieur Matthieu ne fasse une petite pause
et en profite pour boire un coup grâce à la fontaine présente dans son bureau. Puis,
il reprit avec Mathilde (qui me fit encore plus mal que les autres,
naturellement !), Naomy, Noémie et enfin Yéline. Lorsque nous fûmes toutes
passées, le Surveillant Général passa à l’humiliation :
-
Cela vous plaît de m’exposer vos fesses rougies ?!
-
Non Monsieur, répondîmes-nous, honteuses.
-
Peut-être devrais-je vous emmener voir vos
camarades ! Ainsi, elles sauront ce qui arrive lorsqu’elles sont exclues
de cours !
Nous gardâmes le silence en priant
pour qu’il n’en fasse rien.
-
Je ne veux plus vous voir pour ce motif ! C’est
bien clair ?!
-
Oui Monsieur, dîmes-nous.
-
J’espère, reprit le SG. Si vous venez à être de
nouveau exclues de cours, ce que vous avez reçu aujourd’hui ne sera qu’une promenade
de santé. Rhabillez-vous.
Nous nous exécutâmes.
-
Puisque vous connaissez déjà toutes la phrase,
allez me faire des lignes, ordonna Monsieur Matthieu. Jusqu’à 10h30. J’en veux
minimum cinquante !
Alors que nous quittions le
bureau pour aller en salle des lignes, Monsieur Matthieu me reprit :
-
J’en veux minimum cinquante, Clémence ! Ne
m’obligez pas à vous passer sous ma main une seconde fois !
J’hochai la tête et suivis mes
copines.
Je me pliai à faire des lignes comme tout le monde. Hors
de question de me refaire punir.
10h30, l’heure
de la délivrance. J’ai mal au poignet à force d’écrire et malheureusement, nous
n’en sommes qu’au tout début de la journée. Calmées par Monsieur Yves, nous
espérions que Monsieur Raphaël serait plus gentil.
En entrant
dans la salle de classe, le professeur de français était déjà là et le silence
régnait.
-
Allez-vous asseoir à vos places, mesdemoiselles,
ordonna Monsieur Raphaël.
Il me semblait être le sosie du
« Professeur » dans la série La Casa de Papel. Grand, brun à
lunettes, mince, habillé d’un beau costard-cravate.
Nous allâmes nous asseoir et
il demanda :
-
Pourquoi êtes-vous en retard ?
Nous nous regardâmes,
interloquées.
-
Il est 10h37. Dix de vos camarades étaient à l’heure.
Pourquoi êtes-vous en retard ?
-
Nous avons été punies par Monsieur Matthieu, avoua
Eva en prenant la parole pour nous toutes.
-
Eh bien on peut dire que la semaine commence bien
pour vous ! dit-il.
Ouh celui-là, je ne le sentais
pas du tout !
-
Bien, puisque tout le monde est installé, je
vais me présenter : je suis Monsieur Raphaël, votre nouveau professeur de littérature.
Dans ma classe, il n’y a que du sérieux et de la rigueur. Si vous êtes
dissipées, je vous en ferai passer l’envie. Si vous ne travaillez pas, je vous
en ferai également passer l’envie. Croyez-moi mesdemoiselles, vous n’avez
absolument pas envie de recevoir une fessée de ma part donc si j’ai un conseil
à vous donner, c’est de devenir – si vous ne l’êtes pas déjà – de vraies élèves
modèles.
Le silence régnait dans la
classe. Pour ma part, j’étais en train de me dire que j’allais prendre un malin
plaisir à rendre la vie de Monsieur Raphaël insupportable. Il venait de me
donner un regain d’espièglerie.
-
Je ne suis ni un monstre, ni un tyran, reprit
Monsieur Raphaël. Je suis juste un professeur qui souhaite que ses élèves
réussissent. C’est mon travail. Votre travail, c’est d’avoir votre baccalauréat.
Je ne m’énerve que rarement ; en revanche si vous transgressez les règles
que j’ai imposées dans cette classe, vous aurez immédiatement une sanction. Ce
ne sera pas forcément une fessée – je réserve cette dernière pour les très
grosses bêtises – néanmoins elle vous sera tout de même fort désagréable. C’est,
après tout, le but d’une sanction. De plus, puisque Monsieur Jean était votre
professeur principal, je récupère ce rôle. Je surveillerai très étroitement les
résultats de chacune d’entre vous. Vous avez plutôt intérêt à fournir un
travail satisfaisant. Je vais à présent vous distribuer le règlement en vigueur
dans ma classe. Il a déjà été envoyé par mail à vos familles. Merci d’en
prendre connaissance et de me poser des questions en cas d’incompréhension.
Les règles instaurées par
Monsieur Raphaël ne différaient pas beaucoup de celles instaurées dans toutes les
autres classes : pas de bavardages, pas d’insolence, lever la main pour
parler, etc. Les règles lambdas.
Puisque personne n’avait de
questions, le professeur enchaîna avec son cours et demanda à mes camarades quelle
œuvre de Victor Hugo elles avaient chacune choisi pour leurs travaux.
Alors que Mathilde et moi échangions des petits mots sur
une feuille posée à cheval sur nos deux tables (puisque nous étions dans l’impossibilité
de bavarder !), nous fûmes démasquées par Léa, une de mes quatre ennemies.
Celle qui nous balance toujours d’ailleurs !
-
Tu ne peux pas t’occuper de ton cul, toi ?!
lui lança Mathilde, haineuse.
-
Silence, dit calmement Monsieur Raphaël.
Mademoiselle Clémence, Mademoiselle Mathilde, venez ici.
Nous nous levâmes et nous
rendîmes devant l’estrade.
-
Tendez l’une de vos mains, ordonna le professeur
en s’emparant d’une règle en bois.
Je choisis la main droite,
étant gauchère et souhaitant conserver ma capacité à écrire. Mathilde et moi
prîmes chacune cinq coups de règles sur la paume de la main ce qui fut assez
douloureux. J’avais l’impression d’être revenue en 1930, bien que cette impression
se soit logée chez moi depuis le jour de la rentrée.
Après ce recadrage, le professeur
s’empara de la feuille sur laquelle nous communiquions Mathilde et moi et la
déchira devant nos yeux. Puis, il nous dit fermement :
-
J’espère que le fait d’avoir été punies par
Monsieur Matthieu et d’avoir reçu ces quelques coups de règle de ma part vous ont
dissuadé d’être dissipées, Mesdemoiselles ! Je n’aimerais pas avoir
recours à une sanction plus sévère. Tâchez de vous tenir correctement et d’écouter
le cours.
Pour me rassurer, il n’y eut
pas que Mathilde et moi qui prîmes des coups de règles sur la main au cours des
deux heures de cours : Charline en prit également cinq pour avoir dessiné,
Laëtitia et Hélène pour avoir bavardé. Monsieur Raphaël avait l’œil à tout et
même s’il semblait vouloir sincèrement nous faire réussir, il passait pour le
moment pour un bourreau sans faille. Mais nous n’en étions qu’au premier cours.
Au déjeuner, le bilan des deux professeurs se fit
très vite : à cause d’eux, plus de la moitié de notre classe avait mal aux
fesses et/ou à la main. Ils n’avaient pas l’air très commodes.
En les voyant prendre leur repas
avec les autres professeurs sur l’estrade du Pensionnat, ils avaient déjà l’air
parfaitement à l’aise avec le reste de l’équipe éducative. Pas étonnant. A part
Madame Kelly, aucun prof n’est sympa dans cette école.
Les deux heures de piano me firent beaucoup de bien
après la matinée vécue ce matin. Monsieur Alexandre me fait toujours jouer à l’aveugle
mais j’y prends de plus en plus de plaisir.
Les deux heures d’histoire-géo furent très
intéressantes. Malgré le fait que Madame Constance soit horriblement sévère, je
fus passionnée par le thème du jour : les régimes totalitaires. Néanmoins la
séance fut interrompue inopinément par une réponse de Salomé. Lorsque la prof
demanda : « Qui peut me dire quels sont les régimes totalitaires à la
veille de la Seconde Guerre Mondiale ? », Salomé rétorqua : « Le
régime de Madame Constance ! ». Elle prit aussitôt une gifle de la
part de la professeure d’histoire-géographie et fut envoyée chez Monsieur Matthieu
illico presto. Même si j’avais pensé exactement la même chose qu’elle, j’étais
bien contente de ne pas avoir parlé tout haut !
Mes devoirs terminés, je rejoignis mes copines pour
me détendre un peu. Mathilde étant en soutien scolaire, elle n’était pas collée
à moi. D’un côté, cela me fit bizarre de ne pas l’avoir avec moi ; d’un
autre côté, j’avais l’impression de pouvoir respirer un peu. Ce n’est
absolument pas contre elle mais parfois elle a tendance à m’étouffer un peu. Le
fait de passer du temps avec d’autres amies m’aidait. Peut-être que le Seigneur
avait fait en sorte de mettre Mathilde au soutien scolaire afin que je me ressource
un peu, qui sait ?
La soirée se déroula merveilleusement bien. Même si
je n’eus pas le fin mot de l’histoire auprès de Monsieur Éric pour savoir pourquoi
la présentation officielle avait été annulée, je partageai néanmoins un bon
moment de complicité avec le Directeur pendant que Mathilde terminait ses
devoirs. Je l’aimais de plus en plus, le dirlo. Il ressemblait vraiment à un
père de substitution pour moi. En tout cas, si j’avais eu un père, j’aurais
aimé qu’il lui ressemble.
Après ma prière du soir, je m’endormis en un rien de
temps !
A suivre…
Clémence est mon héroïne préférée et ses aventures sont très agréables à lire. Merci de nous les partager et j'espère en lire encore bien d'autres ��
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