Mercredi 30 octobre 2019
Je me réveillai avec la folle envie de rentrer chez
moi. Je me consolai en me disant que dans quarante-huit heures, les vacances
avec Tom & Dana seraient terminées. Jamais je n’aurais pensé subir ces
vacances. J’étais persuadée pouvoir en profiter du début à la fin ; mais
ma colère envers mes anciens parents d’accueil en avait décidé autrement.
Lorsque je descendis pour le petit déjeuner, Tom et
Dana étaient tout mielleux avec moi, ce qui ne leur ressemble absolument pas.
-
Ça va, Manou ? me demanda l’ingénieur.
-
Ça va, répondis-je sèchement.
-
Tu as bien dormi ?
-
Oui.
-
Tu veux quoi pour ton petit déjeuner ?
-
Je vais me servir.
Je faisais exprès d’être
distante pour leur faire comprendre que j’étais toujours en colère. Néanmoins,
j’essayais de ne pas être trop sèche non plus car ils me faisaient tout de même
de la peine. Et puis… Je n’avais pas envie qu’ils prennent mon boudin pour de
l’insolence et qu’ils me punissent pour cela !
J’étais affalée sur une chaise longue au bord de la
piscine en train de lire le dernier Musso quand mon téléphone sonna. L’écran
afficha : « Maman Scarlett ». Je décrochai :
-
Coucou maman !
-
Salut Marie chérie ! Comment vas-tu
aujourd’hui ?
-
Bof, le moral n’est pas au beau fixe.
-
Oh, ma puce… Tu es toujours contrariée à propos
d’hier ?
-
Oui.
-
Tu veux qu’on te rapatrie à Londres ?
-
Non, ça ne sert à rien. Il ne reste que deux
jours… Et puis, c’est à la maison que j’ai envie de rentrer.
Je n’en revenais pas. Je
n’avais vécu qu’une semaine complète chez Michael et Scarlett (contre six chez
Tom et Dana !) et pourtant je me sentais déjà pleinement Webber. Je
n’arrivais pas à déterminer ce que Michael et Scarlett ont fait de mieux que
Tom et Dana. Est-ce dû à leur jeunesse ? Au fait qu’ils ne m’ont jamais abandonnée ?
Je n’en savais absolument rien ; la seule chose dont j’étais certaine
était que les Webber étaient mes parents et que je les aimais profondément.
-
Tu es sûre, ma puce ? insista Scarlett. Tu
n’as qu’un mot à dire et ce soir tu es avec nous…
-
Non, ça va aller, maman. Et puis, je ne veux pas
leur faire de mal en écourtant les vacances.
-
D’accord mon p’tit cœur. Appelle si tu as
besoin.
-
Promis, dis-je. Au fait, vous avez réfléchi pour
Anaïs ?
-
Oui, Marie chérie, nous avons réfléchi.
-
Et ?
-
Et ce serait une charge trop grande pour nous que
de prendre un cinquième enfant. Je suis désolée, Marie.
-
Je comprends, répondis-je, néanmoins déçue.
-
Cependant, nous avons cherché dans nos relations
et il y a un couple d’amis qui veut bien se constituer famille d’accueil et
l’accueillir, m’expliqua ma mère d’accueil. Il suffit qu’Anaïs fasse une
demande pour motif impérieux. Nous appuierons sa demande s’il le faut. Mais
attention, il faut qu’Anaïs soit bien sûre de son choix !
-
Elle l’est ! affirmai-je.
-
Parce qu’on ne peut changer qu’une seule fois de
famille d’accueil normalement ! Même s’il y a urgence ! Donc pour que
nous appuyions sa demande, il va lui falloir un dossier en béton ! Et il
faut qu’elle soit certaine de vouloir changer car on sait ce qu’on perd mais on
ne sait jamais ce qu’on gagne ! Si sa nouvelle famille ne lui plaît pas,
elle devra s’en accommoder ou partir à l’armée !
-
Je vais lui dire, maman. Merci.
-
De rien, ma puce. Aller, je te laisse. Prends
bien tes médicaments et sois sage !
-
Oui, bisous, je t’aime !
-
Je t’aime aussi Marie chérie !
Je raccrochai, posai mon livre
et courus prendre mes médicaments. Si Scarlett ne me l’avait pas rappelé, je
les aurais complètement oubliés.
Tom me surprit en train de les prendre :
-
Tu as mal au poignet ? C’est pour cela que
tu prends des anti-douleurs ?
-
Non, j’ai oublié de prendre ceux de ce matin,
avouai-je non sans appréhension.
A ma grande surprise, Tom ne
releva pas. Il me demanda :
-
Tu as quelques minutes pour qu’on parle, tous
les deux ?
-
Oui, je suis en vacances alors…
-
Oui, c’est sûr, admit Tom avec un sourire gêné.
Ecoute, Manou… Je sais que tu es en colère contre moi et que tu es persuadée
qu’on a voulu vous abandonner…
-
C’est exact, le coupai-je froidement.
-
Mais ce n’est pas le cas…
-
Tu as fait un choix entre ton travail et ta
famille.
-
Oui mais…
-
Tu dois assumer ce choix. Durant les six
semaines où j’ai habité chez vous, tu n’arrêtais pas de me dire qu’il fallait
que j’assume mes choix : si j’avais fait une bêtise, il fallait que
j’assume d’être punie. Eh bien, c’est pareil pour toi. Tu as choisi d’accepter
un poste à Paris et de déménager pour ce poste, assume.
-
Je pensais sincèrement que tu nous suivrais,
avoua mon ex-père.
-
J’ai des parents biologiques, un petit frère et
un petit copain que je ne vois déjà que deux jours par semaine. Tu crois
vraiment que j’aurais accepté de m’éloigner d’eux ?
-
Paris n’est qu’à 1h30 de train et je pensais que
tu accepterais de faire le trajet tous les jours, m’expliqua Tom.
-
Perdu, annonçai-je.
-
Manou…
-
Pap…Euh, Tom, s’il te plaît. Tu n’es plus mon
père parce que tu as fait ce choix. Ce n’est pas mon choix, c’est le tien. Ce n’est
ni en tentant de te justifier, ni en flanquant des fessées monumentales à mam…Dana,
que ça s’arrangera. Laisse-moi le temps de digérer cela, s’il te plaît. En
attendant, je préfère rentrer à Londres avec mes parents.
Tom eut les larmes aux yeux,
ce qui me fendit le cœur. Cependant, cette discussion venait de me faire
changer d’avis. Je sortis de la cuisine et envoyai un message à Michael : « Papa,
je veux venir à Londres avec vous, finalement. »
Le début d’après-midi fut donc consacré à me conduire
à l’aéroport de Clermont-Ferrand. Mon vol à destination de Londres était à 13h.
Se dire au revoir fut très compliqué. En fait, ce fut surtout avec Anaïs que
ce fut compliqué. Nous pleurâmes dans les bras l’une de l’autre, déçues de ne
pas finir les vacances ensemble. Cependant, l’air était devenu irrespirable
pour moi. Je ne pouvais plus rester dans cette maison de vacances.
Je dis au revoir à Tess, Lina
et Noémie avec une bise cordiale, puis je fis un petit câlin à Jeanne. Tom et
Dana, effondrés tous les deux, me prirent chacun à leur tour dans leurs bras en
me disant qu’ils m’aimeraient toujours et qu’ils seraient toujours là pour moi
quoiqu’il arrive. Je les remerciai puis attrapai ma valise et me dirigeai vers l’enregistrement
des bagages.
Je mis quatre heures trente pour arriver à Londres,
avec une escale à Paris. Je n’avais jamais pris l’avion seule mais
heureusement, le personnel m’avait bien renseignée.
En débarquant de l’avion, j’aperçus mes parents et
mes sœurs. Je sautai dans les bras de Michael, le seul pouvant me rattraper au
vol sans tomber sous mon poids. Il me serra fort dans ses bras, tellement fort
que je crus que j’allais exploser sous la pression.
-
Coucou ma princesse, me dit-il en m’embrassant
sur la joue. Ça a été le voyage ?
J’acquiesçai. Michael me lâcha
et je me jetai dans les bras de ma mère. J’avais pleuré tout le long du trajet
et je pleurais encore. J’avais beaucoup d’émotions en moi : la colère, la
tristesse, la joie… L’hypersensible que je suis n’arrivait pas à faire le tri
dans tout ça.
Après avoir fait un gros câlin
à Elsa puis à Victoire (bizarrement, je n’avais plus aucune rancune quant à mon
plâtre !), mes parents me déchargèrent de mes bagages. Je leur réclamai un
anti-douleur (que ma mère me donna après l’avoir sorti de mon sac) et nous prîmes
un taxi pour rentrer à l’hôtel déposer mes bagages.
-
Tu vas voir, notre suite à l’hôtel est
démentielle ! me disait Victoire durant le trajet.
-
C’est un appartement dans une suite, en fait !
continuait Elsa.
-
Je voudrais bien te montrer des photos mais je
préfère que tu aies la surprise ! enchaîna Victoire.
Mes sœurs étaient toutes excitées.
J’essayais de sourire mais le trop plein émotionnel que j’avais était encore bien
présent et me prenait toute mon énergie. Il allait falloir que je vide mon sac.
Arrivés à l’hôtel, je découvris notre suite dans le
somptueux palace londonien. Je dis à mes parents :
-
Vous devez payer au moins…5.000€ la nuit !
-
Ne t’occupe pas de ça, Marie chérie, me dit ma
mère. Les enfants ne doivent pas se préoccuper de ce genre de choses.
Oui, facile à dire lorsque l’enfant
présumé est une jeune fille de dix-huit ans ayant parfaitement conscience de la
valeur de l’argent !
Lorsque je fus parfaitement installée, mes parents m’emmenèrent
à l’espace spa pour que je décompresse un peu. Pendant qu’Elsa et Victoire faisaient
des longueurs dans la piscine, mes parents et moi discutions dans le jacuzzi. Avec
un sac plastique protégeant mon plâtre, je n’étais pas vraiment à l’aise. De
plus, heureusement que mon maillot de bain était une robe de bain camouflant
les stigmates de la fessée donnée par Dana hier matin.
Cependant, être dans le jacuzzi
nous permettait d’être au calme, juste tous les trois. Mon père commença :
-
Aller ma princesse, parle-nous. On voit bien que
tu es ailleurs. On ne se connaît pas depuis longtemps mais c’est la première
fois qu’on te voit comme ça et on s’inquiète.
-
Je m’en veux d’avoir fait de la peine à Tom et
Dana, dis-je. Ils étaient tellement, tellement tristes de me voir partir !
Et en même temps, je suis tellement, tellement en colère contre eux ! Je…
Je ne sais plus quoi faire !
-
Est-ce qu’ils t’ont dit quelque chose sur le
fait que tu veuilles nous rejoindre à Londres ? me demanda Scarlett.
-
Seulement qu’ils comprenaient, même si cela leur
faisait du mal, répondis-je. Dana a dit que c’était vous mes parents maintenant
et que c’était normal que je veuille passer du temps avec vous.
-
Qu’en penses-tu, toi ? se renseigna
Michael.
-
C’est vrai, admis-je. Vous êtes mes parents maintenant.
J’ai voulu garder un lien avec Tom et Dana, et ça n’a fait que ressortir la
colère que j’ai envers eux. C’est comme si les six semaines durant lesquelles
ils ont été mes parents avaient été effacées.
-
Si elles avaient été effacées, tu crois vraiment
que tu serais dans cet état-là ? m’interrogea Scarlett.
-
Non, c’est sûr… réfléchis-je à haute voix.
-
Elles te semblent peut-être lointaines mais je
peux te dire qu’elles ne sont pas absentes, me dit ma mère.
-
Tu as sûrement raison, maman. En tout cas, pour
le moment, je n’ai plus envie de les voir. Je ne veux plus voir Tom et Dana. Je
ne veux plus qu’ils viennent manger à la maison. Cela me perturbe trop de
mélanger ces deux vies…
-
Comme tu veux ma puce, dit Michael. Il faut juste
laisser passer ta colère. Nous te redemanderons régulièrement si tu souhaites
les revoir, pour nous assurer que tu n’as pas changé d’avis. D’accord ?
-
D’accord.
-
Aller, allons dîner.
Mes parents m’aidèrent à sortir
du jacuzzi sans mouiller mon plâtre, puis nous appelâmes mes sœurs et
regagnâmes la suite d’hôtel. Cela ne m’embêtait pas de quitter mon maillot de
bain pour une tenue plus couvrante : les corps parfaits de mes parents
complexeraient n’importe qui. Ken et Barbie dans toute leur splendeur.
Une fois rhabillés, nous allâmes dîner dans un
restaurant chinois huppé avec vue sur la Tamise.
Nous rentrâmes à l’hôtel, repus. Alors que mes parents
me demandaient ce que je voulais faire demain, Elsa protesta :
-
Pourquoi c’est elle qui décide de ce qu’on fera
demain ?!
-
Parce que tu as décidé de ce qu’on a fait hier
et Victoire a décidé de ce qu’on a fait aujourd’hui, dit Michael. C’est au tour
de Marie.
-
Mais c’est injuste parce qu’on a dû aller chercher
Marie à l’aéroport aujourd’hui, justement ! continua Elsa. On n’a pas eu une
journée complète !
-
Nous avons quand même fait ce que Victoire souhaitait !
expliqua Scarlett. Nous sommes allés à Buckingham Palace puis nous avons marché
au bord de la Tamise…
-
Bah moi, j’trouve ça abusé. De base, elle ne
devait même pas être là !
Cette phrase d’Elsa me planta
un couteau en plein cœur.
-
Redis ça, pour voir ?! la gronda papa. Redis
ça, pour que j’ai une raison de te flanquer une fessée !
Evidemment, Elsa garda bouche
close.
-
Excuse-toi immédiatement ! gronda Scarlett.
-
Pourquoi faire ? demanda Elsa.
-
Une fois ! continua ma mère.
-
…
-
Deux fois ! insista l’esthéticienne.
-
…
-
Trois fois ! conclut Scarlett en fonçant
sur sa fille.
-
Pardon Marie ! proféra Elsa en voyant
Scarlett lui foncer dessus. Je suis désolée !
Alors qu’Elsa était assise sur
l’immense canapé en U, Scarlett la pencha sur le côté et lui bloqua les mains
dans le dos puisqu’elle se défendait.
-
Maman, non ! priait Elsa. J’me suis excusée !
-
Certes mais j’ai beaucoup trop attendu ! Ce
n’est pas normal !
Ma sœur se prit une vingtaine
de claques sur la culotte. Je peux vous dire qu’elles n’étaient pas petites,
ces claques ! Comme toujours avec Michael et Scarlett, d’ailleurs !
-
Maintenant, tu te lèves et tu vas te tenir
devant ta sœur pour t’excuser ! Dépêche-toi !
Alors qu’Elsa remontait son
pantalon, notre mère la reprit :
-
Non ! Tu le laisses à tes chevilles !
Tu te rhabilleras si tes excuses me conviennent ! Sinon, ta culotte le
rejoindra !
Elsa se planta devant moi (après
le coup de couteau en plein cœur que j’avais reçu, je dois dire que je jubilais
pas mal !) et me fit des excuses royales :
-
Je te prie de bien vouloir m’excuser pour mon comportement.
J’ai été méchante et je ne recommencerais plus.
-
« Sinon je prendrai une déculottée » !
ajouta Scarlett.
-
…Sinon, je prendrai une déculottée, répéta Elsa
malgré le fait que ça lui écorche la bouche.
-
Rhabille-toi ! lui ordonna notre mère.
La soirée
jeux de société détendit l’ambiance. Je développai même un début de complicité
avec Victoire. J’avais néanmoins hâte de retrouver Louise, ma binôme, ma sœur,
mon alter ego. Elle me manquait beaucoup trop.
Au moment
de me coucher, mes parents vinrent me border. Je pris mon courage à deux mains
et osai demander :
-
Est-ce que je suis toujours punie la semaine
prochaine ?
Mes parents se regardèrent et
activèrent leur mystérieuse télépathie dont eux seuls ont le secret. Puis
Michael répondit :
-
On va en discuter, ta mère et moi. D’habitude,
nous ne revenons jamais sur une punition mais là, les circonstances sont anormales.
Donc on va en discuter.
-
D’accord, dis-je, me satisfaisant de cette
réponse.
Mes parents m’embrassèrent et
je m’endormis avec le cœur lourd en pensant à Tom et Dana.
A suivre…
J'ai un peu pitié pour Tom et Dana...
RépondreSupprimerSinon j'adore cette histoire !