Samedi 10
septembre 2022
Ce matin, au petit déjeuner
l’ambiance était plutôt tendue. Alana nous faisait la tête, et moi j'étais
encore fâché contre elle malgré la sévère punition que je lui avais
donnée hier. Je n'étais pas totalement sûr qu'elle ait retenu la leçon. Le
temps nous dira si j'avais tort ou raison…
Alors
que nous étions tous réunis, ma mère prit la parole :
-
Les enfants, je profite que la famille soit au complet
car j’ai quelque chose de très important à vous dire. Il y a quelques mois,
j'ai rencontré quelqu'un. Je suis immédiatement tombée amoureuse de cette
personne. Depuis la mort de votre père, je n'ai jamais refait ma vie. Je pense que maintenant que vous êtes tous grands, j'ai le droit de penser à moi.
Sur
le coup, même si cela me fit un choc, je pris cette nouvelle pour quelque chose
de positif : depuis le temps que je voulais que ma mère se remette avec
quelqu'un, c'était désormais chose faite. Mes frères et sœurs avaient l'air
plutôt contents eux aussi, mise à part Alana, la petite dernière, très
possessive avec notre mère. Maman reprit la parole :
-
J'aimerais vous faire rencontrer cette personne…
-
Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ? demanda
Justin.
-
Elle est oncologue, répondit ma mère avec une
pointe d’appréhension dans la voix. Elle est également professeure de médecine à
la fac.
-
Elle ?! s’exclama Léana. C’est une femme ?!
-
Oui, répondit ma mère. Pascale est la femme que
j’aime.
Un
silence de mort s’installa. Je ne m’attendais pas du tout à cette révélation ! Je
n'envisageais pas du tout qu’un jour ma mère tombe amoureuse d’une femme. Néanmoins,
ce qui comptait à mes yeux, c'était qu'elle soit heureuse. Que ce soit avec un
homme ou avec une femme m’importait peu.
-
Je ne veux pas être la fille d'une homo !! s'écria
Alana. Il est hors de question que tu te mettes avec une femme !!
-
Je ne t'ai sûrement pas demandé ton avis !
rétorqua maman.
-
Faut te faire soigner !! insista la
petite dernière.
-
Toi, tu n’as pas eu assez mal aux fesses hier
soir pour parler comme ça à notre mère !! la gronda Baudouin. Maman fait
ses propres choix et tu n’as pas à les juger !! Elle t’a donnée la
vie, elle t’a élevée, elle a tout fait pour toi !! Alors maintenant, elle
a le droit d’être heureuse, que ce soit avec un homme ou avec une femme, et que tu
l’acceptes ou non !! Ce sera comme ça et pas autrement !!
Alana
sortit de table en furie et Albane, la femme de Justin, courut après elle pour tenter
de la raisonner.
Lorsque je me retrouvai seul avec Marine, celle-ci me
demanda :
-
Ça va mon chéri ? Comment prends-tu cette
nouvelle ?
-
Si ma mère est heureuse, alors je suis heureux
moi aussi. Ça va forcément me faire bizarre de la voir avec une femme,
embrasser une femme, faire des câlins à une femme… Mais tant qu’elle est
heureuse, je le suis aussi.
-
Je t’admire, mon chéri, me dit Marine. Il faut
quand même encaisser le coup ! Non seulement ta mère refait sa vie mais en
plus avec une femme… Certains de tes frères et sœurs vont très mal le vivre.
-
En dehors d’Alana, je pense que Léana et Lubin
vont avoir du mal, oui. Ils sont très « normatifs ». Les hommes avec
les femmes, et les femmes avec les hommes. Pour eux, il n’y a pas d’autre choix
possible.
-
Il faut que tu aies une discussion avec eux, me dit
ma femme.
-
Nous avons déjà discuté hier à propos d’Alana, nous
n’allons pas faire des réunions de fratrie tous les jours !
-
Aurél', c’est important. Il faut que vous ayez
une discussion. Que ceux qui acceptent l’union de ta mère canalisent ceux qui
ne l’acceptent pas. Il faut absolument garder une harmonie familiale car votre
mère a besoin de votre soutien sur ce coup-là.
-
D’accord.
J’étais sur le point d’aller voir Justin pour lui proposer
de refaire une petite réunion quand mon téléphone sonna. Je décrochai immédiatement :
-
Allô ?
-
Oui, Aurélien ? C’est Jean-Paul, le papa de
Tessa.
-
Bonjour Jean-Paul. Tout va bien ?
-
Je suis vraiment désolé de vous déranger mais
nous avons un gros problème avec Tessa. Elle est sortie hier soir avec des amis
et elle a beaucoup bu. Elle est passée à deux doigts du coma éthylique. Elle
est actuellement à l'hôpital.
-
Avez-vous besoin que je vienne vous voir ?
-
Non, non ! Normalement, elle sera sortie
demain soir. Néanmoins, je souhaitais vous prévenir. Lundi, elle ne sera
peut-être pas en très grande forme…
-
Elle sera en assez grande forme pour recevoir
une bonne fessée, croyez-moi ! dis-je, énervé.
-
Je n’en attendais pas moins de vous, dit Jean-Paul.
-
Il faut aussi que votre fille voit un
psychologue, conseillai-je.
-
Elle va en voir un à l’hôpital.
-
Est-il est possible que j’obtienne le rapport du
psychologue de l’hôpital ? Ce serait vraiment super.
-
Bien sûr, je vais demander, répondit Jean-Paul.
-
Merci de m’avoir appelé, lui dis-je. Nous nous verrons
lundi.
-
A lundi ! Merci Aurélien !
Je
raccrochai et me dirigeai vers mon frère aîné :
-
Marine me propose de faire une réunion avec nos
frères et sœurs pour que ceux qui acceptent la situation calment ceux qui ne
l’acceptent pas.
-
Albane m’a dit la même chose. Il faut absolument
que nous fassions une réunion !
-
J’ai peur que certains d’entre nous soient
violents émotionnellement et verbalement avec maman et cela n’est pas
acceptable.
-
Je suis d’accord avec toi, Aurél'. Si elle nous a
partagé cela, c'est parce qu’elle vit un bonheur intense et nous ne devons pas
l’entacher. Elle a élevé ses huit enfants toute seule, elle a bien le droit
d'être heureuse aujourd'hui !
Finalement, cette réunion ne se fit pas puisque la
discussion eut lieu à table avec tout le monde durant le repas du midi.
-
C’est inadmissible que tu te que tu te sois mise
avec une femme ! s’exclama Lubin. C’est contre les lois naturelles ! Les
femmes se mettent avec des hommes !
-
A notre époque, l'homosexualité est très bien
acceptée ! dit Baudouin. Je ne vois pas pourquoi maman devrait s'empêcher
d'être heureuse ! Si elle se met avec un homme elle sera malheureuse !
Autant qu’elle soit heureuse avec une femme, n'en déplaise à certains !
-
Mais tu te rends compte que tout ça n'est pas
logique, non ?! insista Léana.
-
L’amour va rarement avec la logique, dit
Anastasia. Maman est amoureuse, elle est heureuse avec Pascale, nous n'avons
rien à dire de plus.
-
Maman, peux-tu nous parler un peu plus en
détails de Pascale, s’il te plait ? demandai-je.
-
Pascale est oncologue et professeure à la fac,
répéta ma mère. Nous nous sommes rencontrées dans un bar alors que je sortais avec
des amis. Ça a été le véritable coup de foudre, moi-même je ne savais pas que
je pouvais tomber amoureuse d'une femme ! Je vous assure que je ne l'avais
pas prévu ! Ça m'est tombé dessus, comme ça ! De plus, Pascale n’a pas
d’enfant : elle est ravie de tomber dans une famille qui en contient plein !
Elle a hâte de tous vous rencontrer, même si elle sait qu'elle devra faire face
à un peu d’agressivité de votre part. Je l’ai prévenue que certains d’entre
vous accepteraient mal la situation. Il faut que vous sachiez que Pascale aussi
a toujours été en couple avec des hommes, jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de
moi. C’est nouveau pour toutes les deux et nous découvrons petit à petit ce qu’est
une relation entre femmes. Pascale rêvait d’avoir des enfants et même sans vous
connaître elle vous a déjà tous adoptés. D’ailleurs, nous avons le projet d’agrandir
la famille en adoptant deux petits africains. Pascale est fan de l’Afrique et
elle voudrait pouvoir aider deux orphelins pour leur donner tout l’amour
nécessaire.
-
Vous voulez élever deux enfants qui auront deux
mamans et pas de papa ?! s’offusqua Lubin. Tu te rends compte du niveau de
connerie de ce que tu dis ou pas ?!
Justin
se leva immédiatement et fila une gifle à notre petit frère.
-
Tu ne parles pas comme ça à maman !! Je
t’interdis de lui parler comme ça !! Excuse-toi tout de suite !!
-
…
-
J’ai dit : « Tout de suite ! » !!
cria Justin.
En
se tenant la joue, Lubin marmonna de brèves excuses envers notre mère. Maman n’avait
rien dit. Elle ne dit jamais rien. C’est elle qui nous a inculqué ce droit d’aînesse,
c’est elle qui nous a toujours dit que nous devions respecter nos aînés et que
s’ils nous recadraient, nous devions l’accepter. Puisque la réprimande de Justin
envers Lubin était justifiée, la mère de famille n’avait pipé mot.
Après
les faibles excuses de Justin, elle reprit :
-
Pascale et moi avons donc le projet d’agrandir
la famille. Je peux parfaitement comprendre qu’il vous faille du temps pour
accepter tout cela. Rassurez-vous, la demande d’adoption n’est pas encore faite.
Pascale va bientôt s’installer à la maison - parce que je lui ai dit que
c’était hors de question que je quitte la maison où j’ai élevé mes huit enfants
-, je souhaite élever mes deux prochains enfants dans cette même maison.
-
Quel âge a Pascale ? demanda Baudouin.
-
Elle a 40 ans, répondit maman. Nous avons dix ans
d’écart.
Nouveau
séisme. Ça commençait à faire beaucoup.
-
Elle a 40 ans ? s’étonna mon grand frère.
Mais… elle n’a que quelques années d’écart avec nous, tes premiers enfants !
-
Il faut dire que j’ai eu mon premier enfant à seize
ans, nous rappela ma mère. Donc forcément…
-
On va arrêta de parler de ça, tranchai-je. Il
faut que tu nous laisses du temps pour accuser le coup, maman. Entre ta mise en
couple, le fait qu’elle soit une femme, son emménagement ici, votre projet d’adoption
et le peu de différence d’âge… On arrête là. Il faut qu’on digère tout ça et
ensuite on en reparlera.
-
D’accord mon chéri, convint ma mère.
Pour tenter de détendre l’atmosphère, nous profitâmes du
beau temps l’après-midi pour aller visiter un village médiéval en famille. Nous étions
chanceux car ce week-end se tenait une fête médiévale. Nous pûmes alors profiter
de plusieurs animations. Gabin obtint sa première petite épée, et Baudouin, qui est un
fan du Moyen-Âge, nous servit de guide touristique. Je ne passai évidemment pas
à côté de la signature de quelques autographes et de la prise de quelques
selfies ; mais ce fut quand même un moment agréable.
Le soir, nous pûmes manger sur place et participer au grand
banquet qui était organisé. Puis, nous pûmes assister à un spectacle vivant
retraçant la vie d'un seigneur durant le bas Moyen-Âge.
Gabin
s’endormit dans la poussette sur le trajet du retour. Marine et moi marchions
l'un à côté de l'autre enlacés et amoureux. Certains de mes frères et sœurs essayaient
de réconforter maman en lui disant que tout allait s'arranger et que tout le
monde finirait par accepter la situation.
Alors que Marine et moi nous étions couchés, ma femme prit
ma main pour la mettre sur son ventre : notre petite puce bougeait vivement.
Marine me demanda alors :
-
On reste sur Adèle, comme prénom ?
-
Oui, répondis-je. Adèle, ce sera parfait.
A suivre…
Bonsoir, qu'est devenu cette petite famille ?
RépondreSupprimerBonsoir, c'est drôle, j'étais justement en train d'écrire le chapitre suivant ! ^^
Supprimerbonsoir j'aime enormément vos recits j'espère que vous ferais une suite a chacun d'eux . bonne soirée
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