Dimanche 20
octobre 2019
Nous sommes dimanche soir, aux alentours de 17h30. Côme me
conduit au Pensionnat. Nous y serons dans une heure.
Ces
deux dernières semaines, j’ai retrouvé des sensations dont je ne me souvenais
plus : la liberté de pouvoir faire ce que je veux, de pouvoir m’asseoir, de
pouvoir me promener en ville, de pouvoir regarder la télévision jusqu’à pas
d’heure, de pouvoir m’asseoir, de pouvoir manger des tonnes de cochonneries, de
pouvoir m’occuper de mes neveux (et notamment des jumeaux nouveau-nés que je
n’avais pas encore vus) et surtout de pouvoir m’asseoir.
J’appréhendais de revenir au Pensionnat. J’appréhendais de
revenir à un système extrêmement strict. Les vacances m'avaient rappelées ma
vie d'avant et j'étais déjà mélancolique de la quitter à nouveau ; surtout
sachant désormais à quel point mon école est sévère.
Le
point positif de ces vacances est que je ne me suis disputée ni avec mon frère,
ni avec ma sœur. Ils m'ont d’ailleurs trouvée beaucoup plus respectueuse
qu'avant et m'ont dit que ce Pensionnat me faisait beaucoup de bien. J’ai tenté
pendant ces deux semaines de leur montrer que j’étais devenue adulte et qu’ils
pouvaient me remettre dans une école normale mais rien à faire : ils me
condamnèrent à passer le reste de mon année de Terminale dans ce fichu Pensionnat
de malheur. Côme et Célestine me dirent quand même que si je continuais
d'évoluer dans le bon sens, ils m’inscriraient dans une faculté normale l’année
prochaine.
Pour
l'instant, le combat n'est donc pas gagné.
Lorsque Côme se gara devant mon école, les larmes me
montèrent aux yeux.
-
Aller, Clem ! me réconforta mon frère. Il
n’y a que neuf semaines à tenir jusqu’à Noël. Imagine comme nous aimerons nous
retrouver ! Pense aux cadeaux que nous allons pouvoir nous échanger !
A la fête que nous organiserons pour fêter la naissance du Seigneur ! Tu
as toujours adoré Noël, concentre-toi sur cet objectif pour tenir durant ces
neuf semaines.
-
C’est plus facile à dire qu’à faire ! le
rabrouai-je. Ce n’est pas toi qui prends des roustes tous les jours !
-
Je sais, Clem ; Mais tu sais ce qu’il faut
faire pour que ce ne soit plus le cas…
-
Respecter les règles, je sais !!
m'exaspérai-je.
-
Effectivement. Si tu respectes les règles, tu
n'es pas punie. Et si tu n'es pas punie, la vie au Pensionnat est déjà beaucoup
plus agréable ! Essaie de tout faire pour gagner des étoiles et t’acheter
des surprises.
-
Tu parles ! Les deux étoiles que j'avais
gagnées, je les ai perdues en une journée à cause de la mutinerie !!
-
Encore une fois, tu ne peux t’en prendre qu’à
toi-même…
Un
silence s’installa, puis mon frère me tendit un médaillon en or rose.
-
Il faut que tu l’ouvres, me dit-il.
J’obéis
et découvris dans la partie gauche une photo de mon frère, ma sœur et moi – je
me souvins que nous l’avions prise lors d’un week-end à la mer – et dans la
partie droite, une photo de mes quatre neveux.
-
C’est magnifique, Côme ! m’exclamai-je en
le prenant dans mes bras. Merci, merci infiniment !!
-
C’est pour te montrer que même si tu es ici et
nous à Paris, nos cœurs sont toujours réunis.
Au
dos du médaillon était gravé « Trésor ». C’est ainsi que m’appelaient
mon frère et ma sœur avant que nos relations se dégradent. Mon frère
ajouta :
-
Tu es toujours mon petit trésor, tu sais ?
A
ces mots, il remonta la manche de son pull pour laisser apparaître son tatouage
à l’avant-bras. A la mort de nos parents, Côme a tatoué mon prénom sur son bras
pour se promettre de toujours veiller sur moi quoiqu’il arrive.
Je
pris une nouvelle fois mon frère dans mes bras.
-
Il va falloir y aller, Clem. Il ne faut pas que
tu sois en retard.
Nous
sortîmes de la voiture pour atterrir sur le parking. Côme ouvrit le coffre et
en sortit ma grosse valise. Il m’escorta jusqu’à l’entrée du Pensionnat et me
fit un énorme câlin en me disant dans l’oreille :
-
On se revoit à Noël, Trésor. Et pas de
bêtises ! Si tu me fais revenir pour une réunion disciplinaire, je te tue.
C’est clair ?
-
Très clair.
-
Je t’aime, ma chipie.
-
Moi aussi.
Mon
frère desserra son étreinte avant de m’embrasser sur la joue puis partit sous
mes yeux humides. Charles, qui fait partie du personnel de l’intendance, prit
le relais avec ma valise et l’emmena jusque dans les appartements du Directeur.
Alors que j’avais retrouvé ma chambre et réinstallé mes
affaires, Mathilde me rejoignit et me sauta au cou :
-
Clémence ! Tu m'as manquée de ouf !!
s'exclama-t-elle.
Je
la serrai également dans mes bras même si je n’avais pas totalement digéré
notre altercation. Il fallait que je me rende à l'évidence que j'aimais
énormément cette fille.
Mathilde et moi nous racontions
nos vacances quand Monsieur Éric frappa à la porte :
-
Bonjour les filles, je peux entrer ?
-
Bonjour Monsieur, oui vous pouvez entrer !
répondit Mathilde.
-
Alors, comment se sont passées vos vacances ?
se renseigna-t-il.
-
C’était vachement bien, dit Mathilde.
-
C'était même beaucoup trop bien, continuai-je d’un
ton mélancolique.
-
Eh oui ma Clémence, il faut maintenant reprendre
le rythme du Pensionnat !
Ma
Clémence ?! Lui avais-je manqué ? On dirait bien que oui !!
-
Le dîner va bientôt être servi. Je vous invite à
vous rendre au réfectoire, les filles !
Après avoir terminé le rangement de la chambre, nous nous
rendîmes au dîner. Nous étions contentes de nous retrouver les unes les autres
et pour une fois, les adultes laissèrent le volume sonore monter durant le
repas. Nous avions la permission de nous parler à souhait de tout ce que nous
avions vécu pendant les vacances, sans entendre
des : « Chut ! », « Moins de bruit ! »,
« Silence ! ».
A la fin du repas, Monsieur Éric prit la parole :
-
Bonsoir chères élèves et bon retour au Pensionnat.
Nous avons permis pour ce soir que vous gardiez vos vêtements civils et que
vous échangiez vivement ; mais à partir de demain, le rythme du Pensionnat
reprend. Aussi, dès que vous aurez terminé votre repas, nous vous demandons de
vous rendre à votre réunion de retour. Cette réunion sera conduite par votre
professeur principal et un membre de la Direction. Pour la Terminale S, ce sera
la salle 122. Pour la Terminale ES, la salle 124. Enfin, pour la Terminale L,
ce sera la salle 123.
Mes amies et moi rejoignîmes la salle
désignée après avoir fini de dîner. Nous y découvrîmes Monsieur Lionel
accompagné d’un homme que nous ne connaissions pas. Ce nouveau venu était brun,
plutôt petit pour un homme (environ 1m60) et avait des paluches dignes d’un
maçon ou d’un menuisier. Il avait un visage malicieux et me semblait très
sympathique au premier abord. Ce n’était pas un canon de beauté comme pouvaient
l’être Monsieur Matthieu ou Monsieur Alexandre mais il avait vraiment l’air
bienveillant. Les chuchotements allèrent bon train jusqu’à ce que le
Directeur-Adjoint fasse l’appel et vérifie que tout le monde était bien arrivé.
Puis, il prit la parole :
-
Mesdemoiselles bonsoir et bon retour parmi nous.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler que la dernière fois que nous nous sommes
vus fut une journée bien sombre pour vous toutes. Aussi, par suite de votre
mutinerie ante-vacances, Monsieur Raphaël a décidé de démissionner de cet
établissement. Vous en êtes toutes pleinement responsables. L’homme qui se
tient à mes côtés est donc votre nouveau professeur de littérature, ainsi que
votre nouveau professeur principal : Monsieur Mickaël. Je vais le laisser
se présenter.
-
Bonjour à tous, je suis donc Monsieur Mickaël,
votre nouveau professeur de littérature. Là, vous êtes en train de vous
dire : « La vache, qu’est-ce qu’il est beau ! ».
La blague de notre nouveau professeur fit rire toute la
classe, et même Monsieur Lionel. Monsieur Mickaël reprit en riant :
-
Je blague, les filles, je blague ! Bon, je
vais vous dire un peu comment je fonctionne : je me fiche que votre
uniforme soit mal boutonné, que vous ne parliez pas avec un langage soutenu ou
que vous n’ayez pas d’excellentes notes. Moi, je me fiche de tout ça. Ce que je
veux, c’est que vous vous éclatiez dans mon cours. Ce que je veux, c’est que
vous y appreniez plein de choses passionnantes et que ça vous donne envie de
lire et d’en apprendre davantage sur la littérature. Ce que je veux, c’est que
vous aimiez venir dans mon cours. Attention : ça ne veut pas dire que je
laisserai la porte ouverte à n’importe quoi ! Interdiction que ce soit le
boxon ! Si vous fichez le bazar dans mon cours, je vous envoie direct à la
Direction et on n’en parle plus ! Il en faudra vraiment, vraiment beaucoup
pour que je vous claque mais cependant je n’hésiterai pas à vous envoyer chez
le Surveillant Général si vous perturbez le cours. Ok ?
-
Ok, Monsieur ! répondîmes-nous.
-
Bien. Alors j’espère vraiment qu’on passera une
bonne année ensemble, en littérature. Et pour ce qui est de mon rôle de
professeur principal, je veux vraiment que vous osiez venir vous confier à moi.
Je veux vraiment que vous veniez me parler au moindre problème ! Notre
relation va être basée sur la confiance : je vous fais d’ores et déjà
confiance, il faut que ce soit réciproque. Ok ?
-
Ok, Monsieur ! réitérâmes-nous.
Pour
la première fois depuis mon arrivée au Pensionnat, j’adorais pleinement un
prof. J’adorais déjà Monsieur Mickaël. J’avais tellement hâte de le connaître
et d’aller dans son cours ! La littérature, notre matière principale avec
le plus gros coefficient, ne serait plus une tare. Nous n’irions plus en cours
avec la boule au ventre. Ce jour était à marquer d’une pierre blanche !
Finalement, cette mutinerie nous avait apportées un peu de bonheur !
Après le discours de notre nouveau prof, Monsieur
Interminable refroidit l’ambiance :
-
Mesdemoiselles, je voulais quand même préciser
qu’au vu de ce qui s’est passé avant les vacances, toute l’équipe éducative
vous a à l’œil. Il n’y aura plus de petite punition dissuasive : il n’y
aura que de sévères corrections. La mutinerie qui s’est déroulée fut
inacceptable et vous n’avez clairement pas fini d’en payer les
conséquences ! Nous vous conseillons donc de vous tenir à carreaux pour éviter
les sévères corrections que nous vous réservons ! Monsieur le Directeur
pensait qu’il serait bon de vous donner une bonne fessée dès ce soir pour
éviter la récidive mais j’ai décidé de ne pas le faire en vous faisant
confiance. La première qui brise cette confiance se retrouvera immédiatement
dans mon bureau pour un très, très, très mauvais moment. C’est entendu ?!
-
Oui, Monsieur, répondîmes-nous sans autre bruit.
-
Bien. En ce qui concerne les informations plus
« pratiques », les horaires du Pensionnat restent inchangés :
lever à 7h, petit déjeuner à 7h30, début des cours à 8h30, pause déjeuner de
12h30 à 13h30, fin des cours à 17h30, dîner à 19h, extinction des feux à 21h,
excepté punition. Votre emploi du temps reste également inchangé. En ce qui
concerne les résultats, la moyenne de votre classe est de 12,43/20. La
meilleure élève de la classe est Mademoiselle Clémence avec une moyenne de
16,78/20. La pire élève est Mademoiselle Camille avec une moyenne 6,75/20. Je
vous conseille de remonter la moyenne de la classe puisque vous êtes la
Terminale la plus faible de l’établissement. Mademoiselle Clémence peut clairement
faire mieux et vous autres également. Nous continuerons de surveiller de près
vos résultats et nous continuerons de vous sanctionner si ceux-ci ne sont pas
satisfaisants. Nous avons toujours eu 100% de réussite au bac, ce n'est pas
cette année que cela va changer ! Maintenant que le message est passé, je
vous souhaite un bon retour dans vos dortoirs, une bonne nuit et une bonne
période jusqu’à Noël.
Mathilde et moi nous dirigeâmes vers les appartements du Directeur.
Monsieur Éric n'était pas encore arrivé, ce qui signifiait que la réunion à
laquelle il assistait n’était pas terminée. J’étais grandement étonnée que le
Directeur n’ait pas été présent à celle de notre classe vu les récents
événements. Cela dit, Monsieur Interminable est assez craint pour que son
discours soit efficace.
Privilège d’habiter dans les appartements du Directeur, Mathilde
et moi profitâmes d’être seules pour nous servir un thé. Nous nous installâmes
dans la salle à manger et profitâmes des trois quarts d’heure qui restaient avant
le couvre-feu pour nous détendre et discuter un peu.
-
T’en as pensé quoi de la réunion ? me
demanda Mathilde.
-
Le discours de Monsieur Interminable ?! C'était
l'enfer ! lui répondis-je. Par contre, j’adore le nouveau prof
principal !
-
Moi aussi, je l’aime déjà ! s’enthousiasma
ma meilleure amie.
Monsieur
Éric rentra quelques minutes plus tard. Il nous rejoignit avec un thé :
-
Alors les filles, comment s’est passée votre
réunion ?
-
Le nouveau prof de littérature est super,
répondis-je. Et Monsieur Lionel nous a engueulées, comme d’habitude.
-
Pourquoi « comme d’habitude » ?
demanda le Directeur après avoir souri.
-
Bah, parce qu'on fait toujours engueuler !
répondis-je comme si c’était la chose la plus évidente au monde.
-
Qu’est-ce que Monsieur Lionel vous a dit,
exactement ?
-
Il nous a dit qu'il n'y aurait plus aucune
clémence ni aucune tolérance avec nous parce que nous avions été trop loin avec
notre mutinerie, dit Mathilde d’une traite.
-
Vous n’espériez pas autre chose, j’espère ?
se renseigna le Directeur.
-
Je pensais que cette mutinerie était de l’histoire
ancienne, avouai-je franchement. Ce n’est pas bon de vivre dans le passé.
Après
avoir bien ri, Monsieur Éric me rétorqua :
-
Si nous faisons table rase du passé, vous allez
encore trouver mille occasions de nous la faire à l’envers. Dois-je te rappeler
ton palmarès depuis que tu es arrivée ici ?
-
Sans façon, ânonnai-je la tête baissée.
-
De plus, vous m’avez encore fait fuir un
professeur. Le troisième en deux mois. Si cela se reproduit, je me mettrai dans
une colère telle que vous n’aurez jamais rien vu de pareil ! menaça le
Directeur.
Mathilde
et moi ne répondîmes pas.
Lorsqu'il fut temps d'aller se coucher, je fis une petite
prière à Jésus pour lui demander que cette période jusqu'à Noël se passe pour
le mieux pour moi et pour mes fesses. J’étais persuadée qu'une nouvelle fessée
ne tarderait pas à tomber – et qu’elle ferait extrêmement mal puisque je n’y
suis plus habituée - mais j'espérais que ce serait quand même le plus tard
possible.
Mathilde et moi nous souhaitâmes bonne nuit et nous
endormîmes chacune de notre côté.
Lundi
21 octobre 2019
Ça y est, c'était reparti pour une nouvelle période jusqu’aux
prochaines vacances scolaires : il fallait de nouveau se lever à sept
heures, enfiler son uniforme, faire son lit, se préparer, aller au petit
déjeuner… Je n'étais vraiment pas contente de retrouver cette cadence et la
mauvaise humeur était de mise ce matin.
Au petit déjeuner, je confiai à mes copines que j’avais fait
faire ma punition d'espagnol par mon petit cousin, Samuel, âgé de quinze ans. J’avais
quand même dû lui donner 200€ en retour : 1€ par ligne. Ce petit m'avait
fait payer cher ma punition ; mais je préférais encore lui donner une
blinde plutôt que de l'écrire moi-même.
En
discutant avec mes amies, je me rendis compte que je n'étais pas la seule à
avoir sous-traité : plusieurs de mes camarades avaient fait faire leur
punition par leurs petits frères ou par quelqu'un qu’elles avaient croisé dans
la rue, ou même par quelqu'un trouvé sur internet. Certaines avaient même
utilisé un logiciel qui effectue les punitions à notre place ! J'aurais
tellement aimé connaître ce logiciel avant de dépenser mes 200 balles pour
Samuel ! A vrai dire, je n'avais même pas pensé à chercher ce type de
logiciel sur internet ! Je me trouvai vraiment bête.
Les deux heures de philo passèrent
avec une lenteur extrême. Monsieur Yves est un prof intéressant mais le sujet
du jour – les plus grandes théories de Freud – ne m’intéressait guère. Mes amies
et moi nous amusions à nous écrire de petits mots quand soudain, Monsieur Yves
s’en aperçut :
-
Mademoiselle Lucille, donnez-moi immédiatement
ce que vous avez dans la main.
-
Ce n’est rien, Monsieur, répondit-elle.
-
Donnez-moi ce que vous avez dans la main ou ça
va se finir sur mes genoux ! C’est vous qui choisissez !
Lucille
consentit à donner le mot. Tremblante, elle scruta le prof pour guetter sa
réaction et nous fîmes de même. Monsieur Yves lut :
-
« Ce cours est tellement ennuyant que j’ai
envie de me pendre. ». Qui a écrit ça ?
-
C’est moi, se dénonça Lucille. Je m’écris à
moi-même.
Monsieur
Yves la choppa par le bras, la sortit de sa chaise d’un coup sec et lui infligea
cinq claques sur le derrière dont le bruit résonna dans toute la classe.
-
Continuez à vous moquer de moi et je vous
flanque une déculottée ! la gronda Monsieur Yves. Maintenant, vous allez tout
de suite me dire qui a écrit ça ou la classe atterrira immédiatement dans le
bureau de Monsieur Matthieu ! Je compte jusqu’à trois ! Un !
-
…
-
Deux !
-
C’est moi, se dénonça courageusement Mathilde
alors que ce n’était pas elle.
-
Non, c’est moi ! avoua Jessica, la
véritable coupable.
-
Dans ce cas, Mesdemoiselles Lucille, Mathilde et
Jessica, je vous mets en retenue ce soir. Nous règlerons cette affaire !
La
retenue, ce n’est jamais bon ici. Au mieux, on copie des lignes. On pire, on
prend des claques aux fesses durant une heure.
-
T’es bête ! chuchotai-je à Mathilde tandis
que le prof retournait au tableau pour reprendre son cours. Pourquoi as-tu dit
que c’était toi ?!
-
On a toutes participé et je voulais empêcher
Jess de se faire punir…
-
C’est réussi, lui dis-je. C’est vraiment pas malin !
-
Oh ça va ! me rabroua-t-elle. Tes leçons de
morale, tu peux te les garder ! T’es mal placée sur ce coup-là !
Pas
faux.
Le cours de littérature fut
comme je m’y attendais : fantastique. Monsieur Mickaël est un professeur
extraordinaire. J’en appris plus sur la littérature française en deux heures qu’en
toute une année, l’année dernière ! Monsieur Mickaël nous a fait nous
asseoir en cercle : dans sa classe, il n’y a ni tables, ni chaises. Il n’y
que des poufs, des coussins et des tapis pour que nous nous asseyons par terre
et que nous nous mettions à notre aise. Notre nouveau prof nous donna très vite
des surnoms : le mien fut « Tête d’ange » à cause du dicton « Tête
d’ange mais diable au corps ». Cela va sans dire que le littéraire avait eu
vent de mes antécédents.
Le reste de la journée se
déroula sans accroc, excepté les dix coups de règle que je pris sur la paume de
la main par Madame Constance pour avoir bavardé.
A 17h30, je filai au cabinet de
Manu. J’étais contente de le retrouver et de pouvoir vider mon sac avec lui. Je
lui racontai tout ce qui s’était passé depuis la dernière fois : la mutinerie,
la salle grise, les vacances, la séparation avec ma famille, mon retour ici.
-
Comment te sens-tu à présent ? me demanda-t-il.
-
Mal, répondis-je. Je suis mal d’être revenue ici.
-
A cause du règlement strict ?
-
Oui, à cause de la sévérité de cette école.
Nous
parlâmes alors de mon rapport à l’autorité et Manu m’annonça que nous allions
entamer un travail pour comprendre ma désobéissance constante.
Au dîner, il y avait du maïs en entrée.
Alors que je charriais Lucille, Jessica et Mathilde qui avaient du mal à s’asseoir
après l’heure de retenue avec Monsieur Yves, Lucille riposta en m’envoyant un
grain de maïs à la figure. Je ripostai. Cela déclencha une – discrète –
bataille de nourriture, jusqu’à ce que la cantinière (venue débarrasser le
plat) nous surprenne :
-
Vous voulez que je vous aide ?! nous gronda-t-elle.
-
Oh ça va, on ne fait rien de mal ! protestai-je,
agacée.
-
Y’a une bataille de nourriture, par ici ! appela-t-elle
en direction de la table des adultes.
Monsieur
Éric se leva et se déplaça jusqu’à nous. Il nous fit la morale :
-
Il y a des enfants qui meurent de faim dans le
monde et vous, vous jouez avec la nourriture ?! Vous rendez-vous compte de
votre comportement puéril et indécent ?!
Personne
ne répondit. Il ajouta :
-
Au lit, toutes les six. Oui, vous six !
Clémence, Mathilde, Lucille, Jessica, Noémie et Charline. Au lit !
-
Mais on n’a pas fini de manger, Monsieur… se
plaignit Charline.
-
Vous n’avez pas l’air d’avoir très faim puisque vous
jouez avec la nourriture ! Alors au lit, immédiatement ! Si j’en vois
une me désobéir, gare à ses fesses !
Nous
sortîmes de table, dépitées. Deux surveillantes nous escortèrent : une aux
appartements du Directeur pour Mathilde et moi, l’autre au dortoir n°2 pour nos
amies.
Mathilde
et moi nous brossâmes les dents et nous couchâmes.
Une fois la lumière éteinte et
la surveillante partie, Mathilde me dit :
-
J’ai faim !
-
Moi aussi, lui répondis-je.
-
Chiche d’aller dans les cuisines une fois que
tout le monde dormira ?!
-
Chiche ! rétorquai-je. Mais je suis un peu
crevée…
-
T’inquiète je reste éveillée ! Il faudra qu’on
aille chercher les filles, aussi !
-
Oui ! On ira les chercher. Bon c’est sûr
que tu restes éveillée ?! m’assurai-je.
-
Oui, oui, promis !!
-
Clem, debout ! entendis-je en me sentant
secouée.
Ouvrir
les yeux me picota. J’étais bien fatiguée.
-
Il est quelle heure ? demandai-je.
-
Vingt-trois heures, me répondit Mathilde après
que son ventre eut gargouillé. Tu es toujours partante ?
-
Ouais, dis-je en bâillant. Tu es sûre que tout
le monde dort ?!
-
Je n’entends plus aucun bruit. Il faut croiser
les doigts…
Je
m’assis dans mon lit, enfilai mes chaussons et suivis Mathilde.
Nous
nous approchâmes discrètement de la porte de la chambre de Monsieur Éric et
entendîmes ce dernier en train de ronfler.
-
Lui, il dort ! me dit Mathilde. Direction
le dortoir n°2, maintenant !
A pas de loup, nous traversâmes une bonne partie de l’établissement
et pénétrâmes dans notre ancien dortoir. Cela me faisait bizarre de retrouver
cet endroit et de passer devant la porte de mon ancienne chambre ! Nous
entrâmes dans la chambre de Charline et la réveillâmes en prenant garde de ne
pas déranger le sommeil de sa coloc’, Florentine. Nous réitérâmes avec Lucille,
Jessica et Noémie. Toutes acceptèrent de nous suivre.
Nous marchâmes jusqu’au local de la femme de ménage pour
dénicher le trousseau de clés, précieux sésame sans lequel nous ne pourrions pas
ouvrir la porte menant aux cuisines.
Après avoir évité de justesse et par deux fois le gardien
de nuit qui faisait sa ronde, nous attrapâmes les clés qui furent mises sous la
surveillance de Lucille. Je n’étais pas sereine : je pense toujours que l’on
n’est jamais mieux servi que par soi-même. Je préfère prendre toutes les
responsabilités quitte à en assumer seule les conséquences. Si j’avais gardé le
trousseau de clés, j’étais persuadée que je n’aurais fait aucun bruit ; or,
Lucille en faisait beaucoup. Beaucoup trop. D’un commun accord, elle céda d’ailleurs
cette responsabilité à Noémie qui s’avéra être beaucoup plus discrète.
Nous pénétrâmes dans les cuisines et nous nous restaurâmes
à notre guise. Il y avait tout ce qu’il fallait ; pour ma part, la
baguette viennoise recouverte de Nutella fut ma grande amie, tout comme la
généreuse salade de fruits. Nous étions conscientes d’avaler une bonne partie
du petit déjeuner de demain matin mais après tout, nos familles payaient une
blinde pour que nous puissions bien manger et nous avions été privées de dîner !
Après nous être goinfrées, nous repartions en direction du
local à ménage quand malheur ! Noémie fit tomber le trousseau de clés qui
s’écrasa sur le carrelage dans un énorme vacarme.
-
Qui va là ?!
Une
lampe torche était braquée sur nous. J’eus instantanément mal aux fesses.
A suivre…
😱 rholala elle a bien raison d'avoir déjà mal aux fesses. Les filles vont passer un très mauvais moments avec toutes les règles qu'elles viennent d'enfreindre. Et Clémence qui souhaite se faire oublier mais qui recommence de plus belle le 1er jour 😂. Hâte de lire la suite 😊
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