Mercredi 23
octobre 2019.
A ma grande surprise, je fus réveillée à neuf heures
et demie par Madame Sandra, l’une des deux infirmières du Pensionnat. Je m’aperçus
que le lit de Mathilde était vide. J’étais donc seule dans la chambre avec la
soignante. Celle-ci avait amené une trousse dans laquelle se trouvait du matériel
médical.
-
On m’a chargée d’examiner vos fesses et vos
cuisses, me dit-elle une fois que j’eus émergé. Puis-je ?
J’avais tellement mal que j’avais
dormi sur le ventre toute la nuit ; un vieux mal de dos s’était d’ailleurs
réveillé. Puisque je me tenais toujours sur le ventre, je fis un signe de tête
à l’infirmière pour donner mon consentement. Bien qu’honteuse qu’une inconnue
inspecte mon derrière puni, je souffrais trop pour refuser. Elle souleva alors
la couette, releva ma chemise de nuit et baissa ma culotte. J’osai demander :
-
C’est grave ?
-
Je m’attendais à pire, répondit-elle sans aucune
compassion. Je travaille dans cet établissement depuis son ouverture : je
peux vous dire que j’ai vu des fessiers en bien pire état que le vôtre.
Je n’osais même pas imaginer ce
qu’avaient reçu les « fessiers en bien pire état ». Je sentis qu’elle
passait une compresse.
-
Ça pique ! me plaignis-je.
-
C’est normal, votre peau est à vif. Je passe
simplement une compresse mouillée pour mettre en lumière d’éventuelles
micro-plaies.
-
Et ? interrogeai-je. Y’en a-t-il ?
-
Aucune, dit-elle froidement. Vous serez très
vite rétablie, à condition de ne plus être punie.
-
Aucun risque ! assurai-je.
-
Vous n’êtes pas la première récalcitrante à me
dire cela, pouffa-t-elle pour se moquer de moi.
-
Vous verrez ! insistai-je.
-
Je vous passe une pommade cicatrisante et je m’en
vais, annonça Madame Sandra.
Une fois la pommade appliquée,
elle rangea son matériel, prit sa trousse en main et me lança, amusée :
-
Je suis certaine que nous nous reverrons,
Mademoiselle Clémence. Vous allez sûrement faire partie de mes patientes les
plus récurrentes. Croyez-en mon expérience : les rebelles dans votre genre
ne s’assagissent pas par miracle, ici. Au moins, vous obtiendrez votre baccalauréat,
et vous aurez un derrière on ne peut plus ferme. C’est toujours ça de gagné !
Tandis que je la maudissais,
elle sortit de ma chambre. Je ne voulais en aucun cas revoir cette pétasse.
Rester assise en cours de piano fut une véritable torture ;
néanmoins, je devais admettre que les soins de l’infirmière m’avaient fait du
bien. Monsieur Alexandre se montra une fois de plus clément avec moi, ce qui me
fit penser qu’il était dans un bon jour.
L’après-midi, mes amies et moi profitâmes du rare
soleil de novembre pour nous balader dans le parc. Nous nous assîmes en cercle dans
l’herbe sèche et jouâmes à « Action ou vérité ». Nous fûmes
rapidement rejointes par les filles du dortoir n°1.
Nous y jouions depuis une bonne
heure quand nous vîmes Monsieur Mathieu s’approcher au loin. Charline, qui
était sur le point de répondre à une question de vérité, nous exprima son
inquiétude :
-
Il vient pour moi, c’est sûr !
-
Qu’as-tu fait ? demanda Mathilde.
Il n’était plus temps qu’elle
nous réponde : Monsieur Mathieu était trop proche et aurait entendu sa
réponse. Sans mot dire, le Surveillant Général entra dans notre cercle, s’approcha
d’Eva et lui décolla une gifle tellement phénoménale que je crus qu’il lui
avait brisé la mâchoire. Eva se tint la joue et se mit à pleurer tandis que Charline soupirait de soulagement. Sans en
prendre compte, Monsieur Mathieu lui hurla :
-
La prochaine fois que vous vous payez ma tête, vous
allez amèrement le regretter, Mademoiselle Eva ! Profitez de pouvoir vous
asseoir car vous ne pourrez plus le faire longtemps ! Je vous ai dans le
collimateur, jeune fille ! Vous allez vite découvrir qu’il ne vaut mieux
pas m’avoir pour ennemi !
-
S’il faut vous faire la guerre, je vous la ferai !
répliqua Eva dans un élan d’insolence que je ne lui connaissais pas.
Furieux, Mathieu l’attrapa par
les cheveux et la traîna en direction du bâtiment après lui avoir hurlé : « Dans
mon bureau ! Vous voulez la guerre, vous allez l’avoir ! Vous n’allez
pas être déçue du combat, je peux vous le garantir ! Lorsque la badine
aura bien strié vos fesses, vous changerez de discours ! ».
Hébétées, un silence suivi le départ d’Eva.
Florentine finit par le briser en nous demandant :
-
Quelqu’une a une idée de ce qu’elle a fait ?
Nous haussâmes les épaules ou
secouâmes la tête à tour de rôle sans pouvoir répondre à la question. A l’évidence,
Eva avait gardé ses agissements pour elle et ne s’était pas confiée.
Un peu sonnées, nous stoppâmes
notre jeu pour parler d’Eva et des conditions de vie dans cette école.
-
Ils nous traitent
comme on traitait les enfants au Moyen-Âge ! se plaignait Lucille.
-
Tu crois que la fessée existait déjà au Moyen-Âge ?
m’étonnai-je.
-
Je suis sûre qu’elle existait déjà à l’Antiquité !
continua Charline. Les hommes n’ont pas attendu longtemps pour inventer une
punition aussi cruelle !
-
Euh, tu veux qu’on parle de punitions cruelles ?
la contra Oriane. La fessée, ce n’est rien comparée à un écartèlement ou à un
démembrement !
-
Oui enfin, c’est fait pour punir, pas pour tuer !
tempéra Mathilde.
-
De toute façon, il n’y a que dans cette école de
cinglés qu’ils nous maltraitent ! enchaîna Lucille. Ce n’est pas pour rien
que c’est une école hors contrat et que nous devrons aller passer le bac en
candidates libres dans une autre école ! Il n’y a qu’ici que les châtiments
corporels sont autorisés !
-
N’empêche qu’ils ont cent pourcents de réussite
au bac depuis leur ouverture, poursuivit Oriane. Et quand ma mère m’a inscrite,
la secrétaire lui a dit que la liste d’attente était plus longue que le nombre
de places dans le Pensionnat !
-
Attends, je rêve ou t’es en train de dire qu’on
a de la chance d’être ici ?! interrogeai-je, n’en croyant pas mes
oreilles.
-
On est presque assurées d’avoir notre bac !
dit Oriane. Et pour ma part, je n’ai reçu qu’une fessée depuis la rentrée, et
elle était méritée et justifiée. C’est Monsieur Nicolas qui me l’avait donnée parce
que je bavardais en classe.
-
T’es en train de dire que tu cautionnes ce
système ?! s’emporta Mathilde.
Nous étions toutes ahuries. C’était
la première fois que certaines filles d’un dortoir autre que le 2 passaient du
temps avec nous et nous étions loin de penser qu’elles cautionnaient le système
du Pensionnat !
-
Oriane a raison, intervint Kéliyah. Moi aussi je
n’ai été punie que deux fois et toujours parce que j’avais fait une bêtise. Une
fois, Monsieur Mathieu m’a donné des lignes parce que j’avais gâché de la
nourriture ; et une autre fois, Monsieur Paul – le professeur de sciences
économiques et sociales – m’a donné cinq claques sur ma jupe parce que je bavardais
en classe. C’était justifié !
-
Ok ! ria Mathilde. Allez prendre une vraie
déculottée bien salée de la part du Directeur, et on en reparle !
-
Ouais ! ajouta Noémie. On verra si vous kiffez
toujours ce Pensionnat !
-
On ne prendra pas de déculottée de la part du
Directeur parce que nous sommes des élèves sages et respectables, nous !
se défendit Adèle.
-
Ça veut dire quoi, ça ?! provoqua Mathilde
en se levant, poings serrés.
-
Ça veut dire que vous n’avez que ce que vous
méritez ! soutint Bertille.
Mes amies se levèrent, prêtes
à en venir aux mains. Les filles du dortoir n°1 restaient assises, affichant d’agaçants
sourires. Quant à moi, qui étais restée assise aussi, j’essayais de faire entendre
raison à mes amies pour qu’elles évitent les problèmes.
-
Que se passe-t-il, ici ?! demanda Madame
Bérangère, qui faisait sa ronde dans le parc.
-
Elles veulent nous frapper ! dénonça Oriane
en pointant mes amies du doigt.
-
Nous allons voir ce que Monsieur Mathieu pense
des bagarreuses ! dit la pionne.
-
Il est déjà occupé avec une de nos amies,
répondit Lucille.
-
Nous allons donc nous diriger vers le bureau de
Monsieur Lionel ! Suivez-moi !
Je ne me sentais pas concernée
jusqu’à ce que…
-
Vous aussi, Clémence ! Cela m’étonnerait
que vous ne soyez pas dans le coup !
-
Non, elle n’a rien fait, Madame ! me défendit
Adèle. Elle n’a pas voulu nous frapper !
Madame Bérangère me laissa
heureusement tranquille. Je me rendis compte que mon cœur battait la chamade. Rien
que l’idée de me retrouver dans le bureau du Directeur-Adjoint m’avait donné
des suées. Une chose était sûre : Monsieur Éric avait bien réussi son coup :
je craignais désormais plus que tout la Direction !
Restées seules avec les filles du dortoir n°1, je me
permis quand même de leur signifier que ce qu’elles venaient de faire n’était
vraiment pas sympa.
-
Elles n’avaient qu’à pas nous provoquer, dit Adèle.
Si nous avions continué de parler tranquillement, en restant assises et sans
animosité, rien de tout cela ne serait arrivé.
-
Je peux savoir pourquoi vous aimez tant être ici ?
demandai-je, interloquée.
-
Ici, l’injustice n’existe pas, m’expliqua Oriane.
Tu fais une bêtise, tu es punie. Si tu es sage, tout va bien. Et puis, ils s’occupent
bien de nous. Nous avons une nourriture de qualité supérieure, notre rythme de
sommeil est respecté, notre intimité aussi… Les professeurs font tout ce qu’ils
peuvent pour nous aider à réussir, tout est mis en place pour notre bien-être
scolaire. Nous avons même du soutien scolaire si besoin ! Ils s’adaptent
tellement à nous que toi, qui es musicienne de haut niveau, tu as un emploi du
temps aménagé !
-
Comment tu sais ça ? requis-je.
-
Tout le monde le sait, Clémence ! dit-elle
come si c’était une évidence. Tout le Pensionnat sait que tu es pianiste de
haut niveau et que tu loupes des cours pour pouvoir bosser ton piano !
J’ignorais que tout le monde
le savait.
-
Tout le monde parle de toi, Clémence, poursuivit
Oriane. On sait que tu es orpheline, que ce sont ton frère et ta sœur qui s’occupent
de toi… On sait aussi que tu es pianiste, et que tu es l’élève qui a été la
plus punie depuis la rentrée car tu n’arrêtes pas de faire des bêtises…
-
Oui eh bien en parlant de mes bêtises, je vais freiner
des quatre fers…
-
Comme ça, tu pourras te rendre compte qu’ils ne
sont pas si horribles que ça, ici ! continua Adèle.
J’avais tellement passé mon
temps à détester tout le personnel de ce Pensionnat depuis la rentrée que je n’avais
même pas songé à changer de point de vue. Les filles du dortoir n°1 venaient de
me retourner le cerveau, bien qu’elles paraissent quand même sacrément chipies, surtout envers les camarades moins sages qu'elles !
En rentrant dans les appartements de Monsieur Éric,
Mathilde se prit une bonne fessée manuelle et debout de la part du Directeur
pour avoir fait des siennes aujourd’hui. Après lui avoir passé un savon, notre
hôte m’attrapa le menton :
-
J’espère vraiment que tu n’avais rien à voir là-dedans,
Clémence !
-
Non, Monsieur ! paniquai-je. Je vous le
jure ! Pitié ! Je vous le jure, Monsieur ! Je n’ai rien fait !
Monsieur Éric afficha un
visage intrigué et me lâcha. Je pensai qu’il venait de se rendre compte que son
coup de pression de la veille avait été on ne peut plus efficace.
-
D’accord, je te crois, Clémence. Je suis donc
content que cette journée se soit déroulée sans accroc. Tu as été sage, je suis
fier de toi. J’attends de toi que tu continues sur cette voie.
-
Oui, Monsieur, répondis-je automatiquement.
Le Directeur continua d’être
étonné, puis me congédia.
Après avoir fait ma prière, je demandai à Mathilde si
ça allait, si elle n’avait pas trop mal aux fesses. La fessée de Monsieur Interminable
suivie de celle du Directeur : on pouvait dire que ma meilleure amie avait
sacrément morflé aujourd’hui. Pour unique réponse, elle déclara :
-
Il va falloir m’apprendre à être sage comme tu
sembles l’être devenue !
-
Il suffit de passer une heure à te faire
matraquer les fesses par les trois membres de la Direction, répondis-je.
-
J’aimerais ne pas en arriver là, s’il te plaît.
-
Très bien, ris-je. Tu n’as qu’à me suivre, alors !
Fais comme moi désormais, et tu n’auras plus d’ennuis.
-
Parce que tu as un plan pour ne plus te faire
chopper ? m’interrogea Mathilde.
-
Non, parce que j’ai décidé de ne plus faire la
moindre bêtise, actai-je.
-
Mais… On va s’ennuyer ! se plaignit ma
meilleure amie.
-
On verra bien, conclus-je.
A suivre…
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