Lundi 18 novembre 2019
Mes parents étaient en train de
discuter lorsque Louise et moi les rejoignîmes dans le living-room à huit
heures ce matin. Ils avaient la mine sinistre. Nous leur dîmes bonjour tandis qu’Anaïs
arrivait à son tour. Maman nous servit le petit déjeuner et se rassit à sa
place. J’osai enfin rompre l’abcès qui planait :
-
Papa, maman, qu’est-ce
qui se passe ?
-
Qu’est-ce qui te
fait dire qu’il se passe quelque chose ?
-
Vous avez tous
les deux la mine sinistre, vous vous jetez des regards en biais, et maman, tu
devrais déjà être au travail, énumérai-je. Que se passe-t-il ?
-
Effectivement, nous
devons vous parler, les filles, dit Michael après avoir échangé un regard avec
sa femme.
Je
retins mon souffle. Ça avait l’air d’une nouvelle terrifiante. Je m’attendais à
un décès familial.
-
Daryl ne reviendra
pas, dit Scarlett.
-
Ah ! soupirai-je,
soulagée. Ce n’était que ça ? Quoi, il a trouvé de meilleurs employeurs ?
Bon débarras !
-
Non Marie chérie,
reprit ma mère. Sa tante a un cancer incurable. Il veut l’accompagner jusqu’au
bout.
Un
silence se répandit dans la pièce.
-
Ah, dit Louise.
En effet, ce n’est vraiment pas cool.
-
Du coup, il n’y a
plus de baby-sitter, dit maladroitement Anaïs. Vous allez devoir nous croire
sur parole !
-
Je sais que tu n’as
pas eu le temps de connaître Daryl mais je te demande un minimum de compassion,
Anaïs ! la reprit Michael. De plus, nous n’allons pas vous laisser sans
rien. Nous allons engager une domestique.
-
Attendez, quoi ?!
m’exclamai-je. Vous voulez qu’une domestique s’occupe de nous ?! Genre
comme au XIXème siècle ?!
-
Elle sera nos yeux
et nos oreilles, en plus d’effectuer les tâches ménagères, expliqua Scarlett.
-
Mais que devient
notre femme de ménage actuelle ? demandai-je.
-
Elle a
démissionné il y a une semaine, Marie ! me dit Michael. Elle attend des
jumeaux et veut se consacrer pleinement à sa grossesse et à leur éducation. Il
faudrait que tu prêtes plus attention à nos employés !
-
Au pire, on peut
s’occuper de la maison nous-mêmes, non ? proposai-je. Au lieu de payer des
gens pour le faire…
-
Avec nos boulots
et vos études ? s’étonna Michael.
-
Et comment font
les gens normaux à votre avis ?! lançai-je agressivement. Ceux qui n’ont
pas les moyens de se payer des domestiques ?!
-
Marie, tu dépasses
les bornes ! gronda Michael. Tu baisses tout de suite d’un ton et tu
retires cet air méprisant de ton visage !
-
Ce que je veux
dire, c’est que…
-
Nous ne voulons
pas entendre ce que tu as à dire ! insista mon père sur le même ton. Nous
sommes les chefs de famille et de maison, nous décidons du fonctionnement de ce
foyer !
-
Vous ne trouvez
pas ça méprisant que mes parents biologiques se démènent pour pouvoir se payer
à manger alors que vous vous payez des domestiques à tout bout de champ ?!
m’emportai-je.
-
C’est la dernière
fois que nous te demandons de baisser d’un ton ! gronda ma mère en se
levant avant de pointer son index sur moi. Si tes parents biologiques ont besoin
d’argent, nous pouvons leur faire un chèque de la somme qu’ils souhaitent sur
le champ ; mais il est hors de question que nous ayons à nous excuser de
notre richesse ou du train de vie que nous menons ! Et ce n’est
certainement pas notre fille qui va nous en faire la leçon ! Est-ce que c’est
compris ?!
-
Oui, répondis-je
les dents serrées et les bras croisés.
-
Oui, qui ?! insista
Michael.
-
Oui maman, oui
papa ! répondis-je avec la même désinvolture.
-
Bien ! Et tu
changes d’attitude ! ordonna mon père.
-
Pour mes parents
biologiques, ce sera un chèque de 100.000€, défiai-je. Ça devrait suffire pour
qu’ils soient à l’abri pour un moment.
-
A quel ordre ?
demanda Scarlett sur le même ton de défi.
-
A l’ordre de
votre égocentrisme, répondis-je sans contrôle.
Je
ne vis pas partir la gifle que me décolla ma mère mais je la sentis bien atterrir
sur ma joue. A peine eus-je le temps de l’accuser que Michael m’ordonna :
-
Lève-toi et
baisse ton pyjama.
Je
ne répondis pas, encore sonnée de la gifle que je venais de prendre. Mon père
se leva, fit le tour de la table et m’attrapa par le bras. Il était clairement
décidé à ne pas répéter sa demande. Il me sortit de table d’un coup sec et s’assit
sur ma chaise. Puis, il tira sèchement sur mon bas de pyjama qui descendit à
mes chevilles. Après avoir forcé ma culotte à suivre le même chemin, il me
renversa sur ses genoux. Mes fesses étaient encore rouges de la veille et je n’étais
pas du tout prête à encaisser cette fessée : dans un effort, je contractai
mes abdominaux pour me redresser et mis mes mains en bouclier. Mon père les
cala quasi-instantanément dans le creux de mes reins et se mit à frapper fort,
tellement fort que c’en était insupportable. Je croyais qu’il allait me casser
les fesses.
La
force des claques était telle qu’elle me coupait le souffle et la voix, j’étais
dans l’incapacité totale de protester et lorsque je sentis un liquide sur mes
joues, je m’aperçus que je pleurais.
Après
m’avoir administré une dizaine de claques, mon père me lâcha et me releva. Il
me gronda, l’index pointé sur moi :
-
La prochaine fois
que tu nous parles de la sorte, tu prendras vraiment cher, Marie ! Compris ?!
-
…
Une
énorme claque déséquilibrante dont seul mon père a le secret atterrit sur ma
fesse gauche, me faisant lâcher un cri de douleur.
-
Est-ce que c’est
compris ?!
-
Oui papa,
lâchai-je dans un murmure.
-
Rhabille-toi et
prends ton petit déjeuner ! T’as intérêt à te faire oublier aujourd’hui,
Marie, parce que je t’assure que je ne vais pas te louper ! Tu as dépassé
les bornes des limites, là ! Gare à toi, vraiment !
J’eus tout le mal du monde à rester assise pour prendre
mon petit déjeuner tellement mes fesses me brûlaient. La réaction de mes
parents avait été cataclysmique pour moi. L’effet de surprise combiné à l’extrême
douleur me faisait penser que je n’avais jamais été aussi sévèrement punie.
Même les fessées d’une demi-heure ou plus que j’avais déjà prises ne valaient
pas les évènements de ce matin.
Mon repas fini, j’allai m’habiller en silence pendant
que Michael administrait à Anaïs ses cinquante claques quotidiennes. Alors que
je me changeais dans la chambre, Louise me demanda :
-
Ça va, Manou ?
-
Ils m’ont tuée,
là…
-
En même temps, tu
ne te rends pas compte de ce que tu leur as dit…
-
Mais regarde dans
quel état je suis, Loulou, dis-je en me regardant dans le grand miroir collé
derrière la porte de la chambre.
Mes
fesses étaient cramoisies. Malgré ma peau couleur chocolat au lait, mes fesses
étaient d’un rouge très vif. Sur le haut et le côté de chaque fesse, on pouvait
voir apparaître des traces rouges de doigts, là où mon père avait frappé.
-
Manou, pourquoi
tu leur as dit ça ?
-
Je n’en sais rien,
dis-je en enfilant difficilement ma culotte du jour. C’est…sorti tout seul. Si seulement
j’avais su que je me ferais démonter comme ça…
-
Tu t’attendais à
quoi, sérieux ?! Tu les as insultés !!
-
Laisse, tu ne
peux pas comprendre…
-
Explique-moi,
alors !
-
Laisse, Loulou.
Dépêche-toi de t’habiller toi aussi, on va être en retard en cours.
Je
dus m’armer de courage pour rester assise toute la matinée. Lorsque je rentrai
seule pour manger à la maison le midi (Michael avait demandé à Louise et Anaïs
de manger à la cafétéria), j’en voulais encore à mes parents.
A peine eus-je franchi le seuil de
la maison que ma mère me dit :
-
Demi-tour, nous
allons manger à l’extérieur.
Mes
parents me laissèrent le droit de choisir le restaurant : mon choix se porta sur un restaurant italien, mon préféré dans cette
ville.
Après
nous être assis et avoir commandé, je demandai à mes parents :
-
Vous allez me
payer le resto à chaque fois que vous me dégommez comme ça ?
-
Sais-tu au moins pourquoi
nous avons réagi aussi vivement, Marie ? demanda Scarlett.
Je
secouai silencieusement la tête. Ma mère m’expliqua :
-
La domestique que
nous avons engagé et qui va commencer à travailler chez nous dès demain s’appelle
Assa. Assa est sans-papiers et en danger dans son pays. Elle a été condamnée à
être lapidée car elle a osé divorcer d’un mari violent. Elle n’a que vingt ans.
Elle a fui son pays par la mer au péril de sa vie. Aujourd’hui, l’état français
refuse de lui accorder l’asile. Nous allons donc lui fournir un toit, un
travail et un salaire. Elle habitera dans la dépendance qui était dédiée à
Daryl.
-
Nous avons donc
réagi très vivement, reprit mon père, parce que d’une, tu n’avais clairement
pas à nous parler comme ça. De deux, tu n’as aucunement le droit de nous
insulter. Tu nous dois le respect. Et de trois, nous sommes très loin d’être
égocentriques, Marie.
Je
ne trouvai rien à dire. Je me sentais même tout conne.
-
Ah, reprit Michael,
nous avons également fait un virement de cent mille euros à tes parents
biologiques, ainsi qu’à ceux de Louise et ceux d’Anaïs.
-
Attendez, quoi ?!
m’exclamai-je. Vous avez dépensé trois cents mille euros en une matinée, comme
ça, pour le fun ?
-
Alors ce n’est
pas pour le fun, c’est pour vos familles, dit Scarlett. Et nous pouvons nous le
permettre Marie. Je comprends que tu puisses avoir du mal avec le fait que nous
soyons aisés mais ton père et moi descendons tous les deux de familles
fortunées et nous en profitons pour faire le bien autour de nous, et au passage
vous mettre à l’abri jusqu’à la fin de vos jours.
-
Nan mais c’est
incroyable d’être aussi riche ! dis-je bouche bée. Normalement, ça n’existe
pas dans la vraie vie !
Michael
ria. Moi qui avais toujours connu ma mère à découvert tous les mois, ma mère
qui se privait de manger pour pouvoir m’offrir un vélo à Noël… J’admirais même
plus ma mère biologique qui fournissait tant d’efforts pour s’en sortir au
quotidien, que Michael et Scarlett à qui la vie avait toujours souri. Je leur
en fis d’ailleurs part. Scarlett réagit :
-
Ce n’est pas parce
que nous avons eu de l’argent que nous avons été heureux, Marie. Moi, j’ai
grandi avec des parents absents. J’ai été élevée par une nurse, si bien que je
suis beaucoup plus proche d’elle que de mes parents que je ne connais presque
pas. Je n’ai jamais eu l’impression de recevoir l’amour de mes parents et
crois-moi ma fille, c’est l’unique chose dont un enfant a besoin avant tout
autre chose.
-
Et moi, j’ai
grandi avec des parents qui ne s’aimaient pas mais qui étaient mariés uniquement
par intérêt. Mon père m’aimait énormément mais il travaillait beaucoup ;
et ma mère passait son temps à dépenser le fric que mon père gagnait. Alors
oui, j’ai grandi dans un château, mais j’aurais volontiers tout échangé pour
avoir la mère aimante que tu avais, même si cela signifiait que les fins de
mois étaient compliquées.
-
En fait, c’était
compliqué à partir du troisième jour du mois… précisai-je.
-
Mais tu avais l’amour,
dit Scarlett. Et ça, ça vaut tout l’or du monde. Oui, nous avons de l’argent…
-
Beaucoup d’argent !
précisai-je.
-
N’interromps pas ta
mère, Marie !
-
Oui, nous avons
de l’argent, reprit Scarlett. Mais c’est surtout l’amour que nous essayons que
vous transmettre à tes sœurs et toi.
-
Ouais, ben vous m’avez
un peu trop aimée ce matin ! raillai-je.
-
Tu sais ce que tu
risqueras de perdre dans la vie si tu insultes quelqu’un comme tu nous as
insultés ce matin ?! m’interrogea mon père. Tu risques de perdre un job,
un ami, ou même l’amour de ta vie si tu te comportes ainsi ! C’est notre
rôle de parent de t’apprendre à te comporter correctement et te faire passer l’envie
de recommencer à te conduire comme une mal élevée.
-
Ah c’est clair
que je n’ai pas envie de recommencer… dis-je.
-
Tu n’as
clairement pas intérêt, menaça ma mère.
Mes parents me déposèrent à la fac et rentrèrent à la
maison continuer leurs télétravaux. De mon côté, Louise et Anaïs me demandèrent
bien évidemment ce qui s’était passé et dit. Je leur racontai tout de A à Z sans
omettre un détail.
-
C’est presque
indécent d’avoir autant d’argent, conclut Anaïs.
-
Ils font le bien
avec donc c’est plutôt bien ! poursuivit Louise. On aurait pu avoir des
parents radins…
-
C’est vrai.
Au dîner nos parents nous demandèrent d’accueillir
chaleureusement Assa demain et de ne pas lui mener la vie dure. Ils nous rappelèrent également
que parmi les fonctions d’Assa, il y avait celle de les prévenir de la moindre
incartade de notre part. Assa a refusé la demande de mes parents de nous
recadrer en leur absence (ce qui me fit l’aimer instantanément) mais elle nous
balancera quand même. N’ayant pas forcément envie d’appréhender le retour de
mes parents à la maison, j’optai pour tenter d’être la plus sage possible.
Bien évidemment, on parle de moi.
A suivre…
Le rôle d'Assa, du même âge que les filles, ne va pas être simple.
RépondreSupprimerUn gros bouleversement dans l'organisation de la famille ...
Marie y est allée un peu fort et son derrière l'a bien senti ! Sans Daryl les créneaux ''devoirs'' risquent d'être moins bien respectés !