Samedi 26 octobre 2019.
Ce matin, Mathilde et moi fîmes
croire que nous étions malades pour sauter le petit déjeuner et rester au lit
jusqu’à onze heures et demie. En effet, nous avions passé la quasi-intégralité
de la nuit à aménager correctement notre placard ; celui-ci étant plus
grand que celui d’Abigaëlle et Sophie, il nous fallut pas mal de matériel pour
l’aménager.
Nous
avons donc piqué des draps et des coussins à l’infirmerie, des poufs et des
plaids neufs dans la réserve de la salle détente et enfin des bières dans la
salle de repos du personnel encadrant. Tout ça grâce au fameux trousseau de
clés de la femme de ménage ; trousseau qui valait vraiment plus que de
l’or dans ce Pensionnat de l’enfer. Il faudrait que je trouve un jour le moyen
de le cloner.
Même s’il fut quelque peu suspicieux,
Monsieur Éric concéda à nous laisser au lit. Mathilde et moi ne fîmes notre
apparition qu’au déjeuner.
Après avoir pris place, je récitai mon bénédicité et attaquai mon entrée - ne pas petit déjeuner, ça creuse !
C’est
alors que le Directeur monta sur l’estrade et prit la parole :
-
Jeunes filles, l’équipe
technique a remarqué que cette nuit, un certain nombre d’objets avait disparu des
parties communes. Les élèves responsables de ce vol ne tarderont pas à être démasquées ;
je leur conseille donc de se rendre rapidement car si je dois venir les
chercher moi-même, ça ira mal ! Merci de votre attention.
Durant
toute sa tirade, Monsieur Éric avait eu un regard très insistant sur nous. Cela
faisait trois jours que je n’avais plus été punie et même si cela m’ennuyait grandement
d’être sage, le fait de ne presque rien sentir en m’asseyant de séduisait
beaucoup. Je n’avais vraiment pas envie que cela change.
-
Mathilde, qu’est-ce
qu’on fait ? demandai-je à mon amie en sortant du réfectoire.
-
Ne panique pas,
Clem ! On agit exactement comme d’habitude et tout se passera bien.
-
On dirait que le dirlo
sait que c’est nous ! dis-je, apeurée.
-
C’est clair que
vous n’avez vraiment pas été malignes sur ce coup-là ! Dit Sophie en nous
rejoignant accompagnée d’Abigaëlle. Nous, on a fait ça sur plusieurs semaines,
pas sur une nuit ! Pfff…
-
Si je me fais prendre,
je vais recevoir la fessée du siècle !
balisai-je.
-
Tranquille Clémence,
dit Abigaëlle. On va te sauver la mise.
-
Pourquoi vous
feriez ça ? interrogeai-je.
-
Parce que la
chouchoute de la Direction qui nous est redevable, ça nous tente bien comme
idée ! répondit Sophie.
-
Qu’est-ce que
vous allez faire pour rattraper le coup ?! m’inquiétai-je.
-
Ne t’occupe pas
de ça.
Souhaitant jouer la petite fille modèle et me faire
oublier, j’allai en salle des devoirs pour travailler de la façon la plus studieuse
possible. Au bout de deux bonnes heures, je vis les surveillantes s’agiter.
Deux d’entre elles sortirent à la hâte de la salle des devoirs. Je me demandais
bien ce qu’il se passait : mon cœur se mit à battre à tout rompre. J’entendis
alors « RASSEMBLEMENT IMMEDIAT DANS LA COUR ! » sortir des haut-parleurs.
-
Vous avez entendu ?!
Aller, vite ! Dépêchez-vous !
Sans
nouvelles d’aucune de mes amies, je suivis le mouvement et me retrouvai dans la
cour à me mettre en rang comme toutes les autres. Malgré la température
fraîche, je n’arrivais pas à déterminer si je tremblais de froid ou de peur.
Après
quelques minutes d’attente (nécessaires à l’arrivée de tout le monde), nous vîmes
apparaître le Directeur tenant par le col Abigaëlle et Sophie. Elles étaient toutes
les deux à moitié nues et ne faisaient clairement pas les fières.
-
Ces deux jeunes
filles ont été surprises en train de fumer dans un placard sous l’escalier du
bâtiment A ! gronda Monsieur Éric. Elles ont reçu une sévère correction et n’ont
vraiment pas intérêt à recommencer ! De plus, nous avons découvert une
autre cachette sous un autre escalier ! Nous y avons retrouvé chaque objet
volé cette nuit ! Je peux vous dire une fois de plus que lorsque les
coupables seront démasquées, elles auront vraiment mal aux fesses ! Plus
nous mettrons de temps à les trouver, pire ce sera ! Alors ? Qui
est-ce ?!
Bien
évidemment, tout le monde se tut, en priorité Mathilde et moi.
- Ces deux-là doivent le savoir, dit Monsieur Éric en désignant Abigaëlle et Sophie. Nous allons donc voir jusqu’où elles sont prêtes à aller pour nous cacher la vérité !
Nous restâmes à grelotter dans
le froid et à regarder Abigaëlle et Sophie se prendre une volée sempiternelle,
l’une par Monsieur Éric, l’autre par Monsieur Lionel. Tant qu’elles ne parlaient
pas, elles prenaient des claques gigantesques sur leurs fesses nues. Au bout de
plusieurs longues minutes, Sophie n’en pouvant plus se mit à parler :
-
Ce sont Clémence et Mathilde ! Ce sont
Clémence et Mathilde !
Les deux bourreaux s’arrêtèrent
instantanément. Monsieur Lionel s’exprima :
-
Eh bien voilà ! Vous voyez quand vous
voulez !
Monsieur Éric, lui, descendit
parmi nous et m’attrapa par le bras. Puis, il attrapa Mathilde de la même
manière et nous emmena toutes les deux dans son bureau.
Alors que nous nous tenions au
milieu de la pièce, mains derrière le dos et terrorisées, Monsieur le Directeur
alla se placer derrière le bureau et nous cria :
-
Pourquoi diable avez-vous fait cela ?!
-
On voulait juste un endroit à nous, Monsieur,
répondit Mathilde.
-
Il me semble que vous avez une chambre pour cela !
Nous ne répondîmes pas. Un
point pour lui.
-
Vous n’avez donc aucune excuse ! C’était
uniquement pour transgresser le règlement !
-
Non, Monsieur, commençai-je.
-
Silence ! Je suis furieux contre vous, les
filles ! Surtout contre toi, Clémence ! Je croyais que la séance de
mardi t'avait calmée mais il en faut plus que ça apparemment ! Enfin, vous
avez toutes les deux gagné une fessée !
-
Non, Monsieur ! priai-je. S’il vous plaît…
Je n’eus pas le temps de finir
ma phrase qu’on frappa vivement à la porte du bureau.
-
Oui, quoi ?! aboya le Directeur.
-
Monsieur, des élèves ont mis de la mousse à
raser dans la serrure du réfectoire, on ne peut plus l’ouvrir ! rapporta
Madame Valérie. D’autres ont lâché des souris dans le bâtiment A ! D’autres
encore ont saccagé des chambres de surveillantes et collé des objets au plafond…
-
Vous êtes en train de me dire que…
-
Oui, Monsieur. Les élèves se révoltent. Nous faisons
face à une mutinerie. Code rouge.
-
Restez ici vous deux ! nous lança Monsieur Éric,
rouge de colère. Si je ne retrouve pas mon bureau intact à mon retour…
Il ne finit pas sa phrase.
Quoi, nous aurions droit à une fessée ? Nous devions déjà en prendre une
de toute façon.
Le Directeur nous laissa dans
son bureau. Cependant, je crevais d’envie d’aller voir ce qui se tramait au-dehors.
Mathilde était du même avis que moi. Nous décidâmes alors de transgresser la
consigne du Directeur. S’il y avait réellement une mutinerie de tout l’établissement,
nous étions en surnombre. Ils ne pouvaient rien nous faire. Cinquante-deux
jeunes filles prêtes à mettre le bazar et moitié moins d’adultes pour les
cadrer : ils se sentiraient très vite dépassés.
Mathilde et moi courûmes donc
en dehors du bureau et rejoignîmes le hall d’entrée. Nous vîmes soudain l’anarchie
régner.
Laure et Monica étaient en
train de taguer « Nique la direction » avec des bombes de peinture
réservées aux cours d’arts plastiques. Personne ne les stoppait car Madame
Mireille était occupée à courir après Fatoumata qui avait un paquet de cigarettes à la main, et Madame Cécile essayait de maîtriser Willow qui se débattait comme
une folle. Parmi le brouhaha sonore qui régnait, Nous entendîmes un objet en
verre se briser au premier étage, quelques cris, des claques tomber sur on ne
savait qui… C’était un vrai capharnaüm.
-
Qu’as-tu envie de faire, Clem ? me demanda
Mathilde.
-
Je n’en sais rien…
-
Alors suis-moi.
Mathilde m’emmena dans la
salle des professeurs où plusieurs élèves se trouvaient déjà. Alors que certaines
fouillaient dans les tiroirs et les casiers des profs, Mathilde me proposa un
thé provenant de la réserve personnelle de Madame Constance. J’acceptai. Un peu
déboussolée par cette révolte, je demandai aux élèves présentes :
-
Savez-vous comment a commencé cette mutinerie ?
-
C’est Abigaëlle qui a eu l’idée, répondit Oriane.
Elle a fait passer le mot cette nuit dans les dortoirs. Vous ne saviez pas ?
-
Non, on dort chez le Dirlo !
-
L’info a quand même circulé, normalement…
-
Clem, cette nuit nous étions en train de voler
des trucs ! dit Mathilde. C’est pour ça qu’on ne savait pas !
Tandis qu’Hasna et Manon s’amusaient
à lancer toutes sortes de papiers en l’air – copies d’élèves, cours en
polycopiés, papiers administratifs… - Mathilde me tendit la tasse de thé que je
pris le temps de boire tranquillement en discutant avec les autres.
Le souk infligé au Pensionnat
dura plusieurs heures.
Mathilde et moi étions dans le
bureau de Monsieur Matthieu en train de couper les lanières de son martinet
(après avoir balancé son paddle en bois dans le poêle à granulés) lorsque Monsieur
Thomas, le professeur d’espagnol, entra accompagné de Madame Coralie et de
Madame Hermine.
-
La fête est terminée mesdemoiselles !
Les trois adultes nous empoignèrent
fermement et nous emmenèrent de force jusqu’au gymnase. Dans le gymnase, des
espèces de menottes étaient attachées au mur à l’instar de celles qu’il y avait
dans la salle grise. Je ne savais absolument pas d’où elles sortaient mais
elles étaient bel et bien là. D’ailleurs, l’une de ces paires emprisonna mes
poignets dans les minutes qui suivirent leur découverte par mon esprit. Plusieurs
dizaines de mes camarades y étaient attachées et d’autres manquaient à l’appel.
Le tiers des adultes (dont les trois de la Direction) était là, le reste était
sûrement en train de chercher les autres. Je sus alors à cet instant précis que
la révolte était perdue, que nous avions été vaincues.
Après avoir fait l’appel, Monsieur
Lionel déclara :
-
Il manque Mesdemoiselles Charlotte, Bertille,
Barbara, Eva, Astrid, Charline, Hélène, Capucine, Yéline, Aubéline, Julie et
Chaïma. Trouvez-les vite !
Il fallut
une heure de plus pour que nous soyons toutes rassemblées et enchaînées au mur.
Les surveillantes sortirent ensuite une cinquantaine de foulards noirs et nous
bâillonnèrent chacune notre tour. Une fois ceci fait, Monsieur Éric prit la parole :
-
Bien. Mesdemoiselles, je croyais que vous aviez
toutes bien intégré les règles de l’établissement mais apparemment ce n’est pas
le cas. Nous allons donc vous les rappeler. Vous êtes ici pour étudier et pour
obéir ! En aucun cas pour transgresser les règles et vous révolter contre
l’autorité ! L’ordre est là pour vous sécuriser ! Si l’ordre est
déstabilisé, cela vous met en danger et c’est inadmissible ! Tous les ans,
nous avons au moins une mutinerie de ce genre, et tous les ans, nous sommes
obligés de vous remettre les règles de cette école en tête !
Monsieur Éric
avait un ton et une attitude qui inspiraient la peur. Aucune de nous n’osait
bouger.
- En conséquence des évènements d’aujourd’hui – car vous vous doutez bien qu’il y aura des conséquences -, la sortie de demain est annulée, annonça le Directeur. Vous passerez la journée à réparer les bêtises d’aujourd’hui et Dieu sait qu’elles sont nombreuses ! Ensuite, vous pouvez oublier votre repas de ce soir : personne ne bougera de ce gymnase avant qu’une sévère correction ait été infligée à chacune d'entre vous. Croyez-moi, nous tous ici présents sommes furieux de devoir sacrifier notre soirée à cause de votre indiscipline et nous ne ferons preuve d’aucune clémence ! Ce qui m’amène au dernier point : je vous fais ici et maintenant la promesse qu’aucune d’entre vous ne pourra s’asseoir après avoir été sanctionnée ce soir.
A suivre…
Oh la la !!! La canne va sûrement chauffer. Clémence et Mathilde vont à nouveau avoir du mal à s'asseoir. J'espère qu'elles n'auront pas un supplément pour le vol de matériel ?!
RépondreSupprimerHâte de suivre les prochaine aventures de clémence
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