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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 62

 



Samedi 23 novembre 2019

 

                Je me levai après une mauvaise nuit. La douleur ressentie au niveau de mes fesses m’avait réveillée plusieurs fois. De plus, j’étais triste ce matin : ma vie ne serait plus jamais fun. J’avais l’impression d’être en prison. Je ne pouvais plus déroger aux règles sans craindre une fessée. Et quelle fessée ! J’avais reçu hier la trempe de ma vie et en plus de ça, mes parents s’étaient transformés en bourreaux sans pitié. Ma jeunesse était finie. Il était désormais impossible de désobéir à mes parents.

                En m’asseyant douloureusement sur mon lit, je fondis en larmes. Je n’avais pas d’autre choix que d’obéir tout le temps. Je ne savais même pas comment on faisait et je n’avais aucune envie d’apprendre ; mais je n’avais pas le choix.

 

                Je descendis au rez-de-chaussée pour le petit déjeuner. J’étais la dernière à rejoindre la table. Je saluai tout le monde d’un signe de la main. D’habitude, je fais le tour de la table pour embrasser chaque membre de ma famille mais ce matin, mon cœur était tellement triste que je n’en avais aucune envie.

 

-          Comment vas-tu, Marie chérie ? me demanda ma mère lorsque Louise et Anaïs furent montées se préparer.

-          Je n’en sais rien, répondis-je.

-          Tu as le droit de nous en vouloir, dit Michael.

-          Pourquoi m’avoir autant punie ? demandai-je une nouvelle fois.

-          Nous avons déjà répondu à cette question, me dit mon père.

Après quelques secondes de silence, je confiai :

-          J’ai l’impression que ma vie va être nulle, à présent. Quand on obéit tout le temps, on s’ennuie. Je vais passer à côté de ma jeunesse.

-          Retire-toi ça de la tête, me dit ma mère. Tu vas apprendre à devenir responsable, à prendre soin de toi et à t’autogérer. C’est super !

-          Youpi, ça fait rêver ! lançai ironiquement. Ma jeunesse est complètement foutue. Tout ce qu’il est fun de faire quand on est jeune, vous me l’enlevez !

-          Ne t’en fais pas ma princesse, dit papa, je peux te jurer que tu t’amuseras quand même. Va t’habiller, mon cœur, sinon tu risques d’être en retard.

 

Je survolai les deux contrôles avec une facilité déconcertante. Je pensais même qu’il y avait un piège tellement c’était facile ; mais en comparant mes réponses avec celles de Louise en sortant de la fac, je me rendis compte qu’au final, j’avais eu tout bon. Youpi !

 

Mathieu m’attendait. Je le retrouvai avec une joie intense, et pour nos retrouvailles de cette semaine, il m’emmena au resto.

Tandis que nous attendions que les plats arrivent, je racontai ma semaine à mon amoureux et notamment la soirée d’hier.

-          Ils ont carrément pété un câble ! Avec le recul, ils m’ont maltraitée, en fait !

-          A quoi est-ce que tu t’attendais ? s’étonna Mathieu. Ça fait un mois que tu leur en fais voir de toutes les couleurs, normal qu’ils répliquent !

-          Jusqu’à me maltraiter comme ça ?!

-          D’après ce que tu racontes, c’était uniquement pour te montrer qu’il fallait que tu arrêtes tes bêtises. En plus, vu ce qui se passe dans les camps de déserteurs, tu aurais du mal à faire croire à qui que ce soit que tu es maltraitée…

-          Comment ça ?

-          Eh bien, dans les familles d’accueil et à l’armée, ils ont pour ordre de nous éloigner des médias pour qu’on ne sache pas la vérité. Si la plupart des chaînes de télévision sont contrôlées par l’Etat, il reste bien sûr des journalistes qui se battent pour montrer aux gens la vérité. Hier soir, mes parents m’ont montré une vidéo sur les réseaux sociaux : c’était un reportage sur les jeunes qui ont déserté et qui se sont fait arrêter.

-          Et ? demandai-je, souhaitant en savoir plus.

-          Ils sont détenus dans des prisons de haute sécurité comme s’ils étaient des tueurs en série. Ils passent leurs journées dans de toutes petites cellules dans lesquelles il y a un lit de camp, des toilettes et un lavabo. Ils n’ont droit à rien d’autre. Ils n’ont également droit qu’à deux petits repas par jour. Chaque jour, ils reçoivent des châtiments corporels pour avoir déserté : et attention, ce ne sont pas les petites fessées que tu prends, Marie. Je n’ose même pas te raconter les punitions qu’ils reçoivent. Durant ces châtiments, un garde leur relit la loi qui stipule qu’ils doivent se plier au système. Ils restent incarcérés dans ces prisons jusqu’à ce qu’ils décident de se plier aux règles et de rejoindre soit l’armée, soit l’université. Et encore après, ils sont surveillés : s’ils vont à l’armée, ils vont dans un régiment spécial ultra strict pour être sûr qu’ils n’y mettent pas le bazar. Pareil s’ils vont à la fac : des familles d’accueil ont été sélectionnées pour recueillir ces « rebelles » et les garder sur le droit chemin. Ils ont pour cela le droit d’user de méthodes extrêmes. Donc Marie, je t’en supplie, ne dis plus jamais que tu es maltraitée parce que tes parents t’ont filée une sacrée bonne volée, justifiée en plus. Des parents qui t’aiment, qui plus est.

J’étais bouche bée. A quel moment mon pays que j’aimais tant et dans lequel il faisait si bon vivre s’était-il transformé en une dictature extrémiste ?

-          Ok, je ne le dirai plus, acquiesçai-je. De toute façon, je vais me tenir à carreaux, désormais. Il ne faut plus que je reçoive une fessée du calibre d’hier soir.

-          C’est ça ! ria Mathieu. Je mettrais ma main à couper que tu vas encore en prendre quelques-unes avant de devenir totalement sage !

-          Mathieu, tu n’as aucune idée des volées que j’ai prises. Je ne veux plus revivre ça.

-          C’est bien que tu prennes de bonnes résolutions, ma chérie ! J’attends de voir leur application !

Je ne répondis pas, tentant d’ignorer les moqueries de mon petit copain.

 

L’après-midi, Mathieu me fit une autre surprise : il m’emmena dans un jeu d’escape game auquel participèrent également mes parents et mon frère. Ce fut une superbe expérience en famille et cela nous rapprocha beaucoup. J’avais l’impression de revenir quelques mois en arrière, au bon vieux temps, lorsque le pays tournait encore rond.

 

 

Dimanche 24 novembre 2019

 

-          Aller, retourne te faire maltraiter ! ria Mathieu après m’avoir embrassée dans sa voiture.

-          Très drôle ! ironisai-je avant de sortir du véhicule.

Je rentrai à la maison, celle-ci était étrangement silencieuse. Je m’avançai dans la pièce à vivre et lançai un discret : « Bonjour ». Mes parents et grands-parents avaient des mines fermées, mes sœurs avaient l’air paniqué.

-          Marie, est-ce toi qui as volé ma carte bleue ?! me gronda ma mère.

Douche froide. J’avais totalement oublié ce détail.

-          Oui, maman.

-          Ah, je le savais ! dit ma grand-mère qui avait l’air de s’être transformée en véritable collabo.

Tandis que Scarlett me fonçait dessus, je mis mes mains devant moi pour tenter de la stopper :

-          Attends maman ! Je vais t’expliquer ! S’il te plaît, écoute-moi ! Je t’en supplie, écoute-moi !

-          Tu as deux minutes pour m’expliquer, pas une de plus ! me gronda-t-elle en se stoppant à un mètre de moi.

-          Je l’ai prise hier soir car je ne me suis dit que si on devait sortir avec Angélique et Marion, on aurait peut-être besoin d’argent…

Scarlett brandit sa main mais je la stoppai à nouveau avec un geste défensif en poursuivant :

-          Mais c’était avant que papa et toi me tombiez dessus ! Et ensuite j’ai totalement oublié de te la rendre ! Oh maman, je suis vraiment désolée, si tu savais comme je suis désolée…

-          Très bien, je te crois, dit-elle néanmoins froidement. Où est-elle ?

-          Je…je ne sais plus… Il…il faut que je cherche…

-          Alors file ! Va me la retrouver ! Je te jure que si tu n’es pas redescendue dans cinq minutes avec ma carte bleue dans les mains, je te flanque une fessée ! File, je te dis ! Dépêche-toi !

Tout en pleurant à l’idée que ma mère me retombe dessus, je montai les escaliers quatre à quatre et cherchai partout dans mes affaires comme si je cherchais le trésor de ma vie. Au bout de quatre minutes, je n’avais toujours rien et je pleurais abondamment.

-          Plus qu’une minute, Marie ! entendis-je. Grouille-toi !

Soudain, cela me fit « tilt » : mes vêtements de vendredi ! Je courus vers mon panier à linge sale et en sortis mon pantalon de l'avant-veille ; dans la poche arrière se trouvait le fameux sésame. Je descendis à la hâte les escaliers, en nage et donnai la carte bleue à ma mère.

-          C’est bon, maman ! Tiens ! Je l’ai ! Je suis vraiment désolée…

Scarlett prit sa carte bleue, la donna à son mari, puis m’attrapa par le bras. Je la priai et la suppliai de toutes forces jusqu’à m’en casser la voix mais ma mère me colla tout de même cinq bonnes claques sur le pantalon. Je les sentis malheureusement passer comme il fallait à cause des séquelles d’avant-hier.

-          Tu as de la chance que je ne m’en sois pas aperçue vendredi soir ; tu aurais pris une déculottée supplémentaire !

-          Je suis vraiment désolée maman, pleurai-je en me frottant les fesses.

-          Tu peux ! Je ne suis pas contente après toi, Marie ! Tu n’as rien dépensé, au moins ?!

-          Non maman…

-          Tu me le promets ?! Si je découvre quoique ce soit…

-          Je te jure que je n’ai rien dépensé, maman ! insistai-je.

-          Dans ce cas, n’en parlons plus et passons à table, annonça ma mère.

Avec toute cette panique, je n’avais même pas remarqué que la table était déjà dressée et l’apéritif installé.

 

                A la fin du dîner, Michael reçut une notification sur son téléphone :

-          Vos professeurs ont déjà corrigé vos copies, les filles ! annonça-t-il. Louise, 20 et 20. Marie, 19,5 et 20. Anaïs, 8 et 12.

-          Tu nous ramèneras tes copies pour que nous puissions en discuter, Ana ! dit ma mère. Je pense qu’il y a deux-trois petites choses à régler !

-          Quant à vous deux, c’est très bien ! nous félicita Michael. Vraiment très bien. Nous sommes fiers de vous.

 

Nous ne tardâmes pas à aller nous coucher après cette soirée mouvementée. Puisque ma douleur aux fesses avait malheureusement été ravivée ce soir, j’espérai néanmoins bien dormir cette nuit.

 

A suivre…

La suite !

Commentaires

  1. La tristesse de Marie me fait de la peine.
    J'espère qu'elle va retrouver sa joie de vivre et que son côté espiègle n'aura pas disparu ?

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  2. J’ai vraiment hâte de lire la suite vite vite vite 😁😁😁

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  3. Je viens de découvrir votre blog et cette histoire il y a quelques jours . Je l’ai lu en 2j j’ai adoré ! Hâte de voir la suite

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