- Manon, je t’en supplie,
sors-moi de cet enfer !
- Je ne peux rien faire,
Zoé ! Il n’y a qu’une seule personne qui peut faire quelque chose, et c’est
papa !
- Mais il m’a enfermée
chez des psychopathes ! plaidai-je. Ils m’ont filé cent coups de canne, hier !
Je saignais !!
- Je sais, Zo. J’ai passé
deux mois dans cet enfer…
- T’aurais pu me
prévenir, merde !
- Je ne pensais pas que
papa aurait enfermé sa petite fille chérie là-bas… Je suis vraiment désolée,
petite sœur.
- Trouve un moyen de me sortir
de là. Négocie avec papa.
- Tu lui as dit d’aller se
faire foutre hier au téléphone, Zoé ! Que veux-tu que je négocie ? Il
va falloir que tu prennes ton mal en patience…
- Punaise, Manon ! J’ai
actuellement deux énormes pansements cicatrisants collés au derrière !
- Tu verras, ces trucs-là
font des merveilles ! Tu récupères un postérieur immaculé après seulement une
nuit d’utilisation !
- Manon !!
- Je te répète que je ne
peux rien faire, Zo ! Du moins, pas tant que papa sera énervé. Et pour qu’il
se calme, il faudrait déjà que tu cesses de l’envoyer chier au téléphone. Quand
il t’appellera tout à l’heure, tu t’excuseras.
- Je ne te le garantis
pas. C’est lui qui m’a mise dans cet enfer !
- Eh bien alors
attends-toi à y rester longtemps.
Je raccrochai au nez de ma sœur. Enervée, agacée
et sur les nerfs, je fondis en larmes. Il fallait que je trouve un moyen de me
sortir de là. Pour le moment, il était quatre heures du matin et j’allai me recoucher
discrètement avant que Pierre-Louis ne me découvre levée et qu’il me flanque
une fessée.
Je
tentai de passer la journée en faisant tout bien comme il fallait. Pas d’insolence,
pas d’excès de colère… J’essayais de me tenir à carreaux, bien que ma sœur ne m’ait
pas menti et que les pansements cicatrisants soient incroyablement efficaces. Si
je les avais eus lorsque Valentin, Romain ou Manon me tombaient dessus, cela m’aurait
enlevé pas mal de douleur !
Durant
le dîner, Pierre-Louis m’annonça une nouvelle fois le planning de demain matin
:
- Lever à sept heures.
Vos cours commenceront à huit heures et demie. Vous n’appréhendez pas trop ?
- Bien sûr que si,
répondis-je. Je vais me retrouver dans une toute nouvelle école, avec des gens
que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam. N’importe qui appréhenderait.
- Finissez votre repas,
je vais vous présenter quelqu’un.
J’obéis.
Mes
mains lavées après le dîner, Pierre-Louis me demanda de le suivre hors de l’appartement.
Je m’exécutai. Nous montâmes à l’étage supérieur et Pierre-Louis toqua à la
porte de gauche. Une femme – qui aurait pu détenir la palme de la personne la moins
avenante du monde – ouvrit.
- Oui ?
- Bonjour Christie. Jenna
est-elle disponible ?
- Elle a quelques minutes
en effet. Pourquoi ?
- Zoé entre à la fac de
médecine demain matin et elle ne connaît personne.
- Zoé ? Zoé Duhamel ?
demanda la fameuse Christie en me regardant de haut en bas. Oui, vous ressemblez
trait pour trait à votre père. Il ne peut clairement pas vous renier ! Suivez-moi.
Elle informa Pierre-Louis qu’elle me ramènerait
à mon appartement puis me fit entrer. Avant de me perdre de vue, Pierre-Louis
me dit :
- Jenna sera l’une de
vos camarades de classe. Je vous laisse faire connaissance.
L’appartement de cette Jenna était moins somptueux
que le mien mais il ne donnait tout de même pas sa part au chien. La fameuse
Jenna était assise sur son canapé en train de regarder la télé.
- Eteignez-moi ça ! lui
aboya Christie.
- Oui, Christie, répondit
Jenna en s’exécutant immédiatement.
Waouh, la vache ! Je me promis de ne pas
devenir un robot comme elle.
- Emmenez Zoé dans votre
chambre, ordonna Christie à Jenna.
Je suivis ma nouvelle camarade dans son antre.
- Je vous laisse
trente-cinq minutes. Si j’entends un mot plus haut que l’autre ou si vous faîtes
quelque bêtise que ce soit, je vous donne une déculottée sur mes genoux. C’est
assez clair ?
- Oui, Christie, répondit
Jenna.
Christie tourna son regard vers moi, attendant
visiblement quelque chose.
- Euh…oui, répondis-je.
Christie me fonça dessus. Alors que je m’étais
assise sur le lit de Jenna, Christie me bascula sur le côté et me colla trois
claques sur les fesses venues de l’espace.
- Je pense que vous avez pris
connaissance de mon prénom ! Alors pourquoi ne répondez-vous pas
correctement ?!
- Oui, Christie. Pardon,
Christie, balbutiai-je, totalement décontenancée.
- « Je vous prie de bien
vouloir m’excuser, Christie ! » me reprit-elle. Répétez !
J’obéis. Même si Christie était une femme, elle
n’avait strictement rien à envier à Pierre-Louis.
Lorsque
la fameuse Christie sortit de la pièce en fermant la porte derrière elle, je me
frottai ardemment les fesses en la traitant de cinglée.
- Ça va aller ? me
demanda Jenna.
- Oui, ne t’en fais pas,
répondis-je. Vu ce que j’ai reçu hier, là, ce n’était rien du tout !
Devant le regard interrogateur de ma camarade,
je lui racontai ce qui m’était arrivé hier : la déculottée, la douche glacée,
la session interminable à la canne…
- Oh ça, c’est le comité d’accueil, me dit Jenna.
On est toutes passées par là ! Mais j’avoue que ça fait drôle, au début !
Ne t’en fais pas, maintenant que tu t’es calmée, ils se contenteront de volées
plus… douces, si je peux me permettre.
- Plus douces ? m’étonnai-je.
- Hier, j’ai pris une
volée à la brosse à cheveux. Ça fait très mal, mais moins que la canne !
- Pour quel motif ?
- J’ai eu un 4/20 en
histologie.
- Oh la vache…
- Mais ne t’en fais pas :
si tu travailles, ça ne t’arrivera pas ! m’assura Jenna.
- Comment tu peux en être
sûre ?
- Ton père est une tête :
c’est un P-DG qui dirige une multinationale. Ton frère est flic. Ta sœur est déjà
médecin. Vous êtes une famille d’intellos. Tu as les gènes en toi pour
comprendre vite et bien. Les cours que tu as rattrapés ce week-end t’ont posé un
problème ?
- Euh, pas vraiment non…
- Tu vois ! Donc no
stress. Si tu bosses, Pierre-Louis te laissera tranquille.
- Mais attends… comment
tu sais tout ça sur ma famille ?
- Ton père fait une
visite hebdomadaire ici pour vérifier que tout va bien.
- Sérieux ? Je n’étais
même pas au courant… avouai-je.
- Et durant ses visites, il
nous parle un peu de sa famille et de ses enfants. Quand la rumeur s’est répandue
hier matin que tu arrivais, tout le monde s’est agité telle une fourmilière. La
fille du grand patron est là ! Ils ont déroulé le tapis rouge, je peux te
le dire !
- C’est pour ça que j’ai fini
cannée pendant une demi-heure sur une planche en bois ?!
- Ils ne te laisseront d’autant
plus rien passer car tu es la fille de monsieur Duhamel ; et monsieur
Duhamel attend des résultats.
- Purée, je suis dans un
sacré pétrin… me lamentai-je.
Jenna utilisa le temps qu’il nous restait à me
parler un peu d’elle, de son parcours et du pourquoi de sa présence ici. Jenna
est issue d’une famille très riche et très haute placée. En tant qu’aînée de sa
fratrie, elle se devait de rendre ses parents fiers d’elle ; ce fut trop
de pression pour elle : elle sombra dans la drogue. Ses parents décidèrent
alors de l’envoyer ici comme ultime recours. Cela fait maintenant quatre mois
qu’elle est là. Elle vit un sevrage rude et costaud mais avoue qu’elle va beaucoup
mieux qu’avant son arrivée dans cette structure.
Jenna me parla aussi de la faculté de médecine,
des amies qu’elle a et qui, selon elle, vont m’adorer.
Lorsque
Christie vint me chercher pour me raccompagner à mes appartements, j’étais
beaucoup plus soulagée d’aller à la fac demain.
- Euh, Pierre-Louis ?
appelai-je alors que celui-ci était occupé à taper sur son clavier d’ordinateur.
- Oui, Zoé ?
répondit-il sans me regarder.
- Je vous remercie de m’avoir
présenté Jenna. Ça va beaucoup mieux et je ne suis plus stressée d’aller à la
fac demain.
- Je vous en prie, ma grande,
dit-il en fermant son ordinateur portable.
Il se leva, s’avança vers moi et, devant mon
effarement le plus total, me prit dans ses bras. Je fus totalement décontenancée
les premières minutes, puis je lui rendis son câlin, me rendant
compte que j’en avais finalement bien besoin. D’ailleurs, sans pouvoir le
contrôler, je fondis en larmes dans les bras de mon précepteur.
- Je sais, ma grande. Ça va
aller. Je suis peut-être là pour vous mener la vie dure et ne rien vous laisser
passer mais je suis également là pour vous aimer et vous épauler. Je ne suis
pas votre ennemi, Zoé. Je suis votre repère. Je suis le chemin sur lequel vous
devez marcher et duquel vous ne devez pas dévier. Si vous suivez le chemin que
je vous fixe, je peux vous garantir que votre vie s’améliorera
significativement. Je vous le promets, Zoé.
Nous restâmes enlacés un bon moment, jusqu’à
que Pierre-Louis me demande :
- Vous ne voulez toujours
pas parler à votre père au téléphone ?
- Non, c’est trop tôt.
- Alors allez vous
préparer pour dormir.
Pierre-Louis me borda à
la manière d’un père. Je ne dis rien et profitai de ce moment.
- Êtes-vous bien
installée, Zoé ?
- Oui, merci.
Il brandit sa main. Je m’empressai alors de
répondre :
- Oui, Pierre-Louis !
Merci, Pierre-Louis !
- Ça commence à rentrer,
dit-il en baissant délicatement sa main.
- J’ai pris des claques
par Christie tout à l’heure, je n’ai pas le choix que d’y penser…
- Ici, il faut taper sur
les fesses pour faire fonctionner le cerveau : et ça marche !
- Vu comment vos fessées font
mal, ça ne peut que fonctionner…
Pierre-Louis sourit. Puis, il me souhaita une
bonne nuit et de beaux rêves.
Ce soir, je m’endormis
beaucoup plus sereinement qu’hier. Finalement, c’était peut-être comme ça que j’allais
gagner le combat contre mon père : en appréciant la vie ici.
A suivre...
Elle n'est quand même pas sortie de cette auberge, la pauvre Zoé. Mais si ça doit être la solution... En espérant qu'elle n'en veuille pas trop à son père, ce dont je doute... Pour le moment...
RépondreSupprimerNormal qu'elle en veuille à son père !
SupprimerMême si Pierre-Louis peut se montrer humain et réconfortant, Zoé n'a pas droit au moindre faux pas et n'a aucune liberté. Avec son caractère elle risque de vivre encore de durs moments 😒
Oui, Sonia, tu as raison. J'ai un peu pitié de Zoé, quand même...
SupprimerPauvre zoé
RépondreSupprimerLoin de sa famille
Vivement la suite de ses aventures