Vendredi 29 novembre
2019
En
me réveillant ce matin, j’étais heureuse : la perspective de passer un
week-end en amoureux seule avec Mathieu me réjouissait. En effet, mes parents
et mon petit frère partaient en Auvergne pour le week-end afin de rendre visite
à de la famille éloignée. Nous ayant laissé le choix à Mathieu et moi de les
accompagner ou non, mon petit copain et moi avions préféré décliner
l’invitation. Nous avions effectivement de bonnes raisons : la maison de
mes parents pour nous seuls ? Il serait obligatoire d’organiser une
superbe fête avec tous nos amis du lycée !
C’était
donc avec le moral au beau fixe que je rejoignis la salle à manger ce
matin ; mais ça, c’était avant de voir l’énorme assiette qui m’attendait !
- Mais c’est
énorme ! m’exclamai-je avant même d’avoir embrassé mes parents et mes
sœurs.
- Marie, ne commence
pas ! me gronda ma mère. Embrasse-nous et assieds-toi pour manger. C’est
toujours la portion d’un enfant de deux ans et demi, je te signale ! Alors
cesse ton caprice !
J’obéis, bougonne. Je savais que Mathieu, au
moins, ne m’embêterait pas avec tout ça !
Mon
assiette terminée, je m’empressai de sortir de table et pris la route des
toilettes du rez-de-chaussée.
- Ose aller vomir et tu
vas voir tes fesses ! me prévint mon père.
- Mais j’ai trop mal au
ventre ! me plaignis-je.
- Arrête ça tout de
suite, Marie ! insista Michael.
Je ne répondis pas, continuant de me diriger
vers les toilettes ; mais à peine eus-je mis ma main sur la poignée que
l’on m’attrapa par le col de mon pyjama pour me tirer en arrière. Sans avoir le
temps de regarder qui avait fait ça, je reçus immédiatement trois claques sur
le pyjama, qui me firent picoter les fesses pendant de longues minutes. Je
devinai aisément, avec des claques de ce calibre-là, que mon père avait agi.
- Qu’est-ce que je viens
de te dire ?! me gronda-t-il.
Je ne répondis pas ; je n’en avais pas le
courage. Je me frottai les fesses, les yeux rivés vers le sol.
- Ah ! s’exclama ma
tante Justine qui venait de se lever. Depuis hier soir qu’elle la méritait,
elle n’est pas volée, celle-ci !
Mon père me lança un regard qui voulait
dire : « Ne l’écoute pas ! » et m’ordonna de monter
m’habiller avec interdiction formelle d’entrer dans les toilettes.
- Mais si j’ai envie de
faire pipi ou caca ?! protestai-je.
- Tu te retiens !
rétorqua mon père.
Mes parents n’ayant aucune confiance, ma mère
me suivit jusque dans ma chambre où elle se posta devant la porte tel un
vigile.
- Ça te rappelle des
souvenirs ? lui demandai-je d’un air espiègle pour faire référence à son
ancien métier de garde du corps.
- Moque-toi, dit ma mère.
Au moins, je sais que tu ne feras pas de bêtises !
Je ne pus vider mon
estomac par la bouche car même arrivées à la fac, mes sœurs me surveillaient.
Elles étaient prêtes à prévenir nos parents à la moindre incartade. Je n’avais
pas le choix que de garder mon repas dans le ventre.
Je ne voulais pas
rentrer à la maison ce midi pour le repas : je ne souhaitais pas me
prendre de nouvelles réflexions de la part de mon oncle ou de ma tante.
Je fus agréablement surprise qu’ils n’en
fassent pas : Michael et Scarlett avaient dû leur faire un speech bien
serré. Puisque c’était une réflexion de famille qui avait déclenché cette
situation, ils ne voulaient certainement pas risquer que cela s’aggrave à cause
d’une autre bourde familiale…
- Marie, ouvre la
bouche ! m’ordonnait mon père en tenant une fourchette pleine de petits pois
devant mes lèvres tellement fermées qu’elles en étaient pincées.
Je secouai la tête.
- Marie Webber !
insista-t-il sur le même ton.
- Non !
protestai-je.
L’architecte en informatique profita de mon
« Non ! » pour plonger la fourchette dans ma bouche. Au moment
où je me penchais au-dessus de mon assiette prête à tout expulser, il me cria
très fermement :
- Avise-toi de cracher et
tu prends une sévère déculottée devant tout le monde ! Je te préviens,
Marie, tu vas vraiment passer un sale moment !
Stoppée dans mon geste et n’osant pas défier le
paternel, je me mis à mâcher puis avaler ces quelques petits pois.
- Je veux boire, dis-je
après avoir tout avalé. S’il vous plaît, ajoutai-je devant les regards
réprobateurs.
- Hun, hun, refusa ma
mère. D’abord tu termines ton assiette, ensuite tu pourras boire. L’eau, ça
remplit l’estomac et réduit la faim. Donc tu boiras quand ton assiette sera
vide.
- Mais j’ai soif ! m’indignai-je.
- Alors dépêche-toi de
manger ! dit ma mère, impassible.
Mon assiette terminée,
il me restait à affronter le dessert : une banane. Les fruits, c’est
bourré de sucre. Je ne pouvais pas manger cela entièrement ! Je profitai
que les adultes soient en très grande conversation pour donner discrètement
quelques morceaux à Toulouse, qui n’attendait que ça. Après avoir fait disparaître
trois morceaux de cette façon, ma mère me gronda :
- Tu crois que je ne te
vois pas faire ?!
- Quoi ? feignis-je.
Mais, je…
- Finis de manger,
dit-elle. On va régler ça.
Je me persuadai naïvement que si je mangeais
consciencieusement le reste de ma banane, mes parents oublieraient cette
bêtise ; je les avais encore une fois sous-estimés. Après m’avoir laissée
une heure assise sur le canapé pour me faire digérer, mon père vint s’asseoir à
mes côtés et me bascula sur ses genoux.
- Papa, non !
priai-je. Je n’ai rien fait…
- Donner des morceaux
banane à Toulouse au lieu de les manger toi-même, ce n’est rien faire, pour
toi ?! me demanda-t-il en baissant mon pantalon.
- Papa, je t’en
supplie ! Je ne le referai pas !
J’étais on ne peut plus honteuse. Mon oncle, ma
tante et mes cousins étaient au premier rang pour le spectacle, tout comme ma
mère.
Sans prévenir, Michael m’asséna dix bonnes
claques sur ma culotte. Puis, il me releva, m’attrapa le menton et me
prévint :
- Tu viens de me dire que
tu ne le referas plus. Est-ce vrai ?
- Oui papa, je te le
promets ! répondis-je, la voix tremblante.
- Si jamais tu
recommences, je te baisserai la culotte et je ne te relèverai pas de sitôt, je
te le garantis ! Tu as entendu ?!
- Oui papa, pardon
papa ! répondis-je docilement, effrayée par la menace.
Michael me lâcha alors et j’en fus soulagée.
Je
retournai à la fac pour suivre mes cours de l’après-midi. Je déteste les cours
du vendredi après-midi. J’avais physique – matière inutile et soporifique au
possible ! – et histoire en cours magistral avec ce sadique de Montaire.
Non, vraiment, je hais le vendredi après-midi.
Assise
à côté d’Angélique, nous n’arrivions pas à nous concentrer pour écouter le
rappel du prof sur les molécules. Angélique prit alors discrètement son
téléphone et ouvrit une appli faisant des bruits d’animaux. Elle appuya sur le
cheval et un grand hennissement retentit dans la classe ! Nos camarades
explosèrent de rire.
- Qui a fait ça ?!
gronda monsieur Porolle.
Evidemment, personne ne répondit. Marion, qui
avait grillé sa sœur, la réprimanda en chuchotant :
- T’es en maternelle pour
faire des trucs comme ça, ou quoi ?!
- Oh, pète un coup !
lui répondit Angélique. C’est marrant !
Et mon amie appuya sur l’icône de l’éléphant.
- Bon, ça suffit
maintenant ! gronda le prof avant même que les rires aient cessé.
Je demandai à Angélique de me prêter son
téléphone et appuyai sur le cochon, puis le singe, puis le canard.
- Très bien, puisque vous
n’avez pas envie de travailler, j’arrête le cours ! décréta Mr
Porolle en rangeant ses affaires.
- C’est Angélique et
Marie, monsieur ! balança cette peste de Cassandra. Ne nous punissez pas
pour elles !
Monsieur Porolle prit la décision de nous
envoyer dans le bureau de notre directeur de licence après l’avoir appelé pour
lui raconter nos exploits. Notre DL prit à son tour une décision : celle de
convoquer nos parents.
- Après la bagarre de
mardi, ce sont les bêtises en classe ! Vos parents vont être ravis d’être
convoqués deux fois dans la même semaine !
Ouh là. Là, ça sentait la fessée. Là, ça
sentait vraiment la grosse fessée. Mes parents vont, à coup sûr, faire en sorte
que je ne puisse plus jamais m’asseoir. J’étais déjà privée de téléphone et de
sortie, fliquée comme une criminelle de haut danger… Je leur donnais beaucoup
de fil à retordre en ce moment : ce serait sûrement la goutte d’eau qui
ferait déborder le vase !
Ce
le fut. Surtout lorsque notre DL décida nous exclure pour l’après-midi.
- Cette exclusion
disciplinaire apparaîtra dans votre dossier universitaire, jeunes filles. Je
vous conseille vivement de vous tenir à carreaux lors de votre retour
lundi !
- Juste pour des bruits
d’animaux ?! protesta Angélique. Nous sommes exclues juste pour des bruits
d’animaux ?! Vous ne trouvez pas ça un peu exagéré ?!
- C’est votre culot qui
est exagéré, mademoiselle Lequellec ! Reprenez vos antécédents à vous et
mademoiselle Webber, vous viendrez ensuite me dire si vous trouvez cette
exclusion justifiée ou non ! Vous êtes les deux élèves qui me causez le
plus de soucis dans ma filière depuis le début de l’année scolaire – et nous ne
sommes que fin novembre ! – alors à votre place, je déciderais de
m’assagir au lieu de contester les décisions de mon directeur !
- Aviez-vous autre chose
à nous dire ? demanda le père d’Angélique.
- Non, monsieur Lequellec,
répondit le directeur. Ce sera tout. Je vous laisse repartir avec vos filles et
vous souhaite une bonne fin de journée.
Il était à peine quatorze heures lorsque nous
quittâmes le bureau de mon DL. Mon grand et musclé de père avait fermement
attrapé mon gilet à l’endroit de mon épaule gauche et me traîna ainsi jusqu’à
la maison. Ma mère nous suivait, des éclairs dans les yeux.
- Je vais tout vous
expliquer ! plaidai-je une fois la porte d’entrée refermée.
- C’est plutôt nous qui
allons t’expliquer les choses, Marie ! me gronda Michael. Je pense que tu
n’as toujours pas compris comment ça fonctionne ! Nous allons te le
rappeler !
Michael était furieux et j’en tremblais de
peur. Là, j’étais vraiment très mal fichue. Je craignais qu’ils me refilent une
rouste aussi corsée que vendredi dernier. Je le craignais vraiment !
Heureusement, mis à part ma mère et les chats, il n’y aurait pas de
spectateurs : mon oncle, ma tante et leurs fils étaient sortis.
Papa
me traîna ainsi jusqu’au canapé : je ne devinais que trop bien ce qui
allait m’arriver. Tandis qu’il s’asseyait sur le canapé et m’allongeait sur ses
genoux pour la deuxième fois de la journée (!), je le priai en tremblant
et pleurant :
- Papa, non ! Je
t’en supplie ! Je sais que j’ai fait une bêtise mais je ne recommencerai
plus, promis ! Promis, papa ! Pitié, pas la fessée ! S’il te
plaît !
- Si tu me pries autant,
c’est parce que tu sais que tu as sacrément foiré ! me répondit le chef de
famille. Tu sais donc que cette fessée est méritée ! Je ne vois même pas
pourquoi tu essaies de discuter !
- Papa, non, s’il te
plaît !! continuai-je en mettant mes mains pour me protéger.
Michael les cala dans le creux de mes reins et
débuta la fessée sur mon pantalon. Je ne pris pas comme une bonne nouvelle le
fait de garder mon pantalon : cela voulait dire que la fessée allait
durer. Ce ne serait pas une déculottée rapide de deux ou trois minutes :
ce serait une longue fessée progressive et bien douloureuse !
Et
j’avais raison. Mon père ne fit pas semblant : il me fessa plusieurs
minutes sur le pantalon, puis plusieurs minutes sur la culotte, puis plusieurs
minutes cul nu. Et cela me fit mal. Très mal. Très, très mal !
- Papa, j’t’en supplie,
arrête ! Je t’en supplie ! Je ne le referai plus, je te le
jure !
- Y’a intérêt que tu ne
le refasses plus, Marie ! Tu les enchaînes, vraiment ! Tu me
fatigues, en ce moment ! J’en ai assez de devoir te reprendre ! Ta
mère et moi en avons plus qu’assez de passer notre temps à te coller des
claques aux fesses !!
Je mourais d’envie de lui répondre : « Dans
ce cas, arrêtez ! » mais je n’en eus pas le courage : les
claques que je recevais m’en dissuadaient bien !
- Le problème, poursuivit
mon père en continuant de faire tomber violemment sa main sur mon derrière
écarlate, c’est que tu enchaînes les bêtises mais tu ne penses pas du tout aux
conséquences ! Tu commets ta bêtise et ensuite, tu te dis : « Oh,
zut, je vais me faire punir ! ». Pour une fois, ce serait bien que tu
commences à penser aux conséquences AVANT de faire des bêtises ! Ça t’évitera
pas mal de fessées, je peux te le dire !
Je ne pouvais pas contredire mon père : il
avait parfaitement raison. Sur ce point précis, il me connaissait drôlement
bien. Je ne pensais jamais aux conséquences de mes actes. Et pour cause, jusqu’à
il y a trois mois, je n’avais pas eu besoin d’y penser puisqu’il n’y avait jamais
de conséquences ! Il allait me falloir changer de schéma mental car une
chose était sûre : j’en avais plus qu’assez de recevoir la fessée !
En tout et pour tout, mon père me garda un
quart d’heure sur ses genoux. Lorsqu’il s’arrêta, j’étais en larmes et je n’en
pouvais plus. Je me relevai et me rhabillai. Michael m’attrapa le menton et me
gronda :
- Tu n’as plus intérêt à
faire de bêtises à l’école ! Tu as compris, Marie ?!
- Oui, papa,
sanglotai-je.
- Je te conseille de te
faire oublier pendant un temps en nous obéissant sans faire de vagues ! Je
te le conseille vraiment !
Mon père me lâcha le menton et, sans réfléchir,
je me jetai dans ses bras pour lui demander à nouveau pardon. Il m’enlaça en me
consolant. Après quelques minutes de câlin, il finit par soupirer :
« Tu vas vraiment me rendre fou ! Avec ta bouille malicieuse et ton
cœur rempli d’amour… Tu vas vraiment finir par me rendre fou, ma fille. Ma
p’tite princesse que j’aime tant. ». Scarlett nous regardait de loin,
attendrie par cette scène. Néanmoins, elle n’était pas dupe : lorsque je
m’approchai d’elle pour lui demander pardon à son tour, elle me répondit :
« Comment ne pas te pardonner ? Et il y en aura encore bien d’autres
des pardons à t’accorder, petite chipie ! ».
Mathieu
vint me chercher à dix-sept heures chez mes parents. Avant qu’il ne m’emmène
avec lui, Michael et Scarlett n’oublièrent pas de lui faire un gros briefing
sur ma relation avec la nourriture. Mon amoureux les écouta attentivement sans
perdre une miette, ce qui donna lieu à une longue discussion dans la voiture.
- Arrête de faire ça,
Marie ! Tu sais très bien que je t’aime comme tu es ! Je n’ai pas
envie que tu deviennes toute sèche ! J’aime tes rondeurs !
- Eh bien moi, je ne les
aime pas.
- C’est à moi que tu dois
plaire avant tout !
- Ah oui ?!
- C’est moi qui vais
passer ma vie avec toi, non ? C’est moi qui vais te regarder tous les
jours ! Et moi, je te trouve magnifique comme tu es ! Enlève-toi ça
de la tête !
- Je veux atteindre
soixante-cinq kilos. Lorsque je les aurai atteints, je ne voudrai plus maigrir
mais plutôt rester comme ça.
- Alors fais confiance à
Scarlett pour atteindre ce poids-là.
- Ça ne va pas assez
vite ! me plaignis-je.
- Alors c’est moi qui
fais confiance à tes parents pour t’apprendre la patience, dit mon petit
copain.
- Bon, et si on parlait
d’autre chose ? Tu as invité qui ce soir ?
Mattéo, Louna,
Bérénice, Quitterie, Baptiste, Loan, Timéo, Julien, Nicolas, Eve, Assiya… Tous
nos amis du lycée avaient répondu présents pour cette première fête entre nous
depuis la réforme.
- Sers-moi un verre de
vodka, il faut que je boive pour noyer mon chagrin ! se lamenta Bérénice.
- Quel est ton
chagrin ? me reseignai-je.
- Tu n’es pas au
courant ? s’étonna mon amie. A la rentrée des vacances de Noël, nous
n’aurons plus le droit de rentrer dans nos familles biologiques le
week-end ! On sera obligés d’attendre les vacances !
- Tu déconnes,
j’espère ? m’inquiétai-je.
- Non, pas du tout !
m’assura-t-elle en me tendant un verre. Noie ton chagrin avec moi.
- Sérieusement, je ne te
crois pas ! insistai-je.
- Regarde sur le net et
tu verras ! répondit Bérénice.
- Ça fait la une des
chaînes d’infos, précisa Eve en nous rejoignant.
- Mais pourquoi nous
faire cela ?! m’indignai-je.
- Tu n’as pas une petite
idée ? me demanda Quitterie. Si on voit moins nos familles le week-end, on
aura moins le temps de voir nos petits copains-copines et donc, moins
d’occasions de tomber en cloque. Donc moins d’occasions de sortir du
système !
- Et puis plus on reste
dans nos familles ou à l’armée, enchaîna Louna, plus on est lobotomisés. Ils
auront encore plus de temps pour nous faire intégrer l’éducation « à
l’ancienne » et légitimer le fait qu’on se fasse punir H24 !
Si Louna, Mattéo, Nicolas et Baptiste avaient
choisi, comme Mathieu, d’aller à l’armée, les autres avaient choisi la fac. Ils
s’étaient alors retrouvés pour la plupart dans des écoles à Paris et dans des
familles d’accueil aussi strictes (voire plus !) que la mienne. Dans la
famille d’accueil de Quitterie, le martinet était de sortie chaque jour ;
dans celle de Loan, dont les parents étaient des retraités de l’éducation
nationale, c’était le bonnet d’âne et les lignes ; Mais tous sans
exception avaient reçu au moins une fessée déculottée depuis la rentrée. Cela
me rassura un peu : je n’étais pas la seule à subir le courroux de mes
parents d’accueil !
- Moi, je n’ai pris que
deux fessées depuis la rentrée, se vanta Loan. Mes parents biologiques sont
déjà des vieux réacs, il ne m’est pas difficile de suivre les règles de la
famille d’accueil, du coup ! Et quand tu obéis, ça va tout de suite mieux !
- Si tu obéis tout le
temps, dit Baptiste, pourquoi as-tu reçu deux fessées, alors ?!
- Deux notes en-dessous
de quinze sur vingt, répondit Loan. Je les avais méritées, je n’avais pas assez
bossé !
- J’suis content d’être à
l’armée, commenta Mattéo.
Samedi 30 novembre 2019
Qu’est-ce
que j’ai mal aux cheveux ! Mais qu’est-ce que j’ai mal aux cheveux !
J’avais oublié combien les lendemains de cuite étaient désagréables.
- Aller Tibou, me dit
Mathieu en m’appelant du surnom qu’il utilise parfois à mon intention.
Lève-toi, je t’ai fait des pancakes.
- Je n’ai pas faim,
dis-je.
- Tu n’as rien mangé hier
soir ! me gronda-t-il. Voilà pourquoi l’alcool est monté si vite jusqu’à
ton cerveau !
- Ne crie pas si fort, ça
résonne dans ma tête ! râlai-je.
- Viens manger !
- Je viens de te dire que
je n’avais pas faim !
- Je ne te demande pas
ton avis, là, Tibou ! Viens manger.
Je fis mine de me rendormir pour que Mathieu me
laisse tranquille et cela fonctionna : non seulement il me laissa
tranquille mais en plus, je me rendormis réellement.
- Bon, cette fois-ci, tu
viens manger ! me dit Mathieu alors que je sortais d’une bonne douche.
- Je mangerai au dîner de
ce soir.
- Marie, il est seize
heures trente et tu n’as pas mangé depuis hier midi ! Ça suffit,
maintenant ! insista mon amoureux en m’attrapant par le bras.
- Mais lâche-moi !
C’est quoi ton problème ?!
Sans me lâcher, mon petit ami me pencha sous
son bras.
- Tu fais quoi,
là ?! Oh !! Tu fais quoi, là ?!?!
- C’est comme ça que tes
parents font pour te faire obéir, non ?! me brima Mathieu. C’est cette
méthode qui fonctionne, il me semble !!
- Nan mais tu n’es pas
sérieux, là ?! Lâche-moi tout de suite !!
Comme réponse, le militaire me claqua une fois
chaque fesse.
- Aïe !! criai-je.
Mon père m’a collée une volée hier, j’te rappelle !! Ça fait hyper
mal !!
Alors, mon amoureux me lâcha.
- Aller Marie, viens
manger un bout ! Je ne te demande pas grand-chose, juste un pancake !
Je chopai alors un bonbon à la menthe dans la
bonbonnière située dans ma chambre, et l’enfournai dans ma bouche.
- C’est bon, t’es
content ?! lançai-je à mon homme.
- T’es vraiment
relou ! pesta-t-il en sortant de la pièce.
Je m’habillai, me préparai et me
pomponnai : Mathieu et moi devions sortir, ce soir. Enfin, c’est ce qu’il
m’avait promis !
- Voilà, je suis
prête ! chantonnai-je en descendant les escaliers.
Mais arrivée en bas de ceux-ci, je déchantai
immédiatement : Michael et Scarlett étaient là, assis dans le canapé.
- Qu’est-ce que vous
faîtes là ?! m’exclamai-je avec un sentiment de peur mêlé à de l’étonnement.
- La moindre des choses
serait de nous dire bonjour, déjà ! me reprit ma mère.
J’allai alors embrasser mes parents.
Michael et Scarlett étaient là parce que, ne
parvenant pas à me faire manger et se sentant démuni, Mathieu les avait
appelés. Sur le coup, je me sentie on ne peut plus trahie ! Comment
avait-il pu me faire ça ? Lui, l’homme de ma vie ?!
Sur le guéridon à côté de ma mère se trouvait
une assiette contenant deux pancakes nappés de confiture de fraises. Une
cuillère accompagnait l’assiette à dessert.
- Soit tu t’assois sur ce
canapé et tu avales ces deux pancakes, soit je te donne la fessée jusqu’à ce
que tu le fasses, m’expliqua ma mère. C’est à toi de voir : la manière
douce ou la manière forte ?
Ayant encore en tête l’épisode paternel d’hier,
je me résignai à manger mes pancakes. Bien évidemment, ma famille me surveilla
ensuite pendant une heure pour être sûre que je n’aille pas vomir les mets
fraîchement avalés.
Après cela, mes parents décidèrent de s’en
aller, non sans me menacer d’abord : « Si Mathieu a besoin de nous
rappeler parce que tu ne manges pas, gare à toi ! On ne viendra pas pour
rien, Marie ! Tiens-le-toi pour dit ! ».
Je fis tellement la tête à mon petit ami que
notre balade censée être agréable s’avéra froide et tendue.
Dimanche 1er
décembre 2019
- Tibou, ça suffit !
me cria Mathieu derrière la porte des toilettes. J’appelle tes parents !
Je venais en effet de vomir mon petit déjeuner.
Je me précipitai pour me laver la bouche au lave-mains présent dans les
toilettes et sortis en catastrophe des toilettes pour me jeter sur le téléphone
de mon petit ami qui affichait : « Appel Scarlett ». J’appuyai
immédiatement sur le téléphone rouge pour raccrocher.
- Ne les appelle pas, ils
vont me défoncer !! m’exclamai-je.
- T’as décidé de te faire
vomir alors tant mieux s’ils te défoncent !
- Mat, écoute-moi :
ce midi, si jamais je ne mange pas ou que je me fais vomir, tu pourras les
appeler et je n’aurai que mes yeux pour pleurer. Deal ?
- Deal, soupira mon
amoureux en me serrant dans ses bras. Tu ne sais pas à quel point ça me fait
mal de te voir comme ça !
Au déjeuner, je mangeai
mais peu. Trop peu. J’avais, en tout et pour tout, mangé quatre noix de cajou, six
haricots verts et une toute petite part de tarte au citron meringuée.
- C’est débile, ce que tu
fais ! dit Mathieu. Les noix de cajou et la tarte au citron font
grossir !
- Certes, mais moins que
si j’en avais mangé plus ! répondis-je.
Devant mon entêtement, le militaire envoya un
texto à mes parents ; ceux-ci arrivèrent dans l’heure qui suivit et me
forcèrent à manger un peu plus que ce que j’avais prévu. Puis, ma mère annonça
qu’il allait bientôt être l’heure et que nous n’allions pas devoir tarder.
- L’heure de quoi ?
répondis-je naïvement.
- Je t’emmène chez madame
Durand.
- Madame Durand ?
m’étonnai-je. C’est qui ?
- Elle est mère de
famille d’accueil, répondit mon père. Et elle est surtout psychiatre. Ta mère a
réussi à t’avoir un entretien avec elle un dimanche après-midi alors il n’est
pas question que tu le loupes !
- Je n’ai pas envie
d’aller voir une psy ! protestai-je. Je n’en ai pas besoin !
- Oh mais parce que tu
crois qu’on va te laisser le choix ?! me gronda Scarlett. Passe devant,
nous te suivons.
Mathieu monta avec nous dans la voiture qui
nous conduisit tous les quatre chez cette fameuse madame Durand.
Cette
femme m’a eue. Elle était gentille, douce et manipulatrice au possible. Moi qui
m’étais promise dans la voiture de ne pas lui parler, elle m’avait bien délié
la langue ; tellement que je lui avais raconté toute ma vie, mes joies,
mes peines et mes pensées les plus profondes. Lorsqu’elle déclara la fin de
notre entretien, au bout d’une bonne heure, elle fit entrer mes parents pour
leur donner sa conclusion, en ma présence. Mathieu n’étant pas mon tuteur légal
avait eu besoin de l’autorisation de mes parents adoptifs pour être présent à
cette conclusion ; devant son inquiétude grandissante, mes parents la lui
avaient accordée.
- Ma conclusion est la
suivante, débuta madame Durand. Vous avez de la chance car pour le moment,
Marie n’est pas malade. Etant donné que ça ne fait que deux semaines qu’elle
parle de cette perte de poids et seulement une semaine qu’elle cherche à entrer
dans l’anorexie, elle n’est pas encore malade. Son anorexie n’est pas encore
mentale. Pour le moment, c’est juste de l’entêtement, ou un caprice. Les
méthodes que vous utilisez actuellement pour y faire face sont donc les
bonnes : il faut absolument que Marie cesse ce caprice avant que son
anorexie devienne mentale et que nous atteignons un point dont il sera beaucoup
plus complexe de revenir. Un gros combat vous attend donc ; mais pas un
combat contre l’anorexie : un combat contre votre fille. Continuez de ne
pas céder et de ne pas la lâcher pour éviter que son état se détériore. Je vous
prescris néanmoins un scanner abdominal pour observer les potentiels dégâts que
ses derniers agissements ont créé sur sa maladie intestinale. Il faudra montrer
les résultats de ce scanner à votre médecin traitant et continuer le suivi avec
lui. Je vous souhaite bien du courage car votre fille est têtue comme une mule
mais terriblement attachante. Si je puis vous donner un conseil pour clôturer
ma synthèse : ne vous laissez pas avoir !
Mes parents sourirent, soulagés qu’ils étaient
que mon état ne soit pas « grave ». Je pense qu’ils me croyaient déjà
malade mentale.
- Si vous souhaitez avoir
un deuxième avis, je peux vous adresser à des confrères, dit madame Durand,
mais je suis certaine qu’ils en viendront à la même conclusion que moi.
Puis, la psy se pencha sur son bureau et
s’adressa à moi :
- Marie, il va
immédiatement falloir que tu arrêtes ce caprice ! Tu crées de l’inquiétude
chez ta famille biologique et surtout chez ta famille d’accueil. Tu abîmes ton
organisme et cela aura de terribles répercussions sur ta santé. Tes parents
sont de grands sportifs, ils savent ce qu’ils font et je te conseille vivement
de continuer à suivre le régime qu’ils t’imposent ! A partir de ce soir,
tu remangeras des quantités normales pour une jeune fille de ton âge et tu
cesseras immédiatement ta comédie ! J’encourage vraiment tes parents à te
réprimander très sévèrement si tu t’obstines ! Me suis-je bien fait comprendre ?!
- …
- Marie, on t’a posé une
question ! me gronda mon père.
- Oui madame Durand,
répondis-je les dents serrées.
- Parfait !
conclut-elle.
- Je n’arrive pas à
croire que tu nous aies fait tourner en bourrique à ce point ! me dit ma
mère alors que nous étions chez les Webber à boire une boisson chaude.
- Ce n’est pas un
caprice ! contestai-je. Cette femme dit n’importe quoi !
- Et le monde entier est
contre toi, n’est-ce pas ? ironisa Michael. Il n’est plus question que tu
nous fasses ton p’tit numéro, désormais ! Ça, c’est sûr ! Tu nous as
eus une fois mais pas deux ! C’est terminé, Marie !
J’étais dépitée.
Au
moment de dire au revoir à mon amoureux, je lui demandai s’il était fâché
contre moi : il me répondit qu’on se voyait trop peu pour qu’il le soit.
Et avec la suppression prochaine des week-ends en famille, nous nous verrons
encore moins !
Comme
promis, la famille Webber au complet (oncle, tante et cousins compris !)
se retrouva au restaurant ce dimanche soir pour les dix-neuf ans d’Anaïs. Même si
mon anniversaire n’était que dans quelques semaines (et qu’il y avait Noël
avant !) je jalousais ma sœur d’avoir autant de cadeaux : une montre
Swarovski, une carte cadeau de deux cents euros valable dans plusieurs
boutiques, des livres, un sac à mains Harry Potter de la maison Gryffondor (la
maison officielle d’Anaïs) et une tablette Samsung. Tout ce qu’elle avait
commandé à mes parents, elle l’obtint. J’avais du coup hâte d’être à
Noël !
Anaïs
avait ouvert tous ses cadeaux en début de repas, trop impatiente de les
déballer ; si bien qu’elle eut fini lorsque nos plats arrivèrent. Le
serveur posa mes lasagnes sous mes yeux et je les écarquillai devant la
quantité impressionnante présente dans mon assiette. Soudain, nous entendîmes
quelqu’un crier : je tournai la tête et vis un père de famille d’accueil
donner quelques claques sur les fesses de son fils d’à peu près mon âge,
désobéissant. Ce dernier rougit comme une tomate bien mûre de s’être fait
recadrer en public. Cela donna l’occasion à ma mère de me lancer une
pique :
- Vois ce qui va
t’arriver si tu ne manges pas au moins la moitié de ton assiette, ma
fille !
Je ne fis aucune vague durant le dîner et mes
parents n’eurent pas à me reprendre ne serait-ce qu’une seule fois. Était-ce cela,
penser aux conséquences de ses actes ?
Au
moment du coucher, je profitai que Louise soit en train de se laver les dents
pour être seule avec mon père. Ne tenant plus tant l’angoisse était forte, je
lui demandai :
- Est-ce que maman et toi
allez me punir ?
- Pourquoi donc ?
- A cause de la
conclusion de la psy qui dit que j’ai fait un caprice, répondis-je.
- Ah.
Mon père prit quelques secondes pour réfléchir
puis rétorqua :
- Si nous avions voulu te
punir pour cela, nous l’aurions fait en sortant de son cabinet. Néanmoins, il
est tout bonnement hors de question que nous entendions encore parler de maux
de ventre liés au fait que tu as trop mangé, ou aux trop grosses quantités
présentes dans ton assiette. Là, je peux te garantir que tu prendras une très
bonne fessée à chaque fois ! Ce chapitre est clos et tu n’as pas intérêt à
le rouvrir. Un peu de tranquillité dans cette maison ne nous fera pas de mal.
Aller, il est temps de dormir. Fais de beaux rêves. Je t’aime.
Michael m’embrassa sur le front et je sombrai
dans les bras de Morphée.
A suivre…
Magnifique
RépondreSupprimerQue va faire Marie maintenant
Va t’elle continuer
Trop hâte de savoir la suite
J’adore trop ce que tu fait
Mille mercis pour ce commentaire qui me va droit au coeur et m'encourage à continuer !! <3
SupprimerOh oui ! Continuez pour mon plus grand plaisir 😊
SupprimerMarie est toujours aussi attachante !
Et trop sage elle ne serait plus Marie !
Je continue, alors :D
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