Lundi 28 octobre 2019.
Une ambiance lourde et pesante planait
dans le Pensionnat, comme un lendemain d’armistice, lorsque tout le monde est un peu sonné et qu’il faut tout reconstruire.
Bon, la comparaison est peut-être légèrement exagérée. Néanmoins, nous sentions
qu’il y avait des morceaux à recoller et des fessiers à guérir. Nous n’étions plus
du tout d’humeur rebelle et cela se fit sentir dès le petit déjeuner :
nous passâmes le repas dans un silence monastique. Les membres de l’encadrement,
eux, bombaient le torse d’un air satisfait. On aurait presque pu lire sur leurs
fronts : « Nous avons réussi à les mater ! Alors, qui est-ce qui
décide, ici ?! ».
Le cours
de philosophie avec Monsieur Yves ne fut pas non plus une partie de plaisir :
notre professeur nous passa un savon à cause des notes catastrophiques du
dernier contrôle. En conséquence, il annonça un contrôle surprise. Là.
Maintenant. Si Monsieur Mickaël n’avait pas été mon professeur principal, je
peux vous dire que j’aurais sacrément balisé. En effet, chaque professeur
principal suit scrupuleusement les résultats des élèves qui lui sont attribuées
et… s’occupe des conséquences.
Je n’avais pas révisé – il est vrai que je laissais un peu la philo de côté en
ce moment – même si la matière était coefficient 8 au baccalauréat ! – préférant
me concentrer sur le piano.
Néanmoins, cela me peinait d’avoir une mauvaise
note : ma moyenne générale était au top niveau et je n’avais pas envie qu’elle
baisse. Je me répétai de me remettre au travail en philo pour éviter une
nouvelle déconvenue de ce type.
Heureusement,
le cours de littérature nous remonta le moral. Monsieur Mickaël est vraiment un
professeur extraordinaire. Il nous fit faire un jeu pour apprendre les œuvres principales
des auteurs au programme. Mais pendant le cours, certaines élèves (les mêmes
que celles qui m’avaient harcelée) commencèrent à chuchoter entre elles, se moquant
clairement de notre prof génialissime. Il est vrai que Monsieur Mickaël n’est
pas très beau, ni charmant. Il est petit, rondouillard et possède un début de
calvitie : mais il est gentil, doux, drôle et aimant. J’ai vraiment l’impression
qu’il m’aime et qu’il tient à moi. C’est exactement ce dont j’avais besoin.
- Mesdemoiselles Léa,
Valentine, Capucine et Salomé ! leur gronda-t-il. Dehors. Allez chez le
Surveillant Général.
- Mais on n’a rien fait !
protesta Léa.
- Eh bien, allez le dire
à Monsieur Matthieu, répondit le prof.
- Mais on n’a rien fait,
là !! insista Léa.
- Je ne lèverai pas la
main sur vous car c’est contraire à mes principes, expliqua Monsieur Mickaël. En
revanche, je peux très bien envoyer un message à Monsieur Matthieu pour lui
demander de venir vous chercher. C’est à vous de voir.
Les quatre filles finirent par se lever et
sortir de la pièce.
- Bien ! Nous sommes
plus à l’aise, vous ne trouvez pas ? nous lança notre prof de littérature.
Effectivement,
l’ambiance fut plus légère jusqu’à la fin du cours.
Lorsque
la sonnerie retentit, j’attendis que toutes mes camarades sortent pour me
retrouver seule avec Monsieur Mickaël.
- Clémence ? Tu ne
sors pas ?
- J’aimerais vous parler,
Monsieur.
- Ah oui ? Qu’y-a-t-il ?
- Je… j’ai eu une
mauvaise note en philosophie ce matin. Enfin, Monsieur Yves n’a pas encore
corrigé ni rendu les contrôles mais…
- Comment peux-tu savoir que
tu auras une mauvaise note, alors ? m’interrogea mon professeur.
- Je n’ai répondu qu’à trois
questions sur dix.
- Je vois.
- Alors euh… eh bien…
- Tu veux savoir ce que
je vais faire ? Si je vais te punir pour cela ?
- Euh… oui.
- C’est ta première
mauvaise note, Clémence, n’est-ce pas ?
- Oui, Monsieur.
- Alors ne t’en fais pas.
Je laisserai passer pour cette fois. J’aimerais cependant que tu ne te relâches
pas et que tu te remettes au travail en philosophie.
- Oh oui Monsieur !
C’est prévu !
- Parfait. Allons manger,
j’ai faim. Pas toi ?
Mes deux heures de
piano se passèrent relativement bien. Je ne reçus que deux ou trois réflexions
de la part de Monsieur Alexandre, ce qui constitua un véritable exploit. Je commençais
néanmoins à stresser : le concert de Noël était dans six semaines et je n’avais
pas l’impression de pouvoir être prête à temps. Même si Monsieur Alexandre me rassura,
je n’étais pas sereine pour autant.
En histoire-géographie,
Madame Constance décida également de faire un contrôle surprise, mais oral
cette fois-ci. Avec sa règle dans les mains, chaque mauvaise réponse nous faisait
recevoir un coup sur les doigts en plus de perdre des points. Voilà la
principale raison pour laquelle je connaissais mes cours d’histoire-géographie
sur le bout des ongles. Je passai alors au travers de la règle ; et j’en
fus bien satisfaite lorsque je l’entendis claquer à côté de moi sur les doigts
de Mathilde !
Grâce
à mes bonnes réponses, Madame Constance me donna une étoile que je gardai
précieusement. C’était la première que je récupérais depuis l’insurrection.
La
soirée m’amena une mauvaise nouvelle : ma sœur Célestine m’appela pour me
dire qu’elle avait perdu son bébé. J’atterris donc dans le bureau de Manu en
larmes. Mon psychologue et moi en parlâmes et cela apaisa quelques peu les
choses. Je restai d’ailleurs une bonne heure et demie dans son cabinet.
Après un passage à la chapelle du Pensionnat
pour prier pour cette petite âme qui venait de rejoindre les bras de la Vierge,
je rejoignis le réfectoire en sentant mon cœur adouci.
- Vu la mauvaise nouvelle
que tu as apprise, Clémence – et pour laquelle je suis désolé – je ne te
gronderai pas ce soir pour ce contrôle de philosophie raté, me dit le
Directeur.
- Quoi ? m’étonnai-je.
Vous êtes déjà au courant ?!
- Monsieur Yves m’a
communiqué les noms des élèves qui n’ont pas répondu à toutes les questions.
Donc oui, je sais.
- Ah. J’en ai parlé avec
Monsieur Mickaël…
- Effectivement, tu as des
comptes à rendre à Monsieur Mickaël, mais tu dois également m’en rendre à moi !
Je te l’ai dit, Clémence, que je te surveillerais de près ! Donc suite à l’annonce
de ta sœur, je te laisse tranquille. Seulement, tu ne t’en sortiras pas toujours
aussi bien. Je ne veux pas de mauvaise note ! C’est bien clair ?
- Oui Monsieur.
- D’accord. Au lit.
Je me couchai après ma prière réconfortée par
la pensée que mon neveu ou ma nièce gambadait dans les nuages du Paradis.
A suivre…
Whoua qu’elle histoire
RépondreSupprimerJ’ai adorée
Le moment du bébé décédé m’a presque fait verser une larme
Continue comme sa 😊
Une Clémence qu'on n'a pas l'habitude de voir.
RépondreSupprimerEt merci Mr Éric d'avoir laissé Clémence tranquille 🙏
Une Clémence que j'aime à découvrir ainsi.
RépondreSupprimerJe pense que la provocation et l'insolence dont elle fait preuve depuis le début ne l'aident pas à tirer le meilleur de son potentiel.
La voir plus volontaire à faire des efforts en phylo, aimer certaines matières etc... des points plutôt positifs dans ce petit passage.
M. Éric fait preuve enfin de discernement car les fessées ne sont pas toujours utiles pour faire avancer dans le droit chemin.
Trop de discipline tue la discipline parfois.
J'aimerai bien découvrir une Clémence qui prend un peu de hauteur, même si j'aime beaucoup son impulsivité et les conséquences...
bonjour j'adore l'histoire de clemence j'ai hate de lire la suite. et de savoir si elle va avoir son bac et surtout vivre son histoire avec son amoureux .
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