Mercredi 20 octobre
2019
Le mercredi, le petit déjeuner est toujours échelonné pour nous permettre de nous reposer. J’attendis alors que Mathilde soit réveillée et nous nous y dirigeâmes pour 9h45. A l’entrée du réfectoire, se dressait une très grande affiche :
- Ohhhhhhh !!!
s’exclama Mathilde. Clémence, il faut absolument que tu te présentes !!
- Je savais que tu dirais
ça, rétorquai-je, blasée.
- Personne d’autre que
toi ne peut nous représenter avec autant d’ardeur et de courage !
insista ma meilleure amie.
- Ouais, enfin c’est
surtout l’occasion de réduire mes fesses en bouillie !
- Mais non ! En tant
que déléguée et représentante – car il faut que tu te présentes aux deux !
– tu auras forcément des droits et des devoirs ! Ils ne pourront pas te
punir comme ça !
- J’le sens mal, Math.
- Tu as une heure
quarante-cinq y réfléchir, me dit-t-elle. Mais il faut vraiment que tu te
présentes !
A peine nous
étions-nous assises avec les filles du dortoir n°2 qu’on me sauta dessus :
- Clémence ! Tu vas
te présenter ?!
- Je ne sais pas encore…
répondis-je, agacée.
- Si tu te présentes, on
votera pour toi !
Je ne pus prendre mon petit déjeuner en paix.
Entre celles qui m’interpellaient parce qu’elles voulaient voter pour moi et
celles qui disaient que j’avais bien trop mauvaise réputation pour les
représenter… Je fus contente de finir mon repas et de quitter le
réfectoire !
Je
passai le temps qui me séparait de la réunion à travailler en salle des
devoirs : là-bas, au moins, on me foutait la paix !
- Bien, bonjour à toutes !
dit Monsieur Éric depuis le pupitre installé sur l’estrade à l’heure indiquée sur
l’affiche. Comme vous avez pu le constater, aujourd’hui se tiendra l’élection des
déléguées de chaque classe, ainsi que l’élection des représentantes des élèves.
Pour ce qui est des déléguées de chaque classe, elles seront au nombre de deux,
chacune ayant une suppléante. Elles seront chargées de faire parvenir les
doléances de leurs camarades au professeur principal et d’assister aux conseils
de classe pour y défendre leurs collègues. Elles seront également tenues
d’assister aux éventuels conseils de discipline. Les représentantes des élèves
seront aussi au nombre de deux, chacune ayant une suppléante, et seront
chargées, comme leur nom l’indique, de représenter les élèves. Elles auront une
réunion par semaine avec les membres de la Direction, réunion dans laquelle
elles devront faire remonter les éventuels problèmes rencontrés par leurs
camarades durant la semaine. Elles assisteront également à l’intégralité des
conseils de classe et des potentiels conseils de discipline. Être représentante
des élèves est une grosse responsabilité : c’est un énorme travail !
Le Directeur marqua une pause avant de
reprendre :
- Celles qui souhaitent
se présenter doivent déposer leur candidature au secrétariat avant 13h30.
Puisque les élections se tiendront à 18h ici-même, les candidates disposeront
alors de l’après-midi entière pour faire campagne. Pour de plus amples
informations, je suis disponible près de l’issue de secours. Bonne journée à
toutes, et bon courage aux futures candidates !
Un brouhaha pas possible s’éleva alors que nous
nous affairions à sortir du réfectoire. Mathilde et moi allâmes nous installer
dans le parc comme à notre habitude ; nous fûmes très rapidement rejointes
par nos copines du dortoir n°2 :
- Alors Clémence, tu vas
te présenter ? me demanda Noémie.
- Je ne sais pas encore,
répondis-je.
- Oh aller, il n’y a que
toi pour nous représenter !! insista Florentine.
- Si jamais je me
présente, dis-je, je me présenterai pour être déléguée de classe, pas
représentante des élèves !
- Pourtant, tu es la
mieux placée pour représenter toutes les élèves !! dit Lucille. Tu connais
bien mieux les rouages de cet établissement que nous : et tu es la petite
protégée de la Direction ! Qui mieux que toi pour agir ?!
Avant de me rendre au
réfectoire pour le repas du midi, je déposai ma candidature pour être déléguée
de la classe Littéraire. La secrétaire me remit alors des petits badges avec
marqué « Je vote pour Clémence ! » dessus. Je m’étonnai :
- Vous avez fait ça pour
toutes les élèves au cas où elles seraient candidates ?
- Nous faisons cela
depuis l’ouverture du Pensionnat, m’expliqua la secrétaire, les mêmes prénoms
reviennent souvent, d’autant plus que le vôtre est courant. Mais sinon, oui,
nous faisons cela pour toutes les élèves, tous les ans.
- Dans quelques années,
vous aurez accumulé un sacré stock ! m’exclamai-je.
La secrétaire m’expliqua que chaque élève ayant
décidé de voter pour moi devait arborer ce fameux badge « Je vote pour
Clémence ! » ; le but étant d’inciter d’autres élèves à faire le
même choix. Je n’étais franchement pas très à l’aise avec ça…
- Les candidates pour
l’élection des déléguées de la classe Scientifique sont mesdemoiselles
Aubéline, Marie, Hasna et Abigaëlle !
Tout le monde les applaudit. Le Directeur
poursuivit :
- Les candidates pour
l’élection des déléguées de la classe économique et sociale sont mesdemoiselles
Kéliyah, Barbara, Monica, Manon, Willow et Renata !
Applaudissements.
- Et les candidates pour
l’élection des déléguées de la classe littéraire sont mesdemoiselles Jessica,
Clémence, Valentine, Laëtitia et Yéline !
Je n’entendis pas les applaudissements
tellement j’étais sonnée. Valentine ?! Valentine s’était présentée ?!
L’une de mes quatre ennemies s’était présentée ?! Et si j’étais élue avec
elle ?! Je devrais faire équipe avec cette garce tout au long de
l’année ?!
Exposant mes arguments à mes amies durant le
repas, j’envisageais même de retirer ma candidature.
- Tu ne peux pas faire
ça, Clem ! me dit Mathilde. En tant que suppléante, je te l’interdis
formellement ! En plus, tu sais très bien que cette garce de Valentine ne
sera pas élue : tout le monde la déteste !!
J’acceptai de conserver ma candidature devant
l’insistance de Mathilde et de nos autres copines.
Les
candidates pour la représentation des élèves étaient nombreuses :
Fatoumata, Isabella, Hélène, Charlotte, Oriane, Pauline, Lucille, Eva, Naomy,
Salomé et Zoé. Je ne savais pas encore pour qui j’allais voter entre mes
copines Pauline, Lucille et Eva ; mais je savais déjà que je ne voterais
pas pour toutes les autres.
Mathilde
et moi passâmes donc l’après-midi à arpenter le Pensionnat, carton rempli de
badges en mains, démarchant les votantes pour tenter de les convaincre de voter
pour nous. Je préparais en même temps dans ma tête le discours que j’allais
devoir faire avant le vote. Je dus néanmoins lâcher ma meilleure amie pour
aller à mon cours de piano.
- Alors comme ça, tu te
présentes en tant que déléguée de classe ? me demanda Monsieur Alexandre.
- Oui, Monsieur,
répondis-je.
- Tu es très aimée,
Clémence. Je suis persuadée que tu gagneras.
Cette réplique me fit rougir, puis nous nous
mîmes au piano.
- Qu’est-ce que tu
as ? s’agaça mon professeur. C’est encore ta tristesse d’hier ?
- Non Monsieur,
répondis-je. C’est que je suis stressée à cause de l’élection.
- Oublie cela et
concentre-toi ! gronda-t-il. Tu me fais n’importe quoi, là !
Refais-moi un morceau comme ça et je te donne la fessée ! Tu as
compris ?!
- Oui Monsieur,
répondis-je.
Je soupirai un bon coup, faisant le plus
possible le vide dans mon esprit. Je n’avais pas du tout intérêt à prendre une
fessée. Pas aujourd’hui, jour des élections. De plus, je me tenais sage depuis
trois jours et j’appréciais de ne plus me faire reprendre.
Monsieur
Alexandre n’eut d’ailleurs plus à le faire jusqu’à la fin du cours, ce qui me
redonna du baume au cœur.
J’eus
une demi-heure de répit durant laquelle je rejoignis Mathilde et nos badges
avant d’aller à mon cours de violon.
Lorsque
je la découvris, je trouvai Madame Eabha tout simplement… belle.
Merveilleusement belle. L’Irlandaise par excellence. Elle possédait une
chevelure rousse ondulée qui lui tombait jusqu’aux reins, des yeux
incroyablement verts ; si verts qu’on aurait pu y voir une jolie prairie
sous un soleil d’été. Ses tâches de rousseur sur ses pommettes délicatement
formées lui procuraient un charme fou ; et son sourire affichant des dents
parfaitement alignées était irrésistible. Habillée d’une magnifique robe vert
pomme qui couvrait jusqu’à ses chevilles, sa tenue dessinait parfaitement, sans
vulgarité, son corps si accompli qu’il aurait pu être sculpté dans l’argile.
Non, vraiment, je n’avais jamais vu aussi belle femme ! – Alors que ma
sœur Célestine est déjà un canon de beauté !
Madame
Eabha parlait uniquement anglais, pourtant nous nous comprîmes parfaitement
grâce à mon bon niveau.
- Bonjour Clémence, je
suis Madame Eabha, je vais t’enseigner le violon.
- Bonjour Madame,
répondis-je timidement. Ravie de faire votre connaissance.
- Prends donc le violon
et montre-moi ce que tu sais faire.
Je m’emparai alors du violon et rejouai le même jig qu’hier.
- Un autre, dit-elle sans
me regarder.
Je jouai alors Drunken Sailor.
- Un autre,
continua-t-elle toujours sans me regarder.
Je jouai le Morrison’s jig.
- Okay, dit-elle. Tu es
très douée mais il y a encore beaucoup de travail à effectuer. Tu vas déjà
apprendre à te tenir correctement.
- Mais je me tiens déjà
correctement, répondis-je.
- Es-tu en train de me
répondre ?!
- Non Madame.
- Je l’espère. Tu n’as
pas intérêt à te montrer aussi insolente avec moi !
Euh, d’accord. Sous ses airs angéliques, Madame
Eabha était sûrement un vrai dragon !
Ma
professeure me réexpliqua la bonne posture pour jouer du violon – posture dans
laquelle je n’étais pas du tout à l’aise mais qu’il allait falloir que je
tienne – et me fit faire des exercices de débutant afin de savoir si les bases
avaient été acquises correctement et si je n’avais pas juste appris à jouer
quelques morceaux par-ci par-là.
Avec
tout cela, l’heure passa très rapidement. Et je ne fus pas mécontente de
quitter la pièce et la posture douloureuse qui allait avec.
Une
demi-heure avant le rendez-vous fatidique, Mathilde et moi décidâmes d’arrêter
de prospecter : il était temps que je fasse mon discours à ma meilleure
amie.
- Alors ?
demandai-je avec appréhension. T’en penses quoi ?
- Il… il est fabuleux ton
discours, Clem’ ! dit-elle me sautant dans les bras. Tu seras élue, à coup
sûr !!
Mathilde termina sa phrase là où la sonnerie
débuta. Il était l’heure d’aller au réfectoire.
Lorsqu’il
fut l’heure de prononcer mon discours, je me levai avec appréhension et
m’avançai jusqu’au pupitre. Je pris une grande respiration pour me
lançai :
- Chères camarades,
bonjour. Je suis Clémence Vicœur et je me présente aujourd’hui à l’élection des
déléguées de classe pour pouvoir être votre représentante et porte-parole au
sein de la classe Littéraire. Vous me connaissez toutes : je suis loin
d’être un ange. Pour preuve, vous avez toutes déjà vu au moins une fois mes
fesses rougir sous vos yeux !
Cela déclencha un rire discret parmi la foule
que je pris pour un bon point.
- J’ai fait des bêtises,
oui. Beaucoup de bêtises. Et c’est justement pour cela que je suis légitime
pour vous représenter. Vous savez que je n’ai pas ma langue dans ma poche et
que je suis courageuse : je n’hésiterai pas à porter vos intérêts aussi loin
qu’il le faudra. Vous savez aussi que je suis une camarade juste, toujours
prête à défendre l’injustice. Je ne vous demande pas de voter pour moi parce
que je suis populaire et que vous m’aimez bien ; je vous demande de voter
pour moi parce que vous me faîtes confiance pour vous représenter jusqu’au
dernier jour de l’année. Je ne suis peut-être pas votre premier choix mais je
connais parfaitement le chemin des bureaux de la Direction.
Comme c’était mon intention, un rire général
fut déclenché, même parmi les adultes présents.
- Si vous votez pour moi,
vous votez pour la loyauté. Si vous votez pour moi, vous votez pour la sécurité.
Si vous votez pour moi, vous serez dignement représentées. Merci de votre
attention.
Je fus applaudie et le soulagement qui
m’envahit fut bienvenu.
Mes
adversaires prononcèrent tour à tour leur discours et Mathilde me chuchota à l’oreille :
- Elles sont bien moins
applaudies que toi !
Puis, l’heure du dépouillement arriva.
- Clémence !
- Jessica !
- Jessica !
- Yéline !
- Clémence !
- Clémence !
Ça ne s’arrêtait donc jamais ?! Le
suspense était trop lourd à supporter mon cœur allait lâcher !
Après le dépouillement du dernier bulletin, le
verdict tomba :
- Les déléguées de la
classe Littéraire sont Yéline et Jessica, suppléantes Astrid et Charline, acta
le Directeur. Félicitations à vous mesdemoiselles !!
Un « Ouaiiiiiisssss !! » s’éleva
dans le réfectoire de la part des élèves de ma classe. J’étais dépitée : j’en
prenais un sacré coup à l’égo. Mathilde était aussi déçue que moi. La seule
consolation que nous avions était que Valentine non plus n’avait pas été élue.
Les
déléguées furent élues dans les autres classes : Monica et Willow pour la
classe Economique et Sociale, Aubéline et Hasna pour la classe Scientifique.
Vint
le tour de l’élection des représentantes. J’avais pour ma part voté pour
Pauline, j’espérais vraiment qu’elle soit élue !
Lorsque le dépouillement commença, je fus totalement
scotchée. Monsieur Mathieu ne cessait d’annoncer :
- Clémence !
Clémence ! Clémence ! Clémence ! Clémence ! Clémence !
Je ne m’étais pourtant pas présentée !
- Clémence ! Pauline !
Fatoumata ! Clémence !
Ça ne s’arrêtait pas.
Lorsque la totalité des cinquante-deux bulletins fut
dépouillée, Monsieur Éric annonça :
- Eh bien, Clémence l’emporte
à une écrasante majorité avec quarante-et-une voix, suivie de Pauline avec sept voix,
et de Fatoumata avec quatre voix.
Le Directeur se tourna alors vers moi et me
demanda :
- Clémence, puisque tu ne
t’étais pas présentée pour cette élection, acceptes-tu le mandat que te confient
tes camarades ?
- Oui, je l’accepte !
répondis-je après m’être levée.
Je fus saluée d’un tonnerre d’applaudissements,
tonnerre auquel Fatoumata ne participa pas puisqu’elle aurait été élue si j’avais
refusé.
- C’est entendu !
dit Monsieur Éric lorsque l’assemblée retrouva son calme. Vos représentantes
sont donc Pauline et Clémence, suppléantes Charlotte et… Mathilde, je suppose ?
J’acquiesçai.
- … et Mathilde,
donc ! Félicitations, mesdemoiselles !!
Je n’en revenais pas. Comme
quoi, le Ciel me réservait bien des surprises ! Ne pas être élue pour l’élection
à laquelle je ne m’étais pas présentée, mais l’être pour le poste que je ne
convoitais pas : c’était le monde à l’envers !
Après avoir dîné, nous
sortîmes toutes du réfectoire et je reçus plusieurs paroles de félicitations et tapes dans le dos, ce qui me réchauffa le cœur. Je me dirigeai ensuite dans le
bureau de Monsieur Lionel, accompagnée de Mathilde : les représentantes et
leurs suppléantes y avaient leur première réunion.
Je
ne pus aller me coucher sans raconter à Côme et Célestine mon
extraordinaire journée, omettant bien sûr quelques détails sans importance.
- Je suis fier de toi, ma
grande ! s’exclama mon frère. C’est le début de ta carrière de politicienne !
- C’est super, ma p’tite
chérie ! m’avait dit ma sœur. Bravo ! Tu vois que tu es appréciée !
Tu dois rester jusqu’à la fin de l’année maintenant, tu n’as plus le choix…
A suivre…
Eh bien, une révolution : Clémence sage depuis trois jours et représentante des élèves ? Whoua, ça va décoiffer dans les réunions.
RépondreSupprimerUn énorme travail annoncé qui s'ajoute au cours de violon et à la pratique de la flûte traversière chaque jour ! Clémence va-t-elle avoir le temps de respirer ?
RépondreSupprimerClémence représentes des élèves hâtés de voir se que ça va donner
RépondreSupprimerSes fesses vont t’elle el supporter
Hâte de lire la suite !!!!😁