Je
descendis les escaliers en pleurant. Maman, qui enlevait ses bottes dans
l’entrée, m’aperçut immédiatement :
- Qu’est-ce que tu fais
là, ma grande ?
- Maman ! gémis-je en
m’asseyant sur la marche sur laquelle je me trouvais, incapable de contrôler
mes pleurs.
- Oh Marie ! se lamenta Scarlett en me rejoignant le plus rapidement possible. Raconte à maman ce qui
ne va pas !
- Je ne peux pas !
réussis-je à articuler.
Ma mère s’assit à côté de moi et me prit dans
ses bras. Je fus instantanément entourée par sa chaleur et son amour.
- Marie ? demanda
mon père depuis le rez-de-chaussée. Tu pleures ?
Scarlett me convainquit d’aller m’asseoir sur
le canapé et me prépara un chocolat chaud qu’elle me servit. Mon mug tout
chaud dans les mains, un plaid sur les épaules, mon père assis à ma droite et
ma mère à ma gauche, j’aurais dû me sentir on ne peut mieux. Pourtant, j’avais
l’impression que mon cœur pesait quinze tonnes !
- Chérie, il faut
absolument que tu nous dises ce qui se passe ! insista mon père. Nous
devons t’aider !
- Si je ne parle pas, je
vous trahis ! dis-je, mes larmes s’étant légèrement estompées. Mais si je
parle, je trahis mes sœurs ! Je ne sais vraiment pas quoi faire…
- Une chose est sûre, tu
ne peux pas rester dans cet état-là, me dit Scarlett pendant que son mari
hochait la tête.
- Anaïs et Louise sont
les premières personnes que j’ai rencontrées depuis la réforme, vous
comprenez ? Elles sont vraiment devenues mes sœurs, on a tout traversé
ensemble… Je ne veux pas qu’elles s’attirent des ennuis par ma faute ! Je
ne me le pardonnerai jamais !
- Marie chérie, il faut
vraiment que tu vides ton sac car tu commences à nous faire peur !
s’inquiéta ma mère.
- Quelles seront les
conséquences pour tes sœurs si tu parles ? se renseigna mon père.
- Vous allez les punir,
répondis-je.
- Attends, tu te mets
dans cet état-là pour une fessée ?! s’indigna mon père. Tu es en train de
te rendre malade uniquement parce que tu ne veux pas que tes sœurs
reçoivent une fessée, Marie ?! Rien que pour ça, tu en mériterais une
également !
- Michael, s’il te
plaît ! le tempéra ma mère.
- Ça me rend fou de la
voir dans cet état-là ! pesta mon père en se levant.
Puis, il agita son index en ma direction et
poursuivit :
- Maintenant, tu vas nous
dire ce qui se passe, et tu vas le faire immédiatement, Marie ! Sinon je
vais me fâcher !
Les yeux rivés vers le sol, je pris une grande
inspiration et lâchai :
- Louise et Anaïs sont
sorties en douce pour aller à la soirée chez Vincent.
Ma phrase fut suivie d’un long silence durant
lequel mes parents accusèrent le coup. Puis, mon père me demanda,
furieux :
- Depuis combien de temps
sont-elles parties ?!
- Quinze minutes environ,
hoquetai-je.
- Je peux savoir pourquoi
tu n’es pas avec elles ?!
- Je craignais trop de
prendre une fessée, répondis-je.
- Tu as eu bien raison
sur ce coup-là ! me fit remarquer Michael. Je vais immédiatement les
chercher ! Elles vont entendre parler de la ville !
Je ne rectifiai pas mon père à la suite de son
expression mal employée : il était bien trop en colère et moi, j’étais
remplie de culpabilité.
Ma
mère continuait de me consoler après que son mari ait claqué la porte derrière
lui.
- Elles vont se faire
tuer à cause de moi ! pleurai-je, la tête collée contre le torse de
Scarlett.
- Non, pas à cause de toi,
ma puce ! A cause d’elles et de leur bêtise !
- Mais si je ne vous
avais rien dit, elles ne se seraient pas fait prendre ! insistai-je.
- Si, Marie, puisqu’en
rentrant du travail, je serais allée vérifier si vous étiez toutes les trois
couchées. Puisque le coup des oreillers et des peluches mises sous la couette
pour faire illusion ne fonctionne pas avec moi, j’aurais forcément vu qu’elles
n’étaient pas là. Et pour le coup, tu aurais certainement pris une fessée pour
complicité !
J’avais donc vu juste. Sans le savoir, maman
soulageait ma conscience.
Puisque c’était la soirée confidences, j’avouai
à Scarlett que je ne voulais plus partager ma chambre avec Louise.
- Pourquoi ? me
demanda ma mère.
- Nous n’avons pas le
même rythme de sommeil, Louise se réveille très tôt et du coup, ça me réveille…
Et puis elle me fait toujours des réflexions, je ne peux jamais faire ce que je
veux, j’ai l’impression qu’elle est en train de m’épier… J’aimerais juste avoir
un endroit à moi pour souffler un peu sans que personne ne m’embête.
- Tu exagères, me gronda
doucement ma mère, nous allons devoir tout redéménager !
- Je suis désolée,
dis-je. Sinon on reste comme ça, ce n’est pas grave…
Scarlett me regarda quelques instants puis me
dit :
- Bon, fais-nous un
croquis de la nouvelle chambre que tu aimerais avoir et nous tâcherons de faire
au mieux, d’accord ?
- Merci maman ! dis-je
en l’embrassant sur la joue.
- Maintenant, au lit. Il
est tard. Il faut que tu dormes. Et puis, je vais être occupée avec tes sœurs.
- Ah…
- Marie, arrête de
culpabiliser. On l’aurait su de toute façon. Rien n’est ta faute,
d’accord ! Je veux que tu t’enlèves ça de la tête. Aller, au lit mon p’tit
cœur.
Ma mère me borda mais je ne pus bien évidemment
pas m’endormir de suite.
- Dépêchez-vous d’aller
vous coucher !! entendis-je mon père vociférer depuis l’entrée. Et si j’en
entends une de vous deux ouvrir la bouche, je lui en remets une !!
- Chuuut ! lui dit
ma mère. Marie dort !
Je n’entendis plus mes parents par la suite ;
j’ouïs uniquement ma sœur entrer dans la chambre en pleurant comme une
madeleine. Elle se mit en pyjama le plus discrètement possible et se coucha.
Louise
pleura jusque tard dans la nuit, ce qui me fit culpabiliser à nouveau, comme si
les paroles de ma mère s’étaient envolées.
Jeudi 5 décembre 2019
- Il nous a données une
fessée devant tout le monde, Marie ! Tu te rends compte ?! Même
devant Sacha ! J’étais morte de honte ! Je ne vais plus jamais pouvoir
retourner à la fac !
- C’était une
déculottée ? demandai-je.
- Non, la déculottée
c’était en arrivant à la maison, dit Louise. Mais on s’est quand même prises
cinq claques sur les fesses devant tout le monde !!
- Oh, mais ce n’est rien
ça ! Tout le monde en prend dans sa famille d’accueil, on n’est pas les
seules !
- Oui mais pas devant
tout le monde !! insista Louise.
- Si, rappelle-toi
Raphaël, la semaine dernière à la fac… Et Elise aussi ! Et…
- Oui bon, j’ai
compris ! C’est juste que c’était trop la honte !
- Je croyais qu’une
soirée avec Sacha valait toutes les déculottées du monde.
- Ta gueule ! me dit
Louise.
Elle lâcha cette insulte au moment précis où
maman passait devant notre chambre, une pile de linge propre plié dans les
mains.
- Comment est-ce que tu
parles à ta sœur ?! la gronda-t-elle en entrant dans la pièce.
- Je ne l’ai pas mal pris,
maman ! dis-je pour défendre Louise.
- Ce n’est pas une
question de susceptibilité, Marie ! dit la flic en posant le linge sur mon
lit. C’est une question de langage !
Scarlett pencha Louise sous son bras et lui
asséna une dizaine de claques sur le derrière.
- Tu penses vraiment que
c’est le moment de faire des tiennes, Louise ?!
- …
- Tu me réponds quand je
te parle ! gronda maman et lui redonnant une claque sur les fesses.
- Non maman, répondit ma
sœur toute penaude.
- Alors fais-toi
discrète !
Notre mère sortit de notre chambre après avoir repris le linge et je vis
que Loulou se retenait de pleurer.
- Pleure si tu en as
envie, il ne faut pas garder ça en toi, lui conseillai-je alors qu’elle se
frottait les fesses.
- Je commence à
comprendre ce que tu ressens, parfois ! me dit-elle en ignorant ma
réplique.
L’après-midi fut
heureusement plus joyeux. Nous le passâmes à transformer entièrement la maison
en chalet du Père Noël.
Lorsque nous eûmes
terminé, la magie opéra : c’était incroyable ! Le sapin, haut de deux
mètres, captait le regard par sa beauté. Les guirlandes lumineuses réveillaient
l’esprit des fêtes ; et les bougies pailletées donnaient vraiment
l’impression que les lutins allaient débarquer d’une minute à l’autre.
- Nous n’avons jamais eu
une aussi belle maison pour Noël ! s’exclama Michael.
- Espérons que les chats
ne saccagent pas tout ! s’inquiéta Scarlett.
Au dîner, nous parlâmes
des vacances de Noël. Nous nous mîmes tous les cinq d’accord : la famille
Webber au complet fêtera Noël le 25 au soir. Le réveillon du 24 et le déjeuner
du 25 se dérouleront dans nos familles biologiques. Aussi, j’annonçai à Michael
et Scarlett que je souhaitais passer la deuxième semaine des vacances avec eux,
contrairement à mes sœurs. Louise partait au ski avec ses parents biologiques,
et Anaïs préférait passer sa deuxième semaine avec ses grands-parents biologiques.
Je n’aurais donc Michael et Scarlett rien que pour moi et j’en étais déjà ravie !
- A toi de nous dire où
tu veux aller, ma chérie ! me dit mon père. C’est à toi de choisir notre
destination !
- Je vais y réfléchir,
répondis-je.
Je préparais mon cartable
pour le lendemain matin lorsque mon père entra dans ma chambre :
- Coucou ma puce, je
venais juste te rappeler que ta mère t’emmène à la clinique demain matin. Il
faudra que tu te lèves un peu plus tard que d’habitude.
J’avais effectivement complètement oublié que
je passais ma journée à la clinique demain pour faire une batterie d’examens ;
ceux-ci ayant pour but de vérifier l’état de mes intestins. En fin de journée,
je verrai également l’orthopédiste pour mon poignet avec une semaine d’avance.
J’espérais de tout cœur qu’il accepte de me mettre une attelle.
Mon
père sortit de ma chambre et je laissai tomber mon cartable, me disant que je
verrais donc cela dimanche soir. Cela allait me faire du travail en plus de
récupérer les cours – surtout juste avant les partiels ! – mais j’étais
tout de même heureuse de louper une journée ennuyeuse à la fac, d’autant plus
que je n’aimais pas plus que ça les cours du vendredi.
A suivre…
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