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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 71 (1ère partie)

 




Vendredi 6 décembre 2019

 

       Je passai donc la journée à la clinique avec ma mère. Le stress que j’éprouvais n’était pas tant pour les résultats de mes examens que pour la réaction de Scarlett. Je craignais vraiment de me reprendre une volée devant le médecin.

       Heureusement, par je ne sais quel miracle, tous les résultats furent au beau fixe : malgré mon récent caprice avec la nourriture – enfin, ce que ma mère appelle un caprice ! – ma maladie intestinale ne s’était pas aggravée. Elle était même on ne peut plus stable ! Quant à mon poignet, devant les très récents résultats d’analyse, l’orthopédiste accepta enfin de m’enlever mon plâtre pour le remplacer par une attelle.

-    Mais attention, Marie ! avait-il dit. Tu dois la porter pendant trois semaines sans exception ! Je t’autorise à enlever ton attelle lorsque tu iras te doucher mais uniquement à ce moment-là ! Tu la remettras tout de suite après t’être lavée ! Nous sommes bien d’accord ?

-    Oui, docteur ! avais-je répondu.

Le « Nous y veillerons, mon mari et moi ! » de ma mère m’avait très sincèrement passé l’envie de ne pas respecter les prescriptions médicales.

 

 

       Mathieu, mon cher amour, vint me chercher chez mes parents pour dix-sept heures. Alors que nous roulions, je m’étonnai qu’il ne prenne pas la route habituelle.

-    Où va-t-on ? lui demandai-je.

-    Chez Baptiste, me répondit-il.

-    J’avais envie de passer du temps avec mes parents et mon petit frère, lui avouai-je.

-    On va passer chez toi pour les voir, me dit Mathieu. Et dès demain, on passera la journée avec eux, promis mon cœur ! Mais ce soir, on va aller s’éclater un peu !

-    Comment ça ? demandai-je.

-    On se fait un restau avec Baptiste, Charlotte et Ilyès ! m’informa mon homme. Et ensuite, on ira en boîte !

-    Mais les discothèques sont interdites aux mineurs ! m’inquiétai-je. Et je te rappelle que nous en sommes redevenus !

-    Regarde dans la boîte à gants.

En m’exécutant, je découvris cinq cartes d’identité faisant toutes plus réelles les unes que les autres. En jetant un coup d’œil à la mienne, je vis que mon année de naissance avait été modifiée. Je n’étais plus née en 2000 mais en 1992.

-    Pourquoi avoir ajouté tant d’années ?!

-    Parce que si on t’avait mis vingt-cinq ans tout pile, ça aurait été suspect.

-    Comment diable as-tu eu ces faux papiers ?

-    Un pote de l’armée fait du trafic en cachette. Il me les a faites à un bon prix.

-    Mathieu, si on se fait choper, on va finir en cellule !

-    T’inquiète, on n’ira pas en prison pour si peu ! m’assura-t-il.

-    Je ne crains pas la prison ! m’exaspérai-je. Ce sont Michael et Scarlett que je crains ! La prison, ce serait même le bon plan : mes parents d’accueil ne pourraient pas me chopper !

-    T’inquiète, on est en plein week-end : ils appelleront tes parents biologiques pour venir te chercher au poste – au cas où on se ferait chopper. Et ça n’arrivera pas.

-    J’ai entendu ça trop de fois pour ne plus y croire, rétorquai-je. De plus, Michael et Scarlett sont mes tuteurs légaux, désormais. Je porte leur nom de famille ! Même si on est en plein week-end, je suis certaine que ce sont eux qu’ils appelleront !

-    Marie, détends-toi ! Je te dis qu’ils appelleront tes parents biologiques, j’en suis certain !

-    Même s’ils ne se fâcheront pas, je n’ai pas non plus envie de les décevoir.

-    De toute façon, on ne se fera pas chopper ! Ecoute, on passe vite fait donner les cartes d’identité à Baptiste, Charlotte et Ilyès, ensuite on va chez toi pour dire bonjour à ta famille et pour que tu choisisses une tenue qui te vieillira assez pour que tu paraisses avoir vingt-sept ans, puis on file au resto. Tout se passera bien, je te le promets.

 

Était-ce parce que j’avais une confiance aveugle en Mathieu que j’avais accepté ? Ou bien parce que j’avais une folle envie de faire la fête et de m’amuser ? Ou encore parce que les discothèques, dont j’avais seulement profité pendant huit mois, me manquaient beaucoup trop ? Toujours était-il qu’à minuit et demi, j’étais sur la piste de danse de ma boîte de nuit préférée, accompagnée de mes amis et de mon petit copain et vêtue d’une tenue très, très osée.

 

Les garçons voulant pousser un peu la fête prirent de la drogue : ce ne fut pas notre cas à Charlotte et moi. Nous ignorions même comment nous allions repartir étant donné que Mathieu était notre seul conducteur – seuls les jeunes s’étant dirigé vers l’armée pouvaient conserver/passer leur permis de conduire – et qu’il était complètement défoncé. Pour faire taire l’inquiétude en moi, je mourrais d’envie de prendre les petites pilules qu’ils avaient avalées ; mais j’avais trop peur des conséquences. Ne plus être maître de mon corps, craindre que quelqu’un découvre la vérité sur nos âges…

-    Qu’est-ce que tu fous là ?! s’indigna une jeune femme en s’adressant à Charlotte alors que nous dansions.

-    Ben et toi ?! lui rétorqua cette dernière.

-    Je suis majeure, je te signale ! affirma la jeune femme. Comment es-tu entrée ?!

-    Qu’est-ce que ça peut te foutre ?! demanda violemment Charlotte. T’es pas ma mère !

-    Nan mais je suis ta grande sœur ! Je vais te dénoncer au vigile, tu vas voir !

-    Amélie, non !! lui cria Charlotte. Tu veux que je me fasse tuer ou quoi ?! Que ce soit ma famille d’accueil ou papa et maman, ils vont me tuer s’ils apprennent ce que j’ai fait !!

-    Je n’en ai rien à foutre !

Amélie tourna la tête vers moi puis vers les trois zigotos complètement défoncés. C’est à ce moment-là qu’elle prit la décision de nous balancer au vigile.

 

       Le vigile appela les flics. A une heure du matin, nous étions sur la piste de danse ; à une heure vingt du matin, nous étions en cellule dans le commissariat où bosse Scarlett.

En cellule avec Charlotte et trois mecs complètement défoncés dont l’un était mon petit copain, j’avais l’impression que la situation ne pouvait pas s’aggraver davantage ; mais une petite voix au fond de moi me disait que j’avais tort.

      

-    Bon alors ; je vous explique les mioches : vous avez commis une infraction qui relève de la contravention de troisième classe. Nous allons donc appeler vos parents pour qu’ils viennent vous chercher, et nous les informerons qu’ils devront s’acquitter d’une amende de soixante-huit euros.

-    J’ai ma carte bleue sur moi, dis-je d’une voix apeurée. Je peux vous payer les soixante-huit euros tout de suite et vous me laissez m’en aller ?

-    Ça ne fonctionne pas comme ça ma p’tite mais hey !! Je te connais, toi ! Tu ne serais pas la fille de Scar ?

-    Vous devez me confondre avec une autre personne, tentai-je sans conviction en sachant très bien que ce monsieur était venu dîner à la maison il y a quelques semaines et qu’il connaissait donc mon visage.

-    Nan, nan, j’suis sûr de moi ! Comment tu t’appelles, déjà ?! T’es celle qui fait toujours les conneries, là !

Je baissai la tête. J’étais fichue.

-    Tu m’étonnes que tu ne veux pas que j’appelle tes parents ! ria le flic. Quand Mike et Scar vont apprendre ça…

-    Mais c’est le week-end ! tilta Ilyès qui semblait reprendre peu à peu ses esprits. Vous êtes censés appeler nos parents biologiques !

-    Quand vous avez à faire à la justice, ce sont vos tuteurs légaux que l’on appelle, jeune homme !

Je suppliai le flic de me faire une faveur et d’oublier cette histoire, de me laisser le payer et m’en aller mais il ne l’entendit pas du tout de cette oreille. Il me sourit d’une façon on ne peut plus sadique en me disant : « Profite de pouvoir t’asseoir, ma grande ! Ça ne va pas durer ! », ce qui me fit pleurer. Puis, comme pour accentuer mon malheur et son sadisme, il sortit son téléphone en restant bien devant la cellule.

-    Allô Scar ? c’est Marco ! J’te dérange pas ? … Bon, je t’appelle parce que j’ai ta gamine en cellule… Oui, la p’tite métisse avec les cheveux bouclés ! … Oui, Marie, c’est ça ! … On les a retrouvés en boîte de nuit elle et ses amis … Oui, il faut que Mike et toi veniez la chercher… On vous expliquera tout sur place… Oh écoute, pour l’amende, on verra si on peut s’arranger… Ok, à tout à l’heure !... T’inquiète, prenez votre temps ! … A tout !

Et il raccrocha, signant mon arrêt de mort pur et simple.

Tous les efforts que j’avais fait pour éviter de prendre une fessée ces derniers jours s’étaient soldés par un échec. J’avais une fois de plus pris la mauvaise décision.

 

       Il était bientôt deux heures du matin, j’étais en tenue très légère et je ne tremblais pas à cause des larmes froides qui roulaient sur mes joues en grand nombre mais à cause de la peur qui m’envahissait à l’idée que mes parents viennent me chercher. Scarlett allait me tuer. Michael allait me trucider.

       Les parents d’accueil d’Ilyès, ceux de Charlotte et ceux de Baptiste arrivèrent en même temps. Ils payèrent l’amende et récupérèrent leurs enfants sans ménagement. Je me retrouvai donc seule avec Mathieu qui commençait à retrouver ses esprits, les effets du cannabis se dissipant peu à peu. S’en suivit une scène de ménage monumentale, la pire que nous n’ayons jamais eue.

-    Tu me prends la tête parce que tu vas prendre deux-trois bonnes claques sur les fesses, c’est ça ?! Tandis que moi, je vais rester au trou pendant trois mois ?!

-    C’est toi qui as eu cette putain d’idée débile ! Tu t’es procuré des faux papiers et tu m’as forcée à te suivre ! pleurai-je.

-    Je ne t’ai forcée à rien du tout !

-    Tu te fiches de moi ?! Quand tu es venu me chercher chez mes parents, tu avais déjà planifié la soirée !

-    Tu aurais pu dire non ! En fait…

Soudain, mon petit ami se stoppa et tourna la tête. En regardant dans la même direction pour connaître la raison de son beug, je vis Michael et Scarlett qui se tenaient derrière la grille, ainsi qu’un homme habillé en militaire qui devait sûrement être le tuteur légal de Mathieu.

Je ressentis instantanément une honte immense. Je me tenais devant mes parents, vêtue d’une robe vert pomme au tissu fin qui tombait en décolleté très plongeant et ne couvrait pas la moitié de mes cuisses ; sans oublier qu’elle me laissait un large dos nu pour lequel je n’avais pas mis de soutien-gorge, histoire de ne pas gâcher son effet. Les escarpins portés par mes pieds étaient également très provoquants.

Michael et Scarlett me fusillaient tous les deux du regard ; mais je sentais néanmoins une once de douceur dans celui de mon père. Avec le temps, j'allais devenir experte dans l'analyse de leurs regards ! J’avais peut-être une chance, même infime, de m’en sortir vivante.

       Mathieu fit quant à lui un salut militaire à son gradé. Ce dernier semblait autant en colère que ma mère.

       Soudain, le fameux Marco ouvrit la porte de la cellule, seule protection qui demeurait entre mes parents furieux et moi.

       La porte ouverte, nous demeurâmes un instant immobiles, tous les six. Puis, ma mère fonça vers moi, m’attrapa par le bras et me donna trois bonnes claques sur le derrière.

-    Sors de là ! me gronda-t-elle. On va régler ça à la maison !

Puis, elle se tourna vers Mathieu, pointa son index sur lui et lui annonça :

-    Et toi, tu viens avec nous !

-    M…moi ? bégaya-t-il.

-    Oui toi, dit Michael qui n’avait pas bougé de l’entrée de la cellule. Après tout, que risques-tu mis à part deux-trois bonnes claques sur les fesses ?

Je vis Mathieu pâlir, ce qui me satisfit intérieurement. Bien fait pour lui ! Son gradé le réprimanda à son tour :

-    J’autorise que vous partiez avec ces gens car je sais que vous serez sanctionné à la hauteur de vos actes ! Mais profitez de votre fin de nuit, Lechêne, car je vous récupèrerai tout à l’heure à neuf heures et vous ne verrez pas votre petite amie avant Noël ! Attendez-vous à une montagne de corvées en rentrant à la caserne, et à dormir au trou un bon moment !

Mes parents signèrent l’attestation de sortie et Michael insista pour payer l’amende. En prenant le chemin de la maison, je n’avais jamais eu aussi honte de ma vie ; et j’étais terrifiée.

 

A suivre…

La suite !

Commentaires

  1. Oh la la ! Avec Marie la bêtise n'est jamais loin, malheureusement pour elle !!! La punition risque d'être sévère !!!

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  2. Oh la là ça s'annonce très mal pour eux quand ils seront rentrés

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  3. Hello! Je vais me faire l'avocat de Marie pour qui je plaide les circonstances atténuantes et même l'acquittement car sur ce coup là, elle s'est faite manipuler honteusement. Donc les charges retenues contre elle doivent être levées au nom de la justice. Je demande donc, Mme la Présidente, que vous prononciez la relaxe de ma cliente, dans la mesure où on l'a tout simplement piégée. C'est une victime, dans cette affaire. Je vous rappelle qu'à l'origine, elle voulait passer ce week-end avec sa famille biologique. Elle n'avait donc pas de mauvaises intentions. Certes, elle a pris une décision malheureuse mais très fortement influencée par un chantage affectif à peine dissimulé. Ma cliente n'est donc pas coupable sauf à vouloir chercher un bouc émissaire.
    Plaise à votre honneur de prononcer la relaxe de ma cliente.

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    1. Excellent plaidoyer Maître ... Marie mérite moins que Mathieu qui lui va s'en souvenir certainement mais elle va être sanctionnée pour complicité et l'avoir suivi dans ce plan risqué dont elle avait tous les éléments et ...aussi pour le choix de sa tenue dévergondée ... au moins le déculottage va être facilité !

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    2. Magnifique plaidoirie ! Je suis fan ! <3
      On verra néanmoins ce que Michael et Scarlett en pensent...

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  4. Je suis totalement en accord avec Sevy Ryjackan.
    Pour avoir vécu un nombre incalculable de chantages affectifs, c'est un fardeau psychologique énorme. J'espère qu'il ne pourra plus s'asseoir pendant un moment pour avoir osé lui infliger cela + n'oublions pas la drogue. Marie a eu la présence d'esprit de ne pas succomber à cette tentation et je lui dis bravo.

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  5. Ah oui, Madame la Présidente, il est vrai que j'avais oublié ce point sur la drogue et c'est tout à l'honneur de ma cliente. Ceci plaide encore pour la relaxe pur et simple de ma cliente qui n'est coupable que d'aimer son petit ami. Doit-on punir l'amour, Madame la Présidente ? Où seraient donc nos propres valeurs si nous unissons les liens affectifs que chacun d'entre nous pouvons nouer avec notre prochain. Quant à sa tenue, quoiqu'elle puisse être moralement discutable, aucune loi n'interdit de porter ce que l'on veut, au risque de tomber dans la discrimination. En conséquence et au vu des éléments du dossier, je persiste à demander l'acquittement et la relaxe sans conséquences de ma cliente et le rétablissement de son honorabilité.

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  Dimanche 15 octobre 1950        Neuf heures : maman vient me réveiller. Le dimanche, nous allons à la messe qui débute à dix heures et demie. Du coup, maman nous lève relativement tôt pour pouvoir vérifier que tout le monde est bien apprêté pour le Seigneur.          A la messe, nous nous consacrons entièrement au Seigneur. Victor et Gus font partie des enfants de chœur qui servent la messe aux côtés du père Antoine (qui n’est autre que le grand frère de papa), ils se doivent d’être irréprochables !        L’église est le seul endroit où j’arrive à me tenir sage longtemps car j’aime beaucoup chanter. Cependant, je n’aime vraiment pas la sortie de messe. Mes parents et grands-parents ont toujours des tas de gens avec qui discuter et moi, ça m’ennuie beaucoup ! Victor et Nono proposèrent alors de nous ramener à la maison pour que les adultes puissent continuer à discuter tranquillement ; papa accepta.          Lorsque nous rentrâmes à la maison, nous effectuâmes les mêmes

Un joli fantôme du passé (Chapitre 19)

  -           Quoi ?! s’exclama Manon. Depuis quand tu as une petite copine ?! -           Cela fait plusieurs mois maintenant, répondit papa. Peut-être cinq ou six. Je voulais être sûr que cela fonctionne. Il est maintenant temps de vous la présenter. -           Cinq ou six mois, et tu ne nous en parles que maintenant ?! s’offusqua mon frère. -           Je vous signale qu’avant d’être votre père, je suis un homme qui a le droit à sa vie privée ! milita papa. -           Non ! protesta Manon. Non et non ! C’est ton tout premier job d’être notre père ! Tu nous as toujours dit que tes enfants passaient avant tout ! -           C’est le cas, se défendit papa. Cela ne veut pas dire que je dois tout vous dire ! -           Bien sûr que si ! insista Romain. -           Ah oui ?! rétorqua papa. Et vous me dîtes tout, vous ?! Un silence suivit. Mon frère finit par le briser : -           Ce n’est pas pareil ! Il y a des trucs qu’on ne te dit pas pour te protéger ! -