Lorsque
nous nous installâmes au salon pour l’apéritif, je continuai à fixer Jacob du
regard.
- Ah ! s’exclama
l’ami d’enfance, amusé. J’avais oublié que vous, les Français, vous preniez
toujours un apéritif !
- C’est obligatoire,
répondit papa. Qu’est-ce que je te sers ?
- Une bière, s’il te
plaît. Répondit Jacob. Alors, mon cher filleul ! poursuivit-il en posant
une main sur l’épaule de Romain. Que deviens-tu ?
- Comme tu le sais, je
suis devenu flic ! répondit Romain. J’aimerais bien prendre mon
indépendance mais…
- Mais ?
- Papa veut garder ses
enfants chez lui jusqu’à leurs trente ans, mentit Manon. Il dit que c’est le
minimum pour que l’on puisse bien démarrer dans la vie.
- Val’, tu
exagères ! le gronda Jacob. Tu devrais les laisser vivre leur vie, bon
sang !
Nous nous mîmes tous à rire, et le rouquin
comprit :
- Ah ok, vous vous êtes
fichus de moi !
- Si je ne prends pas mon
indépendance tout de suite, c’est parce que j’attends d’avoir assez d’argent de
côté pour pouvoir m’acheter une maison, avoua Romain. Tout comme Manon.
- Votre père peut vous en
acheter une, cash ! protesta Jacob.
- Ce ne serait pas leur
rendre service que de tout leur payer, Jack. Dit papa. Ils doivent apprendre à
gagner de l’argent par eux-mêmes. Je ne serai pas toujours là pour tout
financer. Ils doivent apprendre à fournir des efforts. Tant qu’ils sont chez
moi, je les nourris, les loge, les blanchis et veille à tous leurs
besoins ; mais lorsqu’ils seront indépendants, je veux qu’ils puissent
subvenir à leurs propres besoins sans dépendre de mon chéquier ou de ma carte
bleue. Bien sûr, je serai là en cas de coup dur comme n’importe quel parent,
mais je veux qu’ils sachent se débrouiller seuls.
- C’est très honorable de
ta part, dit Jacob.
- Vous avez des enfants,
vous ? demandai-je à mon nouveau baby-sitter.
- J’ai des jumelles qui
auront vingt-deux ans le mois prochain, répondit Jacob. Lisa et Anna. Elles
sont étudiantes à Oxford.
- A Oxford ?!
m’étonnai-je.
- Oui, répondit Jacob en
haussant les épaules. Aussi loin que je me souvienne, elles ont toujours voulu
vivre en Angleterre. Elles rentreront à la maison pour les fêtes de fin
d’année.
- Et votre femme ? interrogeai-je,
poursuivant mon interrogatoire.
Il y eut un silence gêné durant lequel je
compris que j’avais commis un impair.
- Jane est décédée d’un
cancer quand les filles avaient quatre ans, répondit Jacob.
- Je suis vraiment
désolée, murmurai-je.
- Tu ne pouvais pas
savoir, m’assura Jacob avec un léger sourire bienveillant. Le fait que ton père
et moi soyons tous deux pères célibataires nous a beaucoup rapprochés.
- Et vous faîtes quoi
comme métier ? poursuivis-je.
- Zoé, tu commences à
être envahissante ! me gronda mon père.
- Laisse-la, me défendit
Jacob. C’est normal qu’elle veuille me connaître !
Il fixa ensuite ses yeux bleus dans les miens
puis me dit :
- J’ai longtemps été architecte.
Puis, lorsque mes filles sont allées en pension en Angleterre à leur entrée au
lycée, j’ai fait exactement le même métier que le précepteur que tu viens de
quitter aujourd’hui.
- Vous étiez précepteur
dans une des maisons de mon père ?
- J’étais précepteur mais
pas dans une des maisons de ton père, déclara Jacob. Je travaillais pour des
particuliers. Des familles faisaient appel à moi pour rééduquer leurs
adolescents ou jeunes adultes parce qu’ils étaient débordés.
- Comme Pascal, le
grand frère, quoi ! dis-je.
- Qui ça ? demanda
Jacob.
- C’est une émission
française dans laquelle un mec redresse des jeunes, expliqua papa. Mais il s’y
prend très mal, et ce sont des familles qui ont été sélectionnées sur casting.
Rien à voir avec ce que toi tu fais.
- Vous allez me flanquer
la fessée aussi ? me renseignai-je sans détour.
- Pas si tu te tiens
correctement, répondit Jacob.
- Sinon ?
insistai-je.
- Sinon, effectivement,
tu la recevras.
Manon se pencha alors vers moi et me chuchota
dans l’oreille :
- Je te préviens :
il est aussi balèze que Nick !
- Manon, les messes
basses sont malpolies ! la reprit Valentin alors que je faisais un effort
considérable pour ne pas faire de bruit en avalant ma salive.
J’avais la bouche très sèche, tout à coup.
S’il était évident que mon père n’allait pas embaucher un gigolo pour me
garder, cela m’aurait réellement arrangée que ce soit un mec normal, pour une
fois, et non pas un super-donneur-de-fessées-ultra-douloureuses !
- Mais pourtant, mon père
n’est pas débordé avec moi, remarquai-je. Pourquoi a-t-il fait appel à vous ?
- Parce qu’avec Jacob, je
suis certain que tu te tiendras correctement. Expliqua Valentin. Je pourrai
ainsi partir en toute quiétude.
- Ton interrogatoire est
terminé ? me demanda mon nouveau baby-sitter, amusé.
J’hochai la tête en rougissant.
- Parfait ! s’exclama
le veuf. A mon tour, alors !
Je me mis à bouder. Hors de question que
je réponde à ses questions ! Lui donner des billes pour me fliquer ?!
Jamais de la vie !
- Tu as donc dix-neuf
ans, dit Jacob. Que fais-tu actuellement ?
- …
- Bon, laissons-la bouder !
déclara Valentin. Je vais répondre à tes questions : Zoé est en première
année de médecine, répondit mon père. Elle est également inscrite à l’auto-école
pour passer son permis.
- Je vais donc devoir me
concentrer là-dessus, comprit Jacob.
- Oui, poursuivit l’homme
d’affaires. Vérifier qu’elle fasse correctement ses devoirs, lui faire réciter
ses leçons, s’assurer de sa présence en cours et qu’elle ne se remette pas à
fumer puisque c’est sa dernière lubie ! Il faudra aussi contrôler le fait
qu’elle aille à l’auto-école au moins trois fois par semaine. Ensuite, ce seront
les choses habituelles du quotidien : que Trent et elle rangent leur
chambre, qu’ils soient polis, respectueux, etc. Tu feras office de deuxième parent
lorsque je serai absent et vu que tu l’es déjà, je ne vais rien t’apprendre !
- Ok, ça marche !
- Je t’ai embauché pour
Zoé et Trent, mais logiquement Trent ne posera pas trop de problèmes.
- J’ai compris le message,
confirma Jacob.
Nous passâmes ensuite à
table et je continuais de bouder, ne voulant pas ouvrir la bouche.
- Elle a le caractère de
sa mère, précisa Valentin pour détendre l’atmosphère.
- Ne parle pas de ma
connasse de mère ! aboyai-je.
- Et toi, ne me parle pas
sur ce ton ! me gronda fermement mon père. Que cherches-tu à te comporter
comme une mal élevée ?! Si tu veux que je me fâche, tu ne vas pas attendre
très longtemps avant d’être servie !
Je me tus de nouveau et me remis à bouder. Mieux
valait ne pas rétorquer.
Cependant,
j’étais toujours en colère lorsque l’on me servit des pommes de terre et
refusai de manger.
- Zoé, tu manges ! m’ordonna
mon père. Tu as perdu beaucoup de poids à la suite des récents événements, donc
tu manges !
Jacob ne rebondit pas, signe qu’il était au
courant de ce qui m’était arrivé.
- Je n’ai pas faim, décrétai-je.
Je ne veux pas manger.
- Pourtant, tu vas te
manger plusieurs fois ma main aux fesses si tu ne changes pas d’attitude dans
les prochaines secondes ! m’houspilla Valentin. Ma patience a des limites
et elles sont bientôt atteintes !
- Mange, Honey, me
chuchota Trent en posant sa main sur ma cuisse.
Je soupirai d’agacement, pris ma fourchette,
piquai un morceau de pomme de terre et l’enfournai dans ma bouche. Puis, je reposai
la fourchette après avoir fini ma bouche. Je vis que mon père bouillait mais j’avais
vraiment décidé d’être de mauvaise foi ce soir et je n’arrivais pas à agir
autrement.
- Tu te fiches de moi, Zoé ?!
me gronda l’homme d’affaires.
- …
- Est-ce que tu te fiches
de moi ?! répéta-t-il.
Figée, je ne savais que faire. Si je répondais « oui »,
j’étais morte. Si je répondais « non », mon père pourrait prendre ça
pour un mensonge. Je décidai alors de ne rien dire. Ce fut pire.
- Veuillez m’excuser,
déclara mon père avant d’avaler une gorgée de vin, de prendre sa serviette et
de s’essuyer la bouche.
Ensuite, il se leva et fit le tour de la table
pour m’attraper par le bras. Tout en m’emmenant dans le salon, il me gronda :
- Si tu es rentrée à la
maison pour faire ta forte tête, tu fais mal, Zoé ! Ta période probatoire
ne commence vraiment pas bien ! Que ce soit avec moi ou avec Jacob, il ne
te sera jamais permis un comportement pareil ! Tu entends ?!
Puisque la salle à manger était ouverte sur le
salon, tout le monde vit mon père me déculotter et me basculer en travers de ses
cuisses, sur le canapé.
- Depuis le temps, tu
devrais savoir que s’il y a bien une chose que je ne supporte pas, c’est qu’on
se paye ma tête !!
J’avais gardé en tête qu’une fessée de la part
de mon père serait toujours moins coriace qu’une de la part de Nick ; mais
j’avais tout de même oublié combien mon père pouvait être redoutable. Cet oubli
mourut dès la première claque. Avec ce mois passé dans l’un des établissements
de Valentin, j’avais omis mon père et la raison pour laquelle je le craignais.
- Aïe ! Aïe !
Papa, arrête ! Aïe ! Stop ! Pitié ! Ça fait trop mal !
Trois semaines que je n’avais plus reçu de
tannée. Cette déculottée immédiate brûlait bien comme il fallait !
- Papa ! Aïe !
Aïe ! Arrête ! Arrêêêêêêête !!
- Toi, arrête, Zoé !
C’est à toi d’arrêter de te comporter comme une sale gamine à laquelle tout est
dû ! Tu te prends pour qui ?! Je crois vraiment que tu as oublié à
qui tu avais à faire !
- Pardon ! Pardon !
Pardon !!
- Tu peux demander
pardon, oui ! Ça ne change rien au fait que je suis en colère contre toi !
Tu m’as cherché, tu m’as trouvé !
J’essayai tant de me soustraire au courroux paternel
que je forçai Valentin à resserrer son étreinte : je ne pouvais désormais
plus bouger. La seule option était d’attendre que ça passe.
Et j’attendis longtemps.
Mais cela finit enfin !
Lorsque mon père arrêta de taper sur mon
derrière nu qui devait être écarlate, il me demanda sans me lâcher :
- Vas-tu manger le
contenu de ton assiette sans faire d’histoire ?
- Oui, papa !
répondis-je en pleurant.
- Je te préviens Zoé :
si tu me fais lever de table une seconde fois, je sors le martinet ! Tu
entends ?!
- Oui, papa !
répétai-je en deux larmes.
- Puisque je ne te fais
plus confiance, je vais m’assurer que tu te comportes correctement, déclara l’homme
d’affaires avant de reprendre les claques.
- Nan, papa ! Pitié !
Je t’en prie ! Je t’en priiiiiiie !!
Une trentaine de claques supplémentaires
tomba sur mon derrière avant que Valentin me lâche pour de bon.
Revenue
à table, je n’osai regarder autre chose que mon assiette. J’avais trop honte pour
regarder qui que ce soit. Même si un silence gêné s’était installé, je sentais
que tous – mis à part Trent, peut-être – approuvaient ce que mon père venait de
faire.
J’avalai mes pommes de terre et ma viande sans
mot dire.
Alors que Jacob était sur
le point de s’en aller, il nous dit à Trent et moi :
- Je viendrai demain matin
pour onze heures, je serai donc là quand vous rentrerez de la fac.
Puis, il regarda les autres et continua :
- Merci pour cette soirée !
Ça va être cool de vous voir plus souvent. Dormez bien !
A suivre…
Whoua Zoé commence vraiment mal sa période probatoire
RépondreSupprimerQuelque chose me dit que sa va pas s’arrêter la
Hâte de connaître la suite de ses aventures
Tu écris vraiment bien merci à toi
Mille mercis, Princesse Sarah !! Tes commentaires me touchent énormément !! Et toutes mes excuses pour le délai parfois long, je suis en train d'écrire un livre donc c'est parfois compliqué d'être sur tous les fronts ! ^^
SupprimerMerci pour vos écrits que j'attends toujours avec impatience.
SupprimerChaque chapitre, dès qu'il arrive est une bonne nouvelle ... qui laisse place à l'envie de lire la suite très vite. Marie, Clémence et Zoé sont très attachantes.
Et je suis très curieuse de découvrir votre livre quand il paraîtra 😊
Merci
Mille mercis, Sonia !! Dans les moments de doute, je me raccroche aux commentaires : ils sont mon carburant !! Mille mercis pour ta fidélité et pour celle des autres lecteurs ! C'est vous qui faîtes vivre ce blog !!
SupprimerMerci, merci, merci !! <3
Ça démarre mal pour Zoé son retour à la maison !
RépondreSupprimerMerci pour les récits
🙏
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