Un joli fantôme du passé. - Chapitre 41 *Bonus*

 

Valentin accompagna Jacob dehors et le conduisit dans la dépendance, où se trouvait sa garçonnière. Valentin éprouvait en effet le besoin de se retrouver seul avec son ami de longue date. L’accès à cette dépendance est interdit à tout autre membre de la famille : c’est LE refuge de Valentin.

L’homme d’affaires servit deux verres de whisky puis en tendit un à son nouvel employé. Ce dernier accepta le verre et trinqua avec Valentin. Après avoir bu une gorgée, Jacob déclara :

-    Ça a l’air d’être une sacrée, ta Zoé !

-    Tu n’imagines même pas ! ria Valentin. J’ai plus de fil à retordre avec elle qu’avec les trois autres réunis !

-    Parle-moi d’elle plus en profondeur, s’il te plaît, ordonna gentiment Jacob. Contrairement à Manon et Romain, je n’ai pas vu grandir Zoé. Je ne la connais donc pas aussi bien que tes deux ainés. Je me souviens du jour où tu m’as appelé en larmes pour me dire que tu l’avais récupérée mais je n’ai pas eu le récit de son histoire.

-    A mon grand désespoir, gémit le père de famille avant d’avaler une nouvelle gorgée de pur malt. Eh bien, tu te souviens de sa mère, j’imagine ?

-    Oui, malheureusement !

-    Après qu’elle m’ait totalement évincé de la vie de ma fille, son état a empiré. Et Zoé a dû grandir là-dedans. La plupart du temps, sa mère était défoncée ou complètement bourrée. Ma fille devait se débrouiller seule. Aller seule à l’école ou à ses différentes activités scolaires, se faire à manger seule, faire ses devoirs seule…

Valentin se stoppa parce que l’émotion devenait trop forte : il ne pouvait repenser au passé de sa fille sans ressentir une tristesse immense et une colère incommensurable contre la mère de Zoé.

-    Si seulement j’avais pu la retrouver avant, finit-il par dire en laissant couler une larme sur sa joue. Si j’avais pu garder mon bébé, elle aurait eu de l’amour, de la tendresse, elle aurait grandi avec son frère et sa sœur, elle aurait eu la plus heureuse des enfances…

C’en était trop : Valentin éclata en sanglots dans les bras de Jacob. Celui-ci l’épaula silencieusement.

-    Et même lorsque je l’ai récupérée, reprit le P-DG, je n’ai pas pu empêcher que deux espèces de porc la touchent… Je suis un père exécrable !

-    Ne mélange pas tout, Val’ ! le coupa Jacob. En ce qui concerne l’enfance de Zoé, je te rappelle que tu n’as rien à te reprocher : tu as remué ciel et terre pour la retrouver et ce, pendant seize longues années ! Manon, Romain et toi avez vécu votre vie entre parenthèses pendant tout ce temps parce que tu cherchais ta fille ! J’en ai été témoin ! Tu ne peux absolument pas te reprocher cela.

Les pleurs de Valentin cessèrent peu à peu. Jacob poursuivit :

-    Il est normal que l’enfer que lui a fait vivre sa mère te fende le cœur, mais ce n’est pas ta faute ! Tu ne peux plus agir là-dessus ! En revanche, tu peux agir maintenant sur ta fille, comme tu le fais si bien depuis deux ans. Tu es très loin d’être un père exécrable, Valentin. Ta fille t’aime plus que tout. Cela se voyait dans son regard, même après la bonne fessée que tu lui as donnée. Son univers gravite autour de deux planètes : la tienne et celle de Trent. Te rends-tu compte de ce que tu représentes pour ta fille ? Si j’en crois mon expérience avec des cas similaires, lorsqu’elle s’endormait seule dans le noir, Zoé rêvait que son père viendrait la chercher et l’emmènerait avec lui. C’est exactement ce que tu as fait ! Tu es son super-héros.

-    Je ne suis pas à la hauteur, se plaignit Valentin.

-    Je ne peux pas te laisser dire ça.

-    Tout ce que je sais faire, c’est la réprimander et lui coller des roustes !

-    Tu lui donnes un cadre ! expliqua Jacob. Tu lui donnes le cadre et la stabilité qu’elle aurait dû avoir toute sa vie ! Elle reçoit de l’amour de façon inconditionnelle, de l’attention en abondance… et elle apprend également qu’il y a une certaine façon de se comporter dans la vie. Tu te débrouilles très bien, Val’ !

-    C’est pour cela qu’elle a fugué ?

Jacob laissa échapper un soupir agacé avant de rappeler :

-    Manon a grandi avec toi et pourtant, elle aussi avait fait une fugue !

-    Preuve que je suis un piètre père, conclut Valentin.

-    Que t’a dit ta psy ? se renseigna Jacob. Tu l’as vue la semaine dernière, à ce que tu m’as dit ! Je suis persuadé que tu lui as tenu le même discours qu’à moi. Que t’a-t-elle répondu ?

-    Que j’avais très bien fait les choses et que je ne pouvais pas toujours tout contrôler, y compris les crises d’adolescence de mes filles.

-    Eh bien voilà !

-    Elle a également dit que Zoé n’avait pas pu faire sa crise d’adolescence puisqu’elle était trop occupée à survivre avec sa mère ; maintenant qu’elle a découvert et repris une vie normale, elle en profite pour faire cette dite crise.

-    Raison de plus pour continuer à la cadrer fermement ! Elle a plus que jamais besoin de repère, et son repère, c’est toi. Tu ne le vois pas car tu vis tous les jours avec elle mais pour ma part, il ne m’a suffi que du dîner de ce soir pour voir que ta fille te voue une admiration et un amour sans failles. Tu es son héros ! répéta Jacob. C’est normal que tu doutes. Toi et moi, on en a eu des moments de doute durant ces longues années de paternité en solo ; mais regarde où nous en sommes actuellement ? Ton aînée est médecin ! Ton deuxième est policier ! Ta troisième est en première année de médecine ! Pour ma part, je trouve que tu ne t’en sors pas trop mal !

-    Merci, mon vieux ! dit Valentin dont les pleurs avaient totalement cessé. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

-    Rien du tout ! ria Jacob. Batman ne ferait rien sans Robin !

Jacob vida son verre de whisky grâce à une dernière gorgée puis reprit :

-    Bon, je te signale qu’au départ, je voulais que tu me parles de Zoé. Effectivement, son passé est important et j’ai saisi ce qu’elle a vécu ; mais j’ai besoin que tu me parles de la Zoé d’aujourd’hui.

-    Tu es la seule personne au monde capable de cerner n’importe qui en à peine trente secondes, dit Valentin. Ne me dis pas que tu n’as pas correctement cerné ma fille !

-    Si, mais j’aimerais quand même savoir comment toi tu la vois.

-    Zoé ne supporte pas avoir tort, commença Valentin. Elle n’aime pas qu’on lui dise ce qu’elle doit faire. Elle a un caractère assez indépendant. Elle est très intelligente et prête à manipuler les autres pour arriver à ses fins. Si elle fait une bêtise, elle est capable de mentir par omission et de déformer un petit peu la vérité pour que tu ne te rendes pas compte qu’elle ment. Il faut vraiment bien la connaître pour savoir si elle te mène en bateau ou pas. La première chose qu’elle va déceler en toi, ce sont tes faiblesses : si tu lui montres que tu en as, ce sera terminé pour toi. Elle s’engouffrera dans la faille et tu ne la contrôleras plus. Moi, je suis son père donc l’affect entre en jeu ; mais toi, elle ne connaît pas encore. Elle n’aura donc aucune compassion ni pitié pour toi. Elle n’hésitera pas à te faire tourner en bourrique pour obtenir ce qu’elle veut.

Valentin termina son verre à son tour puis poursuivit :

-    Hormis cela, c’est une très belle personne avec de merveilleuses qualités. Elle est très généreuse, aimante, optimiste… En général, elle a la joie de vivre chevillée au corps ! Zoé est notre petit soleil ! Elle peut consoler n’importe quelle personne triste : elle a toujours les mots qu’il faut. Non vraiment, c’est ma petite pierre précieuse.

-    Aucun doute, c’est bien ta fille, conclut Jacob.

-    Je te conseille vraiment de ne rien laisser passer, comme j’essaie de le faire, dit Valentin.

-    Tu sais très bien que j’ai eu des cas bien plus complexes que ta fille, reprit Jacob. Cela va être du gâteau de s’occuper de ta puce. Lorsqu’elle aura tâté de ma main une ou deux fois, elle rentrera très vite dans le rang !

-    Je te laisse faire. Tu as carte blanche.

-    Je sais.

-    Bon, on se fait un p’tit billard ? proposa Valentin.

-    Bonne idée, ça fait longtemps que je ne t’ai pas battu à plat de couture !

-    Tu as toujours été prétentieux, je me trompe ?

 

A suivre…

La suite !