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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 75

 



Vendredi 13 décembre 2019

 

Tel un zombie, je passai mon partiel avec un automatisme déconcertant. 

Je n’avais pas vu Michael et Scarlett ce matin : ma mère avait été appelée sur une urgence peu après mon retour à la maison ; et mon père était parti tôt au bureau. Puisque mon oncle n’avait pas non plus pu se libérer, c’était Nolan qui était venu s’occuper de nous ce matin. Il avait dormi les quelques heures qu’il restait dans la chambre d’amis.

 

       En sortant de mon épreuve, j’étais vidée, épuisée.

-    J’ai hâte de pouvoir me poser à la maison ! dis-je à mes sœurs.

-    On ne vient pas avec toi ce midi, répondit Louise.

-    Quoi ? m’étonnai-je. Comment ça ?

-    Maman nous a demandé de rester manger à la cantine pour pouvoir être seule avec toi, expliqua Anaïs.

Oh, oh. Une terrible angoisse se fit star en moi : tellement, que je ne sus que répondre à mes sœurs. Louise vit immédiatement que ça n’allait pas ; mon visage devait parler pour moi.

-    Ne t’inquiète pas, ça va bien se passer, me rassura-t-elle. Elle veut juste te parler.

-    La dernière fois qu’elle m’a parlée, pas plus tard qu’hier, j’ai passé un sale quart d’heure. Depuis, j’ai du mal à m’asseoir !

-    Je ne pense pas qu’elle va te tomber dessus, exprima Louise. Elle veut juste débriefer de ta fugue de cette nuit. Dépêche-toi : si tu traînes, elle va se poser des questions.

Quittant mes sœurs, je me dirigeai alors vers la maison, seule.

 

-    Bonjour Marie, me salua-t-elle froidement lorsque j’ouvris la porte, comme si elle m’attendait dans le hall depuis plusieurs minutes. Comment s’est passé ton partiel ?

-    Je n’en sais rien, avouai-je. J’ai fait ce que j’ai pu.

-    Donne-moi ton sac, s’il te plaît, me demanda la flic.

-    Pourquoi ?

Scarlett haussa les sourcils : elle devait sûrement se dire que je la défiais. Ne souhaitant pas qu’elle se fâche, je lui donnai mon sac d’école avant même qu’elle réponde à ma question.

Ma mère l’emporta dans le séjour ; je la suivis après avoir mis mes chaussons et enlevé mon manteau.

Scarlett posa mon cartable sur la table et se mit à le fouiller. Elle en fouilla chaque recoin, chaque poche… Chaque millimètre de mon cartable fut passé en revue. N’ayant rien trouvé, elle se tourna vers moi et me demanda :

-    Marie, est-ce que tu as de nouveau triché ?

-    Non maman, répondis-je honnêtement.

-    Tu me le jures ?

-    Oui maman.

-    Tu n’as pas jeté des anti-sèches avant d’arriver ici pour être sûre que je ne découvre rien ?

-    Non maman ! répétai-je avec un soupçon d’agacement. Je te jure que je n’ai pas triché ! J’ai retenu la leçon !

-    D’accord, admit ma mère. Alors c’est à cause de la fatigue que tu tires une tête de trois pieds de long ?

-    Je suis épuisée, avouai-je.

-    On va se mettre à table, annonça Scarlett. Tu manges, et ensuite tu iras te coucher.

-    Je n’ai pas faim, maman ! gémis-je. Et je n’ai pas envie d’aller me coucher. Je dois réviser les autres partiels…

-    Tu manges, me répéta fermement ma mère, et ensuite tu iras te coucher.

-    Je vais perdre du temps dans mes révisions ! protestai-je.

-    Tu ne retiendras rien avec cet épuisement. Ton cerveau ne sera pas efficace.

-    Mais…

-    Marie : repas puis sieste obligatoires, trancha ma mère. Ne m’oblige pas à me fâcher. Pas après la nuit et la matinée que j’ai eues. Je risque de manquer terriblement de patience et de t’allonger sur mes genoux plus rapidement que d’habitude. De plus, je doute que ton derrière soit en service. Donc repas puis sieste obligatoires. Fin de la discussion.

Je me tus. Sachant désormais de quoi ma mère était capable, je n’avais pas envie de la défier.

 

-    Pourquoi est-ce que tu as dit à Louise et Anaïs de rester à la cantine ? demandai-je alors que ma mère remplissait mon assiette.

-    Parce qu’il fallait que je passe un moment seule avec toi. Je veux comprendre le pourquoi de ta fugue.

-    J’ai cru que j’avais atteint un point de non-retour avec papa et toi. Tu ne t’étais jamais autant fâchée contre moi, et papa, eh bien… Je ne l’avais jamais autant déçu. J’ai pensé que vos vies s’amélioreraient si je n’étais plus là.

-    Il ne t’est pas venu en tête que tu avais juste fait une bêtise pour laquelle nous te punissions, et que cela s’arrêtait là ?

-    Oui mais tu m’as vraiment beaucoup punie…

-    Parce que c’était vraiment une grosse bêtise ! répondit ma mère.

-    Et papa m’a dit qu’il était vraiment déçu de moi…

-    Sa déception était ta punition, rétorqua ma mère. S’il t’avait punie à la hauteur de sa déception, crois-moi, tu n’aurais plus de derrière à l’heure actuelle. Il a préféré se cantonner aux mots.

Certes, mais les mots font parfois plus mal qu’une fessée. Enfin, ça dépend de quelle fessée on parle, bien entendu !

Durant notre discussion, je sentais que Scarlett était agacée : elle avait un ton sec. J’osai alors l’interroger :

-    Pourquoi es-tu aussi froide avec moi ?

-    Ce n’est pas volontaire, expliqua-t-elle. J’ai juste du mal à digérer le fait que tu sois partie comme tu l’as fait. Et ça me démange vraiment de te flanquer une fessée monumentale pour éviter que tu recommences.

-    Qu’est-ce qui te retient de le faire ?

-    La peur que tu t’enfuies de nouveau, répondit-elle.

La flic ne put empêcher ses larmes de lui monter aux yeux.

-    Maman, je suis vraiment désolée. J’ai vraiment cru que vous ne m’aimiez plus à cause de toutes mes bêtises…

-    Notre amour pour toi n’a rien à voir avec tes bêtises ! s’emporta-t-elle. Tu crois vraiment que des parents peuvent arrêter d’aimer leur enfant parce qu’il enchaîne les conneries ?! Si on inverse la situation, vas-tu arrêter de nous aimer parce que l’on te punit à chaque fois que tu sors du cadre que nous t’imposons ?!

-    Non, bien sûr que non !

-    C’est pareil pour nous, Marie ! Effectivement, tu n’es pas une enfant sage. C’est comme ça. Nous t’aimons comme tu es ! Ce n’est pas une raison de partir sous prétexte que tu ne nous mérites pas ! Tu nous as fait bien plus de mal en partant ainsi qu’en restant pour assumer tes conneries !

-    Je ne recommencerai pas, maman.

-    Qui me dit que tu vas tenir cette parole ?!

-    A chaque fois que j’ai dit que je ne recommencerais pas, j’ai tenu parole, précisai-je.

-    Effectivement, se radoucit ma mère. Tu as fait d’autres bêtises mais tu n’as pas recommencé celles pour lesquelles tu as déjà été punie. Du moins, la plupart du temps. Il y en a dont on pourrait néanmoins discuter.

-    Que puis-je faire pour que tu me croies ? demandai-je tristement.

-    Rien. Il n’y a que le temps qui me prouvera que je peux te croire.

Je ne répondis pas.

-    Par contre, j’ai quand même des choses à t’annoncer, m’expliqua ma mère en pointant un index sur moi. Ton père et moi avons parlé de tout ça après ton retour cette nuit, et nous avons pris certaines décisions.

J’avalai bruyamment ma salive. Scarlett avala une fourchetée de légumes, but une gorgée d’eau, puis reprit :

-    Premièrement, nous t’avons acheté une montre connectée que tu devras porter non-stop. Tu auras interdiction formelle de l’enlever. Si tout va bien, ton père rentrera avec ce soir. Localiser ton téléphone ne suffit plus, nous voulons que tu portes une montre en plus.

-    Ça a des airs de bracelet électronique pour les criminels ! protestai-je.

-    Dis ce que tu veux, je m’en fiche royalement. Tu n’auras le droit de l’enlever que pour la charger pendant la nuit. Si tu l’enlèves pour un autre prétexte, tu prendras la pire volée de ta vie. S’il s’avère qu’elle ne fonctionne plus par manque de batterie, tu prendras la pire volée de ta vie. Si tu la désactives ou autre, tu prendras la pire volée de ta vie. Si…

-    J’ai compris, maman. Murmurai-je, penaude.

-    Et après avoir pris la pire volée de ta vie, je te planterai une puce sous-cutanée ! reprit ma mère.

Je n’eus pas le cran de lui demander si elle blaguait ou pas. Scarlett poursuivit :

-    Autre point : si tu fais à nouveau une fugue, assure-toi qu’on ne te retrouve jamais ; car si c’est le cas, tu ne pourras plus t’asseoir de toute ta vie.

La mère de famille avait dit ça avec une telle froideur qu’elle en faisait peur !

-    Tu as compris ?!

-    Oui maman, répondis-je, apeurée.

-    Tu n’as plus jamais intérêt à nous refaire une fugue, Marie Noémie Juliette Webber ! continua Scarlett sur le même ton.

-    D’accord maman.

Était-ce moi, ou mon sang commençait à se glacer dans mes veines ?

-    Et dernière chose : nous allons être derrière tes fesses comme tu n’as pas idée, ma fille ! annonça ma mère. Tu vas en avoir marre mais tant pis pour toi. Tu n’avais qu’à assumer tes bêtises au lieu de fuir. Au moindre faux pas, tu prendras une bonne fessée, Marie ! Tu entends ?!

-    Oui maman, répétai-je, lasse.

-    Alors commence déjà par finir ton assiette.

-    Je n’ai plus faim, décrétai-je.

-  Je n’ai pas envie de batailler avec ton caprice anorexique à deux balles. Tu finis ton assiette, un point c’est tout.

Je ne pouvais pas lutter. J’étais trop fatiguée pour cela, et les récentes annonces de ma mère avaient eu le don de me calmer net ! Je terminai mon assiette et allai me coucher à contrecœur.

 

       En me réveillant de la sieste, je dus bien avouer que ma mère avait eu raison de m’obliger à aller me coucher. J’étais requinquée et prête à affronter le reste de la journée. Mon prochain partiel était pour lundi matin, je devais mettre les bouchées doubles si je voulais valider mon semestre.

 

       Je pris tout de même mon vendredi soir pour passer du temps avec mes parents biologiques et mon petit frère. Un énorme week-end de révision s’annonçait, et Scarlett m’avait prévenue qu’elle m’interrogerait dimanche soir pour vérifier que j’avais bien travaillé. Hors de question de la décevoir. Je n'osais même pas imaginer les conséquences !

 

A suivre…

La suite !

Commentaires

  1. Marie a vraiment du soucis à se faire cette fois
    Scarlett et super remonter j’ose même pas imaginer Michael
    Je me demande comment va réagir Marie à se flicage plus plus
    Trop hâte de lire la suite
    J’adore 🥰

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  2. Merci pour ce beau débriefing mère/fille, plein de sensibilité mais aussi de fermeté.
    Le cadre se renforce pour Marie ...
    Mickael va-t-il avoir cette discussion avec sa fille ?

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