Le
déjeuner acta la nouvelle disposition de la maison : nous avions réussi à
nous mettre d’accord tous les cinq.
Au rez-de-chaussée, la salle de sport et sa
salle de douche attenante abriterait désormais la suite parentale.
Au premier étage, l’ancienne chambre de Michael
et Scarlett deviendrait celle de Louise – mes parents prirent en même temps la
décision de condamner définitivement l’accès au garage. Notre chambre actuelle
à Louise et moi, serait désormais uniquement la mienne. Anaïs garderait sa
chambre. Le bureau de papa serait transformé en chambre pour Manoé, et la
chambre d’amis évoluerait en chambre pour Mayeul.
- Nous allons devoir faire
aménager les combles pour y installer la salle de sport et mon bureau, dit
papa. J’espère vraiment pouvoir trouver des artisans qui seront disponibles
rapidement !
- En attendant, comment
vas-tu faire ? m’inquiétai-je.
- Je travaillerai dans la
bibliothèque, me répondit simplement mon père en haussant les épaules.
L’après-midi nous amena
en virée dans les magasins ; mais sans maman ni Anaïs. En effet, ma sœur avait
vraiment du mal avec l’idée que la famille s’agrandisse. Scarlett avait donc
décidé de passer l’après-midi seule avec elle pour tenter d’en discuter et de
la consoler.
Dans la voiture, papa nous avoua :
- Je suis étonné que vous
ne soyez pas dans le même état qu’Ana !
- Moi je suis plutôt contente
d’avoir de nouveaux frère et sœur, déclara Louise.
Puisque je ne répondais pas, Michael poursuivit :
- On est tous chamboulés
par cette nouvelle. Votre mère et moi ne savons pas encore comment nous allons
gérer ça. Nous allons prendre les quelques jours où vous serez dans vos
familles biologiques pour en parler. Mais cela ne nous enchante pas vraiment d’agrandir
la famille !
- T’inquiète papa !
le rassura ma sœur. Vous allez gérer, comme d’habitude !
Voyant que j’avais décidé de rester muette, mon
père n’insista pas. Ce ne fut qu’une fois arrivés au grand magasin suédois qu’il
demanda à Louise de rester quelques minutes dans la voiture pendant que lui et
moi sortions discuter, nos fesses appuyées sur le capot. Je dois dire que la
fraîcheur de la carrosserie fit du bien à mon postérieur meurtri !
- Dis-moi ce qui se passe,
m’ordonna gentiment mon père.
Je me tournai vers Louise qui, à l’intérieur du
véhicule, s’éclatait en écoutant ses musiques préférées. Je regardai ensuite
mon père et lui répondis :
- Je préfère ne pas en
parler.
- Princesse, il faut que
tu te confies ! Si tu gardes tout pour toi, ce n’est pas bon !
- Je ne veux pas que tu me
trouves égoïste ou égocentrique…
- Je te promets que je ne
te jugerai pas, m’assura Michael.
- D’accord.
Je pris une grande inspiration puis expirai
aussitôt avant d’ajouter :
- Maman et toi n’allez
plus avoir de temps pour moi.
- Comment ça ?
- Ben, vous aurez cinq enfants
à gérer ! répondis-je comme une évidence. Vous n’aurez plus le temps de
vous occuper de moi, mis à part lorsque vous vous fâcherez parce que j’aurai
fait une bêtise ! Mais pour tout le reste… Ce sera terminé. Fini l’après-midi
par mois juste avec vous. Fini les câlins du soir. Fini les moments où maman m’apprenait
à cuisiner. Fini les moments passés avec toi sur le canapé, lorsque je posais
ma tête contre ton torse et qu’on faisait du zapping…
Je m’interrompis car ma gorge se nouait. Cette
conversation devenait trop douloureuse pour moi.
- Oh, ma chérie !
gémit mon père en me prenant dans ses bras. Non, bien sûr que non ! Rien n’est
fini ! Lorsque des parents accueillent un nouvel enfant, leurs cœurs s’agrandissent !
- Oui mais votre temps,
lui, ne peut pas s’agrandir ! précisai-je.
- Ta mère va cesser de
travailler pour se consacrer uniquement à vous ; quant à moi, je vais
certainement travailler à quatre-vingts pourcents pour pouvoir l’aider.
- Mais, vous aimez tous les
deux vos travails ! protestai-je. C’est injuste de faire ces sacrifices !
- Peut-être mais c’est
ainsi, répondit Michael. La vie est parfois injuste, Marie. Tu dois t’y faire.
C’est comme ça.
Michael me demanda de le regarder : je
plongeai alors mon regard noir dans ses yeux bleus.
- Ma puce, je te promets
sur tout ce que j’ai de plus cher au monde – y compris toi – qu’on aura
toujours nos moments privilégiés. Ta mère et moi serons toujours là pour toi. D’ailleurs,
on va tellement être présents que ça va très rapidement t’agacer, tu verras !
Je ris. Mon père avait toujours le don de me
faire rire lorsque j’étais triste. L’informaticien poursuivit :
- Alors oui, ce ne sera
désormais qu’un après-midi sur cinq au lieu d’un après-midi sur trois. Et oui,
tu vas devoir nous partager avec un autre frère et une autre sœur. Mais je te
demande de nous faire confiance à ta mère et moi. Tu peux faire ça ?
J’hochai la tête.
- Je t’aime papa, lui chuchotai-je
alors qu’il m’embrassait sur le front.
- Et moi je t’aime encore
plus, si tu savais !
Notre étreinte terminée, Michael demanda à Louise
de sortir de la voiture.
Alors que nous marchions vers l’entrée du magasin,
je partageai mes dernières inquiétudes avec ma sœur :
- Même quand Mayeul et
Manoé arriveront, tu ne vas pas me laisser seule, hein ?
- Bien sûr que non,
voyons ! s’offusqua Louise. Tu sais bien que c’est nous deux contre le
monde entier !
- Nous deux contre le
monde entier, murmurai-je.
Nous passâmes un temps fou dans l’immense magasin d’ameublement. Nos parents nous avaient proposé de renouveler entièrement nos chambres ; Louise et moi ne nous faisions pas prier pour avoir les idées les plus créatives. Si ma sœur souhaitait une mezzanine, moi je voulais conserver un lit à baldaquin ; mais je désirais également beaucoup de guirlandes lumineuses, un fauteuil suspendu, un grand dressing, un très grand bureau et une coiffeuse. Je souhaitais une chambre dans les tons rose pâle, style romantico-baroque, adorant les 17ème, 18ème et 19ème siècles. Louise et moi avions les mêmes goûts en termes de décoration, ce qui nous amena parfois à choisir les mêmes meubles mais dans des tons différents. Aussi, nous réussîmes à convaincre notre père de créer une porte entre la nouvelle chambre de Louise et la mienne afin que nous puissions aller nous voir rapidement l’une ou l’autre lorsque nous en aurions besoin. Nous souhaitions être séparées mais pas trop, quand même !
Au rayon des meubles de travail, j’avais
flashé sur un grand bureau blanc de style ancien. Seulement…
- Marie, vu les meubles
que tu as déjà choisis, ce bureau ne rentrera pas dans ta chambre, m’expliqua
mon père. Tu vas devoir faire des concessions.
- Mais papa, ça peut
quand même rentrer !
- Ah oui, où ça ? me
demanda Michael en croisant les bras sur sa poitrine.
- Dans l’angle, répondis-je,
près de la porte que tu vas créer pour Louise et moi !
- Il n’y aura qu’un mètre
trente, et ce bureau mesure un mètre cinquante.
- Papa, je te dis que ça
peut rentrer ! insistai-je.
- Vous les filles, c’est
toujours pareil ! s’exaspéra notre père. Vous voulez acheter vos meubles, vous fonctionnez au coup de cœur et ensuite lorsqu’il faut
tout installer : surprise ! Les meubles sont trop grands !
- Mais…
- Ça ne va pas passer,
Marie ! répéta le père de famille. Et puisque nous n’allons pas revoir toute
la disposition de ta chambre car nous n’avons pas que ça à faire, tu choisis un
autre bureau qui ne fait pas plus d’un mètre trente !
- Mais papa, pour vingt centimètres,
ce n’est pas bien grave ! opposai-je.
- Tu ne te rends vraiment
pas compte, se lamenta Michael.
Le vendeur, qui se tenait devant nous en
attendant la réponse finale, avait l’air de l’avis de mon père. Cependant, je tenais
bon :
- On peut peut-être
essayer ! Et si ça ne passe pas, on renverra le meuble !
- Ben voyons !
- Mais…
- Stop, Marie ! trancha
Michael. Ça suffit. Tu choisis un autre bureau d’un mètre trente maximum.
- Je ne veux pas un autre
bureau ! protestai-je en boudant. Je veux ce bureau !
Michael leva les sourcils puis acta :
- Tu ne l’auras pas, fais-toi
une raison.
- Mais je ne veux pas d’autre
bureau ! protestai-je.
- J’ai dit : « Ça
suffit ! », Marie ! s’emporta mon père en haussant fortement le
ton. Qu’est-ce que tu veux ?! Une fessée devant tout le monde ?! Celle
de ce matin ne t’a pas suffi ?!
Je me tus instantanément, rouge de honte. Le
vendeur nous regardait, et il n’était pas le seul. Je me sentais totalement
humiliée.
- Tu me réponds quand je
te parle ! insista Michael. Tu veux une fessée devant tout le monde, oui
ou non ?!
- Non papa, répondis-je d’une
voix quasi-inaudible.
- Alors tu arrêtes tout
de suite ton caprice et tu me choisis un bureau avec les bonnes mesures !
Je suis prêt à faire plusieurs magasins s’il le faut mais celui-là ne convient
pas donc tu en fais le deuil ! Tu n’as plus intérêt à faire des tiennes,
maintenant ! Si tu m’obliges à me fâcher à nouveau avant qu’on rentre, gare
à tes fesses ! Non, mais ! Qu’est-ce que c’est que cette attitude ?!
Je finis par choisir un autre bureau dans un autre
magasin.
Les
meubles seraient livrés le 30 décembre, pendant que nous serions dans nos
familles biologiques. J’espérais pouvoir les monter avec mes parents !
Lorsque
nous rentrâmes à la maison, Ana allait mieux. Elle avait l’air apaisée.
Finalement, une après-midi seule avec Scarlett fut vraiment bénéfique pour elle !
Je
m’endormis pour l’avant-dernière fois dans ma chambre avec Louise. Même si mon
père avait répondu à mes inquiétudes, je ne pouvais m’empêcher de me demander
comment allait se dérouler cette nouvelle vie à sept !
Mais il ne fallait pas y penser pour le moment. J'avais plus important à songer : demain, c'était le réveillon de Noël ! J'en étais déjà tout excitée !
A suivre…
Toujours la peur de perdre un peu de l'amour de ses parents chez Marie ?
RépondreSupprimerRien à craindre, ils sont près à sacrifier leurs carrières, eux, pour assurer le bien-être de leurs enfants 👏
Marie a bien du mal à arrêter ses caprices de petite fille gâtée avant la menace d'une fessée devant tout le monde ! Ça va bien finir par lui arriver 😪
Louise toujoyrs de bonne composition 🙂
Anaïs, elle, est en souffrance 😒 Heureusement que Scarlett prend soin d'elle. Mais du coup elle n'a pas pu choisir ses nouveaux meubles ? Important pour qu'elle ne se sente pas à part Scarlett et Mike ont sûrement pensé à tout 😏
Inutile de redire que la suite est attendue🙏