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Journal d'une étudiante accueillie - Chapitre 78 (2ème partie)

 



       Le déjeuner acta la nouvelle disposition de la maison : nous avions réussi à nous mettre d’accord tous les cinq.

Au rez-de-chaussée, la salle de sport et sa salle de douche attenante abriterait désormais la suite parentale.

Au premier étage, l’ancienne chambre de Michael et Scarlett deviendrait celle de Louise – mes parents prirent en même temps la décision de condamner définitivement l’accès au garage. Notre chambre actuelle à Louise et moi, serait désormais uniquement la mienne. Anaïs garderait sa chambre. Le bureau de papa serait transformé en chambre pour Manoé, et la chambre d’amis évoluerait en chambre pour Mayeul.

-    Nous allons devoir faire aménager les combles pour y installer la salle de sport et mon bureau, dit papa. J’espère vraiment pouvoir trouver des artisans qui seront disponibles rapidement !

-    En attendant, comment vas-tu faire ? m’inquiétai-je.

-    Je travaillerai dans la bibliothèque, me répondit simplement mon père en haussant les épaules.

 

L’après-midi nous amena en virée dans les magasins ; mais sans maman ni Anaïs. En effet, ma sœur avait vraiment du mal avec l’idée que la famille s’agrandisse. Scarlett avait donc décidé de passer l’après-midi seule avec elle pour tenter d’en discuter et de la consoler.

Dans la voiture, papa nous avoua :

-    Je suis étonné que vous ne soyez pas dans le même état qu’Ana !

-    Moi je suis plutôt contente d’avoir de nouveaux frère et sœur, déclara Louise.

Puisque je ne répondais pas, Michael poursuivit :

-    On est tous chamboulés par cette nouvelle. Votre mère et moi ne savons pas encore comment nous allons gérer ça. Nous allons prendre les quelques jours où vous serez dans vos familles biologiques pour en parler. Mais cela ne nous enchante pas vraiment d’agrandir la famille !

-    T’inquiète papa ! le rassura ma sœur. Vous allez gérer, comme d’habitude !

Voyant que j’avais décidé de rester muette, mon père n’insista pas. Ce ne fut qu’une fois arrivés au grand magasin suédois qu’il demanda à Louise de rester quelques minutes dans la voiture pendant que lui et moi sortions discuter, nos fesses appuyées sur le capot. Je dois dire que la fraîcheur de la carrosserie fit du bien à mon postérieur meurtri !

-    Dis-moi ce qui se passe, m’ordonna gentiment mon père.

Je me tournai vers Louise qui, à l’intérieur du véhicule, s’éclatait en écoutant ses musiques préférées. Je regardai ensuite mon père et lui répondis :

-    Je préfère ne pas en parler.

-    Princesse, il faut que tu te confies ! Si tu gardes tout pour toi, ce n’est pas bon !

-    Je ne veux pas que tu me trouves égoïste ou égocentrique…

-    Je te promets que je ne te jugerai pas, m’assura Michael.

-    D’accord.

Je pris une grande inspiration puis expirai aussitôt avant d’ajouter :

-    Maman et toi n’allez plus avoir de temps pour moi.

-    Comment ça ?

-    Ben, vous aurez cinq enfants à gérer ! répondis-je comme une évidence. Vous n’aurez plus le temps de vous occuper de moi, mis à part lorsque vous vous fâcherez parce que j’aurai fait une bêtise ! Mais pour tout le reste… Ce sera terminé. Fini l’après-midi par mois juste avec vous. Fini les câlins du soir. Fini les moments où maman m’apprenait à cuisiner. Fini les moments passés avec toi sur le canapé, lorsque je posais ma tête contre ton torse et qu’on faisait du zapping…

Je m’interrompis car ma gorge se nouait. Cette conversation devenait trop douloureuse pour moi.

-    Oh, ma chérie ! gémit mon père en me prenant dans ses bras. Non, bien sûr que non ! Rien n’est fini ! Lorsque des parents accueillent un nouvel enfant, leurs cœurs s’agrandissent !

-    Oui mais votre temps, lui, ne peut pas s’agrandir ! précisai-je.

-    Ta mère va cesser de travailler pour se consacrer uniquement à vous ; quant à moi, je vais certainement travailler à quatre-vingts pourcents pour pouvoir l’aider.

-    Mais, vous aimez tous les deux vos travails ! protestai-je. C’est injuste de faire ces sacrifices !

-    Peut-être mais c’est ainsi, répondit Michael. La vie est parfois injuste, Marie. Tu dois t’y faire. C’est comme ça.

Michael me demanda de le regarder : je plongeai alors mon regard noir dans ses yeux bleus.

-    Ma puce, je te promets sur tout ce que j’ai de plus cher au monde – y compris toi – qu’on aura toujours nos moments privilégiés. Ta mère et moi serons toujours là pour toi. D’ailleurs, on va tellement être présents que ça va très rapidement t’agacer, tu verras !

Je ris. Mon père avait toujours le don de me faire rire lorsque j’étais triste. L’informaticien poursuivit :

-    Alors oui, ce ne sera désormais qu’un après-midi sur cinq au lieu d’un après-midi sur trois. Et oui, tu vas devoir nous partager avec un autre frère et une autre sœur. Mais je te demande de nous faire confiance à ta mère et moi. Tu peux faire ça ?

J’hochai la tête.

-    Je t’aime papa, lui chuchotai-je alors qu’il m’embrassait sur le front.

-    Et moi je t’aime encore plus, si tu savais !

Notre étreinte terminée, Michael demanda à Louise de sortir de la voiture.

Alors que nous marchions vers l’entrée du magasin, je partageai mes dernières inquiétudes avec ma sœur :

-    Même quand Mayeul et Manoé arriveront, tu ne vas pas me laisser seule, hein ?

-    Bien sûr que non, voyons ! s’offusqua Louise. Tu sais bien que c’est nous deux contre le monde entier !

-    Nous deux contre le monde entier, murmurai-je.

 

Nous passâmes un temps fou dans l’immense magasin d’ameublement. Nos parents nous avaient proposé de renouveler entièrement nos chambres ; Louise et moi ne nous faisions pas prier pour avoir les idées les plus créatives. Si ma sœur souhaitait une mezzanine, moi je voulais conserver un lit à baldaquin ; mais je désirais également beaucoup de guirlandes lumineuses, un fauteuil suspendu, un grand dressing, un très grand bureau et une coiffeuse. Je souhaitais une chambre dans les tons rose pâle, style romantico-baroque, adorant les 17ème, 18ème et 19ème siècles. Louise et moi avions les mêmes goûts en termes de décoration, ce qui nous amena parfois à choisir les mêmes meubles mais dans des tons différents. Aussi, nous réussîmes à convaincre notre père de créer une porte entre la nouvelle chambre de Louise et la mienne afin que nous puissions aller nous voir rapidement l’une ou l’autre lorsque nous en aurions besoin. Nous souhaitions être séparées mais pas trop, quand même !

 

Au rayon des meubles de travail, j’avais flashé sur un grand bureau blanc de style ancien. Seulement…

-    Marie, vu les meubles que tu as déjà choisis, ce bureau ne rentrera pas dans ta chambre, m’expliqua mon père. Tu vas devoir faire des concessions.

-    Mais papa, ça peut quand même rentrer !

-    Ah oui, où ça ? me demanda Michael en croisant les bras sur sa poitrine.

-    Dans l’angle, répondis-je, près de la porte que tu vas créer pour Louise et moi !

-    Il n’y aura qu’un mètre trente, et ce bureau mesure un mètre cinquante.

-    Papa, je te dis que ça peut rentrer ! insistai-je.

-    Vous les filles, c’est toujours pareil ! s’exaspéra notre père. Vous voulez acheter vos meubles, vous fonctionnez au coup de cœur et ensuite lorsqu’il faut tout installer : surprise ! Les meubles sont trop grands !

-    Mais…

-    Ça ne va pas passer, Marie ! répéta le père de famille. Et puisque nous n’allons pas revoir toute la disposition de ta chambre car nous n’avons pas que ça à faire, tu choisis un autre bureau qui ne fait pas plus d’un mètre trente !

-    Mais papa, pour vingt centimètres, ce n’est pas bien grave ! opposai-je.

-    Tu ne te rends vraiment pas compte, se lamenta Michael.

Le vendeur, qui se tenait devant nous en attendant la réponse finale, avait l’air de l’avis de mon père. Cependant, je tenais bon :

-    On peut peut-être essayer ! Et si ça ne passe pas, on renverra le meuble !

-    Ben voyons !

-    Mais…

-    Stop, Marie ! trancha Michael. Ça suffit. Tu choisis un autre bureau d’un mètre trente maximum.

-    Je ne veux pas un autre bureau ! protestai-je en boudant. Je veux ce bureau !

Michael leva les sourcils puis acta :

-    Tu ne l’auras pas, fais-toi une raison.

-    Mais je ne veux pas d’autre bureau ! protestai-je.

-    J’ai dit : « Ça suffit ! », Marie ! s’emporta mon père en haussant fortement le ton. Qu’est-ce que tu veux ?! Une fessée devant tout le monde ?! Celle de ce matin ne t’a pas suffi ?!

Je me tus instantanément, rouge de honte. Le vendeur nous regardait, et il n’était pas le seul. Je me sentais totalement humiliée.

-    Tu me réponds quand je te parle ! insista Michael. Tu veux une fessée devant tout le monde, oui ou non ?!

-    Non papa, répondis-je d’une voix quasi-inaudible.

-    Alors tu arrêtes tout de suite ton caprice et tu me choisis un bureau avec les bonnes mesures ! Je suis prêt à faire plusieurs magasins s’il le faut mais celui-là ne convient pas donc tu en fais le deuil ! Tu n’as plus intérêt à faire des tiennes, maintenant ! Si tu m’obliges à me fâcher à nouveau avant qu’on rentre, gare à tes fesses ! Non, mais ! Qu’est-ce que c’est que cette attitude ?!

Je finis par choisir un autre bureau dans un autre magasin.

 

 

       Les meubles seraient livrés le 30 décembre, pendant que nous serions dans nos familles biologiques. J’espérais pouvoir les monter avec mes parents !

 

       Lorsque nous rentrâmes à la maison, Ana allait mieux. Elle avait l’air apaisée. Finalement, une après-midi seule avec Scarlett fut vraiment bénéfique pour elle !

 

       Je m’endormis pour l’avant-dernière fois dans ma chambre avec Louise. Même si mon père avait répondu à mes inquiétudes, je ne pouvais m’empêcher de me demander comment allait se dérouler cette nouvelle vie à sept !

Mais il ne fallait pas y penser pour le moment. J'avais plus important à songer : demain, c'était le réveillon de Noël ! J'en étais déjà tout excitée !

 

A suivre…

La suite !

Commentaires

  1. Toujours la peur de perdre un peu de l'amour de ses parents chez Marie ?
    Rien à craindre, ils sont près à sacrifier leurs carrières, eux, pour assurer le bien-être de leurs enfants 👏
    Marie a bien du mal à arrêter ses caprices de petite fille gâtée avant la menace d'une fessée devant tout le monde ! Ça va bien finir par lui arriver 😪
    Louise toujoyrs de bonne composition 🙂
    Anaïs, elle, est en souffrance 😒 Heureusement que Scarlett prend soin d'elle. Mais du coup elle n'a pas pu choisir ses nouveaux meubles ? Important pour qu'elle ne se sente pas à part Scarlett et Mike ont sûrement pensé à tout 😏
    Inutile de redire que la suite est attendue🙏

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