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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 82

 




Lundi 6 janvier 2020.

 

-    Que tu es belle ma chérie ! s’exclama Scarlett en entrant dans ma chambre.

-    Ah oui ? répondis-je. Cet uniforme me serre. Il faut que je maigrisse encore.

-    C’est en cours, me rassura ma mère. Arrête de te mettre la pression pour ça. Si tu n’es pas à l’aise, je peux demander à prendre la taille au-dessus.

-    Non, non ! C’est juste que… Je pense que je n’ai pas l’habitude.

Porter une chemise blanche avec une cravate bleu clair (bien que desserrée pour les filles), un blazer bleu marine, une jupe bleu marine, de hautes chaussettes blanches qui montent presque jusqu’aux genoux et des souliers noirs, non je n’en avais absolument pas l’habitude.

-    Tu vas t’y faire, me dit ma mère.

Je n’en étais pas aussi sûre qu’elle.

-    Non ! Hors de question que j’enfile ça ! entendîmes-nous hurler au loin.

-    Il faut que je te laisse, se lamenta Scarlett en sortant de ma chambre pour entrer dans celle de Manoé.

 

Durant le trajet en voiture – voiture sept places flambant neuve dernier cri que mes parents avaient dû acheter dans l’urgence de l’arrivée des deux nouveaux – Anaïs s’inquiéta :

-    Est-ce qu’ils vont nous mettre des coups de règle et tout ça ?

-    Ils pratiquent les châtiments corporels mais uniquement dans le bureau de la Mère Supérieure, répondit Scarlett. Jamais en public. De plus, votre père et moi avons signé un document pour vous exempter tous les cinq de ce type de punitions.

-    Oh trop bien ! soupirai-je.

-    Vu ce que vous prendrez à la maison si vous faîtes des bêtises à l’école, je ne suis pas sûre que cela vous avantage, menaça maman.

Sa réplique déclencha un froid polaire dans la voiture. Plus personne ne moufta jusqu’à ce que nous arrivions à l’école.

 

       L’établissement ne payait pas de mine de l’extérieur. A l’entrée, une première religieuse arborant un badge « Sœur Clothilde » accueillait les nouveaux arrivants, un sourire bienveillant sur son visage. Scarlett nous accompagna jusqu’à l’accueil où elle devait signer des documents, cinq fois. La sœur qui lui fournissait les papiers – dont le badge affichait « Sœur Faustine » - lui fit remarquer :

-    Les familles d’accueil sont de plus en plus bondées ! Cinq enfants, vous vous rendez compte ?

-    Oui, je me rends compte, ma sœur ! répondit ma mère. C’est moi qui les élève…

Elle termina de signer puis nous embrassa tous un par un en nous souhaitant une bonne journée avant de disparaître. Sœur Faustine s’adressa alors à nous :

-    Marie Webber, Louise Webber et Anaïs Webber, la classe féminine de Lettres Modernes première année est la classe bleue. Suivez les panneaux pour vous y rendre.

Manoé Webber, la classe féminine de Lettres Etrangères Appliquées première année est la classe jaune. C’est également indiqué.

Mayeul Webber, la classe masculine de Lettres Modernes première année est la classe verte. C’est par là.

-    Madame ? intervins-je.

-    C’est « ma Sœur », me reprit la religieuse.

-    Euh oui, ma Sœur, euh… Pourquoi Mayeul n’est pas avec nous ?

-    Vous êtes mineurs, m’informa Sœur Faustine comme si je n’étais pas au courant. Par conséquent, les classes ne sont pas mixtes.

-    Je peux savoir pourquoi ? insistai-je.

-    Laisse Marie ! intervint Louise. Viens, on va être en retard.

Nous adressâmes un signe d’au revoir à Mayeul qui avait l’air d’avoir apprécié ma demande d’explications, puis nous partîmes en direction des classes bleue et jaune.

-    Ma classe est là, dit Manoé qui semblait anormalement à l’aise. On se voit à la récré !

Et elle entra dans la pièce nous laissant plantées là comme des poireaux.

-    Je ne l’aime vraiment pas ! confirma Louise.

Loulou le répétait depuis hier soir : elle détestait cette nouvelle sœur. Même si je faisais confiance à l’instinct de ma sœur préférée qui ne nous avait jamais trompées, ma conscience me disait de fournir des efforts avec Manoé.

 

       Nous nous installâmes dans notre classe, où nos noms étaient marqués sur nos tables. Je n’en revenais pas : nous ne pouvions même pas nous asseoir où nous voulions ! C’était tout bonnement aberrant !

       Heureusement, nous étions placées par ordre alphabétiques : j’étais donc à côté de mes sœurs et au fond de la classe, près du radiateur. Je bénis instantanément Michael d’avoir un nom de famille commençant par un W !

       Les filles qui étaient déjà là depuis un semestre nous regardèrent de travers mais heureusement, nous n’étions pas les seules nouvelles : Jade, Angélique et Marion arrivèrent rapidement et nous nous sautâmes dans les bras.

-    Un peu de tenue, mesdemoiselles ! gronda une religieuse en entrant dans la classe. Asseyez-vous à vos places et tenez-vous correctement !

Mes sœurs et moi obéîmes, ayant la menace de notre mère bien ancrée dans nos têtes.

-    Je suis Sœur Françoise, votre professeure principale. J’enseigne également la littérature comparée. Je vous souhaite à toutes la bienvenue dans la classe bleue, destinée au deuxième semestre de Lettres Modernes, première année. Avant de vous en dire plus, je vous demanderais de sortir une feuille et d’écrire dessus les informations qui sont au tableau.

Sœur Françoise déplia les rabats du tableau tandis que je me tournais vers Louise :

-    Tu peux me passer une feuille, s’il te plaît ? J’ai oublié les miennes.

-    Ah bah bravo ! me taquina ma sœur en me tendant l’objet de ma demande.

J’écrivis alors les informations demandées : nom, prénom, classe, type de baccalauréat obtenu, moyenne obtenue au premier semestre (je n’étais vraiment pas fière de la noter !), matière préférée, auteur préféré (Victor Hugo, sans aucun doute !) et enfin métier envisagé. Hum, bonne question. Je voulais être institutrice depuis très longtemps mais ces derniers temps, mon allégeance allait plutôt au métier de bibliothécaire. Ou alors professeure de littérature à l’université. Je sais, je sais : il fallait que je me mette rapidement au travail !

 

       Une fois les feuilles remplies et ramassées, Sœur Françoise nous distribua nos emplois du temps : nous avions cours toute la semaine de huit heures trente à seize heures trente, mis à part le mercredi que nous avions de libre. Cette école privée me faisait de plus en plus penser à la primaire !

-    Ce matin était jour de rentrée, c’était donc une exception, nous informa Sœur Françoise. Cependant, à partir de ce soir, vos parents viendront vous chercher dans la classe et vous accompagnerons jusqu’à celle-ci chaque matin.

Je levai alors la main.

-    Oui, mademoiselle Webber ? m’interrogea la religieuse.

-    Ma Sœur, je crois que nous connaissons toutes ici le chemin jusqu’à la grille d’entrée.

Ma réflexion déclencha un discret rire général.

-    Je n’en doute pas, répondit Sœur Françoise. Néanmoins, vous êtes des premières années et nous ne vous faisons pas encore assez confiance pour vous laisser vous balader seules dans l’établissement. De plus, vos parents se doivent d’être impliqués : cette école n’est pas un « drive » à enfants. Il est nécessaire qu’ils sortent de leur voiture et viennent découvrir votre environnement. Ils pourront ainsi jeter un œil au tableau de comportement.

-    Au quoi ? m’étonnai-je, ahurie.

-    Au tableau de comportement, répondit Sœur Françoise en montrant du doigt un panneau coloré allant du vert au marron, de haut en bas.

-    On est vraiment revenus en maternelle, accusa Anaïs. A la première occasion, on fuit !

-    Je te suis ! lui dis-je.

-    … et ce tableau sera donc mis à jour par les différents professeurs tout au long de la journée, narra Sœur Françoise. Sachez qu’à la fin de la journée, si vous n’êtes pas dans le vert, il y aura des conséquences ! Votre présence dans le orange signifiera une punition écrite : plus précisément, des lignes à copier pour le jour d’école suivant. Votre présence dans le rouge vous vaudra une retenue que vous passerez au coin dans le bureau de la Mère Supérieure. Enfin, votre présence dans le marron vous vaudra une convocation dans le bureau de la Mère Supérieure accompagnée de vos parents. Des questions ?

Louise leva la main et fut interrogée. Elle demanda :

-    Comment change-t-on de couleur ?

-    Vous changerez de couleur vers le bas dès qu’un enseignant devra vous reprendre. En revanche, vous changerez de couleur vers le haut dès qu’un enseignant voudra récompenser votre bonne conduite.

-    Je parie qu’on descend plus facilement qu’on ne monte, chuchotai-je à mes sœurs.

-    Je viendrai chaque soir dans cette classe pour faire le bilan de la journée et notamment celui du comportement.

Ce tableau me rappelait celui que Michael et Scarlett avaient tenté de mettre en place et qui s’était avéré être un véritable échec. Cependant, celui de cette classe paraissait beaucoup plus redoutable. Si je rentrais à la maison avec des lignes à copier, je prendrais à coup sûr une bonne fessée. Si mes parents devaient revenir me chercher à cinq heures et demie parce que j’étais en retenue, je ne pourrais plus m’asseoir pendant une semaine. Enfin, si Michael et Scarlett étaient convoqués dans le bureau de la Mère Supérieure, je pouvais d’ores et déjà creuser ma tombe !

      

       La récréation sonna comme une bouffée d’air frais : même si nous dûmes nous rendre dans la cour rangées deux par deux et conduites par Sœur Agnès (professeure de sciences du langage), nous fûmes contentes de pouvoir souffler un peu.

Profitant de cette pause, Louise, Anaïs et moi, accompagnées d’Angélique, Jade et Marion nous dirigeâmes toutes les six vers Manoé qui se tenait dans un coin de la cour avec ce qui semblait être ses nouvelles amies.

-    Salut, lui dis-je. Comment ça s’est passé pour toi ?

-    C’est elle, annonça-t-elle à ses nouvelles amies qui se mirent à rire en me dévisageant.

-    Et qu’est-ce que j’ai, moi ? demandai-je, immédiatement agacée.

-    Manoé nous a dit que tu l’avais forcée à dormir avec toi cette nuit parce que tu es lesbienne et que tu es en kif sur elle ! m’expliqua une fille de la classe jaune. Franchement, tu n’as pas honte ?! L’inceste, c’est condamnable par la loi !

-    Quoi ?! s’exclama Anaïs avant que j’aie pu réagir. Pourquoi t’as raconté des mythos à ces filles ?!

-    Marie a un petit ami depuis longtemps ! me défendit Louise.

-    Inutile d’inventer des choses pour l’innocenter ! ajouta Manoé en se moquant. C’est une perverse, cette fille !

-    J’ai voulu te réconforter, répondis-je les larmes aux yeux, blessée par les ragots de ma nouvelle sœur.

-    Tu as de drôles manières de réconforter les gens ! me lança une copine de Manoé.

-    La prochaine fois, t’iras te faire foutre ! crachai-je à la nouvelle venue dans la famille.

-    Parle-moi autrement, sale gouine ! rétorqua Manoé.

Anaïs et moi empoignâmes simultanément notre petite sœur et la plaquâmes contre le mur. Celle-ci hurla comme si on l’égorgeait et une Sœur rappliqua illico.

-    Qu’est-ce qui se passe ici ?!

Manoé sortit de son chapeau une comédie digne d’un Oscar et fut tellement convaincante qu’Anaïs et moi fûmes sévèrement punies : nous fûmes envoyées au coin pour le reste de la récréation et rétrogradées d’une couleur.

Mes pleurs étaient intenses. Moi qui avais voulu être gentille avec ma nouvelle sœur, elle m’avait planté un poignard dans le dos ! Et en plus de ça, j’avais cent cinquante lignes à copier pour demain. Mes parents allaient me flanquer une fessée ! Pourvu que j’échappe à une volée debout made in Michael…

      

       A la cantine, Manoé avait déjà réussi à monter une bonne dizaine de filles contre moi. Ce n’était que mon premier jour et j’étais déjà moquée. Heureusement, Anaïs, Louise, Jade, Marion et Angélique m’entouraient et faisaient bloc : j’avais quand même une boule d’angoisse qui ne disparaissait pas.

 

       A seize heures trente, ni Anaïs, ni moi n’avions réussi à remonter dans le tableau des couleurs, bien que nous ayons tout fait pour être aussi sages que des images. Je guettais donc la porte avec appréhension pour savoir si c’était maman ou papa qui allait arriver.

Puisque les téléphones étaient interdits dans l’établissement, je n’avais pas pu contacter mes parents pour leur raconter ma mésaventure.

 

-    Anaïs, Louise et Marie ! nous appela Sœur Françoise lorsque Michael arriva.

Papa avait déjà récupéré Manoé qui avait donc une longueur d’avance sur nous.

-    Anaïs et Marie n’ont pas été très sages aujourd’hui ! rapporta notre professeure principale à notre père. Elles sont dans le orange et ont cent cinquante lignes à me rendre pour demain !

Michael afficha immédiatement un regard sévère et nous demanda :

-    Je peux savoir pourquoi ?!

Avant même que nous ayons pu répondre, je pris cinq bonnes claques sur les fesses ; Anaïs reçut le même prix. Et ce, devant nos quelques camarades qui attendaient encore leurs parents, ainsi que devant Sœur Françoise et surtout Manoé. Je dus fournir des efforts incommensurables pour ne pas me mettre à pleurer. Le « Nous allons régler cela à la maison ! » qui suivit les claques ne fit qu’amplifier mon sentiment d’injustice et ma honte, tandis que Manoé jubilait.

 

       Une fois assise dans la voiture, je craquai et laissai aller ma tristesse. Comme papa nous passait un savon à Anaïs et moi, aucune de nous deux – ni Louise, d’ailleurs – ne put prendre la parole pour expliquer ce qui s’était réellement passé. Le seul point positif fut Mayeul, assis à côté de moi, qui posa sa main sur mon bras pour me donner du réconfort.

 

       En rentrant à la maison, je courus dans ma chambre, claquai la porte derrière moi et me jetai sur mon lit pour ouvrir complètement les vannes de ma tristesse. Que c’était injuste !

 

Je pleurai un très long moment, jusqu’à entendre une porte claquer dans le couloir. Quelques secondes passèrent avant que l’on toque à ma porte et que celle-ci s’ouvre sans que je n’en aie donné la permission.

-    C’est nous, Marie chérie.

Je ne répondis pas. Mes parents s’avancèrent et s’assirent sur mon lit à côté de moi. Scarlett m’embrassa sur le font et me tendit un mouchoir pour essuyer mon visage.

-    Est-ce que tu te sens capable de parler ? m’interrogea-t-elle.

J’hochai la tête.

-    Bien. Nous avons eu la version d’Anaïs et celle de Louise. Nous aimerions avoir la tienne.

Je me redressai alors, prit une grande inspiration et dit entre deux spasmes :

-    C’est tellement, tellement injuste ! J’ai juste voulu être gentille !

Mes larmes continuaient de couler. Je ne savais même pas que j’avais autant de liquide dans mon corps !

Tout en pleurant, en ayant des spasmes et en jouant avec un bout du mouchoir que j’avais dans les mains, je racontai alors tout à mes parents : la conversation d’hier soir avec Manoé, puis la récréation de ce matin, puis les moqueries à la cantine, et la fessée de papa à la sortie de l’école… Je narrai l’histoire dans ses plus petits détails : et plus je parlais, plus mes parents semblaient monter en pression.

-    …et ensuite on est rentrés à la maison et je ne voulais pas qu’elle continue de me voir pleurer, vous comprenez ? Et c’était trop dur de me retenir ! Alors j’ai préféré venir ici… Vous êtes fâchés contre moi ? finis-je par leur demander.

-    Ce n’est pas contre toi que nous sommes fâchés, me répondit ma mère la mâchoire serrée.

-    Je suis vraiment désolée ! dis-je, toujours aussi triste.

Michael m’attira soudainement à lui et me serra si fort contre sa poitrine que je pensais que j’allais mourir étouffée.

-    C’est moi qui suis désolé, ma princesse ! dit-il. J’ai commis une erreur en vous donnant cette fessée à toi et Ana ! J’aurais dû attendre que vous m’expliquiez la raison de cette sanction ! Je suis vraiment désolé, ma puce. Je vais tout faire pour ne plus réagir à chaud, dorénavant.

Je sentais la culpabilité de mon père et cela me faisait de la peine, même si j’étais contente qu’il reconnaisse ses torts.

-    C’est à cause de Manoé que les Sœurs et toi nous avez punies ! Elle est horrible, cette fille ! me plaignis-je lorsque mon père m’eut lâchée. Elle va retourner toute l’école contre moi !

-    Ça n’arrivera pas, Marie ! trancha Scarlett d’un ton ferme en prenant mon visage dans ses mains. Je ne la laisserai pas te gâcher la vie, tu entends ? Est-ce que tu m’entends ?!

-    Oui maman, répondis-je doucement.

-    You are our sunshine, me rappela maman. Nous ne laisserons jamais personne te faire du mal. Surtout pas ta sœur ! Tu comprends ?

-    Oui maman, répétai-je.

-    Attends-nous dans le salon. Anaïs et Louise y sont. Ton père et moi avons besoin de parler seul à seule.

J’obéis, rassurée par la réaction de mes parents.

 

-    Ça va Manou ? me demanda Anaïs.

-    Merci d’avoir dit la vérité, dis-je à mes sœurs après avoir hoché la tête.

-    C’est normal ! s’exclama Louise en me faisant un câlin. Vous n’alliez tout de même pas être punies pour une injustice, toutes les deux !

-    Papa était furieux contre nous, me raconta Anaïs. Il était prêt à me coller la fessée du siècle quand Louise est intervenue et a tout raconté. Et devine quoi ? Mayeul aussi a parlé ! Il a dit que tu avais été gentille avec lui ce matin et que ce n’était pas possible que tu aies fait du mal à Manoé !

-    D’ailleurs, ils sont où Mayeul et Manoé ? m’informai-je.

-    Mayeul a pris un goûter et est directement monté faire ses devoirs, dit Louise. Manoé est dans sa chambre, papa et maman l’y ont envoyée après que Louise eut raconté la vraie version de l’histoire. Papa a même appelé Angélique, Marion et Jade pour connaître leurs points de vue des faits ! Puisque tous nos récits concordent, papa et maman savent maintenant que c’est Manoé qui a été très méchante avec toi et qu’Ana a juste voulu te défendre !

-    Oui, ils sont venus me réconforter et papa s’est excusé de m’avoir donné cette fessée à la sortie de l’école, expliquai-je.

-    Il m’a également demandé pardon, dit Ana. Je lui ai répondu que j’accepterais son pardon lorsque Manoé aurait reçu cent fois pire !

-    Et ? demandai-je. Qu’a-t-il répondu ?

-    Qu’il ne fallait pas que je m’inquiète pour ça.

Comme si la parole d’Anaïs avait été un signal, nous vîmes soudain papa et maman descendre les escaliers : maman tenait Manoé par les cheveux. Cette dernière pleurait déjà mais j’imaginais facilement que c’étaient des larmes de crocodile, grande comédienne qu’elle était !

-    Avance ! lui criait maman. On va régler ça devant tes sœurs puisque c’est à elles que tu as causé du tort !

Manoé priait mes parents de la laisser tranquille mais ils étaient dans une colère que j’avais rarement vue sur leurs figures, même lors de mes plus grosses bêtises.

Lorsqu’ils furent arrivés au milieu du salon, papa attrapa ma nouvelle sœur, s’assit sur le canapé et la bascula en travers de ses genoux. Il remonta sa jupe couleur moutarde (uniforme de la classe jaune) et baissa immédiatement sa culotte.

Manoé hurlait comme si papa allait la tuer. Elle se débattait également, donnant de violents coups de pied dans le vide. Michael ne mit que quelques secondes à l’immobiliser, il le fit d’ailleurs avec une facilité déconcertante.

-    Tais-toi ! lui gronda mon père alors que la traîtresse meuglait comme une vache en train de mettre bas.

Il n’avait même pas asséné la première claque. Sachant pertinemment que Manoé ne se tairait pas tout de suite, papa débuta la fessée.

 

       Je ne savais même pas que c’était possible d’hurler autant. Elle s’égosilla à manquer de briser nos tympans ! Plus elle hurlait, plus papa la fessait. Il l’avait d’ailleurs prévenue : « Je ne m’arrêterais pas tant que tu ne te calmeras pas ! ».

Il fallut cinq bonnes minutes pour que Manoé se calme. Papa arrêta alors les claques sans pour autant la lâcher.

-    Pourquoi est-ce que tu reçois cette fessée, Manoé ? lui demanda Michael.

-    Je t’emmerde ! cria-t-elle.

A ce moment-là, je crus vraiment qu’elle était possédée par le démon. Elle recevait depuis plus de cinq minutes une déculottée paternelle en bonne et due forme et elle trouvait encore le moyen d’insulter notre père !

Signe qu’il était redevenu furieux, Michael remonta la manche droite de son polo, resserra sa prise et se mit à la fesser plus sévèrement encore. Il ne fallut même pas trente secondes à Manoé pour capituler, s’excuser mille fois, suppliant papa d’arrêter de taper. Cependant; mon père restait totalement sourd à ses prières : il était beaucoup trop fâché pour ça ! Ce fut maman, qui après plusieurs minutes, émit un léger : « Mike… » et fit stopper la fessée.

Papa, le regard encore noir de colère, releva Manoé de ses genoux et enleva sa jupe, la laissant cul nu devant toute la famille. Il la gronda fermement :

-    Dès demain, tu diras à qui veut bien l’entendre que tu as tout inventé concernant Marie ! Il est hors de question qu’elle souffre encore à cause de toi !

Papa ponctuait ses phrases de bonnes claques sur le derrière déjà rouge vif de ma sœur. En moi-même, je jubilais. J’étais fière que mes parents prennent ma défense !

-    Tu te débrouilles comme tu veux, ajouta maman sur le même ton que son mari, mais nous ne voulons plus entendre que tu as causé du tort à l’une de tes sœurs ou à ton frère !

-    Des tannées comme celle que tu viens de prendre, je peux t’en mettre tous les jours sans souci !

-    Excuse-toi immédiatement auprès de tes sœurs ! ordonna Scarlett.

Manoé se tourna vers nous mais ne put ouvrir la bouche. Papa la reprit instantanément sur ses genoux et lui flanqua une nouvelle salve corsée. Puis, sans la lâcher, il lui ordonna de s’excuser de nouveau, ce qu’elle fit, même si nous ne comprenions pas tout à cause de ses pleurs.

-    Va t’asseoir à la table de la salle à manger pour copier les lignes de tes sœurs ! ordonna papa en libérant ma petite sœur.

-    Mais… ça… fait… trois cents… lignes ! pleura Manoé.

-    Bravo, tu sais compter ! ironisa Scarlett.

La nouvelle venue se planta devant la chaise sans pouvoir s’asseoir dessus.

-    Dépêche-toi ! lui gronda papa.

-    J’ai trop mal, je ne veux pas m’asseoir ! se plaignit ma sœur entre deux larmes.

-    Si tu n’obéis pas dans les cinq secondes, je te flanque une fessée à la brosse et tu auras une raison de ne pas t’asseoir ! la menaça maman.

Manoé s’assit immédiatement, ses fesses nues à même la chaise. Maman et papa lui fournirent des feuilles et un stylo, et elle commença à écrire.

-    Montez faire vos devoirs, mes princesses ! nous dit papa.

Nous obéîmes, bien évidemment.

 

-    Ça va, ma chérie ? me demanda Michael en entrant dans ma chambre.

-    Je ne sais pas trop, répondis-je. J’ai peur de retourner à l’école demain et de me faire encore moquer.

-    Manoé réparera ses bêtises, me rassura mon père. Elle a tout intérêt ! De plus, ta mère a envoyé un mail à la Mère Supérieure. Les Sœurs seront vigilantes.

-    D’accord papa.

-    Je ne veux pas que tu t’inquiètes, insista Michael. D’accord, ma puce ?

J’hochai la tête.

-    Tu as fini tes devoirs ? me demanda-t-il.

-    Oui papa, répondis-je.

-    Montre-moi.

Effectivement, mes parents n’avaient pas menti lorsqu’ils avaient annoncé fortement renforcer leur vigilance quant à notre travail scolaire. Papa avait minutieusement vérifié les exercices que j’avais à faire en sciences du langage, phrase par phrase. De plus, il avait jeté un œil à chacun de mes cahiers du jour pour voir si j’avais bien noté mes cours.

-    Il faudra aussi que tu achètes des livres, dis-je.

-    Oui, nous avons reçu un mail de l’école. Nous les recevrons dès demain.

-    Vous allez vraiment vérifier tout ce qu’on a fait à l’école, et nos devoirs, tous les jours ?

-    Oh que oui ! répondit papa. Pas question de vous lâcher ! Vu le prix auquel on paye votre scolarité…

Je n’osai même pas demander les tarifs de mon école.

       Nous attendîmes que Manoé termine nos lignes pour dîner, aux environs de dix-neuf heures trente.

-    Tu iras les remettre toi-même à la Mère Supérieure ! lui dit maman. Je t’accompagnerai dans son bureau demain matin.

 

 

Alors que j’avais pris ma douche, mis mon pyjama et bouquinais un peu dans ma chambre, j’entendis toquer à la porte.

-    Entrez ! ordonnai-je.

C’était Mayeul. Je fermai immédiatement mon livre.

-    Je voulais juste te demander comment ça allait, me dit mon frère.

Je ne répondis pas tout de suite, méfiante.

-    Je trouve ça dégueulasse ce que Manoé t’a fait. Si j’avais pu te défendre je l’aurais fait… Mais comme je suis du côté des garçons, on ne se voit pas la journée.

-    Oui, je trouve ça vraiment nul ! avouai-je. J’aurais voulu que tu sois avec nous.

-    Moi aussi, dit-il.

Je lui souris.

-    Et toi, comment tu te sens ? lui demandai-je.

-    Un peu perdu. Je m’étais fait à l’idée de vivre au foyer. Même si le confort ici est vraiment incroyable, et nos… parents ?

-    Oui, tu t’habitueras vite à les appeler ainsi ! le rassurai-je.

-    Nos parents ont vraiment l’air d’être des gens bien, poursuivit-il. Puisque je suis timide, ils sont régulièrement venus me voir depuis hier pour discuter avec moi et apprendre à me connaître. J’ai l’impression que tant qu’on respecte les règles, tout se passe bien.

-    Tu as tout compris, affirmai-je.

-    Enfin bon, je voulais juste te dire que j’étais de votre côté à Louise, Anaïs et toi. Manoé est une peste mais vous trois, je vous aime bien.

-    C’est gentil. Nous aussi, on t’aime bien.

-    Bon ben… Bonne nuit, Marie !

-    Bonne nuit, Mayeul, répondis-je avant qu’il sorte de la pièce.

 

Aujourd’hui, j’avais peut-être perdu une petite sœur, mais j’avais gagné un frère.

 

A suivre…

La suite !

Commentaires

  1. Je suis plus que comblée en découvrant un nouveau chapitre aujourd'hui 🙏🙏🙏

    Une sacrée peste cette Manoé ! Une ''Cassandra'' au sein de la famille!!! Pauvre Marrie 😒 J'espère qu'elle va vite comprendre à qui elle a à faire !!! Elle a déjà réussi à liguer ses frère et soeurs contre elle ... elle va ramer pour retrouver leur confiance !!!
    Heureusement que Mayeul est adorable !

    Ça n'a pas l'air d'être drôle dans cette école 🤨 j'en connais qui vont avoir du mal à s'y faire 😪 Oh là là Marie oublie dès le premier jour une partie de son matériel 😯 et qui commence à faire des remarques ! Ça risque de lui attirer des ennuis ?

    Sympa de la part de Michael et Scarlett de refuser les châtiments corporels des bonnes sœurs 😏 ils ne font confiance qu'à eux-mêmes pour les punitions corporelles.
    😉



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  2. Magnifique chapitre comme toujours!!!

    mais qu'elle connasse cette Manoé je la déteste moi je lui aurais cassé la gueule perso intervention au non des soeurs!!

    j'espère qu'elle a compris à qui elle avait à faire et qu'elle laissera Marie tranquille...

    Marie commence vraiment mal sa première journée dans sa nouvelle école
    surtout si elle commence a poser des questions qui vont contre le règlement et l'oublie de ses affaires

    c'est vrai que leur père a réagis trop vite sans savoir le pourquoi du comment c'était vraiment injuste...

    heureusement il on réparé leur fautes
    Mayeul a l'air d'être un ange on dirait une louise au masculin a voir par la suite si il reste comme ça

    comment vont sa passer les prochains jours pour Marie et sa famille

    Merci à toi de nous permettre de nous évader grâce à tes récits
    Hâte de connaitre la suite

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Ça y est, nous y sommes. Mon pire cauchemar est arrivé. Monsieur X. a été élu à la Présidence de la République et il va appliquer son programme. Je m’appelle Marie, j’ai 18 ans, et je vais aller au bagne pour la première fois de ma vie. Enfin, au bagne... J'exagère légèrement. Je vais en fait aller en famille d’accueil, famille dans laquelle je vivrai la semaine ; je pourrai rentrer voir ma famille, dont l’homme de ma vie, le week-end. J’ai eu mon bac littéraire en juin dernier, mention très bien. J’ai décidé d’entamer une licence de Lettres afin de réaliser mon rêve : devenir professeure des écoles. Mais Monsieur le Président de la République l’a décrété : « Tous les étudiants de 18 à 25 ans seront accueillis en structure pour le bien de leurs études ». Pour le bien de nos études ? Pff, tu parles ! Encore des propos démagogues ! Alors me voilà inscrite à l’université Jules Verne de *****, dans laquelle je vais passer minimum trois ans, pour me former au métier de professeu...

Le tutorat de Little Princess (séance 3)

Comme vous avez pu le voir, j'ai changé le titre de cette rubrique. D'abord parce que je le trouvais trop long, ensuite parce qu'il devenait mensonger : Thomas n'est plus mon "nouveau" tuteur mais mon tuteur, tout simplement !   Nous ne nous étions pas vus depuis le lundi 7 décembre. Du 7 décembre au 6 janvier : un mois de « mise à l’épreuve » après la rouste de la dernière fois.   A peine deux jours après ce recadrage musclé, j’avais de nouveau testé Thomas, mais cette fois-ci je m’étais bien assurée que ce soit à distance. Jusqu’ici, toutes mes tentatives de rébellion avaient purement et simplement échouées, et j’en avais payé les frais. Restait ma toute dernière carte et j’hésitais vraiment à la jouer. Et puis tant pis, je me lançai.                 Depuis le début du semestre, ça ne passe pas avec ma prof d’histoire : je ne vous referai pas ici le récit de mon altercation v...

Le tutorat de Little Princess - Partie 3 (Préambule (3) - Et m*rde...)

                  Il paraît que c’est cela que l’on appelle « avoir sacrément merdé »…                     Lorsque ma mère était enceinte de ma sœur et moi, ce fut une grossesse difficile : déni de grossesse les quatre premiers mois, puis perte de ma jumelle. A six mois et demi, s’ils voulaient me donner une chance de vivre, il fallait accoucher ma mère.                   L’une des grosses conséquences de cette naissance très prématurée : de nombreuses malformations dues au fait que mes organes n’ont pas eu le temps de se placer correctement. Si la plupart sont bénignes, en revanche ma malformation intestinale pose problème. J’ai ce qu’on appelle un « mésentère commun complet ». Une malformation inte...

Nouvelle rentrée, nouvelle vie ! (Chapitre 17)

 Ce chapitre a été écrit par Marie, une fan du blog. Malgré mes quelques commentaires et réécritures, elle a fait un excellent travail ! Bravo à elle ! Mardi 17 septembre 2019.   Lorsque Monsieur Éric toqua à la porte pour nous réveiller, j’étais très motivée pour me lever (ce qui est très rare !). Aujourd’hui sera une belle journée : d’abord parce que le mardi reste la meilleure journée de la semaine grâce à Madame Kelly, la prof la plus adorable du Pensionnat ; ensuite parce que j’ai réfléchi à un plan pour me venger de Monsieur Jean et de Monsieur Nicolas. Ce sera discret (enfin autant que faire se peut), rapide et efficace. Je sais bien que lorsque nous nous ferons attraper la punition sera salée ; mais je ne supporte pas l’idée de laisser croire à nos professeurs qu’ils ont tout le pouvoir (même si ce n’est peut-être pas tout à fait faux). Pour mener à bien mon plan, il me faudrait l’aide de mes amies. Je vais tout faire pour les convaincre de me...

Journal d'une étudiante accueillie (Chapitre 26)

  Mercredi 9 octobre 2019.                   Pas de grasse matinée ce matin : Héloïse nous réveilla à neuf heures pour que nous puissions travailler un peu sur nos cours. J’étais grognon au possible en me réveillant, comme cela m’arrive rarement. En m’asseyant à table au petit déjeuner, je fus agacée par Anaïs, toujours pleine d’énergie et en forme le matin. Je déteste les gens du matin. Ou les gens. Ou le matin.                   Après m’être préparée et habillée pour la journée, je remontai dans ma chambre et me sentis toujours aussi grognon. Je ne savais pas encore pourquoi mais j’avais l’impression que cette journée allait être désagréable au possible. Personne n’avait intérêt à me voler dans les plumes : je m’étais levée du pied gauche !          ...