Mercredi 8 janvier 2020
Je
fus la dernière à rejoindre la table du petit déjeuner, ayant dormi jusqu’à dix
heures. Etonnée qu’il manque une personne, je demandai :
- Où est Manoé ?
- Commence par nous dire
bonjour puis assieds-toi, me répondit Scarlett. Nous t’attendions pour parler.
Je fis le tour de la table pour embrasser papa,
maman, Ana, Louise et enfin Mayeul, puis m’assis à ma place attitrée. Tout le
monde avait une tête de six pieds de long, ce qui m’inquiéta.
Assa me servit immédiatement mon petit déjeuner
et m’apporta mon médicament que je pris dans la foulée.
- Tout d’abord, commença
papa, nous souhaitions vous remercier tous les quatre d’avoir été aussi
indulgents et patients avec votre nouvelle sœur. Nous savons que ces deux jours
n’ont pas du tout été faciles pour vous.
- C’est clair !
soupira Anaïs.
- Maman et moi devions
prendre une décision quant à Manoé : cette situation ne pouvait plus
durer.
Nous fixâmes tous notre père, perplexes.
Qu’allait-il nous annoncer ?
Je demandai :
- Vous avez appelé votre
fameux conseiller ? Hugo ?
- Il s’appelle Hugues,
répondit maman, et non, nous ne l’avons pas appelé. Il nous aurait sans nul
doute conseillé de sévir avec Manoé jusqu’à ce que son postérieur soit hors
service ; mais si elle prend une fessée toutes les demi-heures, à force,
ça ne sera plus efficace. Nous avons donc dû être créatifs.
- Pourquoi est-ce que le
mot « créatifs » me terrifie lorsqu’il sort de vos bouches ? se
renseigna Louise.
Papa et maman sourirent, puis Michael
poursuivit :
- Votre sœur a un
mal-être. Un sacré mal-être. On ne se comporte pas ainsi sans avoir de très
profondes blessures. Nous pensons que cela est dû à quelques traumatismes
qu’elle a eus lorsqu’elle était enfant.
- On a tous eu des
épreuves ! s’exclama Ana. On n’est pas exécrables pour autant !
- Certaines personnes
sont plus fragiles que d’autres, ma puce ! expliqua papa. Manoé fait
partie de ces personnes sensibles qui n’ont pas correctement cicatrisé.
- Elle n’était pas très
sensible ou fragile lorsqu’elle m’a traitée de grosse ! maugréai-je.
Papa et maman ne relevèrent pas ma réplique.
Ils savaient que j’avais raison.
- En tout cas, nous
voulions vous faire part du fait que Manoé restera dans sa chambre jusqu’à
nouvel ordre, annonça maman. Tant qu’elle refusera de nous parler, elle n’aura
le droit de sortir de sa chambre que pour aller aux toilettes.
- Vous allez la forcer à
se confier à vous ? demanda Loulou. Mais… C’est un peu brutal, non ?
- Beaucoup moins que de
lui flanquer une volée toutes les dix minutes, rétorqua papa.
- Votre sœur doit
absolument nous ouvrir son cœur pour que nous puissions la comprendre et
l’aider au mieux, expliqua Scarlett. Tant qu’elle refusera de se confier et
qu’elle demeurera sur la défensive, nous la laisserons dans sa chambre.
- Et si elle sort par la
fenêtre grâce à ses draps ? demandai-je.
- Sa fenêtre est
verrouillée, nous informa papa.
Je m’étais toujours demandée pourquoi les
fenêtres de nos chambres avaient une serrure ; je le savais, maintenant.
Le couple Webber les avait sûrement fait installer avant l’arrivée d’Elsa et
Victoire.
- Nous irons
régulièrement lui rendre visite pour tenter une discussion et lui apporter son
repas, dit maman. C’est elle qui décidera quand elle voudra nous parler.
- Et si elle ne se décide
pas avant demain ? se renseigna Louise. Comment on fait pour
l’école ?
- Elle n’ira pas, trancha
papa. On s’arrangera pour lui faire amener les devoirs.
- Ce n’est pas un peu
extrême, quand même ? demandai-je, interloquée.
- Si ça ne fonctionne
pas, nous serons contraints de l’envoyer en pension, dit papa d’un ton grave.
Elle se sentirait abandonnée et ce serait un échec pour nous. Donc nous tentons
le tout pour le tout.
- Comment vous allez
faire pour la gérer ? interrogea Anaïs.
- J’ai rompu ma période
d’essai au travail, répondit maman. Donc je suis officiellement mère au foyer.
Quant à votre père, il ne travaille désormais plus le mercredi. Nous allons
pouvoir nous arranger.
- De toute façon, vous
n’avez pas à vous préoccuper de ça, continua papa. Nous sommes vos parents,
c’est à nous de gérer. Tout va bien se passer.
Bon, je faisais assez confiance à Ken et Barbie
pour ne pas m’inquiéter. Après tout, ils réussissaient à me discipliner, ce qui
était, au départ, très loin d’être gagné !
- C’est uniquement pour
ça que vous faisiez des têtes d’enterrements lorsque je suis arrivée, ou il y a
autre chose ? me renseignai-je.
- Rien de très
surprenant, répondit Louise. Papa et maman ont regardé les informations :
le gouvernement va encore restreindre les droits parentaux de nos familles
biologiques.
- C’est-à-dire ?
demandai-je, inquiète.
Papa prit sa tablette, tapota quatre ou cinq
fois dessus et me la montra. J’y vis alors une vidéo de Monsieur X, notre cher
président de la République – si on peut toujours appeler cela une république !
– mise sur pause. Michael monta le son et appuya sur le bouton
« Play ».
« Mes chers compatriotes, je me réjouis du
succès de la grande réforme nationale concernant nos jeunes citoyens. Notre
jeunesse française est désormais entre de bonnes mains, prête à devenir les
adultes responsables et travailleurs de demain. Nos familles d’accueil
fournissent un travail au-delà de nos espérances, tout comme nos services
militaires ! Je tiens également à souligner l’investissement exceptionnel
des forces de l’ordre quant à la lutte contre la criminalité, avec ces jeunes
déserteurs qui pensent pouvoir se soustraire à notre belle nation. Aussi,
je… »
- Vous allez me faire un
résumé, j’espère ? demandai-je. Je ne vais quand même pas me taper tout le
discours de ce malade mental, si ?
- On pensait qu’écouter
le discours en entier aurait pu t’intéresser, dit Mike.
- Accorder du temps à cet
abruti, c’est trop demandé ! tranchai-je.
- En gros, débuta Louise,
il dit que la loi est officiellement passée et que dorénavant, on ne verra nos
familles biologiques que durant la moitié des vacances scolaires.
- Oui ça, on le savait
déjà ! Et ensuite ?
- Ils veulent retirer les
droits parentaux de nos parents biologiques pour que ce soient uniquement nos
familles d’accueil qui décident pour nous, m’annonça Anaïs, les dents serrées.
- Quoi ?!
m’emportai-je. Mais c’est une blague !! Dîtes-moi que c’est une
blague !!
- En ce qui nous
concerne, nous continuerons d’entretenir une communication stable et sereine
avec vos familles biologiques, dit papa. Peu importe ce qui sera imposé par le
gouvernement. Ce sont vos parents naturels qui vous ont mis au monde et élevés
jusqu’à il y a quelques mois : il est hors de question que nous leur
retirions la chair de leur chair.
- De toute façon, mes
parents ne le supporteraient pas ! dis-je.
- Les miens non plus, se
lamenta Louise. Ça les tuerait !
- C’est bien beau tout
ça, dit Anaïs, mais nous, on a eu la chance de bien tomber. Et nos frères et
sœurs, alors ?! Qu’est-ce qu’on pourra faire pour eux ?!
Si je m’inquiétais pour Paul, Anaïs
s’inquiétait pour ses trois petits frère et sœurs : Morgane, Déborah et
David. Ils ont respectivement treize, douze et sept ans.
- En tant que famille
d’accueil, nous pouvons demander qu’ils soient placés chez nous, dit maman.
S’ils font le choix des études, ils viendront chez nous. Si cela peut vous
rassurer, nous sommes prêts à le faire.
- Mais Louise et Marie
veulent aller jusqu’au doctorat ! intervint Anaïs. Elles ont encore sept
ans d’études ! Dans sept ans, Morgane et Déborah auront l’âge d’être à la
fac ! C’était déjà dur pour vous de passer de trois à cinq enfants…
- Mayeul et toi aurez
obtenu vos Master et vous ne serez plus chez nous, expliqua Michael. Nous
serons donc toujours à cinq enfants.
- Je n’ai pas envie de
parler de ça, conclut tristement Ana.
- Moi, je veux bien, dis-je.
Si Paul choisit les études, je veux bien que vous vous engagiez à le prendre.
Michael et Scarlett confirmèrent d’un hochement
de tête.
- Bon, allez vous
préparer, annonça maman.
- Où va-t-on ?
demanda Louise.
- Nulle part, répondit
maman. Mais vous avez du travail, il me semble !
Nous sortîmes de table en nous lamentant.
Tout
comme lundi soir et hier soir, nos parents vérifièrent un à un nos cahiers. Ils
nous firent faire nos devoirs et apprendre nos leçons. Ce cirque dura jusqu’à
midi et demi, heure du déjeuner.
Nous
prîmes le repas autour de la table, tous les six, sans Manoé qui, malgré les
trois allers-retours de nos parents à l’étage, n’avait pas daigné parler.
L’après-midi,
papa et maman la passaient avec Mayeul. Louise, Anaïs et moi demandâmes alors
si nous pouvions sortir avec nos amis.
- S’il vous plaît ! Vous
ne serez pas là, nos devoirs sont faits, il n’y a rien qui nous en
empêche !
Nos parents avaient accepté pour notre plus
grand bonheur, mais avec quelques règles, forcément.
- Si vous n’êtes pas de
retour à dix-huit heures tapantes, gare à vous ! nous menaça maman. Et Marie,
hors de question de faire du sport avec ton attelle au poignet ! Si tu te
fais mal…
- Je ferai attention,
maman ! promis-je.
- Tu as intérêt ! me
prévint Scarlett. Et si vous allez au centre commercial, budget maximum de soixante
euros chacune. Pas plus !
- Faîtes attention à
vous, poursuivit Michael. Pas de risque inutile. Vous connaissez les règles de
base, appliquez-les.
- Bon, on y va ?
demanda Mayeul qui semblait être agacé.
- Oui mon chéri, répondit
Scarlett.
Papa, maman et Mayeul partirent sur la
droite ; Anaïs, Louise et moi sur la gauche. Le fait qu’Assa surveille
Manoé ne rassurait personne mais nous ne pouvions pas arrêter de vivre pour
cette peste !
- Au fait, pourquoi vous
vous êtes battues Manoé et toi, hier ? demandai-je à Anaïs sur le chemin
du skate parc.
- Cette bouffonne m’a
emprunté ma brosse à cheveux sans me demander ! C’est hyper crade !
Je ne veux pas qu’elle mélange ses cheveux aux miens !
- Elle t’a fait
mal ? se renseigna Louise.
- Non, ça va, répondit
Ana. Il y a quelques avantages à être en surpoids : je n’ai fait qu’une
bouchée de cette brindille !
- J’ai entendu que papa
et maman étaient montés vous voir, ajoutai-je.
- J’ai pris une fessée et
elle aussi, expliqua ma sœur. Mais au moins, elle arbore désormais un
magnifique cocard made in Anaïs ! Je n’en suis pas peu fière. Même si papa
m’est tombé dessus, ça valait le coup !
- Oh ça va, t’as pris
quelques claques sur le pyjama ! précisa Louise. N’exagère pas !
- T’en prends
jamais ! protestai-je. Tu ne sais pas, toi, ce que c’est que d’en prendre
une par papa ! Même quelques claques !
Louise se tut. De toute façon, nous arrivions
au skate parc.
Nous y retrouvâmes tous nos anciens amis de la
fac : nous fûmes super contents de nous retrouver !
Nous nous posâmes sur les structures et nous
donnâmes des nouvelles les uns aux autres.
- Alors les Webber ?
nous lança Vincent. C’est toujours le bagne avec vos acteurs d’Hollywood ?
- Ça va, on fait des
marques sur les murs de notre cellule pour compter le nombre de jours qu’il
nous reste à faire, ironisai-je.
- Entre deux voyages en
Afrique, ajouta Louise.
- Si t’es si jalouse,
t’avais qu’à rester avec nous au lieu de partir au ski avec tes parents
biologiques ! lui dis-je.
- C’est bon, détends-toi,
Manou ! apaisa Ana. Bon et vous, dans votre famille de quinze gosses, ça
se passe toujours bien ?
- Toujours, répondit
Vincent. On a coupé les lanières du martinet hier matin !
Cette déclaration déclencha évidemment un rire
général.
- Mais notre père en a
racheté un ce matin et on s’est fait démonter, précisa Hélène, la sœur de
Vincent.
- Tu m’étonnes !
ris-je. Punaise, heureusement que nos parents ne nous tapent pas avec des
objets !
- C’est déjà arrivé, dit
Ana.
- Ça reste de très rares
exceptions ! précisai-je.
- En même temps, vu
comment ils sont gaulés vos parents, ils ne doivent pas avoir besoin d’un
pauvre martinet pour vous faire filer droit ! dit Vincent.
- Tu ne sais pas à quel
point tu dis vrai ! avoua Ana.
- Lundi, Marie et Anaïs
en ont pris une par leur daron à la sortie de l’école devant presque
toute la classe ! balança Jade. Ben franchement, je n’aurais pas aimé la prendre !
- Pourtant, c’était une petite, fais-moi confiance ! assurai-je.
- C’était même pas notre
faute, en plus ! bougonna Ana. On nous a flanqué une nouvelle sœur et un
nouveau frère ! Notre nouveau frère est génial, mais notre nouvelle sœur
arrive tout droit de l’enfer !
- A ce point-là ?!
s’étonna Hélène.
- Je confirme, dit
Marion. Elle est possédée par le démon !
- C’est à cause d’elle
que notre père nous est tombé dessus ! Heureusement qu’il a compris que ce
n’était pas notre faute, au final…
Nous continuâmes à discuter un bon moment puis
nous décidâmes d’aller prendre un goûter au centre commercial.
Alors que nous faisions la queue pour acheter
une gaufre, Vincent proposa :
- Et si on allait
chercher nos vélos, ensuite ? On pourrait s’éclater avec, au skate
parc !
C’est ainsi que,
ignorant totalement les recommandations de mes parents, je me retrouvai une
heure plus tard assise sur le porte-bagages du vélo d’Angélique. Nous n’avions
que quatre vélos pour dix, certains de nos amis étaient comme moi assis sur le
porte-bagages, d’autres sur le guidon.
C’était fun. C’était vraiment fun de rouler
tous ensemble. Je sentais le vent dans mes cheveux, l’air qui fouettait mon
visage… Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi libre. Libre
comme un ois…
Je
n’avais absolument pas compris ce qui s’était passé. J’étais allongée par
terre, sur l’asphalte, le corps tout engourdi. Je tentai de me relever et vis
une dame que je ne connaissais pas, en larmes, qui me dit :
- Ne bouge pas, ma
grande ! Les secours sont en chemin !
- Pas besoin, je vais
bien ! répondis-je.
Ma tête me piquait un peu. Lorsque je voulus toucher l’endroit qui me faisait mal, je sentis que je saignais. En fait, j’avais du sang sur mon manteau et mon attelle. Je m’étais également éraflée le bas de la cuisse. Mais sinon, j’allais bien. Enfin, j’avais l’impression d’aller bien !
Et Marion ? C’est elle qui conduisait le
vélo !
Je me tournai et la vis. Elle avait été
projetée à quelques mètres de moi. Elle était allongée sur le sol, totalement
inconsciente, et elle saignait, elle aussi.
Je me mis à pleurer, sous le choc. Mes sœurs
arrivèrent immédiatement près de moi :
- Manou !
- Manou, ça va ?!
- Je vais bien mais vous,
ça va ? répondis-je.
- Oui, nous, on n’a
rien ! me dit Anaïs. C’est Marion et toi qui avez pris !
- Que s’est-il
passé ?
- Vous vous êtes fait
percuter par une voiture ! m’annonça Louise.
Nous entendîmes soudain une sirène de pompiers.
- Les secours arrivent,
ils vont t’emmener à l’hôpital, m’assura Ana.
- Mais non, je vais
bien ! dis-je en me relevant.
Oui bon, ma tête tournait un peu. Mais j’allais
parfaitement bien !
- Il faut qu’un médecin
t’examine, insista Louise. Et papa et maman sont en chemin avec Mayeul. Ils
arrivent.
- Quoi ?!
paniquai-je. Non, non ! Ils m’avaient dit de faire attention ! Ils
vont me tuer !
- Ils vont nous tuer
toutes les trois, assura Ana. Mais on s’en souciera plus tard. Pour l’instant,
il faut qu’on soit sûrs que tu vas bien !
Louise et Anaïs étaient
montées avec moi dans le camion, sur ma lourde insistance. Aux urgences, une
interne en médecine nous ausculta toutes les trois, Louise, Anaïs et moi.
Nos parents me rejoignirent à l’hôpital :
ils n’étaient pas arrivés avant les pompiers.
- Mes princesses !
s’exclama Michael en arrivant dans notre box, aux urgences.
Scarlett pleurait. Papa semblait retenir ses
larmes.
- Vous êtes leurs
parents ? demanda l’interne qui nous avait auscultées.
- Oui, Michael et
Scarlett Webber, répondit maman entre deux larmes.
- Anaïs n’a strictement
rien, informa l’interne. Tout va bien pour elle. Quant à Marie, elle a eu
beaucoup de chance ! Sa plaie à la tête ne nécessitera pas de point de
suture ; mais il va falloir qu’une infirmière vienne changer le pansement
tous les deux jours pendant une semaine. Votre fille a des courbatures dues au
choc, elles disparaîtront dans les prochains jours. Les éraflures à la cuisse
sont bénignes. Elle a vraiment eu beaucoup de chance !
- Et pour son
poignet ? demanda papa. Elle se remet d’une fracture…
L’interne m’ausculta puis déclara :
- Elle devra garder son
attelle pour le reste de la semaine, mais ensuite je ne vois aucune raison de
ne pas l’enlever. Commencez dès maintenant à chercher un kiné, ils se font
rares !
- Et Louise ? s’inquiéta
maman.
- Louise a une bonne
entorse à la cheville, répondit l’interne. Je lui prescris une attelle et des
béquilles pour deux semaines. A l’issue de ces deux semaines, elle devra
également faire des séances de kiné.
- D’accord, merci
docteur ! dit papa, soulagé.
- Je vais faire les
ordonnances d’antalgiques pour Louise et Marie, et ensuite vous pourrez vous en
aller, déclara l’interne. Il faudra juste passer à l’accueil pour régler les
détails administratifs.
Mes parents hochèrent la tête et la médecin
sortit. Nous nous retrouvâmes tous les six dans le box.
- Papa, maman, je suis
vraiment désolée… commençai-je.
- Oui, on est vraiment
désolées ! ajouta Louise.
- Oui, vraiment !
poursuivit Anaïs.
- Vous êtes désolées
d’avoir pris des risques inconsidérés en faisant du vélo sans casques ni
protections ?! nous gronda papa, les bras croisés sur la poitrine. Ben
voyons !
- Et en plus, les parents
de Vincent nous ont dit que vous n’aviez que quatre vélos pour dix ! Où
étiez-vous assises ?!
- J’étais sur le
porte-bagages de Marion, répondis-je.
- Et moi sur celui
d’Hélène, dit Anaïs.
- Et toi Louise ?!
demanda maman.
Ma sœur se mit à pleurer. Loin d’être
attendrie, Scarlett insista :
- Louise ! Où
étais-tu assise ?!
- Sur le guidon d’Hélène,
murmura ma sœur.
Scarlett immédiatement porta la main à sa
bouche et ferma les yeux. Michael se contenait pour ne pas exploser de colère.
- On est vraiment
désolées ! ajoutai-je.
- Oh ça, j’imagine !
gronda maman, son index pointé sur nous à tour de rôle. Et vu ce qui vous
attend à la maison, vous n’avez pas fini d’être désolées, je vous le dis !
- On ne pensait pas… tenta
Ana.
- Stop ! explosa papa,
rouge de colère. Plus un mot ! Je ne veux plus rien entendre qui sorte de
vos bouches d’inconscientes ! Non seulement vous êtes privées de sortie
jusqu’à la fin de l’année scolaire, mais en plus vous allez vous souvenir toute
vos vies de la fessée que vous allez prendre en rentrant à la maison !
Je pense que tout le service des urgences
pouvait entendre papa hurler. Nous étions toutes les trois penaudes, les yeux
rivés vers le sol. Michael continuait :
- Votre comportement
totalement irresponsable et débile aurait pu vous tuer !! Vous vous rendez
compte de ça ?! Qu’est-ce qu’on aurait fait, nous ?! Et vos familles
biologiques, qu’est-ce qu’on leur aurait dit ?! Vous imaginez le nombre de
gens à qui vous auriez gâché la vie en mourant si bêtement ?! Oh, je vais
vous faire passer l’envie de nous refaire un coup comme ça, mes filles ! Je
vais m’occuper personnellement de vos derrières !! Vous pourrez être
désolées, ah ça, oui, vous pourrez ! Vous allez voir la fessée qui va
tomber !! Vous allez voir !!
L’interne fit irruption dans le box, faisant
stopper le savon que notre père nous passait. Louise pleurait toutes les larmes
de son corps ; Anaïs et moi n’en étions pas loin. Mayeul essayait de se
faire le plus discret possible.
L’interne nous remit une ordonnance puis lança,
d’un air faussement innocent : « Bonne journée à vous tous,
malgré la chaleur prévue pour le reste de la journée ! ».
Nous restâmes avec papa qui continuait de nous
gronder, tandis que maman partait à l’accueil pour régler les détails
administratifs. Puis, tout ceci terminé, nous sortîmes en direction de la
voiture, papa portant Louise qui ne pouvait pas marcher.
Sur
le trajet, alors que nous roulions pour la pharmacie, Scarlett nous
demanda :
- Vous vous êtes excusées
auprès de votre frère, les filles ?! A cause de vous, nous avons dû
écourter son après-midi avec nous !
- Désolées Mayeul, dîmes-nous
à l’unisson comme si cela avait été répété.
Puis, après un silence monastique, je me
risquai à demander :
- Est-ce que vous avez
des nouvelles de Marion ?
- Sa vie n’est pas en
danger, répondit ma mère pour mon plus grand soulagement. Cependant, elle a de
multiples fractures, ils l’ont mise dans un coma artificiel pour qu’elle
souffre le moins possible. Elle va rester plusieurs mois à l’hôpital ! J’en
suis malade de me dire que ça aurait pu vous arriver à vous aussi ! Vous
ne perdez vraiment rien pour attendre !
Nous passâmes du temps à la pharmacie :
Louise devrait mettre immédiatement son attelle et apprendre à marcher avec des
béquilles, ce qui était tout nouveau pour elle. Puis, nous récupérâmes les
anti-douleurs et rentrâmes à la maison.
Tandis que maman aidait
Louise à enlever ses chaussures, je me penchai pour tenter d’enlever les
miennes. J’avais l’impression d’être passée sous un rouleau compresseur. La
seule partie de mon corps à laquelle je n’avais pas mal était mes fesses ;
et ce ne serait bientôt plus le cas.
Me voyant galérer, papa s’empressa de m’assister
pour enlever mes chaussures et mettre mes chaussons. Puis, alors que je partais
me laver les mains, j’entendis le chef de famille dire :
- Mayeul, je te conseille
de monter dans ta chambre si tu ne veux pas assister au massacre.
Cela fit doubler mon angoisse et mon
appréhension. Louise n’avait pas arrêté de pleurer depuis l’hôpital : j’étais
à deux doigts de l’imiter.
Papa se tourna ensuite vers Assa lui demanda si
tout s’était bien passé avec Manoé.
- Oh, Michael, je suis vraiment
désolée ! se lamenta Assa en éclatant en sanglots.
- Que s’est-il…
passé ?!
Papa avait eu envie d’ajouter
« encore » mais il s’était sûrement retenu.
- Je… J’ai giflé Manoé !
Michael poussa un soupir de soulagement. Il
s’attendait à ce qu’on lui annonce que sa petite dernière avait
déclenché la Troisième Guerre Mondiale.
- Elle a tenté de sortir
de sa chambre et elle m’a très mal parlé alors… je l’ai giflée. Je suis
vraiment désolée ! se lamenta Assa.
- Ne sois pas désolée, ma
grande ! la rassura papa. Tu as très bien fait ! J’irai tirer tout ça
au clair lorsque je me serais occupé de mes autres filles. Ne t’en fais pas,
Assa. Tout va bien. Va prendre un peu de repos.
Assa essuya ses larmes et s’éclipsa.
Mes
sœurs s’étaient assises sur le canapé, maman devant elles, les bras croisés,
affichant une mine vraiment mécontente. Papa, lui, était à proximité de moi,
qui sortais de la cuisine pour aller rejoindre mes sœurs dans le salon.
- Marie ?
m’interpella mon père. Tu n’as pas mal aux jambes ?
- J’ai des courbatures
mais ça va, répondis-je.
- Tu peux tenir debout
sans douleurs, même avec tes éraflures à la cuisse ?
- Oui papa, ça va !
avouai-je sans arrière-pensée.
- Parfait, dit mon père
avant d’attraper mon bras.
Quelle conne ! J’aurais dû penser que ces
questions n’étaient pas anodines ! En deux secondes, mon jean skinny et ma
culotte avec un bord en dentelle se retrouvèrent au niveau de mes genoux et la
pire claque de ma vie s’abattit sur mon postérieur nu, me faisant crier
un : « Aïe !!! » monumental. Rien que cette claque sur mes
fesses nues suffit à me monter les larmes aux yeux.
Je priai alors immédiatement mon père de
m’épargner, lui disant que je ne recommencerais jamais et que je me tiendrais
sage.
- Si on met de côté les
claques injustes de lundi, tu n’as pas reçu de fessée de ma part depuis plus de
trois semaines, Marie ! me dit Michael. Tu t’étais bien assagie, et ta
mère et moi étions vraiment très fiers de toi ! Alors pourquoi
faut-il que tu recommences tes bêtises ?! Et en plus, ce n’est pas une
petite bêtise que tu as faite là !
Alors que je mettais ma main disponible en
bouclier et que les larmes coulaient sur mes joues, appréhendant ce qui allait
suivre cette monstrueuse claque, Michael neutralisa toutes mes défenses,
laissant mon derrière à sa merci la plus complète. Malheureusement pour moi, il
n’eut aucune pitié.
- Comment (clac !)
dans ta petite tête (clac !) pourtant très intelligente (clac !) tu
n’as pas eu la jugeotte (clac !) de te dire que c’était dangereux
(clac !) de faire du vélo sans casque (clac ! clac !
clac !) ?! Comment as-tu osé (clac !) prendre ce
risque-là (clac !) en sachant pertinemment (clac !) que tu risquais
ta vie (clac !) ?! Et en plus (clac !), tu fais confiance à
Marion (clac !) avec laquelle tu n’as jamais fait de vélo (clac !) et
tu montes derrière elle (clac !) sans problème !
Mon père frappait vraiment fort. Je gigotais
tellement qu’on aurait dit que je cherchais à me débarrasser d’insectes
envahissants.
- Tu ne sais pas ce que
veut dire « ne pas prendre de risques » ? « Ne pas se
mettre en danger » ?! Eh bien, je vais te l’apprendre !
Là, la vraie fessée debout commença. Les
claques s’enchaînèrent à un rythme tellement soutenu que je n’avais pas le
temps de me préparer à encaisser la suivante.
Effectivement, la dernière déculottée paternelle remontait au 15 décembre, ce qui me semblait être une éternité. J’aurais tout fait pour que cette période sans fessée continue !
Michael m’avait prévenue, à l’hôpital, que
cette fessée serait sévère : il n’avait pas menti. J’eus beaucoup de mal à
la supporter. Je pleurais, criais, il m’arrivait même de lui hurler d’arrêter,
de lui hurler des prières et des supplications ; mais mon père continuait
de claquer mes fesses avec une force incroyable.
Lorsqu’il s’arrêta, après plusieurs minutes qui
m’avaient semblé une éternité, il me lâcha et m’envoya au coin en me
disant :
- Reprends tes
esprits ! Tu en auras besoin pour le deuxième round !
Quoi ?! Il y avait une deuxième
partie ?! Impossible ! Je n’y survivrais jamais !
- Papa, je t’en
supplie ! sanglotai-je. Pitié ! J’ai compris !
- Au coin, j’ai
dit ! insista-t-il sans céder. Gare à toi si je dois me répéter !
Tandis que je me rendais face au mur,
j’entendis Louise pleurer à son tour :
- Nan, papa ! Pitié,
pas la fessée ! Pitié, j’t’en supplie !
Ma sœur ne tenant pas debout sans douleur, je
me doutais bien que les cuisses paternelles allaient être le lieu de sa
sentence.
Je me massais vigoureusement le derrière,
essayant de faire disparaître la brûlure irradiante que je ressentais sur toute
la surface de mes fesses : s’il y avait un « deuxième round »,
il fallait que je sois en mesure de l’encaisser !
J’entendis Louise pleurer et supplier à pleins poumons,
ce qui me fendit le cœur. Elle qui n’était jamais punie, elle recevait une
déculottée monumentale !
Oui, nous avions pris de sacrés risques ;
mais sur le moment, nous ne pensions pas à mal ! Et d’ailleurs, c’était la
faute de la conductrice qui nous avais renversées ! Il faudrait que je me souvienne
de cet argument quand mon père reviendrait me chercher.
- Aller, viens ici, Marie !
entendis-je ma mère alors qu’elle m’attrapait le bras.
Bon, le deuxième round serait maternel. Je sortis
alors mon argument :
- Nan, maman ! Pitié !
C’est la faute de la conductrice !
Scarlett s’arrêta – au même moment où papa
stoppait la fessée de Louise ! – et me gronda :
- Tu ne sais donc pas que
c’est vous qui avez grillé un stop ?! Car comme vous décidez de monter avec
des gens qui ne connaissent pas le code de la route, forcément, il vous arrive
des bricoles ! Donc non, ce n’est pas la faute de la conductrice, Marie !
Et heureusement que celle-ci ne roulait pas vite, d’ailleurs ! C’est vous qui
avez grillé un stop. Ça aurait pu vous tuer, tu entends ?! Ça au-rait pu
vous tu-er !!
Grâce à sa tirade, ma mère avait pris le temps
de s’installer au bord de son fauteuil et me basculer sur ses genoux. Elle
avait donc appuyé chaque syllabe de sa dernière phrase avec une bonne claque,
ce qui avait correctement ravivé ma douleur au postérieur.
- Maman, j’t’en supplie !
J’ai déjà les fesses écarlates ! Ne me punis pas, je t’en supplie !
Sourde à mes supplications, ma mère me flanqua
une déculottée difficilement supportable. Je gigotais encore une fois dans tous
les sens, mais ma mère me maintenait tellement bien qu’il était impossible d’échapper
à sa main ! J’étais toujours étonnée de la force de Scarlett dans son petit
corps de Barbie. Où mettait-elle tous ses muscles ? Chez Michael, c’était
bien visible, mais chez elle…
Et pourtant, je vous assure que la longue fessée
que je reçus de ma mère, personne n’aurait aimé la prendre !
- Rhabille-toi et retourne
au coin, annonça ma mère. Tu y resteras jusqu’au dîner.
Anaïs et Louise écopèrent du même sort que moi,
si ce n’est que Loulou eut droit à une chaise pour se tenir au coin, étant
donné l’état de sa cheville droite.
Il restait
encore une bonne heure jusqu’au dîner. Nous étions chacune à un coin du séjour,
en train d’essayer de gérer notre honte. Pour ma part, mon jean skinny était
une horreur à supporter sur mes fesses meurtries. Je rêvais de pouvoir me
mettre en robe !
Je pensais que la situation ne pouvait pas être
plus honteuse lorsque l’on sonna à la porte : c’était la famille Joyeux :
Vincent, Hélène, Jade et leurs parents.
- Bonjour monsieur et
madame Webber, entendis-je Vincent. Nous venons vous présenter nos excuses pour
avoir mis vos filles en danger et pour avoir été irresponsables envers elle.
- Si vous souhaitez les
sanctionner vous-mêmes, dit monsieur Joyeux, nous vous les laissons.
- Les filles ! nous
appela papa. Venez ici !
Nous rejoignîmes nos parents dans l’entrée,
même si Louise mit un peu plus de temps en béquilles.
- Dîtes à vos amis
comment vous avez été punies ! nous ordonna papa.
Impossible pour aucune de nous trois d’ouvrir
la bouche.
- Dépêchez-vous !
gronda-t-il, nous faisant sursauter.
- Nous avons reçu deux
fessées déculottées chacune, dit Anaïs la courageuse. Et ensuite, on a été envoyées
au coin.
Papa, jouant sur son impressionnant physique, croisa
les bras sur sa poitrine et s’avança de Vincent et de ses sœurs. Puis, il colla
cinq claques sur les fesses à chacun d’eux, devant les parents Joyeux qui
avaient l’air de trouver ça tout à fait mérité. Scarlett, appuyée sur la rampe
d’escalier, observait la scène sans mot dire.
Inutile d’être télépathe pour savoir que les
trois enfants Joyeux avaient accusé les claques de mon père avec le courage d’une
huître.
- Ça, c’était un avant-goût !
gronda mon père. Si jamais vous mettez à nouveau mes filles en danger, de
quelque manière que ce soit, je ne donne pas cher de votre peau ! De toute
façon, vous n’en aurez pas l’occasion avant cet été puisqu’elles sont privées
de sortie jusqu’à la fin de l’année scolaire ! D’ici là, souvenez-vous de
moi !
- Nous vous demandons
pardon, monsieur Webber, dit Hélène d’une voix tremblotante.
- Vous pouvez ! Qui
a eu l’idée des vélos ?!
- C’est moi, monsieur,
chuchota Vincent.
- C’est toi ?!
gronda papa en s’avançant à quelques centimètres de notre ami.
Et nous entendîmes un liquide couler. Vincent s’était
fait pipi dessus ! Les parents Joyeux se confondirent en excuses. Maman se
retenait d’exploser de rire.
- Rentrez chez vous, dit
papa. Et les enfants : souvenez-vous bien de moi !
Assa nettoya très rapidement les dégâts causés
par Vincent et nous fûmes renvoyées au coin.
Nous
fûmes envoyées à la douche, puis au lit, juste après le dîner. Pas de
négociation possible. Nous n’avions même pas tenté, de toute façon !
Quant
à Manoé, elle s’était pris une fessée par papa pour son comportement envers
Assa, mais elle ne s’était toujours pas confiée.
A suivre…
Et bien la journée du mercredi se termine bien mal pour les filles !!! Elles vont avoir du mal à s'asseoir pendant quelques jours ! Plus de sortie jusqu'à la fin de l'année ? ! Les parents y vont vraiment fort!!!
RépondreSupprimerQu'est-ce qu'elles vont faire tous les mercredis ? Et elles n'auront même plus les week-ends pour respirer un peu 😒
Marie a intérêt à ètre dans le vert jeudi car une fessée supplémentaire serait vraiment insupportable !