Je
ne pouvais me décider à tout avouer. C’était trop. Le seau de farine, le
mensonge sur Valentine… Je ne voulais pas que Monsieur John se fâche contre
moi : cette nuit avait déjà été beaucoup trop pénible pour mon derrière.
Après avoir soupiré de dépit, je lançai un
regard larmoyant au Surveillant Général et lui dis :
- Dans ce cas, amenez-moi
en cellule.
- Comme tu voudras.
Monsieur John me
descendit dans la petite pièce isolée au sous-sol. Il m’y fit entrer et me fit
asseoir sur le lit. Puis, il s’agenouilla devant moi et fixa mon visage inondé
de larmes :
- Ce serait tellement
plus simple si tu me disais la vérité, Clémence !
- Je ne peux pas…
- Pourquoi ?
- Parce que vous allez vous fâcher !
- Tu crains tant ma
colère ?
Je baissai les yeux, donnant une réponse
positive à la question de Monsieur John.
- Tu préfères donc être
en cellule plutôt que d’affronter ma colère, conclut-il. Même si je me sens
flatté, cela me fait vraiment mal au cœur que tu réagisses de cette façon.
- Je garderai mes méfaits
pour moi, insistai-je.
- Tu serais vraiment
libérée d’avouer, Clémence !
- Je ne dirai rien,
tranchai-je.
- Nous verrons cela.
Le S.G. se releva puis me dit :
- Quelqu’un passera
t’amener des affaires dans la soirée. A demain, Clémence. J’espère que cet
isolement te fera réfléchir.
Monsieur John ferma la porte à double tour
après être sorti. Je m’allongeai alors sur mon lit et fondis en larmes.
Quelqu’un
toqua à la porte, ce qui me réveilla. Lorsque la porte s’entrouvrit, je vis
apparaître le Directeur.
- Vous allez me
gronder ? lui demandai-je d'une voix encore à moitié endormie.
- Non, répondit-il. Je
veux juste savoir pourquoi tu t’es retrouvée là.
- Monsieur John ne vous
l’a pas dit ?
- C’est ta version qui
m’intéresse.
- Je ne veux pas que vous
vous fâchiez, avouai-je.
- Je ne suis pas ici pour
ça. J’ai enlevé ma casquette de Directeur. Je porte uniquement celle de
confident. Tu peux me faire confiance.
De toute façon, je n’avais aucun prêtre sous la
main pour me confesser ; et si Monsieur John avait raison sur un point, c’était
que parler allait me soulager.
Je pris alors une grande inspiration et
déballai tout à Monsieur Éric. Absolument tout. De mon mal-être dans le
Pensionnat, au manque de ma famille, en passant par la trahison de Mathilde, la
persécution de Monsieur Jean et de Monsieur Nicolas, le harcèlement des quatre
pestes… Je me confiai très longtemps, jusqu’à arriver au départ de Monsieur
Matthieu et à l’arrivée de Monsieur John.
Je confiai à Monsieur Éric le moindre sentiment
éprouvé, l’état de mon cœur durant ces différentes étapes, tout ce que j’avais
besoin de dire, je lui dis. Jamais je n’avais parlé ainsi à quiconque, même pas
à Manu, à Côme ou à Célestine. Et le Directeur m’écouta, patiemment,
attentivement assis à côté de moi sur mon lit.
Durant mon récit, il réagissait parfois en
fronçant les sourcils, d’autres fois en souriant, en riant même. Et puis, lors
des passages les plus douloureux, je pus voir ses yeux briller davantage qu’à
leur habitude.
A en croire l’horloge
accrochée au-dessus de la petite table qui servait sûrement de bureau et de table
à manger, je m’étais confiée à Monsieur Éric pendant plus d’une heure.
- … et voilà ce que
Monsieur John m’a dit avant de me laisser seule ici.
- D’accord, répondit mon
confident du jour.
Il garda le silence quelques instants, puis déclara :
- Il est bientôt huit
heures du soir et tu n’as toujours pas dîné. Moi non plus. Une chose est sûre :
tu n’as strictement rien à faire ici. Alors je t’emmène avec moi pour le reste du week-end.
- Pour le reste du week-end ?!
demandai-je, écarquillant les yeux.
- Pour le reste du week-end,
répéta le Directeur. Nous allons nous rendre dans mes appartements pour que
tu puisses t’habiller en civil, puis nous irons dîner et nous nous en irons.
- Où ça ? interrogeai-je,
tout excitée.
- Tu verras bien.
Je n’en revenais pas.
Le Directeur de mon pensionnat prenait son week-end, uniquement pour moi !
Je me sentis grandement privilégiée, et cette idée me mit d’ailleurs assez mal
à l’aise ; mais la joie de partir à l’aventure avec Monsieur Éric prit le
dessus sur mon embarras !
J’avais fait tellement
vite qu’à peine trente minutes plus tard, nous étions assis à la table d’un restaurant
thaïlandais.
Nous prenions le
dessert et jusqu’alors, depuis la fin de mon récit, nous avions uniquement
parlé de sujets succincts ou pratiques. Je voulais néanmoins connaître le fond
de la pensée de Monsieur Éric. Après avoir avalé ma coupe de glace, je me renseignai :
- Je vous ai raconté tout
ce que j’avais ressenti et vécu depuis huit semaines dans votre fichue école,
et vous n’avez rien dit en retour.
- Tu attends de moi que je
me confie à toi ? s’étonna-t-il en haussant les sourcils.
- Non, bien sûr que non !
râlai-je. J’attends votre avis sur toutes les confidences que je vous ai faites !
Monsieur Éric prit un moment de silence, puis
dit :
- Je ne me suis pas trompé
sur toi, Clémence, et ça, c’est une très bonne chose. Tu es réellement une
chouette jeune fille. Côme et Célestine ont fait un travail remarquable
avec toi, et je le leur dirai en temps voulu car ils doivent l’entendre. Tu as
de belles valeurs et un cœur généreux. Tu mérites d’être connue et côtoyée.
La deuxième chose que
je voudrais évoquer est ton côté chipie : là non plus, je ne m’étais pas
trompé ; et tu n’as vraiment pas volé toutes les tannées que tu as prises
au Pensionnat !
Je baissai les yeux, légèrement honteuse.
- J’aimerais que toutes
les pensionnaires puissent se confier à moi comme tu l’as fait ce soir. Ainsi,
cela me permettrait de mieux connaître chacune d’entre vous et de vous aider au
mieux ! Je suis père de famille mais je n’ai pas de fille : je
considère un peu mes pensionnaires comme telles.
- Cela se voit, répondis-je.
- Pendant que tu te
changeais et que tu préparais ton sac pour le reste du week-end, j’ai appelé Côme pour
lui expliquer la situation. Sans son autorisation, il ne m’aurait pas été
permis de t’emmener ainsi durant une nuit. J’ai également laissé un mot à
Monsieur John.
- A Monsieur John ?
- Oui, je lui ai dit qu’il
pourrait régler ses comptes avec toi dès demain soir.
- Mais…
- Oui ?
- Pourquoi ?
demandai-je, affolée.
- Parce que tu dois
répondre de tes actes, Clémence, bien que tes récents agissements ne te ressemblent
pas. Tu as causé du tort à plusieurs personnes. Tu dois être punie pour cela et
présenter tes excuses aux gens que tu as blessés. Mais nous en reparlerons sur
la route du retour. Nous devons y aller.
- Où allons-nous ?
répétai-je.
Sans répondre à ma question, Monsieur Éric afficha
un sourire en coin sur son visage et dit :
- Aller, je vais régler l’addition
et nous allons partir. Même si je suis en forme, il y a quand même trois heures
trente de route jusqu’à Toulouse.
A suivre…
Ouf 😊
RépondreSupprimerClémence est enfin sortie de cette spirale infernale ! Mr Éric est vraiment exceptionnel, à la fois un directeur intransigeant et le père de substitution dont Clémence a tant besoin (j'aime beaucoup Mr Éric !)
Grâce à lui, le passage de Clémence en cellule se transforme en week-end de rêve. Mathieu va enfin pouvoir la serrer dans ses bras ... (?) et lui dire un ''au revoir'' à la hauteur de ses sentiments 😘
Comment cette escapade va-t-elle être expliquée au reste du pensionnat ? A Mr John ? A Mathilde ?
Le retour va être douloureux sans aucun doute 😪😪😪
Hàte de découvrir la suite 🙏🙏🙏
Ah bah non ! Tu ne peux pas nous laisser comme ça, c'est pas juste !
RépondreSupprimerTu as intérêt à écrire la suite rapidement ! Non mais ! Je vais devenir capricieux ! Un vrai brat, je te jure !