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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 86

 



Vendredi 10 janvier 2020

 

-    Papa ? interpelai-je alors que j’étais seule à la table du petit déjeuner avec mon père.

-    Oui ma princesse ?

-    Est-ce que… Euh… Enfin tu vois, Tom et Dana, quand ils se disputaient et que donc Tom n’était pas content, il euh… Il donnait la fessée à Dana. Est-ce que toi et maman, vous…

-    Dieu du Ciel, non ! s’exclama Michael en m’épargnant le supplice de finir ma question. Ta mère et moi n’usons pas de telles pratiques ! La fessée est une punition exclusivement réservée à nos enfants dans un cadre éducatif, et seulement dans ce cadre-là. Et puis, je ne supporterais pas d’avoir le dessus sur ta mère. Elle non plus, d’ailleurs ! Elle me ferait immédiatement une prise d’art martial et je me retrouverais à terre en deux secondes !

Papa se mit à rire, je répondis par un sourire gêné, désolée d’avoir posé la question.

-    C’était légitime que tu me demandes si tu as vu Tom et Dana le faire, me rassura mon père en posant sa main sur la mienne. Mais dans notre conception de la vie à ta mère et moi, la fessée est uniquement dédiée à nos enfants désobéissants.

Si j’avais voulu connaître la réponse, je ne savais maintenant pas quoi en faire. Etais-je soulagée de le savoir ? Aucune idée.

 

       Dans la voiture qui nous menait à l’école, je profitai d’être assise sur le siège du fond à côté de Mayeul pour demander à mon frère :

-    Ça se passe comment quand on est en retenue ?

-    C’est l’ennui mortel, me répondit Mayeul. T’es au coin, les mains derrière le dos, et tu n’as pas le droit de bouger. Heureusement que papa et maman ont refusé qu’ils nous tapent, sinon on prendrait des coups de règles sur la main ou les fesses dès qu’on bouge ! C’est ce qui s’est passé avec les autres.

-    Mais vu qu’ils ne peuvent pas nous taper, on s’en fiche de bouger ou non, alors ! réfléchis-je à voix haute.

-    Non, parce qu’ils disent à nos parents le nombre de fois où on a bougé, m’expliqua mon frère. Tu n’as pas remarqué que j’avais pris trois minutes de fessée hier soir ? J’ai bougé trois fois…

Bon, la retenue était donc similaire au reste de l’école : tellement stricte que c’était à peine si le droit de respirer était maintenu !

 

       En nous déposant dans nos classes, maman nous prévint de ne pas faire de bêtises avant de nous souhaiter une bonne journée et de s’éclipser. C’était si simple à dire, et tellement compliqué à faire !!

 

       Nous commençâmes la journée avec la littérature française : notre professeure, Sœur Anne de Dieu – quel nom ! – nous annonça la direction qu’il nous faudrait prendre pour ce semestre :

-    Vous allez devoir choisir un classique la littérature du XIXème siècle dans sa version intégrale, la lire et l’étudier. Cette œuvre que vous aurez choisie vous guidera tout au long de votre semestre. Au mois d’avril, vous aurez créé un dossier d’étude autour du roman choisi. Comprenez bien que la réussite de ce travail est déterminante : si vous n’avez pas la moyenne, vous ne validerez pas votre semestre !

Ok, ça foutait carrément les jetons ! Il était absolument impossible que je redouble mon semestre : ajouter du temps à passer dans cette école de malheur ? Très peu pour moi !

En bonne fan inconditionnelle de Victor Hugo, je choisis le chef d’œuvre des Misérables. Depuis le temps que je voulais lire ce roman dans sa version intégrale, l’occasion ne pouvait être plus belle !

Louise choisit Les trois Mousquetaires, de Dumas ; Ana opta pour Notre-Dame de Paris, du même auteur que moi. Il n’y avait plus qu’à prendre connaissance des modalités d’étude et du travail attendu ; et à nous de jouer !

 

       Lorsque l’heure de la cantine arriva, j’étais plutôt de bonne humeur : j’étais toujours dans le vert, il y avait un soleil magnifique dehors et les nouvelles de Marion données par Angélique étaient plutôt positives.

Le réfectoire est la seule pièce où nous pouvons voir Mayeul ; malgré une séparation avec un plexiglas d’une hauteur d’un mètre cinquante environ – le monde ne tourne vraiment pas rond ! – Mayeul et ses nouveaux camarades s’installent toujours près de nous, afin que nous puissions manger « ensemble ».

Nous attaquions notre dessert lorsque Manoé et ses copines, ayant fini de manger, passèrent par notre table.

-    Comment ça va les bouseux ?! nous lança-t-elle.

-    J’te signale qu’on fait partie de la même famille, donc si on est des bouseux, toi aussi ! rétorqua Louise.

-    Je ne serai jamais de la même famille que des nanas qui ont le gabarit d’une vache ! rétorqua Manoé.

Elle piquait là où ça faisait mal. Et elle piquait fort. Anaïs entreprit de se lever mais je la retins fermement. Ce n’était pas le moment de faire des vagues. J’étais dans le vert !

Mayeul, offusqué derrière son plexiglas, gronda à notre petite sœur :

-    Tu vas voir quand papa et maman apprendront ce que tu as dit !

-    J’les emmerde, ces connards ! rétorqua Manoé.

Cette fois-ci, je ne retins pas Anaïs car je ne me retins pas moi-même. Louise non plus ne se retint pas. Nous sautâmes toutes les trois sur Manoé dans le but de lui faire ravaler son venin ; et armées des béquilles de Louise, c’était un jeu d’enfant !

Notre frère avait entretemps escaladé la cloison et était venu nous prêter main forte, les paroles de Manoé l’ayant également mis hors de lui.

       Les religieuses mirent plusieurs minutes à nous séparer, devant se frayer un chemin à travers la foule qui s’était rassemblée autour de nous.

 

 

       La Mère Supérieure mit une éternité à faire le tour de son bureau pour s’asseoir dans son fauteuil. Elle avait l’air d’avoir cent soixante-dix ans. Si quelqu’un était à la recherche de la pierre philosophale, je lui conseillerais très fortement de fouiller dans le bureau de cette vieille femme.

-    J’entends beaucoup trop parler de vous, les Webber ! gronda-t-elle de sa voix étonnamment ferme. Les lignes ne vous dissuadent pas, les retenues non plus !

-    Ma Mère, nous sommes vraiment désolées ! plaida Louise.

La Mère Supérieure nous scruta tous les cinq. J’avais une boule de stress dans le ventre. Quelle décision allait-elle prendre ?

-    J’annule vos retenues pour aujourd’hui, déclara-t-elle devant notre incompréhension la plus totale.

-    Merci ma Mère ! s’exclama Louise.

-    Ne me remerciez pas trop vite, répondit la vieille. Je convoque vos parents.

Un silence de mort suivit l’annonce. Les larmes me montèrent aux yeux.

-    Retournez en classe, il est l’heure ! annonça la directrice après que la sonnerie eut retenti. Vos parents viendront vous chercher à 16h30 et nous nous réunirons dans ce bureau pour parler de votre conduite. Tâchez de vous tenir correctement cette après-midi !

Nous sortîmes du bureau en silence.

-    On est morts. Déclara Anaïs lorsque nous nous retrouvâmes dans le couloir.

-    C’est clair, répondis-je avec un trémolo dans la voix.

Je fournissais tous les efforts du monde pour ne pas pleurer.

-    Tout ça, c’est ta faute ! hurla Louise à Manoé. T’es vraiment le déchet de notre famille !

Sans répondre, Manoé partit rejoindre sa classe en boîtant, son genou droit ayant été amoché par nos soins. Bien fait !

-    Qu’est-ce que vous fichez à traîner dans les couloirs ?! nous gronda Sœur Faustine qui passait par là. Rentrez immédiatement dans vos classes avant que je me fâche !

-    Bon ben, à tout à l’heure, nous lança Mayeul avant de partir.

Louise, Ana et moi rejoignîmes la classe bleue ; et à nos têtes, on aurait facilement pu croire que quelqu’un était mort.

 

 

-    Dépêchez-vous.

L’ordre donné par notre mère nous fit froid dans le dos ; nous n’attendîmes pas qu’elle le dise deux fois. Je pris la précaution de m’insérer entre Louise et Anaïs, mettant ainsi mes fesses hors de portée de ma mère.

       Scarlett fit claquer ses talons aiguilles contre le carrelage tout au long du chemin menant au bureau de la Mère Supérieure, ce qui ajouta illogiquement du stress à mon anxiété.

 

       Dans le bureau se trouvaient déjà Michael, Mayeul et Manoé. Scarlett s’installa à côté de son mari. A leur droite, se trouvaient Manoé et Mayeul, à leur gauche, Louise, Anaïs et moi. J’avais choisi de m’asseoir le plus loin possible de mes parents et le plus près possible de la porte. Place stratégique, au cas où il faudrait fuir.

 

-    Monsieur Webber, madame Webber, nous entendons beaucoup trop parler de vos enfants et cela est inadmissible ! les sermonna la directrice.

Elle ajoutait de l’huile sur le feu. Mes parents n’apprécieraient vraiment pas de se faire gronder…

-    Nous ne tolérerons plus aucun écart de conduite de la part de vos enfants ! poursuivit la Mère Supérieure sur le même ton. Nous terminons à peine la première semaine qu’ils ont déjà tous les cinq un dossier disciplinaire ! Trouvez-vous cela normal ?! Je vous le demande !

-    Si vous commenciez par nous dire ce qui s’est passé aujourd’hui pour que nous soyons assis ici ?! rétorqua froidement papa.

La Mère Supérieure se radoucit un petit peu.

-    Eh bien, Louise, je vous en prie, racontez à vos parents ce qui s’est passé.

Ma sœur narra le conflit de ce midi en restant, comme à son habitude, impartiale et en endossant sa part de responsabilité.

-    Tu nous as insultés, Manoé ? demanda papa en se tournant vers sa cadette à la fin du récit de Louise.

-   

Devant l’absence de réponse de l’adolescente, papa l’attrapa immédiatement et la bascula sur ses genoux sans prendre en compte ses prières. Il la déculotta devant tout le monde en la réprimandant :

-    Que tu m’insultes moi, ça ne serait déjà pas passé ; mais que tu insultes ta mère, là, tu vas vraiment le regretter !

Manoé reçut une volée très, très salée. Pendant que les claques tombaient violemment sur son fessier, mes frère et sœurs et moi nous mîmes à pleurer. Manoé pour des raisons évidentes ; Mayeul, Louise, Ana et moi en nous demandant si nous allions recevoir la même chose. Pour ma part, cette seule pensée me terrifiait.

Papa releva sa fille et l’envoya au coin. Avec cet épisode, le regard de la Mère Supérieure venait de changer ; mes parents passaient de « parents irresponsables » à « parents malchanceux ».

-    Ecoutez ma Mère, mon mari et moi n’avons, à aucun moment, fait preuve de quelque laxisme que ce soit, dit Scarlett. Nous pouvons vous promettre que nous continuerons à discipliner nos enfants afin qu’ils se tiennent les plus tranquilles possible, mais nous ne pouvons en revanche pas être à côté de chacun d’eux toute la journée pour les surveiller.

-    Si vous nous autorisiez à user de châtiments plus… rudes, les choses rentreraient davantage dans l’ordre. Fit remarquer la directrice de l’école.

Mes parents s’échangèrent un regard durant lequel mes frère et sœurs et moi arrêtâmes de respirer. Puis, Michael répondit :

-    Nous allons poursuivre avec notre méthode actuelle pour le moment. Nous en reparlerons si nos enfants ne s’assagissent pas.

-    Comme vous voudrez, monsieur Webber, poursuivit poliment la Mère Supérieure, visiblement contrariée.

-    En attendant, veuillez agréer ce chèque en compensation des désagréments causés par nos enfants.

Je ne vis pas le montant mais je me doutai qu’il était conséquent lorsque Louise écarquilla les yeux.

En recevant le bout de papier signé, la directrice afficha un grand sourire et rétorqua qu’elle comptait sur mes parents pour faire régner la discipline au sein de la famille.

-    Bien entendu, répondit Scarlett. Nous partons, les enfants. Dîtes au revoir à la Mère Supérieure et promettez-lui d’être sages à l’avenir. De toute façon, vous n’aurez pas d’autre choix.

Nous promîmes tous un par un, histoire d’essayer d’instaurer un soupçon de clémence dans le cœur de nos parents.

 

       Personne ne moufta dans la voiture et ce, même après que nous nous soyons aperçus que nous ne prenions pas le chemin de la maison. Papa finit par se garer devant une quincaillerie et nous ordonna de sortir du véhicule.

Nous suivîmes nos parents à l’intérieur du magasin, intrigués. Ils allaient faire des courses ? Là ? Maintenant ?

Je ne compris leur stratagème que lorsque nous arrivâmes au rayon « outils domestiques ». Scarlett prit alors dans ses mains une petite planche en bois. Elle avait la forme d’une raquette de ping-pong mais était plus imposante et beaucoup plus épaisse !

-    Ceci s’appelle un paddle, nous dit ma mère. C’est avec ça que vos grands-parents nous punissaient mes sœurs et moi lorsque nous nous disputions étant ados. Vos tantes et moi savions que si nous étions méchantes les unes envers les autres, nous recevions une fessée au paddle ; et croyez-moi, ça dissuade !

-    Nous allons faire exactement la même chose avec vous, poursuivit mon père. Aujourd’hui vous avez tous les cinq, à un moment ou un autre de la journée, été méchants les uns envers les autres. Donc en rentrant à la maison, vous prendrez tous une fessée au paddle ; et nous le laisserons en évidence à la maison pour que vous pensiez à vous respecter mutuellement !

-    Mais…

-    Chut ! gronda papa, coupant la parole à Ana. Je ne veux pas vous entendre ! Des frères et sœurs ne s’insultent ni ne se bagarrent entre eux ! Ce comportement est inadmissible ! Et vous nous avez fait convoquer à l’école, en plus ! Vous vous attendiez à quoi, exactement ? A ce qu’on tourne la page ? A ce qu’on vous donne une petite tape sur la main en vous disant que ce n’était pas bien, c’est ça ?! Il était évident que nous allions marquer le coup de la façon la plus durable possible ! Vous allez très vite être calmés, les enfants ! Je peux vous le dire !

-    Rentrons, continua Scarlett avec la petite planche en mains. Ce paddle est neuf et il a déjà du travail !

Par sécurité – ou sadisme ! –, mon père acheta un autre paddle, au cas où il arriverait malheur au premier. Ce n’était pas bête de sa part : avant même d’arriver à la caisse, je projetais déjà de balancer cette fichue planche en bois de malheur dans le poêle à granulés !

 

       Dans la voiture, nous pleurions tous les cinq silencieusement. Commençant à bien connaître mes parents, j’étais persuadée que nous voir dans cet état leur faisait énormément de peine ; mais ils devaient mettre leurs menaces à exécution et j’en étais bien consciente.

Pour avoir déjà reçu le paddle chez Tom et Dana, je savais ô combien cet instrument était redoutable ; et encore, Tom et Dana n’étaient pas aussi sévères que Michael et Scarlett !

 

       Michael gara la voiture dans le garage, tira le frein à main, éteignit le moteur et nous ordonna :

-    Descendez de la voiture et rentrez à la maison.

Nous nous exécutâmes en continuant de pleurer silencieusement. Ni Louise, ni Ana, ni Mayeul, ni Manoé, ni moi ne parvenions à cesser de pleurer. Si les larmes de Manoé étaient amplement méritées, les nôtres me semblaient profondément injustes.

 

-    Allez vous asseoir sur le canapé, dit Scarlett d’un ton ferme après que nous ayons accompli le rituel habituel lorsque l’on rentre à la maison.

Enlever les chaussures, enfiler les chaussons, enlever les manteaux et les accrocher au porte-manteau, aller se laver les mains… Et tout ça dans l’ordre. Ainsi était le rituel obligatoire à chaque fois que nous passions la porte d’entrée.

 

       Assis tous les cinq, collés les uns contre les autres, nos parents debouts face à nous, papa ayant le paddle à la main, nous n’étions vraiment pas fiers du tout. Maman nous gronda alors :

-    Chacun d’entre vous a quelque chose à se reprocher ! Manoé n’avait pas à nous insulter, certes, mais vous n’avez pas à faire justice vous-mêmes ! Il est hors de question que quelque chose de similaire se reproduise, est-ce que c’est bien compris ?

-    Oui maman, répondîmes-nous presque en chœur.

Scarlett s’assit alors dans un des deux fauteuils, puis Michael ordonna :

-    Manoé, lève-toi. Baisse ta culotte et penche-toi sur l’accoudoir du canapé.

Ma sœur ne bougea pas ; je ne savais pas si c’était par crainte ou par défi.

-    Si je dois le faire moi-même, tu prendras six coups supplémentaires, menaça papa.

Manoé ne bougea toujours pas. Papa la sortit alors lui-même du canapé. Tandis qu’elle hurlait, il la déculotta et la pencha sur l’accoudoir du canapé, face à nous. Il retroussa sa jupe. Pour le coup, Manoé nous lançait des regards transpirant la détresse mais nous n’étions pas attendris pour un sou. C’était à cause d’elle que nous étions dans cette situation !

-    Tu étais censée prendre vingt coups, tu en prendras vingt-six, trancha papa. Tant pis pour toi. La prochaine fois, tu obéiras.

Michael asséna le premier coup et Manoé hurla à travers toute la maison. Elle tenta immédiatement de se débattre mais papa l’immobilisa en bloquant ses mains dans le creux de ses reins et en exerçant assez de pression pour que ma petite sœur ne puisse pas se relever. Il prit alors de l’élan et asséna le deuxième coup. Manoé hurla de nouveau, pleurant bruyamment et priant mon père d’arrêter. Scarlett, elle, était stoïque dans son fauteuil.

Les vingt-quatre autres coups tombèrent sur les fesses de Manoé avec une pénibilité inégalée. Nous la voyions hurler, pleurer, supplier sans rien pouvoir y faire ; et lorsque papa l’envoya au coin et que nous vîmes les deux énormes bleus apparents sur ses fesses, nos larmes doublèrent.

-    Anaïs, c’est à ton tour ! annonça papa. Baisse ta culotte et penche-toi sur l’accoudoir.

Ne voulant pas augmenter le nombre de coups, Anaïs rassembla tout son courage pour obéir à Michael, même si elle pleurait abondamment et tremblait de tout son corps.

       Anaïs, loin d’être chochotte, hurla elle aussi. A chaque coup. C’était insoutenable pour elle, tellement insoutenable ! Et c’était extrêmement dur pour nous de la voir dans cet état. Entre l’appréhension d’y passer et notre solidarité pour notre sœur, rien n’était facile à gérer.

-    Mayeul, à toi ! dit papa tel un robot, lorsqu’Anaïs fut également envoyée au coin.

Anaïs, blanche de peau, arborait un fessier bleui encore plus spectaculaire que celui de Manoé. Je n’osai regarder Louise par peur qu’elle accentue ma terreur de façon exponentielle.

       Mayeul hurla, lui aussi, de sa voix tout juste muée, qui casse encore parfois. Il hurla de douleur à chaque coup et ses larmes étaient de vraies larmes de douleur.

       Puis, papa m’appela. Je vis ma mère se crisper. J’obéis à Michael en me levant, baissant ma culotte et me penchant sur l’accoudoir du canapé, pleurant toutes les larmes de mon corps.

Je reçus le premier coup : il me fit horriblement mal. Je lâchai un gémissement de douleur.

Le deuxième coup tomba sur l’autre fesse, mon gémissement se fit plus bruyant.

Troisième coup sur ma fesse gauche, mon gémissement se transforma en petit cri. Un « Pitié, papa ! » sortit de ma bouche sans que je ne le contrôle.

Quatrième coup, je criai pour de bon. « Pitié, je t’en supplie, je ne le ferai plus ! » pleurai-je. « Y’a intérêt ! » me répondit mon père avant d’asséner un cinquième coup, insoutenable.

Cette fois-ci, Scarlett se leva du fauteuil et partit se réfugier dans une autre pièce.

Sixième coup, j’hurlai de nouveau.

Septième coup, je m’agrippai au canapé comme si, prête à m’envoler, il était le seul meuble capable de me maintenir à terre. Mes ongles s’enfoncèrent dans le tissu tandis que je pleurais bruyamment.

Huitième coup, j’avais l’impression que mon père tapait extrêmement fort avec cet objet !

Neuvième coup. C’était vraiment inhumain. Une véritable torture.

Dixième coup. Mes pleurs sortaient du fin fond de mes tripes.

Onzième coup, je ne me souvenais pas avoir déjà autant pleuré.

Douzième coup, j’avais déjà l’impression de saigner. J’étais en train de me faire battre à sang !

Treizième coup. C’était pire que tout ce que j’avais déjà reçu ; même pire qu’une fessée debout !

Quatorzième coup, ma gorge s’irritait à force d’hurler.

Quinzième coup, je me débattais tant que mon père devait me maintenir très durement.

Seizième coup, je pliai à nouveau mes jambes, inutilement.

Dix-septième coup, ma voix se brisait sous l’expression intense de ma douleur.

Dix-huitième coup, c’était la pire punition du monde.

Dix-neuvième coup : je ne me bagarrerai plus jamais.

Vingtième coup. La délivrance.

Je pus être envoyée au coin pour entendre Louise hurler à son tour, à s’en arracher les poumons.

 

       Vingt minutes plus tard, Louise, Anaïs et moi étions dans ma chambre, devant mon miroir, en train de comparer nos bleus.

-    Tout ça à cause de Manoé ! pesta Louise qui peinait à encaisser ce qui s’était passé.

-    Elle va le payer, enchaîna Anaïs.

-    Bien sûr qu’elle va le payer ! renchéris-je. Je vous le dis officiellement les filles : c’est la guerre. Et celle-ci sera rude.

 

A suivre…

Commentaires

  1. Mauvaise semaine pour la famille Webber dans cette nouvelle école !!!

    La guerre est vraiment déclarée contre cette PESTE de Manoé !!! Et ça, malgré l'apparition du paddle !!! Les quatre avaient des circonstances atténuantes, ils ont agi par loyauté envers leurs parents ... belle récompense ! La seule qui fait preuve de méchanceté c'est Manoé ... ce n'est pas juste que les autres paient à cause d'elle !!!

    Bon Marie est rassurée ? Scarlett n'a pas pris de fessée après sa dispute de la nuit avec Michael 😊

    Scarlett assiste stoïque à la correction de Manoé, Anaïs et Mayeul mais ne supporte pas celle de Louise et Marie ??? ( petite différence de traitement ? )

    Le premier week-end en famille serait-il chaud ?




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  2. Vivement la suite !

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