Tandis que la réforme
était exposée à toutes les pensionnaires, j’observais les réactions de mes
camarades. La plupart d’entre elles affichaient un sourire, d’autres, comme
moi, angoissaient sur les parents-référents qui allaient leur être attribués. Même
si j’étais contente que mon rôle de référente permette de faire bouger les
choses, je ne pouvais pas m’empêcher d’être triste à l’idée que Monsieur Éric
ne soit pas mon père-référent. J’espérais vraiment avoir Monsieur Lionel ou
Monsieur Alexandre. Comme mère-référente, rien ne ferait plus plaisir que d’avoir
Madame Jeanne ou Madame Kelly. Peut-être qu’après avoir vu mon immense
déception, Monsieur Éric consentirait à me donner des parents-référents que j’apprécie.
- Nous allons maintenant vous donner les
noms de vos parents-référents ! dit Monsieur Lionel, me sortant de ma
rêverie.
Mon cœur se mit à battre à tout rompre. Qui allais-je avoir ?!
- Abigaëlle sera avec Monsieur Alexandre
et Madame Maud ! annonça le D.-A.
Un « Ooooooh !! » de stupeur parcourut l’assemblée.
Ni Monsieur Alexandre, ni Madame Maud n’étaient des tendres. Pauvre Abigaëlle !
Quant à moi, je fus dépitée, comprenant que la répartition se faisait par ordre
alphabétique et je devrais attendre encore quelques longues secondes avant de
connaître le nom de mes parents-référents.
Enfin, cela vint :
- Clémence sera avec Monsieur John et
Madame Jeanne !
Je crus que mon cœur allait s’arrêter de battre. Monsieur John ?!
MONSIEUR JOHN ?! Comment avaient-ils pu me faire ça ?! COMMENT ?!
Sans même pouvoir me réjouir d’avoir Madame Jeanne pour mère-référente,
je fendis la foule pour me diriger vers la porte de sortie du réfectoire. Arrivée
dans le hall, je posai mes mains sur mes hanches et tentai de maîtriser ma respiration.
Soudain, une main se posa sur mon épaule : c’était Monsieur Éric.
- Ne me touchez pas ! dis-je de
façon virulente avec un geste défensif. Monsieur John ! Sérieusement !
Vous vous foutez de ma gueule ?!
Sans que je m’y attende, le Directeur m’attrapa par le bras et me
flanqua cinq claques monstrueuses sur le derrière, qui me calmèrent instantanément.
- C’est la deuxième fois en deux jours
que tu me parles de la sorte, Clémence ! Ça commence à bien faire !
Tu te permets des choses auxquelles tu ne devrais même pas oser penser !
Pour qui est-ce que tu te prends ?!
Monsieur Éric me flanqua cinq nouvelles claques du même calibre
que les précédentes. Une boule se forma dans ma gorge. J’étais au bord des
larmes.
- Je voulais que ce soit vous ! gémis-je
en me frottant les fesses, retenant mes larmes.
- Je sais que tu ne le comprends pas
maintenant, Clémence, mais je peux t’assurer que John et Jeanne sont un bien
meilleur choix pour toi que moi !
- …
- Clémence, regarde-moi.
Je plongeai alors mes yeux bleus dans ses yeux bruns.
- Est-ce que tu me fais confiance ?
me demanda le Directeur.
- Plus qu’à n’importe qui ici,
répondis-je, la gorge nouée.
- Alors je te demande de me croire quand je te dis que tu es entre les meilleures mains qui puissent exister.
Monsieur Éric me serra dans ses bras puis, avant que nous
repartions dans le réfectoire, me dit :
- Tu n’as pas quelque chose à me dire ?
- Pardonnez-moi d’avoir été irrespectueuse.
- File, maintenant.
Lorsque je rentrai dans le réfectoire, la répartition se poursuivait
mais je n’en écoutais rien. Tout se bousculait dans ma tête. Était-ce vraiment
le meilleur choix pour moi ? J’avais irrésistiblement besoin d’appeler
Matthieu. Heureusement qu’il devait appeler ce soir !
Une fois la
répartition faite, nous nous mîmes à table. Vu le changement sismique qui
venait de se produire, les adultes laissèrent le volume sonore monter plus haut
que d’habitude. Si mes copines et moi étions atterrées par le choix de nos
nouveaux « parents-référents », je fus étonnée que personne ne pense
à nous reprocher, à Pauline et moi, d’avoir initié cette réforme. Vous m’direz,
cette idée avait émané de plusieurs pensionnaires depuis déjà plusieurs jours,
et je n’en fus mise au courant qu’à 17h30 !
- Le point positif, c’est qu’on a les
mêmes parents-référents ! me dit Mathilde.
- Oui, c’est vrai. C’est le seul point
sur lequel ils n’ont pas déconné !
- Je pense que le dirlo a fait ça pour atténuer
ta déception, m’expliqua ma meilleure amie. Il est vachement gentil !
- S’il était vraiment gentil, il ne m’aurait
pas collé une fessée ! bougonnai-je.
- Vu ce que tu lui as répondu, selon ton
récit, on ne peut pas dire que ce n’était pas mérité.
- Mouais. En tout cas, une chose est
sûre : avec Monsieur John, on est complètement fichues !
Le dîner passé, Mathilde et moi nous
réfugiâmes dans notre chambre. Je me mis alors à faire les devoirs que je n’avais
pas eu le temps de faire à cause de la réunion, puis je me mis à commencer la punition
due à Monsieur Lionel et à Monsieur Éric pour demain soir.
- Comment allez-vous les filles ?
entendîmes-nous soudain.
En me tournant, je vis Madame Jeanne et Monsieur John dans l’encadrement
de la porte. D’un coup, mon cœur se mit à battre à tout rompre : j’étais
en train d’écrire ma punition ! Oh et puis zut, ils l’auraient bien appris
d’une façon ou d’une autre, de toute manière…
Alors que Mathilde lisait dans son lit, Madame Jeanne, me voyant
écrire, me demanda inévitablement :
- Qu’est-ce que tu fais, Clémence ?
- J’écris ma punition, répondis-je sans
détour. Je dois donner cent lignes à Monsieur Éric, et cent autres à Monsieur
Lionel pour demain soir, dix-neuf heures.
- Pourquoi ça ? me demanda Madame
Jeanne.
- Parce que je leur ai mal parlé,
avouai-je.
- Tu t’en sors bien, commenta ma
mère-référente.
- Arrête-toi deux minutes et viens t’asseoir
sur ton lit, m’ordonna Monsieur John. Il faut qu’on parle, tous les quatre.
Tentant de retenir un soupir d’agacement qui pourrait m’attirer
des ennuis, j’obéis.
- Bon, je sais que vous n’êtes pas
forcément ravies de nous avoir comme parents-référents, déclara Monsieur John.
Vous ne nous avez pas choisis. Néanmoins, nous voulons que vous sachiez que
nous, nous vous avons choisies. Madame Jeanne et moi avons choisi de nous occuper
de toi Clémence, et de toi Mathilde. Et rien que pour ça, ça vaut le coup de fournir
des efforts de votre côté comme du nôtre. D’accord ?
Mathilde et moi hochâmes la tête après avoir échangé un regard.
Madame Jeanne enchaîna :
- Nous ne sommes pas là pour vous terroriser,
nous sommes là pour être des repères pour vous. Nous sommes là pour vous donner
un cadre affectif sécurisant. Bien sûr que nous récompenserons vos bonnes actions
et que nous sanctionnerons les mauvaises, mais nous serons avant tout là pour vous
si vous avez besoin de nous.
- Nous passerons vous voir tous les
soirs, ajouta le Surveillant Général. Et si, dans la journée, vous avez besoin
de nous parler, n’hésitez pas à venir nous rencontrer. Tâchez cependant de ne
pas atterrir dans mon bureau pour un souci disciplinaire car je risque de ne
pas très bien le prendre !
Mathilde et moi baissâmes la tête.
- Nous savons que vous n’êtes pas les élèves
les plus sages de l’établissement, continua Madame Jeanne, mais nous vous
répétons que nous avons choisi de nous occuper de vous.
Grâce aux mots de mes parents-référents, mon cœur s’adoucit un
peu.
- Est-ce vous avez des questions ?
demanda Monsieur John.
Je secouai la tête. Mathilde fit de même.
- Bien, alors extinction des feux dans
trente minutes, dit le Surveillant Général. Bonne nuit les filles.
Je fus surprise lorsque Monsieur John et Madame Jeanne nous firent
tour à tour une bise sur la joue pour nous souhaiter bonne nuit. C’était…
spécial.
Et avec tout ça, j’avais oublié de demander l’autorisation d’appeler
Matthieu !
Je sortis alors rapidement de la chambre et appelai : « Madame !
Monsieur ! ». Ils se retournèrent tous les deux.
- Monsieur Matthieu doit m’appeler ce
soir. Le téléphone va sonner d’une minute à l’autre…
Je fus à nouveau bouche bée lorsque je vis Monsieur John sortir son
propre smartphone de sa poche, tapoter deux ou trois fois dessus, et me le
tendre en me disant : « Embrasse-le de ma part. Tu as quinze minutes,
pas une de plus. Je reviendrai chercher mon téléphone lorsque tu auras terminé. »
- Merci Monsieur, dis-je alors que les tonalités
retentissaient à l’autre bout du fil.
- Allô ? John ?
- Nan, c’est Clémence, répondis-je.
- Qu’est-ce que tu as encore fait… !!!
- Rien du tout ! me défendis-je
avant de lui expliquer tout ce qui s’était passé aujourd’hui.
Mon amoureux m’écouta patiemment et attentivement. Lorsque j’eus
terminé mon récit, il y eut un silence.
- Allô ? Tu es toujours là ?
- Oui, oui…
- Ça va ?
- Oui, ça va ! J’étais en train de
me dire que c’est absolument génial comme idée. On devrait faire ça dans tous
les pensionnats de France !
- Ah ouais, tu trouves ?
- Je vais même en parler à mon Directeur
une fois que nous aurons raccroché. C’est vraiment super, comme idée ! C’est
la solution à beaucoup de problèmes !
- Si tu le dis… Cependant, j’en veux
beaucoup à Monsieur Éric de ne pas m’avoir prise avec lui ! Il m’a laissée
avec Monsieur John ! Tu te rends compte ?!
- Il a très bien fait, dit mon homme.
- Pardon ?!
- Il a très bien fait !
répéta-t-il.
- Non, ce n’est pas ça que tu dois dire !
Tu es mon petit ami, tu es censé être de mon côté !
- Clem’, Monsieur Éric est beaucoup trop
attaché à toi pour rester impartial. Au fur et à mesure du temps, il serait
devenu plus laxiste avec toi qu’avec les autres et ça, ce n’est pas possible !
- Mouais. N’empêche que me mettre
Monsieur John à la place, c’est un véritable cauchemar !
- Si ma mémoire est bonne, tu m’as dit
que tu souhaitais avoir Madame Jeanne comme mère-référente, non ? Tu l’as
eue ! Et il t’a laissée avec Mathilde. John est clairement l’homme qu’il
te faut pour mettre un cadre dans tout ça. Et je parie tout ce que je possède
que dans quelques semaines, il sera un deuxième père pour toi et tu l’aimeras
profondément.
- Jamais de la vie !
- On en reparlera, Clémence. On en reparlera.
Je me tus quelques instants. Je ne pouvais supporter l’idée de
considérer Monsieur John comme un père de substitution ! Avec les
différentes tortures qu’il m’a infligées, je devrais l’aimer ?!
Impossible ! Brisant le silence, mon amoureux reprit :
- Tu es tellement aveuglée par le
chagrin de mon départ et la mise en place de son autorité que tu ne voies même pas
qu’il est totalement celui qu’il te faut. C’est légitime que tu ressentes tout
ça ! Je dis juste que quand tes
émotions négatives se seront atténuées, tu pourras enfin voir que John est un
homme en or massif, et il est pile poil le père-référent qu’il te faut. Il t’a
cernée, il sait comment tu fonctionnes, il connaît tes traumatismes, tes
forces, tes faiblesses, tes blessures… Il a un don pour déceler cela en chaque
personne. Et le fait qu’il t’ait choisi, qu’il veuille s’occuper de toi… Tu devrais
le considérer comme un véritable honneur. En tout cas, moi, je vais le
remercier.
- Pffff
- Quant à Jeanne, poursuivit Matthieu
sans relever ma réaction, elle est douce, gentille et bienveillante, mais elle
est également très intelligente. N’essaie pas de lui mettre à l’envers parce qu’elle
te flanquera une volée ! Je mettrais même ma main à couper que tu prendras
plus de fessées de sa part que de celle de John !
- Tu ne tiens pas à ta main, alors !
ris-je.
- Bien sûr que si, c’est mon outil de
travail. Justement ! Je sais ce que je dis. On en reparlera dès jeudi, tu
verras ! Je parie même que dès demain, Jeanne va te flanquer une bonne
fessée !
- Pour quelle raison ferait-elle ça ?!
- Ce ne sont pas les raisons qui
manquent, avec toi !
- Je vais être sage comme une image, juste
pour te faire mentir ! râlai-je.
- C’est ce qu’on verra.
- Elle n’a pas le droit de lever la main
sur les élèves qui ne sont pas ses filles-référentes, dis-je. Ça se trouve,
elle ne sait même pas donner une fessée !
Matthieu éclata de rire au téléphone, ce qui m’agaça grandement.
Je l’envoyai paître et lui dis un furtif « Je t’aime » avant de lui
raccrocher au nez.
Lorsque Monsieur John
vint récupérer son téléphone, il le consulta et me dit : « Si j’écoutais
Matthieu, je devrais te donner trois bonnes claques sur les fesses pour lui
avoir raccroché au nez ! ». Après m’avoir montré le texto envoyé par
mon aimé, Monsieur John brandit sa main. Reculant, je le priai :
- Vous n’allez tout de même pas le faire ?!
- Non, sourit-il. Vos histoires ne me
regardent pas. Aller, va te préparer pour dormir. Si je me souviens bien, à
cause de ton emploi du temps aménagé pour le piano, tu dois rattraper un
contrôle en espagnol, demain. J’espère que tu connais ta leçon !
- Oui, oui ! mentis-je, pensant que
j’avais totalement oublié ce dit contrôle. Bonne nuit, Monsieur !
- Bonne nuit, Clémence.
Ce soir-là, je transgressai le
couvre-feu pour pouvoir réviser mon espagnol.
A suivre…
Quelle bonne surprise de découvrir ce nouveau chapitre ce matin 😊
RépondreSupprimerVoilà Clémence désormais entre les mains de Mr John et Mme Jeanne ?!
Un premier bon-point pour John avec le prêt de son téléphone.
Clémence cherche déjà les ennuis en transgressant le couvre-feu pour apprendre sa leçon 🤔 Est-ce que ça va passer inaperçu ? Mme Valérie la surveille de près ! Et du coup, l'expérience d'une première fessée de la part de Mme Jeanne serait-elle proche comme le prédit Mathieu ??
Clémence va-t-elle mener la guerre contre Valentine et Salomé, ses pires ennemies qui ont pris leur place auprès de Mr Éric ?
Les suites ne vont sûrement manquer de ''couleur'' 😡
Sympa cette deuxième partie. La tendresse, ça fait du bien de temps en temps...
RépondreSupprimerOh oui ... et Clémence en a bien besoin 😊
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