Jeudi 7 novembre 2019
- Je vous dis que je suis
dans la merde ! insista Mathilde alors que nous prenions le petit
déjeuner. Si Monsieur Mickaël m’a donné rendez-vous, je suis sûre que c’est
pour parler de mes notes !
- Peut-être pas,
tentai-je.
- Oui, peut-être que
c’est pour autre chose ! dit Jessica.
- J’ai onze de moyenne
générale, avoua Mathilde. Je suis l’une des moins douées de cette école !
- Pourquoi ne m’as-tu
jamais demandé de t’aider ? interrogeai-je.
- Je suis un cas
désespéré ! répondit Mathilde avec les larmes aux yeux. Je ne comprends
jamais rien… Pour m’aider, il faudrait que tu fasses mes contrôles et mes
devoirs à ma place !
- C’est d’accord,
acceptai-je après un court silence.
- Euh… Pardon ?!
s’étonna ma meilleure amie.
- J’accepte de faire tes
contrôles et tes devoirs à ta place ; mais en contrepartie, tu te
dénonceras à ma place si ça sent le roussi pour moi. Si ça te va, on fait un
pacte.
- Euh… Ok, bégaya
Mathilde.
Nous nous serrâmes alors la main pour sceller
notre pacte.
- Essaie de ne pas faire
trop de conneries quand même… grommela Mathilde.
- Math’, je
déconnais ! lui avouai-je. Je ferai tes devoirs à ta place, et je
t’aiderai à tricher pendant les contrôles en te laissant copier sur moi ;
mais je n’attends pas de contrepartie ! Tu es ma meilleure amie !
- Tu es vraiment la plus
merveilleuse personne du monde ! s’exclama ma coloc’ en me prenant dans
ses bras.
Notre câlin finissait à peine que Monsieur John
s’avança vers nous. Après nous avoir saluées, il déclara :
- Mathilde, nous avons
rendez-vous Madame Jeanne, toi, et moi pour la remise de ton bulletin de
mi-trimestre à dix-huit heures dans ta classe, avec Monsieur Mickaël. J’ai
entendu dire que tes notes étaient très basses donc je te conseille d’ores et
déjà de préparer tes fesses !
Tandis que je regardais ma meilleure amie
blanchir à vue d’œil, Monsieur John poursuivit :
- Quant à toi Clémence, si
tu n’es pas encore au courant, je t’informe que c’est à dix-sept heures trente
que nous avons rendez-vous avec Monsieur Mickaël. Tu ne devrais pas avoir de
souci à te faire pour cet entretien ; en revanche, je veux te voir dans
mon bureau, ce midi après le déjeuner. Nous discuterons de ta note
catastrophique en espagnol !
Ce fut à mon tour de blanchir. Monsieur John
reprit :
- Je ne suis vraiment pas
content de vous aujourd’hui, les filles ! Tâchez de ne pas faire de
vagues supplémentaires ! Ce n’est vraiment pas le jour !
Le Surveillant Général nous laissa seules,
Mathilde et moi, avec nos angoisses les plus profondes. Nos amies tentèrent de
nous rassurer, sans résultat. Pour ma part, j’étais complètement paniquée.
- Je vais prendre une
fessée à cause de cette maudite note d’espagnol ! me lamentai-je, les
larmes aux yeux.
- Tu en as pris d’autres,
me dit Abigaëlle pour tenter de me faire dédramatiser.
- Certes, mais tu ne sais
pas ce que c’est que d’en recevoir une de la part de Monsieur John ! C’est
la pire torture au monde !
- Tu n’exagères pas un
peu, là ? s’étonna Naomy.
- Je vous jure que non,
répondis-je. Je préfèrerai être noyée ou électrocutée que d’atterrir à nouveau
sous la main du S.G. !
Ma réplique conforta tout le monde dans l’idée
de ne pas provoquer mon père-référent.
Le
premier cours de la journée fut la littérature : nous avions une évaluation
d’analyse littéraire sur Gargantua : c’était le moment de tenir ma
parole envers Mathilde.
Tandis qu’elle commençait à transpirer sur sa
copie, je mis la mienne bien en évidence pour qu’elle puisse y jeter un œil. Je
lui faisais confiance pour remanier les phrases et éviter que la copie des
réponses soit trop flagrante.
- Tourne, me chuchota
discrètement Mathilde.
J’obéis en faisant apparaître le verso de ma feuille,
moi qui avais déjà terminé depuis plusieurs minutes.
- Clémence et
Mathilde ! intervint Monsieur Mickaël. J’espère que vous ne trichez pas !
- Pas du tout, Monsieur !
mentis-je.
- Je t’ai vue tourner ta feuille,
déclara notre professeur.
- Je me relisais,
Monsieur, improvisai-je.
Détournant le regard, Monsieur Mickaël se leva
et passa dans les rangs ; je profitai qu’il soit à l’autre bout de la
classe pour rapprocher ma copie de Mathilde.
Soudain, notre professeur apparut de nulle part
et arracha nos deux copies au regard et à la main de Mathilde. Il les déchira
sous nos yeux puis nous gronda :
- Vous savez très bien
que je suis un gentil prof, mais s’il y a bien quelque chose que je ne supporte
pas, c’est qu’on se paye ma tête !
- Mais Monsieur…
- Je ne veux pas vous entendre !
Ça fera un zéro pour toutes les deux ; et un aller simple chez le
Surveillant Général.
- Monsieur, non !
priâmes en chœur Mathilde et moi.
- C’est notre père-référent !
poursuivis-je. Il va nous tuer s’il apprend…
- …que vous avez triché ?
termina Monsieur Mickaël. Il l’apprendra de toute façon d’une manière ou d’une
autre. Il vaut mieux que ce soit au plus tôt ! Filez dans son bureau,
maintenant !
- Monsieur, je vous en
prie ! supplia Mathilde en commençant à pleurer. Ça va vraiment barder…
- Vous méritez une bonne
fessée, toutes les deux ! trancha le professeur de littérature. Elle sera
donc amplement méritée !
- Mais Monsieur…
- Faut-il que je vous y
emmène moi-même ?! insista Monsieur Mickaël. Je doute que Monsieur John apprécie !
La mort dans l’âme, Mathilde et moi nous levâmes,
attendîmes que le littéraire finisse d’écrire le mot à destination de notre
père-référent, et sortîmes de la classe.
Nous
pleurions avant même d’arriver devant la porte du bureau du Surveillant Général.
- Au pire, on n’a qu’à s’enfuir !
proposa Mathilde.
- On a déjà essayé, tu te
souviens ? lui rappelai-je. Ça nous a ajouté des tas de problèmes
supplémentaires !
- Clémence, je ne peux
pas y aller ! sanglota ma meilleure amie. Je suis trop jeune pour mourir !
- N’exagère pas, lui ordonnai-je
en séchant mes propres larmes. On va se prendre une fessée comme on en a déjà
prises, voilà tout ! Ça va être très douloureux mais ce ne sera qu’un mauvais
moment à passer !
- Et si on n’y allait pas et
qu’on attendait la fin du cours dans les toilettes ? proposa-t-elle.
- Monsieur Mickaël va
forcément en parler à Monsieur John. Si ce dernier apprend que nous ne sommes
pas venues, ce sera pire !
- Je n’arrive pas à me
résoudre à toquer à la porte ! avoua Mathilde.
Je pris une profonde respiration, puis abattit
trois fois mon index replié contre la porte du bureau de Monsieur John.
- Entrez !
J’ouvris la porte et poussai Mathilde dans le
dos pour qu’elle puisse avancer. Elle était paralysée par la peur, et moi
aussi.
En nous voyant, forcément, Monsieur John gronda :
- Qu’est-ce que vous avez
fait ?! Ne me dîtes pas que vous avez fait des bêtises !
Après avoir pris le mot des mains paralysées de
Mathilde, je m’approchai en silence du bureau de notre père-référent et lui
tendis le papier.
Il posa son stylo sur son sous-main, ferma le
dossier sur lequel il était en train de travailler et prit le post-it. Il lut à
voix haute :
- Monsieur le Surveillant
Général, veuillez accepter Mesdemoiselles Clémence et Mathilde qui ont triché à
leur évaluation. Je vous les envoie donc après qu’elles aient écopé d’un zéro. Bien
cordialement, Monsieur Mickaël.
Il y eut un silence, puis Monsieur John dit
froidement :
- Je suppose que c’est
Mathilde qui a copié sur Clémence. Et je suppose que Clémence l’a laissée faire.
Ai-je tort ?!
- Non Monsieur, murmurai-je.
Le regard furieux de notre père-référent passa
de l’une à l’autre, tandis que sa respiration devenait de plus en plus
bruyante. Puis, il se leva d’un coup, devant nos mines effrayées.
- Monsieur, pitié !
bredouilla Mathilde. Pitié, Monsieur !
Ignorant la supplique de ma meilleure amie, Monsieur
John l’attrapa, la pencha sous son bras, et lui administra une impressionnante
déculottée, tellement impressionnante que je me reculai jusqu’à être collée contre
le mur. En voyant le derrière de Mathilde devenir rouge pivoine, je glissai
jusqu’au sol, priant pour que mon père-référent m’épargne le même calvaire.
Monsieur John ne pipait mot, signe qu’il était
vraiment très en colère. D’habitude, il nous gronde ; mais là, rien. Pas
un seul mot ne sortait de sa bouche. Les claques que Mathilde recevait
parlaient pour lui.
Et il l’envoya au coin. Et il s’approcha de
moi. Et je le priai, prostrée au sol. Ce n’était qu’une fessée ; je le
savais. J’en avais déjà reçu plein. J’y avais survécu, à chaque fois !
Mais avec Monsieur John, ce n’était pas la même chose. C’était une fessée comme
personne au monde n’avait envie d’en prendre.
J’y
survécu, même si j’avais pleuré toutes les larmes de mon corps. Me retrouvant
face au mur à côté de Mathilde, je n’arrivais pas à penser à autre chose qu'à la
brûlure lancinante de mon postérieur.
Monsieur John n’avait toujours pas pipé mot. Il
avait passé dix courtes minutes à nous punir l’une après l’autre, mais il n’avait
toujours pas ouvert la bouche, même pas pour nous envoyer au coin : il
nous avait fait comprendre d’y aller, d’un seul regard.
Mathilde
et moi restâmes face au mur, sans bouger, jusqu’à ce que la sonnerie de fin de
cours retentisse dans l’établissement. Monsieur John, qui avait repris son
travail, ouvrit enfin la bouche et nous ordonna :
- Rhabillez-vous et venez
ici !
Nous nous exécutâmes, bien évidemment. Le
Surveillant Général ouvrit son tiroir et en sortit une énorme brosse à cheveux
en bois qu’il posa sous nos yeux.
- Il va me falloir
beaucoup de temps pour digérer ce que vous avez fait ce matin ! Je vous
conseille de vous tenir à carreaux, Mesdemoiselles ! Regardez bien cette
brosse ! Regardez-la, j’ai dit ! A la prochaine incartade, je vous
garantis qu’elle tannera vos fesses jusqu’à ce que vous ayez du mal à vous
asseoir ! Je ne veux pas entendre une seule plainte vous concernant, vous m’entendez ?!
Pas une seule ! Si l’on me dit que vous n'êtes pas sages, ou que vous n’avez
pas assez travaillé, même que vous avez regardé en haut au lieu d’en bas, ce
sera la brosse ! Suis-je clair ?!
- Oui Monsieur, chuchotâmes
Mathilde et moi.
- Et la réception de
cette brosse ne vous dispensera nullement d’une autre fessée manuelle ! De
plus, Monsieur Mickaël a fusionné vos deux rendez-vous à dix-sept heures trente
pour la remise de vos bulletins ; j’espère qu’il n’a rien à m’apprendre de
plus que ce que je sais déjà !
- Non Monsieur !
répondis-je plus fort.
- Il y a intérêt, les
filles ! Suivant ce qui va se dire ce soir, il se peut que cette brosse
ait déjà du travail ! Déguerpissez, maintenant ! Allez en cours !
Et que je n’entende pas parler de vous !
Mathilde et moi nous séparâmes : elle
allait en histoire-géo, et moi au piano.
Cette
brosse m’avait vraiment fait froid dans le dos, même si j’étais persuadée en mon for intérieur qu’il ne pouvait rien y avoir de plus terrifiant que la main
du Surveillant Général.
Le
piano se passa mal ; tellement mal que Monsieur Alexandre me flanqua cinq
bonnes claques sur la jupe car j’avais été insolente, selon lui. Cinq claques
sur la jupe, ça aurait été de la rigolade pour moi en temps normal ; mais
avec la rouste que je venais de prendre par Monsieur John, ces cinq claques me
firent un mal de chien.
- Réponds-moi encore une
fois et je te flanque une déculottée ! Maintenant refais-moi ton exercice,
et correctement, je te prie !
Je me tins à carreaux jusqu’à la fin du cours :
je me réfugiai dans le mutisme et fis mes exercices sans broncher.
Après
le repas du midi, Monsieur Thomas me rendit ma copie d’espagnol en présence de
Monsieur John. J’écarquillai les yeux en voyant le « 3/20 » noté en
rouge en haut de ma copie, accompagné de l’appréciation « Affligeant ! ».
- Nous sommes bien d’accord
que tu n’avais absolument pas travaillé, Clémence ?! me gronda Monsieur
Thomas.
- Non Monsieur, bredouillai-je.
- Tu avais 18,78 de
moyenne en espagnol, rappela le professeur. Avec ce contrôle, tu tombes à 14,17.
Je ne suis vraiment pas content de toi !
Tournant la tête vers Monsieur John, je lui
demandai, mes joues emprisonnées par mes larmes :
- Vous allez me donner la
brosse ?
- Non, car cette note est
antérieure à ta bêtise de ce matin, répondit-il fermement.
- Vous allez me punir ?
interrogeai-je pour en avoir le cœur net.
- Tu penses que je
devrais le faire ? rétorqua Monsieur John.
Je ne répondis pas. Ça sentait la question
piège. Je peinais déjà à tenir assise sur ma chaise.
- Je souhaite que
Clémence soit punie, intervint Monsieur Thomas. Sinon, rien de la dissuadera de
réitérer ce genre d’exploit ! Je refuse catégoriquement qu’une telle note
ait un doublon !
- Monsieur, pas la
fessée, s’il vous plaît !! priai-je, en regardant mon père-référent. J’en
ai déjà reçu une ce matin…
- Effectivement, poursuivit-il,
et elle était bonne. Cependant, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même d’avoir déjà
reçu une déculottée ce matin ; tout comme c’est uniquement ta faute si tu
as écopé d’une telle note en espagnol.
- Punissez-moi autrement !
dis-je. Mais pas la fessée, pitié !
- Il semble pourtant qu’il
n’y ait que cela que tu craignes réellement, déclara le S.G.
- Mais…
- Je ne peux pas laisser
passer cela, Clémence. Je suis désolé mais je ne peux te laisser aucune marge
de manœuvre.
Et il me bascula sur ses genoux.
Si la déculottée que je reçus devant mon prof d’espagnol
fut plus légère que celle de ce matin, je la sentis tout de même vraiment bien
passer !
En
sortant de la classe d’espagnol, je me rendis compte que j’en avais ras-le-bol.
Pourquoi tout le monde était-il obligé d’être aussi sévère ?!
Et il restait le rendez-vous avec Monsieur
Mickaël ce soir. J’étais persuadée que ni mes fesses, ni moi n’y survivrions !
A suivre…
Mauvaise journée pour Clémence et Mathilde ! Et ele n'est pas finie ?!
RépondreSupprimerMathilde sait déjà ce qui l'attend.
Et Clémence ? A-t-elle quelque-chose à se reprocher ?
Vivement la suite 🙏
La soirée s’annonce longue pour les filles. Vivement la suite 🙏
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