Vendredi 8 novembre
2025
- Dépêchez-vous !
Aller, debout ! Il faut que vos chambres soient impeccables !
Les surveillantes du dortoir n°2 nous aboyaient
dessus et nous nous agitions sans trop savoir pourquoi : ce n’était pas le
traitement qui nous était réservé d’habitude, surtout à sept heures trente du
matin !
Fait
encore plus inhabituel : Monsieur Éric vint en personne inspecter le
moindre recoin de chaque chambre.
- Mais enfin, qu’est-ce
qui se passe, Monsieur ?! lui demandai-je alors qu’il vérifiait la nôtre.
- Je n’ai pas le temps de
t’en parler ma grande, j’ai encore quinze chambres à vérifier. Je vous
expliquerai tout au réfectoire pendant que vous prendrez votre petit déjeuner.
D’ici une demi-heure, vous saurez.
- C’est grave ? s’inquiéta
Mathilde.
- Ça peut l’être, répondit
le Directeur avant de sortir de la pièce.
Mathilde et moi nous jetâmes un regard
angoissé. Que Diable s’était-il passé ?!
Lorsque
Naomy arriva à table avec la joue rouge, je lui demandai instantanément :
- T’as pris une baffe ?
C’est toi qui a déclenché tout ce merdier ?
- J’ai pris une baffe
parce que mon lit n’était pas fait au carré ! râla Naomy. Je ne sais pas
quelle mouche a piqué le Dirlo aujourd’hui mais c’est une vraie teigne !
- On va vite le savoir, annonça
Mathilde en regardant Monsieur Éric monter sur l’estrade.
Monsieur le Directeur afficha vraiment un
visage anxieux. Très anxieux, même. Une boule se forma dans mon ventre lorsqu’il
débuta :
- Votre attention s’il
vous plaît ! Mesdemoiselles les élèves, Messieurs Dames les professeurs,
Messieurs Dames les Intendants, Messieurs les Directeur-Adjoint et Surveillant
Général.
Certains d’entre vous l’ignorent,
mais notre établissement fait partie d’une fondation. La fondation « Adrian Farlane
» dirige une vingtaine d’établissements dans le monde entier, dont sept en France.
- Qu’est-ce que ça peut
nous faire ? me demanda Mathilde en chuchotant.
- Le siège de cette fondation,
continua Monsieur Éric, se trouve au Royaume-Uni, à Stirling, en Ecosse. C’est
naturellement là-bas que siège le Directeur Mondial de la Fondation :
Monsieur George Farlane ». Or, il arrive que Monsieur George visite les
établissements. J’ai donc été informé cette nuit que Monsieur George arrivait
ce matin à dix heures pour visiter notre école.
De nombreux chuchotements se levèrent dans l’assemblée,
ce qui fit crier un « Silence ! » à Monsieur John. Le Directeur
reprit :
- Monsieur George va
vérifier chaque recoin de l’établissement, et c’est un juge particulièrement
exigeant. Je vous prierais donc de bien vouloir vous tenir correctement. Pour
tout vous avouer : il en va de ma place ici.
Un silence assourdissant naquit après les mots
de Monsieur Éric. Si nous ne réussissions pas cette visite, Monsieur Éric serait
viré ?! Impossible !
Je levai alors la main :
- Mais Monsieur : ce
n’est pas vous le Directeur de toutes les autres écoles ?
- Je suis le référent des
écoles françaises, Clémence. Mais pas internationales. Monsieur George est mon
chef.
Après une légère pause, le Directeur reprit :
- Je préfère vous
prévenir tout de suite : Monsieur George est loin d’être commode ! Il
se peut que vous receviez la canne pour un simple regard de travers ! Par
conséquence, ne cherchez pas à vouloir le provoquer ou l’intimider : vous
le paierez très cher !
Nous nous jetâmes des regards terrifiés.
- Il va également vérifier
vos dossiers dans leur entièreté, poursuivit le Dirlo. Je demande particulièrement
à celles qui n’ont pas un dossier glorieux de faire profil bas aujourd’hui !
- Oh ça y est, je vais
mourir ! me lamentai-je. Ce Monsieur George va me tuer !
- Monsieur George arrive
dans deux heures. Je vous dispense de cours ce matin pour pouvoir l’accueillir.
Vos cours reprendront à treize heures trente. De plus, je veux tout le monde dans
le hall à neuf heures trente précises. Vos uniformes et coiffures devront être
impeccables ! En attendant, l’équipe intendante qui travaille actuellement
de façon acharnée pour faire en sorte que l’établissement brille à dix heures, a
besoin de volontaires. Merci à celles qui se joindront à eux. Je vous laisse maintenant
terminer votre repas. Neuf heures et demie tapantes dans le hall ! Gare à
celles qui seront en retard !
Monsieur Éric descendit de l’estrade et tout le
monde se mit à parler :
- Avec mon dossier, je suis
fichue ! déplorai-je. Cet écossais de mes deux va me dégommer !
- Et moi donc !
poursuivit Abigaëlle. Moi je suis déjà allée en cellule, je te signale !
- Moi aussi… me désolai-je.
A neuf heures et demie
pétantes, nous étions toutes là : les cinquante-deux élèves, fidèles au
poste et rangées par ligne de dix.
Monsieur Éric passait lui-même dans les rangs
pour vérifier nos tenues. Nous devions nous tenir droites, les mains dans le
dos, avec interdiction de bouger ou de parler. C’était une véritable torture :
mais il fallait bien cela pour que notre Directeur garde sa place !
Lorsque Monsieur Éric passait, il flanquait
trois bonnes claques sur le derrière de celles qui n’avaient pas correctement arrangé leur uniforme ; et forcément, avec mon bout de chemise mal rentré dans ma
jupe, j’eus trois à ces trois claques made in Monsieur Éric. Je bénis
instantanément les soins plus qu’efficaces de cette vieille peau d’infirmière.
Si je ne les avais pas reçus hier soir, j’aurais hurlé en prenant ces trois
claques !
Monsieur
George était à l’heure. L’Anglais dans toute sa splendeur. L’homme devait
mesurer un mètre soixante-dix, j’estimai qu’il devait peser dans les quatre-vingts
kilos. Très brun, il avait les cheveux plaqués sur la gauche. A le voir, la
seule chose qui le différenciait d’Adolf Hitler était sa moustache : elle
n’était pas courte et carrée mais plutôt longue et s’étirant sur les côtés en
une sorte de boucle, à la manière de ces aristocrates anglais d’un autre temps.
Vêtu d’un costume en tweed marron, il ne lui manquait plus que le monocle et la
pipe pour parfaire le look de Sherlock Homes. Il portait des lunettes rondes laissant voir ses yeux d’un noir de jais.
Il portait à la main un cartable en cuir marron.
Je ne voulais vraiment pas savoir ce qu’il contenait.
Monsieur George serra
la main de Monsieur Éric, puis celle de tous les employés tandis que nous
restions là, à le regarder faire. Son salut avec Monsieur John fut le plus chaleureux :
on aurait dit que mon père-référent était l’employé du mois !
Puis,
ayant fait le tour de tout le personnel, il se posta devant nous en disant :
- Bonjour Mesdemoiselles !
- Bonjour Monsieur
George, répondîmes-nous en chœur puisque nous y avions été programmées.
- Je suis là pour vérifier
que votre établissement tourne correctement et qu’il est bien géré, dit-il tandis
que Monsieur Éric resserrait sa cravate.
Ce mec avait beau être anglais, il parlait un
français parfait !
Monsieur George se tourna vers notre Directeur et
lui ordonna :
- Apportez-moi ici et maintenant les dossiers des cinq élèves les plus récalcitrantes.
- Les plus récalcitrantes,
Monsieur ? questionna Monsieur Éric après avoir failli s’étouffer.
- Exactement, répondit
Monsieur George. C’est le premier critère d’évaluation. S’il y a des élèves
récalcitrantes dans votre établissement, c’est que vous faîtes mal votre
travail. La discipline est le leitmotiv de notre fondation. Alors, Éric ?
J’attends !
Notre Directeur, qui commençait à transpirer,
se tourna vers Monsieur Lionel en disant :
- Peux-tu me ramener les
dossiers d’Abigaëlle, Valentine, Willow, Salomé et…
Je retins ma respiration.
- … et Clémence, s’il te
plaît ?
C’en était fini de moi.
Nous
attendîmes plusieurs minutes, toujours nous tenant droites les mains dans le
dos, que le Directeur-Adjoint revienne avec les dossiers. Monsieur George se fit
apporter une table et une chaise et s’installa devant nous pour consulter ces
dossiers.
Il ouvrit en premier le dossier d’Abigaëlle, première
dans l’ordre alphabétique. Il commenta à voix haute :
- Des notes déplorables, un
comportement digne d’une délinquante, c’est parfaitement affligeant ! Où
est cette Abigaëlle ?
- Dans le rang, Monsieur,
répondit notre Directeur.
- Mademoiselle Abigaëlle !
gronda l’Anglais. Venez vous mettre ici, devant ma table !
Toute tremblante, Abigaëlle sortit du rang et
obéit. Monsieur George reprit :
- Vous avez une accumulation
de bêtises qui dépasse l’entendement, Mademoiselle ! la gronda-t-il. Je
déplore que l’on vous ait laissée faire ! Vous êtes pourtant allée en
cellule, dans la salle grise, et…
- La salle grise était
collective, Monsieur, précisa Abi.
- Vous vous permettez d’interrompre
l’adulte lorsqu’il vous réprimande ?! gronda très fortement Monsieur George.
Mais pour qui vous prenez-vous ?! Penchez-vous immédiatement sur la table !!
Abigaëlle s’exécuta. Sous nos regards effrayés,
Monsieur George se leva et enleva sa ceinture. Puis, il souleva la jupe d’Abigaëlle
et baissa sa culotte.
- Vous comptez,
Mademoiselle ! annonça l’Anglais. Vous prendrez autant de coups qu’il
faudra pour faire taire votre insolence désolante !
Abigaëlle reçut trente horribles coups de ceinture (chacun laissait une marque impressionnante !) qu’elle eut bien du mal à encaisser. Les nombres qu’elle prononçait
étaient déchirants de douleur et de compassion. Ce Monsieur George était un véritable monstre !!
Après avoir ordonné à Abigaëlle de se rhabiller
et relever, Monsieur George se rassit sur sa chaise et poursuivit, nullement
interpellé par les pleurs nombreux et profonds d’Abigaëlle :
- Donc la cellule et la
salle grise. Cela ne fait que deux mois que vous êtes ici, vous avez déjà commis cinquante-quatre infractions et reçu cinquante-quatre corrections ! A quoi ont-elles servi, dîtes-moi ?! A
vous apprendre à interrompre les adultes qui vous sermonnent ?!
Le Directeur Anglais se tourna vers Monsieur Éric
et disant :
- Mais quelles
corrections donnez-vous pour que vos élèves se tiennent de la sorte ?!
Deux petites claques sur la jupe, c’est cela ?! Dans mon établissement, l’élève
la plus récalcitrante a reçu cinq corrections ; et c’est déjà énorme !
Cinquante-quatre, Éric ! Est-ce une farce ?! Est-ce pour me faire
marcher ?! Est-ce cela que vous appelez tenir un établissement ?!
Puis, en montrant Abigaëlle de la main, il poursuivit :
- Ce que je viens d’infliger
à votre élève s’appelle un rappel à l’ordre ! Pas une correction !
Peut-être va-t-il falloir redéfinir ces termes car nous ne semblons pas être
en accord !
Monsieur Éric hocha la tête et tendit le dos. Nous
voyions toutes qu’il était bien agacé de se faire ainsi réprimander devant nous !
- Mademoiselle Abigaëlle,
je vous donne rendez-vous dans le bureau de votre Directeur à dix-sept heures
tapantes ! Je vais vous apprendre à être une fauteuse de troubles et vais, au passage,
montrer à vos dirigeants ce que c’est que de donner une véritable correction !
Retournez à votre place !
Abigaëlle, qui ne pouvait cesser de pleurer
tant elle devait avoir mal aux fesses, retourna à sa place, penaude.
Monsieur George poursuivit :
- Mademoiselle Clémence,
je vous verrai à dix-sept heures trente dans ce même bureau ! Mademoiselle
Salomé, à dix-huit heures ! Mademoiselle Valentine à dix-huit heures
trente ! Mademoiselle Willow à dix-neuf heures !
Il se tourna ensuite vers l’assistante qui l’accompagnait
et dit :
- Veuillez prévenir toute
l’équipe : je serai absent toute la semaine. D’après ce que je viens de
voir, il y a beaucoup de travail dans cette école, et une seule journée ne
suffira pas à recadrer les choses ! Je vous le dis, Éric, vous avez du
souci à vous faire !
Il se leva, et, demandant la direction des
toilettes, sortit de la pièce en fulminant : « Cinquante-quatre corrections…
Non mais franchement ! N’importe quoi ! ».
Pour
ma part, avec cette convocation à dix-sept heures trente, je pensai à rédiger
mon testament. En voyant ce qu’Abigaëlle avait reçu pour « simple rappel à
l’ordre », la Terrible de mon frère ne me semblait plus si terrible que ça !
A suivre…
Un tremblement de terre au sein du pensionnat ?!?!?!?!!!
RépondreSupprimerOh non, non, non !!!
S'il vous plaît 🙏🙏🙏🙏🙏 ne faites pas partir Monsieur Éric ! Il ne mérite pas ça ☹ c'est un excellent directeur !!!
J'espère que l'équipe encadrante va le soutenir inconditionnellement ?!
Et j'espère que Monsieur John ne l'a pas trahi !?
Ça va être l'enfer pendant une semaine avec ce Monsieur Georges !!!!
L'infirmière va avoir du boulot !!!
Hâte de savoir 🙏
Supprimer