Mercredi 13 novembre
2019
Clémence.
- Non mais qui est-ce qui
m’a flanqué un fils pareil, bon sang ?! De mes dix enfants, il a fallu que
ce soit le plus idiot qui ait souhaité reprendre la Fondation !
Cela faisait maintenant un bon quart
d’heure qu’Adrian Farlane grondait son fils devant tout le réfectoire pour mon
plus grand plaisir. Cette joie intense que je ressentais après tant de jours
passés à être brimée et humiliée était indescriptible. Le Seigneur avait entendu
mes prières et avait murmuré à l’oreille de Monsieur Éric ! J’étais
tellement reconnaissante ! Et j’étais également très reconnaissante envers
mon Directeur préféré qui avait eu l’audace de se rendre directement en Ecosse
pour plaider notre cause !
Le vieux Farlane poursuivait en postillonnant :
- Tu te crois aux
commandes, Georgie ? Je te rappelle que je ne suis pas encore mort !
Et même si tu crois que j’ai un pied dans la tombe, n’oublie pas qu’il m’en
reste encore un pour te botter le derrière ! Éric a dû venir me chercher
au fin fond de l’Ecosse pour me présenter sa démission ! Il est hors
de question que je perde l’un de mes meilleurs éléments à cause de ta
stupidité ! Tu m’entends ?! Est-ce que tu m’entends, Georgie ?!
- Oui Père !
répondit le fils en esquivant un coup de canne donné par Adrian.
- Le jet est prêt, tu
rentres en Ecosse ! annonça le patriarche. Tu as fait assez de dégâts
comme ça. Je vais remettre de l’ordre dans cet établissement maintenant que tu
y as mis une pagaille indescriptible !
- Mais Père…
- Tu rentres, j’ai
dit ! insista le vieil homme en donnant un nouveau coup de canne qui,
cette fois, atteignit sa cible, à savoir le genou gauche de George.
Monsieur Éric afficha un visage triomphant en
regardant le fils Farlane sortir du réfectoire en boitant, flanqué de son fidèle
Monsieur Hans.
Lorsqu’ils se furent tous les deux éclipsés,
Adrian s’adressa au Directeur :
- Nous allons nous enfermer
dans votre bureau toute la matinée pour que j’étudie en détails la gestion de
cet établissement. Veuillez veiller à ce qu’on ne soit pas dérangés.
- Bien Monsieur, répondit
Monsieur Éric en se dirigeant vers ses quatre assistants, sûrement pour leur
donner des consignes.
Lorsque mes camarades et moi sortîmes du
réfectoire après avoir fini notre petit déjeuner, rien ne pouvait entacher
notre joie. Le Pensionnat allait enfin redevenir vivable !
Monsieur Éric.
Comme
l’avait explicitement demandé mon patron, nous nous enfermâmes dans mon bureau
pour le reste de la matinée.
Adrian
Farlane passa l’ensemble de l’établissement au rayon X : il examina attentivement
le règlement intérieur, regarda les dossiers de chaque pensionnaire en s’arrêtant
longuement sur les pages disciplinaires, porta une attention particulière au
dossier budgétaire, inspecta les dossiers de chaque employé… Tout y passa. Je
me tenais à côté de lui faisant les cents pas, me tenant prêt à répondre à la
moindre de ses questions et restant fébrile en attendant son verdict.
Il était
près de onze heures et demie lorsqu’il enleva ses lunettes et me toisa de son
regard perçant en me disant :
- Ce pensionnat est très
bien géré, mon cher. Je suis on ne peut plus satisfait ! Néanmoins, il est
vrai qu’il y a, parmi vos pensionnaires, davantage de chipies que les années précédentes.
Avec votre accord, nous allons maintenir quelques petits changements initiés par
mon imbécile de fils. Asseyez-vous pour que nous puissions en parler.
Clémence.
Mathilde
et moi travaillâmes sur notre exposé d’anglais toute la matinée. Lorsque
retentit la sonnerie de l’heure du déjeuner, nous en étions étonnées :
nous n’avions pas vu le temps passer !
A nouveau dans le
réfectoire pour ce temps du midi, Monsieur Adrian se plaça au milieu de
l’estrade et s’adressa à l’ensemble du personnel et des élèves :
- Chers tous. Une réunion
du personnel aura lieu cette après-midi de 13h30 à 15h00. En conséquence, tous
les cours particuliers prévus sur ces horaires sont annulés. Une autre réunion
en présence de toutes les élèves aura lieu en début de soirée de 17h30 à 19h.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite un bon appétit !
Un brouhaha débuta à la fin de la prise de
parole d’Adrian ; mais contre toute attente, ce brouhaha ne fut pas
stoppé. D’habitude, nous aurions très rapidement entendu un
« Silence ! » de la part d’un des adultes présents ; mais
ce midi, on nous laissait parler à volonté. Décidément, j’étais ravie que le
boss de la Fondation soit présent !
Monsieur Éric.
L’ensemble
du personnel répondit présent à 13h30 dans notre salle de réunion. Adrian
Farlane avait tenu à passer un coup de fil à chaque employé ayant été renvoyé
par son « Georgie » et les avait convoqués à cette dite réunion.
Tous avaient fait le maximum pour être présents ; pour ceux qui étaient
rentrés dans leur région d’origine, trop lointaine pour une réunion de dernière
minute, Adrian Farlane leur avait annoncé ce qu’il comptait faire par
téléphone.
- Je vous remercie tous
et toutes d’être présents, dit le vieillard. En premier lieu, je tenais à vous
présenter mes plus plates excuses concernant le comportement inqualifiable de
mon fils George. Je voudrais vous redire la confiance que je porte à chacun d’entre
vous, et plus particulièrement à Éric qui gère ce Pensionnat d’une main de
maître. Une main de fer dans un gant de velours, c’est exactement ce qu’il faut
à nos pensionnaires !
En deuxième lieu, je
souhaite sans plus attendre redonner leur poste à ceux qui l’ont perdu. Que ce
soient les anciens employés ou les nouveaux, vous garderez tous votre poste !
Je vous dirai comment un peu plus loin.
Je m’assis dans un fauteuil en laissant mon
patron déballer son discours. Il se lança ensuite à annoncer les changements qui
étaient gardés et ceux étaient révoqués :
- J’ai signé ce midi un
devis pour rénover les bâtiments D et E. Ils seront comme neufs pour la reprise
après les vacances de Noël. Cela nous permettra d’accueillir dix-huit nouvelles
pensionnaires afin que tout le monde puisse garder son poste.
- Nous allons passer de
cinquante-deux à soixante-dix pensionnaires ?! s’exclama Madame Coralie.
Vous ne trouvez pas que nous sommes assez débordés comme ça ?
- Dans ce cas, Madame, je
vous demande de vous tourner vers vos collègues et de décider avec elles celles
d’entre vous qui vont perdre leur poste ! rétorqua Adrian sans se démonter.
Puisque j’ai décidé de réembaucher ceux qui avaient été injustement renvoyés,
nous avons désormais un surplus de personnel. Il nous faut donc augmenter le
nombre d’élèves. Etant donné qu’il y a quatre-vingt-dix-sept jeunes filles sur
liste d’attente, cela ne sera pas un problème.
- Nous ne sommes que
mi-novembre, intervint Madame Kelly. Vous dîtes que nous allons être au chômage
jusque début janvier ? Comment allons-nous payer nos factures ?
- Pour tous les employés
qui ont été renvoyés par mon fils et réembauchés par mes soins, je vous rassure :
vous toucherez entièrement votre salaire sans interruption. Vous recevrez
également chacun et chacune une prime de cinq cents euros nets pour le préjudice
moral.
Les employés concernés eurent l’air satisfait.
- Aussi, nous gardons les
cinq membres de la Direction, poursuivit Adrian. De toute manière, Éric avait
besoin de renfort. Je trouve que c’est une bonne idée d’avoir deux Surveillants
Généraux et deux Directeurs-Adjoints.
Nous allons également diviser
les classes. Il n’y aura désormais que dix élèves par classe, chaque classe
correspondant à un dortoir. A titre d’exemple, actuellement la classe de
Terminale Littéraire est composée des pensionnaires dormant aux dortoirs n°2 et
n°3. Dorénavant, il y aura une classe de Terminale L composée du dortoir n°2,
et une classe de Terminale L composée du dortoir n°3. Diviser par deux le nombre
d’élèves par classe va permettre une meilleure prise en charge des élèves. Les
professeurs pourront davantage s’attarder sur les difficultés. De plus, il est
de notoriété publique que plus l’effectif est faible, plus l’ambiance est studieuse.
Je jetai un œil à l’assemblée. La mesure avait
l’air d’être plutôt bien acceptée. Adrian continua :
- Je poursuis sur les
mesures concernant les cours : il est évident qu’aucune punition ne sera
infligée à l’élève ayant la pire note à un contrôle. Plus de bonnet d’âne, plus
de châtiments corporels pour les mauvais résultats. Le but est de comprendre
pourquoi les élèves ayant eu de mauvaises notes ont pêché et comment améliorer
leurs compétences !
Dans le même élan, il
sera désormais interdit à toute personne ne faisant pas partie de la Direction
de lever la main sur l’une des pensionnaires.
Un fort brouhaha s’éleva dans l’assemblée. Cette
annonce créait pas mal de mécontentement !
- Il y a eu trop d’abus !
précisa Adrian en haussant le ton pour couvrir les protestations des mécontents.
Il y a eu beaucoup trop d’abus, d’où le fait que seuls le Directeur, les Directeurs-Adjoints
et les Surveillants Généraux auront le droit d’appliquer une punition corporelle.
Je rappelai une information à Adrian en lui chuchotant
à l’oreille.
- Ah ! s’exclama-t-il.
Éric me rappelle que les parents-référents seront également autorisés à punir
leurs filles-référentes de façon corporelle ou non, selon ce qui leur semblera
le plus judicieux. En parlant des parents-référents, j’annonce qu’il n’y en
aura désormais qu’un seul par élève. Libre à vous de choisir lequel des deux gardera
l’élève à sa charge. Peut-être que l’élève voudra choisir elle-même.
Un brouhaha s’éleva à nouveau. Adrian l’interrompit :
- S’il vous plaît ! Le
vieil homme que je suis ne va pas pouvoir pousser sa voix indéfiniment !
Le calme revint malgré les visages transpirant la protestation.
- Je m’adresse maintenant
aux parents-référents : je vous demande de penser aux parents de la vie courante qui,
en général, aiment leurs enfants et veulent le meilleur pour eux. C’est
exactement ainsi que j’exige que vous agissiez ! Si vous n’affectionnez
pas sincèrement votre fille-référente, je vous demande d’abandonner ce rôle de
parent-référent. En tant que parent-référent, vous vous devez de privilégier l’affection,
la communication et l’écoute. Bien sûr, vous vous devez de poser un cadre à
votre fille, et c’est bien normal ! Mais posez-vous la question : « Pourquoi
a-t-elle commis cette bêtise ? ». Était-ce pour exprimer un mal-être ?
Pour attirer votre attention ?
- Vous nous demandez de faire de l’éducation positive, là ?! s’exclama Madame Bérangère.
- Bien sûr que non !
rétorqua Adrian, légèrement contrarié. Je ne vous interdis pas de ne pas donner
une bonne fessée à votre fille si elle la mérite ; je vous demande de
discerner, et d’apprendre à connaître et comprendre votre fille !
Le vieil homme laissa le personnel discuter
durant une bonne minute puis reprit :
- Pour tous, je souhaite
donc que vous privilégiiez la communication. Même pour vous les professeurs,
vous les Gouvernantes, vous les membres de la Direction. Privilégiez la
communication et la tendresse ! Nos pensionnaires sont loin de leurs
familles, elles ont cruellement besoin de repères affectifs ! Et si elles
continuent à faire leurs fortes-têtes, privilégiez ensuite la réprimande
verbale, le coin, les lignes. Et si cela ne suffit toujours pas, envoyez-les
alors à la Direction si vous n’êtes pas parent-référent. Mais je peux vous
assurer que la plupart des bêtises que vous avez sanctionnées par une
déculottée en public ces dernières semaines auraient pu être simplement punies
par une demi-heure au coin.
- Et vous pensez vraiment
que cela les aurait calmées ? s’étonna Madame Valérie.
- Peut-être pas pour des
cas comme Abigaëlle ou Mathilde mais pour la plupart des pensionnaires, ça aurait
amplement suffit ! décréta le père Farlane.
Cette fois-ci, je dus intervenir pour rétablir
le silence. Puis, Adrian reprit :
- Je vous demande donc, à
partir de maintenant, de respecter le protocole suivant : réprimande verbale,
puis coin si récidive, puis lignes si nouvelle récidive, puis envoi chez l'un des
deux Surveillants Généraux si récidive une nouvelle fois. Ce protocole s’applique
à toutes les bêtises, sauf en ce qui concerne l’insolence ou un manque de
respect quelconque. Dans ce cas-là, un envoi dans le couloir de la Direction
est nécessaire et immédiat.
- Et en cas de grosse
bêtise ? demanda Monsieur Alexandre. Par exemple une tentative de fugue ?
- Dans ce cas, envoyez-moi
l’élève directement ! affirmai-je.
Adrian termina ses annonces et répondit aux éventuelles
questions avant de libérer le personnel.
Clémence.
Mon
cours de piano annulé, je décidai d’aller flâner avec Mathilde, Lucille,
Noémie, Jessica, Pauline et Florentine. Nous nous promenâmes un peu dans le
parc avant de nous rendre dans une des deux salles de détente pour faire des
jeux de société.
Pendant une heure et demie, tout le personnel
était en réunion. Cela laissait place à tellement, tellement de
possibilités ! Faire le mur pour aller en ville, aller prendre un bain
dans la salle de bains des gouvernantes, taguer les murs, braquer la salle des
profs pour espérer trouver les futurs contrôles… Mais nous n’en fîmes rien.
Durant cette heure et demie sans surveillance, chacune des cinquante-deux
pensionnaires se tint correctement. C’était peut-être par crainte des
représailles…
Mes
amies et moi ne nous arrêtâmes de jouer que pour prendre la collation qui nous
est proposée tous les jours à dix-sept heures. Cette collation est non
obligatoire mais nous pouvons en profiter si nous le souhaitons. Aujourd’hui,
nous avions chacune droit à une crêpe faite maison et
une portion de salade de fruits.
Le goûter avalé, nous nous rendîmes dans le
réfectoire pour entendre les annonces de Monsieur Adrian. Nous étions
surexcitées, persuadées que notre vie allait s’améliorer.
- ... Ces annonces prennent
effet immédiatement, termina Adrian Farlane. Je vous souhaite à toutes une
bonne soirée, Mesdemoiselles.
Nous sortîmes du réfectoire, ravies !
Enfin !! Fini les punitions abusives ! Je sentais que mes fesses
allaient pouvoir guérir tranquillement sans autre représaille ! Il ne me
manquait plus qu'à me tenir à carreaux !
Seulement, je ne savais pas que la soirée allait dégénérer. Le nouveau plan d’Adrian Farlane allait être mis à
rude épreuve !
A suivre…
Dans la famille Farlane on ne peut pas dire ''tel père tel fils'' !
RépondreSupprimerGeorges le sadique chassé à coups de canne par son père, 👏 quel bonheur !
Voilà Mr Éric vengé 👍
Oh là là, encore un sacré chamboulement dans l'organisation du pensionnat !!!
Pas sûr que les filles s'assagissent avec ces nouvelles règles ?? 🤔 d'ailleurs ....???
J'ai vraiment hâte de savoir ce qui s'est passé ???
En tout cas, j'espère que Clémence et Mathilde ne seront pas séparées et que Mr John les gardera comme filles-référentes 🙏🙏🙏