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Journal d'une étudiante accueillie. - Chapitre 94

 


       Nous étions dans la file d’attente d’un de mes manèges préférés – Peter Pan – lorsqu’Ana s’adressa à nos parents :

-    Au fait, je veux une peluche de Stitch avant qu’on reparte demain soir.

-    Oh, et avec quel argent vas-tu l’acheter ? demanda papa en haussant les sourcils.

-    Le vôtre, bien entendu ! répondit Anaïs sur le ton de l’évidence. Vous nous avez bien amenés ici pour qu’on passe un super week-end, non ? Eh bien c’est l’occasion de me faire encore plus plaisir !

-    Tu ne penses pas que tu abuses un peu, là ? demanda Louise qui affichait des yeux ronds depuis son fauteuil roulant.

-    Oh, tais-toi ! lui lança Ana. On ne t’a rien demandé !

-    Non, c’est toi qui vas te taire ! intervins-je avant que mes parents puissent répliquer. Papa et maman nous ont déjà gâtés en nous amenant ici et en nous offrant des Pass Annuels ! Et toi, tu leur réclames encore quelque chose ?! Avec ce qu’on a fait hier, tout ce que tu devrais faire, et qu’on devrait tous faire, c’est profil bas ! Non mais il t’arrive quoi, au juste ?! Tu vas me dire que tu ne culpabilises pas ?! Sérieusement ?!

Anaïs se tut instantanément, n’osant pas me répondre quoique ce soit devant Michael et Scarlett. Néanmoins, un silence tendu suivit ma tirade et je fus bien contente que la file d’attente pour handicapés soit beaucoup plus courte que la classique.

 

       Quelques manèges plus tard, prétextant m’emmener aux toilettes, Anaïs ne put s’empêcher de mettre les points sur les « i » avec moi :

-    Ecoute-moi bien, Marie ! J’ai papa et maman dans la poche en ce moment et je compte bien en profiter !

-    Tu les as dans la poche ? m’étonnai-je en m’étouffant presque de rire. C’est vrai que tu n’as pas pris une volée magistrale devant tous nos amis et ton précieux Kenny hier soir…

-    Certes, mais avec tout ce que je leur ai balancé à la tronche, j’aurais dû prendre beaucoup plus cher que ça !

-    Je crois me souvenir que papa a dit qu’il « reparlerait très vite » avec toi « de ton insolence et de ta tenue ». Mais peut-être que ma mémoire me joue des tours…

-    Justement, papa a dit : « Très vite ! » ! précisa Ana. S’il avait toujours l’intention de le faire, ce serait déjà tombé depuis longtemps !

-    Il ne va quand même pas te faire la misère alors qu’on est à Disneyland, dis-je à ma sœur comme si elle était soudain dépourvue de toute logique. Attends un peu de voir lorsqu’on rentrera à la maison demain soir !

-    Pour le moment, j’ai une brèche alors j’en profite, insista Anaïs qui demeurait on ne peut plus butée. Je veux ma peluche Stitch.

-    Ne pousse pas trop, Ana… conseillai-je à mi-voix.

-    Mêle-toi de ton cul ! m’éructa-t-elle. Et au fait, tu n’as plus intérêt à me parler comme tu l’as fait tout à l’heure dans la file d’attente de Peter Pan !

-    Ouais, c’est ça ! dis-je en décidant de laisser tomber.

 

Nous passâmes le reste de la journée dans une ambiance on ne peut plus agréable et féérique. Même si Anaïs continuait de se comporter comme une petite peste à laquelle tout était dû, je décidai sur les bons conseils de Louise de ne pas m’en mêler et de faire abstraction, me disant que papa et maman gèreraient la situation.

Le problème, c’était que Michael et Scarlett ne géraient rien du tout. Ils laissaient Anaïs faire ses caprices sans la reprendre, sans même ouvrir la bouche. Ils faisaient comme si elle n'existait pas. S’ils ne cédèrent pas lorsque ma sœur voulut les obliger à acheter à peu près cent cinquante euros de souvenirs, ils ne lui firent néanmoins aucune réflexion. Louise, Mayeul et moi n’osions pas leur demander le pourquoi de ce silence ; nous préférions profiter de la journée sans nous occuper d’Anaïs qui avait perdu quinze ans d’âge mental.

Il fallut attendre le repas du soir pour qu’ils réagissent enfin. Nous étions à table au restaurant et l’ambiance était plutôt détendue : nous parlions chacun de la journée et des moments que nous avions préférés. Lorsque le serveur arriva pour prendre la commande des desserts, Ana insista pour en prendre deux.

-    Si tu en prends deux, tu n’auras pas le temps de les finir et nous serons en retard pour le spectacle d’illuminations, expliqua calmement papa.

Ana eut très envie d’insister mais Michael soutint son regard sans ciller, finissant par la faire plier. Lorsque le serveur s’en alla, papa s’adressa à Anaïs d’une voix calme mais froide et ferme :

-    Anaïs, jusqu’à maintenant ta mère et moi n’avons rien dit pour ne pas entacher l’ambiance du week-end. Si tu as décidé de mal te comporter, cela ne doit nullement impacter le séjour de tes frère et sœurs. En revanche, tu te doutes bien que nous n’en resterons pas là. Nous reparlerons de ton insolence et de ta tenue d’hier soir en rentrant à la maison dans la soirée de demain, et avec ton comportement d’aujourd’hui, tu as fortement aggravé ton cas. Je te conseille donc, pour éviter d’être punie durant toute la semaine prochaine, de changer drastiquement d’attitude dès maintenant et ce, jusqu’à la fin du week-end. J’espère que tu appliqueras mon conseil, Anaïs. Je l’espère vraiment pour toi.

Michael n’avait pas parlé très fort et avec le bruit ambiant, il n'aurait pas été très difficile de ne pas entendre la réplique paternelle dans son intégralité. Cependant, j’étais certaine que toute la famille avait parfaitement ouï ce que mon père avait dit ; et lorsque je vis le visage d’Anaïs devenir aussi rouge qu’une tomate, je compris que ma sœur prenait enfin conscience de la situation. On aurait dit qu’elle découvrait qui étaient ses parents d’accueil ! Et elle qui avait cru « les avoir dans la poche » ! Je dus m’empêcher d’éclater de rire à cette simple pensée.

 

       Le spectacle de sons et lumières projeté sur le château fut vraiment mon moment favori de la journée. Louise et moi le passâmes nos têtes collées l’une contre l’autre. Derrière nous, Mayeul et Anaïs se tenaient chacun de leur côté, les mains dans les poches. Michael avait enlacé dans ses grands bras chauds et musclés sa femme qui se tenait devant lui. Mathieu ne m’avait jamais autant manqué. J’avais eu beau l’avoir retrouvé la veille, mon corps tout entier ressentait ce manque de lui qui me déchirait tant le cœur.

Mes parents biologiques me manquaient également beaucoup. Et mon petit frère… C’était un déchirement d’être constamment loin d’eux.

 

       Nous rentrâmes à l’hôtel avec des étoiles dans les yeux. Cette journée dans le parc principal était juste parfaite – en omettant bien sûr, le comportement puéril de ma sœur ! – et j’avais hâte de vivre la journée de demain dans le deuxième parc.

 

       Nous nous couchâmes dans nos lits superposés – je n’étais pas contente d’hériter du lit du bas mais papa et maman refusaient que je fournisse le moindre effort en grimpant à l’échelle ! – et Ana venait tout juste de se coucher dans le lit au-dessus du mien lorsque maman vint nous border.

-    Tu as bien entendu ce que ton père t’a dit durant le dîner ? demanda Scarlett à Anaïs.

-    Oui, répondit-elle.

-    Alors tâche de t’en souvenir et de mieux te comporter demain. Bonne nuit, Ana chérie.

Puis, après avoir fait un bisou à ma sœur, ma mère descendit de l’échelle et se pencha sur mon lit. Elle prit le comprimé et le verre d’eau qui étaient posés sur ma table de nuit et me les tendit. J’avalai mon médicament et m’allongeai. Scarlett jeta un œil à mes différentes plaies et fut apparemment satisfaite. Puis, elle me caressa les cheveux en me regardant tendrement.

-    Je suis vraiment désolée pour hier soir, maman, lui chuchotai-je, les larmes me montant à nouveau aux yeux. Si je pouvais changer le passé, je le ferais.

-    Chut, arrête d’y penser, mon cœur. C’est vers l’avenir qu’il faut regarder, pas vers le passé.

-    Mais je m’en veux tellement ! Je voudrais trouver un moyen de me racheter…

-    Ne recommence pas, et le rachat dont tu parles sera acté. Mais en ce qui nous concerne ton père et moi, tu es déjà pardonnée.

Je lui souris timidement.

-    Puis-je te poser une question avant que nous enfermions cette mésaventure aux oubliettes ? m’interrogea ma mère avant que j’acquiesce d’un signe de tête. Qui a eu l’idée de cette fête ?

-    C’est moi, répondis-je en continuant de chuchoter. Anaïs et moi l’avons décidé toutes les deux dans sa chambre, mais c’est avant tout moi qui l’ai proposée. Louise et Mayeul n’ont fait que nous suivre. Si papa veut me punir d’avoir eu l’idée, je…

-    Chut, Marie chérie, intervint ma mère en me caressant à nouveau les cheveux. Maintenant que j’aie eu ma réponse, n’en parlons plus et oublions cette histoire.

Ne tenant plus, je fondis à nouveau en larmes.

-    Oh ma puce ! gémit maman en s’allongeant dans mon lit à mes côtés. Chuuuut… Calme-toi…

-    Je suis tellement désolée, maman ! pleurai-je.

-    Je sais, ma chérie, nous ne sommes plus fâchés ! Oh, mon p’tit cœur…

Scarlett resta allongée à côté de moi à me caresser les cheveux jusqu’à ce que je me calme. Terrassée par la culpabilité, je ne m’endormis qu’après avoir bien pleuré dans les bras de ma mère d’accueil.

 

A suivre…

Commentaires

  1. Beau moment de tendresse entre Scarlett et l'hyper émotive Marie 😊🥰
    Il n'en va pas de même pour Anaïs qui n'a vraiment pas fait le bon choix pour se racheter 😒 la voilà maintenant fixée sur son sort ! Elle a quand-même droit à un rappel au moment du coucher ... et ... au bisou de maman 😚 ...va-t-elle enfin faire amende honorable ? ( j'ai toujours un petit pincement au coeur pour elle 😚😉)
    Marie va-t-elle continuer à être exemplaire ?
    vite, vite la suite 🙏

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