Nous
étions dans la file d’attente d’un de mes manèges préférés – Peter Pan – lorsqu’Ana
s’adressa à nos parents :
-
Au
fait, je veux une peluche de Stitch avant qu’on reparte demain soir.
-
Oh,
et avec quel argent vas-tu l’acheter ? demanda papa en haussant les sourcils.
-
Le
vôtre, bien entendu ! répondit Anaïs sur le ton de l’évidence. Vous nous avez
bien amenés ici pour qu’on passe un super week-end, non ? Eh bien c’est l’occasion
de me faire encore plus plaisir !
-
Tu
ne penses pas que tu abuses un peu, là ? demanda Louise qui affichait des
yeux ronds depuis son fauteuil roulant.
-
Oh,
tais-toi ! lui lança Ana. On ne t’a rien demandé !
-
Non,
c’est toi qui vas te taire ! intervins-je avant que mes parents puissent
répliquer. Papa et maman nous ont déjà gâtés en nous amenant ici et en nous
offrant des Pass Annuels ! Et toi, tu leur réclames encore quelque
chose ?! Avec ce qu’on a fait hier, tout ce que tu devrais faire,
et qu’on devrait tous faire, c’est profil bas ! Non
mais il t’arrive quoi, au juste ?! Tu vas me dire que tu ne culpabilises
pas ?! Sérieusement ?!
Anaïs se tut instantanément, n’osant pas me
répondre quoique ce soit devant Michael et Scarlett. Néanmoins, un silence
tendu suivit ma tirade et je fus bien contente que la file d’attente pour
handicapés soit beaucoup plus courte que la classique.
Quelques
manèges plus tard, prétextant m’emmener aux toilettes, Anaïs ne put s’empêcher
de mettre les points sur les « i » avec moi :
-
Ecoute-moi
bien, Marie ! J’ai papa et maman dans la poche en ce moment et je compte
bien en profiter !
-
Tu
les as dans la poche ? m’étonnai-je en m’étouffant presque de rire. C’est
vrai que tu n’as pas pris une volée magistrale devant tous nos amis et ton
précieux Kenny hier soir…
-
Certes,
mais avec tout ce que je leur ai balancé à la tronche, j’aurais dû prendre beaucoup
plus cher que ça !
-
Je
crois me souvenir que papa a dit qu’il « reparlerait très vite » avec
toi « de ton insolence et de ta tenue ». Mais peut-être que ma
mémoire me joue des tours…
-
Justement,
papa a dit : « Très vite ! » ! précisa Ana. S’il avait
toujours l’intention de le faire, ce serait déjà tombé depuis longtemps !
-
Il
ne va quand même pas te faire la misère alors qu’on est à Disneyland, dis-je à
ma sœur comme si elle était soudain dépourvue de toute logique. Attends un peu
de voir lorsqu’on rentrera à la maison demain soir !
-
Pour
le moment, j’ai une brèche alors j’en profite, insista Anaïs qui demeurait on ne
peut plus butée. Je veux ma peluche Stitch.
-
Ne
pousse pas trop, Ana… conseillai-je à mi-voix.
-
Mêle-toi
de ton cul ! m’éructa-t-elle. Et au fait, tu n’as plus intérêt à me parler
comme tu l’as fait tout à l’heure dans la file d’attente de Peter Pan !
-
Ouais,
c’est ça ! dis-je en décidant de laisser tomber.
Nous passâmes le reste de la journée dans une
ambiance on ne peut plus agréable et féérique. Même si Anaïs continuait de se
comporter comme une petite peste à laquelle tout était dû, je décidai sur les bons
conseils de Louise de ne pas m’en mêler et de faire abstraction, me disant que
papa et maman gèreraient la situation.
Le problème, c’était que Michael et Scarlett ne
géraient rien du tout. Ils laissaient Anaïs faire ses caprices sans la
reprendre, sans même ouvrir la bouche. Ils faisaient comme si elle n'existait pas. S’ils ne cédèrent pas lorsque ma sœur voulut
les obliger à acheter à peu près cent cinquante euros de souvenirs, ils ne lui
firent néanmoins aucune réflexion. Louise, Mayeul et moi n’osions pas leur
demander le pourquoi de ce silence ; nous préférions profiter de la journée
sans nous occuper d’Anaïs qui avait perdu quinze ans d’âge mental.
Il fallut attendre le repas du soir pour qu’ils
réagissent enfin. Nous étions à table au restaurant et l’ambiance était plutôt
détendue : nous parlions chacun de la journée et des moments que nous
avions préférés. Lorsque le serveur arriva pour prendre la commande des
desserts, Ana insista pour en prendre deux.
-
Si
tu en prends deux, tu n’auras pas le temps de les finir et nous serons en
retard pour le spectacle d’illuminations, expliqua calmement papa.
Ana eut très envie d’insister mais Michael
soutint son regard sans ciller, finissant par la faire plier. Lorsque le
serveur s’en alla, papa s’adressa à Anaïs d’une voix calme mais froide et ferme :
-
Anaïs,
jusqu’à maintenant ta mère et moi n’avons rien dit pour ne pas entacher l’ambiance
du week-end. Si tu as décidé de mal te comporter, cela ne doit nullement
impacter le séjour de tes frère et sœurs. En revanche, tu te doutes bien que
nous n’en resterons pas là. Nous reparlerons de ton insolence et de ta tenue d’hier
soir en rentrant à la maison dans la soirée de demain, et avec ton comportement
d’aujourd’hui, tu as fortement aggravé ton cas. Je te conseille donc, pour
éviter d’être punie durant toute la semaine prochaine, de changer drastiquement
d’attitude dès maintenant et ce, jusqu’à la fin du week-end. J’espère que tu
appliqueras mon conseil, Anaïs. Je l’espère vraiment pour toi.
Michael n’avait pas parlé très fort et avec le
bruit ambiant, il n'aurait pas été très difficile de ne pas entendre la réplique
paternelle dans son intégralité. Cependant, j’étais certaine que toute la
famille avait parfaitement ouï ce que mon père avait dit ; et lorsque je vis
le visage d’Anaïs devenir aussi rouge qu’une tomate, je compris que ma sœur prenait
enfin conscience de la situation. On aurait dit qu’elle découvrait qui étaient
ses parents d’accueil ! Et elle qui avait cru « les avoir dans la
poche » ! Je dus m’empêcher d’éclater de rire à cette simple pensée.
Le spectacle
de sons et lumières projeté sur le château fut vraiment mon moment favori de la
journée. Louise et moi le passâmes nos têtes collées l’une contre l’autre.
Derrière nous, Mayeul et Anaïs se tenaient chacun de leur côté, les mains dans
les poches. Michael avait enlacé dans ses grands bras chauds et musclés sa femme
qui se tenait devant lui. Mathieu ne m’avait jamais autant manqué. J’avais eu
beau l’avoir retrouvé la veille, mon corps tout entier ressentait ce manque de
lui qui me déchirait tant le cœur.
Mes parents biologiques me manquaient également
beaucoup. Et mon petit frère… C’était un déchirement d’être constamment loin d’eux.
Nous
rentrâmes à l’hôtel avec des étoiles dans les yeux. Cette journée dans le parc
principal était juste parfaite – en omettant bien sûr, le comportement puéril
de ma sœur ! – et j’avais hâte de vivre la journée de demain dans le
deuxième parc.
Nous
nous couchâmes dans nos lits superposés – je n’étais pas contente d’hériter du
lit du bas mais papa et maman refusaient que je fournisse le moindre effort en
grimpant à l’échelle ! – et Ana venait tout juste de se coucher dans le lit au-dessus
du mien lorsque maman vint nous border.
- Tu as bien entendu ce
que ton père t’a dit durant le dîner ? demanda Scarlett à Anaïs.
- Oui, répondit-elle.
- Alors tâche de t’en
souvenir et de mieux te comporter demain. Bonne nuit, Ana chérie.
Puis, après avoir fait un bisou à ma sœur, ma
mère descendit de l’échelle et se pencha sur mon lit. Elle prit le comprimé et
le verre d’eau qui étaient posés sur ma table de nuit et me les tendit. J’avalai
mon médicament et m’allongeai. Scarlett jeta un œil à mes différentes plaies et
fut apparemment satisfaite. Puis, elle me caressa les cheveux en me regardant
tendrement.
- Je suis vraiment désolée
pour hier soir, maman, lui chuchotai-je, les larmes me montant à nouveau aux
yeux. Si je pouvais changer le passé, je le ferais.
- Chut, arrête d’y penser,
mon cœur. C’est vers l’avenir qu’il faut regarder, pas vers le passé.
- Mais je m’en veux
tellement ! Je voudrais trouver un moyen de me racheter…
- Ne recommence pas, et le
rachat dont tu parles sera acté. Mais en ce qui nous concerne ton père et moi, tu
es déjà pardonnée.
Je lui souris timidement.
- Puis-je te poser une
question avant que nous enfermions cette mésaventure aux oubliettes ? m’interrogea
ma mère avant que j’acquiesce d’un signe de tête. Qui a eu l’idée de cette fête ?
- C’est moi, répondis-je
en continuant de chuchoter. Anaïs et moi l’avons décidé toutes les deux dans sa
chambre, mais c’est avant tout moi qui l’ai proposée. Louise et Mayeul n’ont
fait que nous suivre. Si papa veut me punir d’avoir eu l’idée, je…
- Chut, Marie chérie, intervint
ma mère en me caressant à nouveau les cheveux. Maintenant que j’aie eu ma
réponse, n’en parlons plus et oublions cette histoire.
Ne tenant plus, je fondis à nouveau en larmes.
- Oh ma puce ! gémit
maman en s’allongeant dans mon lit à mes côtés. Chuuuut… Calme-toi…
- Je suis tellement
désolée, maman ! pleurai-je.
- Je sais, ma chérie,
nous ne sommes plus fâchés ! Oh, mon p’tit cœur…
Scarlett resta allongée à côté de moi à me
caresser les cheveux jusqu’à ce que je me calme. Terrassée par la culpabilité,
je ne m’endormis qu’après avoir bien pleuré dans les bras de ma mère d’accueil.
A suivre…
Beau moment de tendresse entre Scarlett et l'hyper émotive Marie 😊🥰
RépondreSupprimerIl n'en va pas de même pour Anaïs qui n'a vraiment pas fait le bon choix pour se racheter 😒 la voilà maintenant fixée sur son sort ! Elle a quand-même droit à un rappel au moment du coucher ... et ... au bisou de maman 😚 ...va-t-elle enfin faire amende honorable ? ( j'ai toujours un petit pincement au coeur pour elle 😚😉)
Marie va-t-elle continuer à être exemplaire ?
vite, vite la suite 🙏