Samedi 11 janvier 2020
- Maman, est-ce que je…
enfin… tu vois, y’a ma copine Justine qui demande si je peux aller chez elle et
euh… enfin, c’est elle qui demande, hein ! Et euh… en fait, si…
- Marie Noémie Juliette
Webber : es-tu réellement en train de me demander si tu peux sortir ?!
- Ben… C’est juste que…
- Ecoute-moi bien ma
fille, et écoute-moi attentivement parce que je ne le répéterai
pas : si tu oses encore me demander de sortir avec des amis alors que tu
es privée de sortie durant les six prochains mois, je te flanque une
fessée ! C’est compris ?!
- Oui maman,
grommelai-je.
- Je pense que tu as
assez mal aux fesses comme ça ! Je me trompe ?
Je ne répondis pas et retournai dans ma
chambre. Même si l’état de mon derrière s’était considérablement amélioré durant la
nuit, il n’empêche que je venais de recevoir trois fessées en trois jours et
qu’il était hors de question d’en recevoir une nouvelle.
Ayant un gros coup de blues face à tant
d’interdits, tant de punitions, tant de frustrations à gérer, je m’allongeai
sur mon lit et éclatai en sanglots. Je me sentais la plus malheureuse du monde !
Je n’arrivais pas à relativiser et je n’en avais d’ailleurs aucune envie. Je
voulais penser que personne au monde n’était plus malheureux que moi, parce que
j’étais punie et que je ne pouvais pas sortir avec mes amis.
Il y a encore cinq mois, je pouvais faire tout
ce que je voulais ! Avant l’application de cette fichue réforme, j’étais
libre, avec des parents qui ne me prenaient pas la tête, qui n’auraient jamais
osé ne serait-ce que d’hausser le ton envers moi. Je pouvais sortir, puis
rentrer à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Mathieu et moi nous
voyions tous les jours. Je passais du temps avec mon p’tit frère, je pouvais
l’emmener en promenade, lui apprendre à faire du vélo…
Bref, il y a encore cinq mois, j’avais une vie.
Une vraie vie.
Depuis l’arrivée de cette fichue réforme, tout
avait changé. J’avais été brutalement séparée de ma famille biologique, j’étais
arrivée dans une famille d’accueil qui me flanquait des fessées à tout bout de
champ comme si j’avais cinq ans, puis dans une autre encore plus sévère.
J’étais dans une école de bonnes sœurs. Je faisais partie d’une fratrie
nombreuse. J’étais privée de sortie. Privée de sortie ! Moi ! Il y a
encore cinq mois, j’aurais bien ri à cette idée !
Il y a cinq mois, j’avais dix-huit ans.
Aujourd’hui, j’en avais huit. Bienvenue dans le multivers.
- A table !
entendis-je alors que je tentais de sécher mes larmes.
Prisonnière de cette cellule dorée, je me
calmai du mieux que je pus et allai manger. Si j’avais prétendu ne pas avoir
faim – ce qui était la vérité ! – Michael et Scarlett se seraient fâchés,
pensant que j’étais encore capricieuse. Il me fallait donc obéir pour ne pas
recevoir une nouvelle fessée.
Comment faisaient les personnes qui avaient été
élevées ainsi ? Comment pouvait-on imposer l’obéissance à son enfant, sans
tenir compte de ses envies ou désirs ?! Comment pouvait-on menacer son
enfant d’une fessée s’il n’obéissait pas ? Lui aussi avait droit à son
libre-arbitre ! Lui aussi avait le droit de dire « non » quand
il n’avait pas envie de faire quelque chose ! C’était tellement cruel de
le brimer ainsi en le menaçant de lui infliger cette insoutenable torture
qu’est une fessée !
Je n’étais vraiment pas née à la bonne époque.
J’étais certaine que dans quelques décennies, les parents qui frapperaient
leurs enfants seraient emprisonnés à perpétuité, et cela serait on ne peut plus
normal !
- Cette après-midi, nous
allons rendre visite à Nolan, nous annonça papa. Tâchez de vous tenir
correctement.
- On est obligés d’y
aller ? demandai-je.
- Oui, répondit Michael.
Tout le monde y va.
Je soufflai d’agacement, mes parents ne
relevèrent pas.
Du moins, pas tout de suite.
Lorsque
la table fut débarrassée, je me lavai les mains et remontai dans ma chambre. A
peine m’étais-je affalée sur mon lit que l’on frappa à la porte :
- Je ne veux voir personne !!
grondai-je.
La porte s’entrouvrit tout de même, laissant
apparaître le visage de ma mère.
- Marie, il faut qu’on
parle. Je peux entrer ?
- C’est ta maison, fais
ce que tu veux, répondis-je sèchement.
Ma mère vint s’asseoir sur mon lit et rabattit délicatement
une de mes mèches rebelles derrière mon oreille.
- Qu’est-ce qui se passe,
ma chérie ? Toi qui es notre petit soleil du quotidien, tu es toute triste
aujourd’hui !
- Il faut croire qu’il y
a des nuages, grommelai-je.
- Et que représentent ces
nuages ?
Je me tus.
- Mon p’tit cœur, tu sais
très bien que je vais rester ici jusqu’à ce que je sache ce qui ne va pas.
- Je n’ai pas envie de
parler !
- D’habitude, tu…
- Oui ben aujourd’hui, ce
n’est pas comme d’habitude, voilà !!!
Je vis que Scarlett prenait sur elle. « D’habitude »,
elle n’aurait pas permis que je lui parle sur ce ton. Après avoir soupiré, elle
reprit :
- Calme-toi Marie. Tu
sais très bien que cela me fait de la peine de te voir comme ça. Je ne peux pas
te laisser dans cet état.
- Maman, je n’ai pas
envie de parler.
- Bon d’accord, admit ma
mère devant mon étonnement le plus total.
Elle se leva et ouvrit mon dressing, duquel elle
sortit un soutien-gorge de sport, un débardeur et un jogging.
- Qu’est-ce que tu fais ?
lui demandai-je.
- Tu ne veux pas parler,
parfait. Mais il faut que tu extériorise d’une façon ou d’une autre. Alors tu
enfiles ça. Je t’attends dans la salle de sport dans cinq minutes.
- Maman…
- Pas de discussion !
Aller hop, hop, hop !
Cinq minutes plus tard,
j’étais habillée et je rejoignais ma mère qui elle aussi s’était changée. Elle avait
également attaché ses beaux et longs cheveux blonds en une magnifique queue de
cheval. Elle était vraiment canon. Et c’était injuste. La nature était injuste.
Ma mère ressemblait à une déesse grecque. A côté d’elle, j’avais juste l’air d’être
un gros tas. Scarlett devait se faire détester et jalouser de quatre-vingt-quinze
pourcents des nanas qu’elle croisait.
Maman m’aida à enfiler
des gants de boxe, puis elle enfila à son tour un casque de boxe (avec lequel
elle était toujours aussi belle !), et des boucliers. Puis, elle m’ordonna :
- Aller, frappe-moi.
- T’es dingue !
réagis-je.
- Frappe-moi, je te dis !
Ça va te faire du bien.
- Maman, je ne peux pas
te frapper ! Ça ne va pas, la tête ?
- Marie, tu as déjà pratiqué
la boxe, ou un autre sport de combat ?
- Non.
- Moi oui. J’en ai fait à
très, très haut niveau. Tu n’as pas à t’inquiéter. Avant que tu me fasses mal, il
va se passer pas mal de temps !
- Mais maman, sans
vouloir te vexer, tu es toute mince ! Moi, je suis une baleine à côté de
toi ! Je vais te blesser très rapidement !
- On va en reparler dans
quelques secondes. Frappe. Avec tes poings, tes pieds, peu importe. Frappe. Et
puisque nous venons de sortir de table, préviens-moi si tu as mal au ventre à
un quelconque moment, d’accord ?
Je commençai alors à obéir, à contrecœur. Effectivement,
ma mère tenait très bien sur ses appuis et parait tous mes coups, ce qui était
assez époustouflant. Elle me dit même :
- Frappe plus fort !
Aller ! Toute la colère et la tristesse que tu ressens, mets-les dans tes
coups !
Je me défoulai comme jamais je m’étais
défoulée. Je frappai encore, et encore, et encore, jusqu’à ce que le souffle me
manque, jusqu’à ne plus en pouvoir.
- J’ai… besoin… d’une…
pause…
- D’accord, je te laisse
trente secondes.
- Trente… secondes ?!
- C’est maintenant qu’il
faut persévérer, lorsque tes forces t’abandonnent. C’est dans la tête !
- Maman, je suis… crevée !
- Justement.
Le deuxième round se fit avec beaucoup moins d’énergie.
Je frappais avec les poings et les pieds mais l’entrain me quittait. Alors que
je frappais, ma mère me demanda :
- Dis-moi après quoi tu
es fâchée !
- Après la réforme !
- Pourquoi ?
- Parce qu’elle m’emprisonne !
répondis-je en arrêtant de frapper.
- Ne t’arrête pas !
Continue ! Imagine que les boucliers représentent cette réforme, et frappe !
Je repris alors les coups.
- Pourquoi elle t’emprisonne,
cette réforme ?
- Parce que je ne peux plus
vivre ma vie ! Je suis redevenue une enfant de huit ans, dépendante de ses
parents, au lieu d’être une adulte libre !
Scarlett attendit que je finisse de frapper, en
m’encourageant à donner tout ce que j’avais. Puis, lorsque je m’arrêtai pour
reprendre ma respiration et boire un peu d’eau, ma mère m’ordonna d’enlever mes
gants tandis qu’elle dépliait un tatami après avoir elle aussi enlevé le
matériel qu’elle portait.
- Contre qui d’autre
es-tu en colère ? me demanda-t-elle lorsque je la rejoignis sur le tatami.
- Papa et toi !
répondis-je.
- Pourquoi ?
- Parce que vous êtes
sévères ! Vous m’interdisez tout ! Vous nous tapez pour nous punir !
On n’a jamais le droit de rien faire avec vous ! C’est l’horreur d’être
votre enfant !
Scarlett prit quelques secondes pour accuser
mes paroles.
- Maman, je… ce n’est pas
ce que je voulais dire ! me ressaisis-je.
- Je sais, dit-elle en se
repositionnant. Bien, essaie de me faire tomber.
- Quoi ?!
- Essaie de me mettre à
terre.
Je tentai de nombreuses fois. De très, très nombreuses
fois : à chaque fois, c’était Scarlett qui me mettait à terre, sans pour
autant me faire mal. Je ne douterai plus jamais de son passé de spécialiste des
arts martiaux !
Alors qu’elle me mettait une énième fois au
sol, Scarlett me demanda :
- Quelle leçon
retiens-tu, Marie ?
- Que tu es très forte en
arts martiaux, répondis-je, essoufflée.
Je décidai d’ailleurs de rester au sol. Je n’avais
plus la force de me relever.
- Et donc, pourquoi
est-ce que je te bats à chaque fois ? me questionna Scarlett.
- Parce que tu es douée au
combat et pas moi, rétorquai-je.
- Exactement. Ces combats
que j’ai gagnés, Marie, cela représente la vie. Tu es jeune, tu as dix-neuf ans
et encore tout à apprendre. Mon rôle de maman, c’est de te protéger, comme je l’ai
fait en te neutralisant sans douleurs. Mon rôle de maman, c’est de te mettre
des stops, comme je l’ai fait en ne te laissant pas me mettre à terre. J’ai la
connaissance, Marie. Pas toi. Je sais ce qui est bon pour toi. Pas toi. Bien
sûr, tu es déjà une jeune femme ; mais tu as encore tout à apprendre. La
façon dont ton père et moi te protégeons est bénéfique pour toi. Tu aurais
préféré que je te laisse te fracturer la clavicule ou un autre membre ?
Je secouai la tête en signe de négation.
- Il en va de même pour
la vie. Je ne veux pas te laisser te faire agresser dans la rue, ou détester de
tes profs parce que tu es insolente, ou quoique ce soit d’autre.
- Mais alors, si c’est
pour mon bien, pourquoi est-ce c’est aussi difficile ?
- Parce que c’est la première
fois de ta vie que tes parents agissent ainsi. Ta famille biologique, si
géniale soit-elle, ne t’a pas imposée le cadre dont tu avais besoin. La frustration
que tu apprends à gérer chez nous en ce moment, tu aurais dû l’apprendre étant
petite. Mais il n’y a pas d’âge pour apprendre, ma chérie. Déteste-nous tant
que tu veux mais il nous est absolument impossible pour ton père et moi d’arrêter
de te protéger.
Je trouvai l’énergie de me relever pour prendre
ma mère dans mes bras et lui dire que j’étais désolée.
- Tout va bien, mon
trésor. You’re my sunshine.
Nous restâmes dans les bras l’une de l’autre
pendant plusieurs minutes, avant que ma mère me dise :
- Allons nous doucher et
nous préparer pour aller chez Nolan.
A suivre…
C'es une nouvelle fois un ''supplice'' de devoir attendre la suite ...
RépondreSupprimerC'est ça la frustration ?
Au lieu de la punition, Scarlett a choisi une approche plus réfléchie pour amener Marie à accepter sa nouvelle vie '😊 et sa frustration du jour . C'est un très beau moment mère/fille où la réflexion fait place à la répression habituelle.
Marie en sortira-t-elle mieux armée 🤔
Quand même, la privation de sorties pendant 6 mois c'est exagéré !
Moi je ne suis pas étonnée de la tristesse de Marie ; c'est le premier week-end sans retour dans sa famille biologique et sans avoir le droit de sortir avec ses amis !
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